Quel bilan faites-vous de votre participation à la mouvance présidentielle ?
A la mouvance présidentielle, nous avons soutenu sans remords Abdoulaye Wade. C’est un acte qu’on avait mûrement réfléchi par rapport à des faits très concrets : les infrastructures. Un pays ne peut pas se développer sans infrastructures. Là-dessus, des actes forts ont été posés. J’ai eu aussi à me préoccuper des problèmes de santé publique, notamment des femmes en milieu rural qui étaient en couche. J’ai eu des réponses positives à ces multiples interpellations. Aujourd’hui, des femmes en couche en milieu rural, pour ne pas dire dans les dix régions du Sénégal sont prises en charge. Depuis 1800 jusqu’à l’avènement de l’alternance, il n’y avait que 26 lycées au Sénégal. De 2004 à 2005, Abdoulaye Wade a inauguré plus d’une quarantaine de lycées. C’était des actes forts. Ensuite, il y a cette idée révolutionnaire ayant enfanté de «la case-des tout-petits», qui permet de donner une chance égale à tous les fils du pays. Notre honnêteté intellectuelle nous avait poussés à soutenir ces actes. Il y avait donc quelque chose qui nous permettait de dire : «Pourquoi pas Abdoulaye Wade ?» Nous l’avons soutenu. Qui plus est, on a fait partie des gens qui ont élaboré le programme, surtout économique du candidat Wade. C’est de ce point de vue que la Direction politique a voulu que j’aille défendre son programme économique au fameux forum de la Cnes (Conseil national des employeurs du Sénégal). Malheureusement, le président du Cnes n’avait pas donné suite, parce que ce sont les candidats qui étaient invités et non pas les mandants. Donc, nous nous sommes complètement impliqués dans la campagne, dans la théorie du programme économique du candidat. Il se trouve qu’une alliance est un compagnonnage qui suppose un cheminement. Vous quittez un point A pour aller à un point B. Mais entre le point A et le point B, il peut arriver qu’il y ait des divergences. A la croisée des chemins, quand on s’est retourné, on n’a plus vu des actes concrets. Donc, nous avons reconsidéré notre soutien et notre participation à cette mouvance présidentielle.
Qu’est-ce qui vous a réellement poussé à quitter la mouvance présidentielle ?
Nous avons constaté que les populations étaient fortement agressées, qu’il y a une détérioration qualitative de leur niveau de vie, l’absence d’emplois chez les jeunes, le pouvoir d’achat qui s’est érodé.
Au delà de ça, y a-t-il des divergences d’ordre politique ?
Oui, des divergences politiques, quant aux orientations. Lorsque le gouvernement libéral dit qu’il n’est pas possible aujourd’hui de subventionner le gaz butane, il y a un problème. Au contraire, dans un pays où 70% de la population vit avec moins 500 francs Cfa par jour, la solidarité active a toute sa raison d’être. Qui plus est, personne ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Il se trouve aujourd’hui que l’Etat du Sénégal a eu à poser des actes tellement impopulaires et tellement gabegiques, que nous en sommes arrivés à cette situation. Non de Dieu, pourquoi les populations devraient payer à la place de l’Etat ? Il ne subventionne plus les produits de base, et pendant ce temps, ils (les membres du gouvernement) sont en parfaite contradiction avec ce qu’ils prônent comme une Muraille verte qui irait de Dakar à Madagascar. Cette décision va poser le problème de la désertification. Nous risquons de perdre le minimum de nos forêts. Et tout le monde sait, dans ce milieu, qui gère des quotas de bois de chauffe. C’est extrêmement grave. Au lieu d’avancer, on recule par rapport à des acquis. Pendant qu’ils ont décidé de supprimer la subvention sur le gaz et les produits de grande consommation, ils ont permis au patronat de gagner huit points de fiscalité. Prenez le cas de la Sonatel : elle fait aujourd’hui un bénéfice de 100 milliards. Or, l’Etat lui avait épargné 8 milliards, parce qu’au lieu de payer 33% sur 100 milliards francs Cfa, elle paye 25%. Il (l’Etat) aurait pu conditionner l’octroi de ces facilités fiscales à la nécessité de prendre en charge le problème du chômage des jeunes. Cet affaissement de la fiscalité n’était pas accompagné de mesures incitatives. Je peux comprendre que l’Etat, comme en France, puisse dire qu’il est grand temps qu’on permette à l’entreprise d’être dans des conditions optimales, d’être compétitive. Encore faudrait-il que les entreprises soient citoyennes et patriotiques. En quoi faisant ? En recrutant des jeunes. Le problème des jeunes est fondamental. La solidarité devrait être une action prioritaire de l’Etat.
A chaque fois qu’il y a un problème, on demande que des efforts soient consentis par les populations et jamais par l’Etat qui, aujourd’hui, ne réduit pas son train de vie. Voilà nos divergences idéologiques. On laisse le marché faire, alors que, aujourd’hui concrètement, à cause de la crise mondiale, des pays qui se réclament du capitalisme sont en train de se réapproprier les actifs publics, d’intervenir carrément dans l’économie en étant un agent économique actif. Pendant ce temps, au Sénégal, on parle de privatisation. Même le Méridien qu’on nous avait donné et dont la privatisation n’est pas pertinente, aujourd’hui, les gens veulent l’amener dans le giron, le portefeuille du privé. Ça me désole. On aurait pu, pour ce cas, faire une concession au repreneur sur 10 ans, 15 ans, parce que l’actif demeura toujours un patrimoine de l’Etat. Comme avec les actions de la Sonatel. Demandez au repreneur de vous donner votre quote-part, de vous donner votre loyer sur 5 ou 10 ans, si vous avez des problèmes d’argents. Mais vouloir annihiler les actifs publics me pose problème.
Qu’est-ce qui se passe pour que gens veillent privatiser pour privatiser ?
Il y a la dette intérieure qui s’élèverait à 170 milliards que l’Etat veut éponger…
170 milliards ? Je ne suis pas d’accord. Il n’y a pas de débat contradictoire. On a entendu Mansour Kama (président du Cnes) dire que c’est plus que cela. Tout comme l’ancien président de l’Umeoa, Moussa Touré, dire que par rapport aux informations qu’il détient, la dette est estimée à plus de 300 milliards francs Cfa. Bizarrement, nous n’entendons le ministre de l’Economie et des Finances que quand ça l’arrange. Mais, lorsqu’il y a des grabuges, c’est toujours quelqu’un d’autre qui paye. Et pour le cas d’espèce, ce sont des lampistes comme Ibrahima Sarr (l’ancien ministre du Budget). Mais lui (Abdoulaye Diop, ministre des Finances), aujourd’hui comptable, l’ordonnateur du budget du Sénégal, j’ai comme l’impression qu’il fait comme Blaise Compaoré : il dort toujours, quand il y a des meurtres. Oui ! Quand il y a des problèmes, il n’est jamais responsable, mais quand il doit engranger des bénéfices, c’est lui qu’on voit. Comment un ministre de l’Economie des Finances peut-il ignorer aujourd’hui des dérapages budgétaires ? Pourquoi il ne pouvait pas le dire, avec ses services directs que sont le Trésor, la Direction de la comptabilité ? Ils ont le portefeuille et le poids de la dette intérieure.
Pour vous, Abdoulaye Diop est plus responsable que Ibrahima Sarr dans cette situation ?
Il est dix mille fois plus responsable, de même que l’ancien Premier ministre (Macky Sall), que Ibrahima Sarr qui n’était qu’un ministre délégué. Je suis député de l’Umeoa et dans les nouvelles dispositions de cette institution sous-régionale, le ministre de l’Economie et des Finances est un véritable patron des Finances, le concepteur et l’ordonnateur du Budget. Alors, il faut savoir prendre ses responsabilités. Je ne suis pas d’accord avec cette manière de gérer. Regardez le cas des emprunts obligataires qui ont été lancés récemment. 22 milliards, on dit que c’est un succès ! Moi, je les aurais placés pour six mois et gagner de l’argent. Il avait la possibilité de rendre ce crédit sur un an ou même sur deux ans. Pourquoi s’endetter pour six mois alors qu’on a la possibilité de le faire sur un an ou deux ans ? Le problème, c’est qu’on est en train de différer les problèmes. Le montage de ce dossier est de 28 milliards de francs Cfa. Le dividende que l’Etat devrait percevoir sur 2009, il pouvait demander à ce qu’on le lui paye aujourd’hui. Mais, il vend des actions pour 20 milliards, alors que ce n’était pas pertinent de le faire tout de suite. Certes, vous avez à gérer un problème. Ensuite, vous prenez sur le marché des emprunts obligataires à 20 milliards, ils (ceux qui prêtent : Ndlr) vous donnent 22 mil-liards et vous dites que c’est un succès, alors que c’est sur six mois. La dernière échéance, vous la payerez le 4 juin 2009. Pourquoi s’endetter et avoir une tension de trésorerie ? Aujourd’hui, le Sénégal va avoir de problèmes.
Vous pensez que le pire est à venir ?
Le pire est à venir par rapport au montage qui a été fait. Pourquoi s’endetter sur six mois, quand on a la possibilité de s’endetter sur un an ? Cela me pose un problème quand on me dit que ces gens sont des financiers. Si la signature du Sénégal est aussi bonne, l’Etat ne s’endettera sur six mois, alors qu’il a déjà mangé les dividendes de la Sonatel qu’il allait recevoir en 2009. Cela veut dire qu’il aura du mal à boucler son budget sur le deuxième de 2009. Ils (les gouvernants) ont pensé pouvoir régler les problèmes en schématisant et en optant pour du court terme et avoir de la liquidité. C’est un problème de Bana Bana et d’épicier. On ne gère pas ainsi une économie. Pendant ce temps, tout le monde constate une raréfaction de l’argent. Aujourd’hui, le crédit inter-bancaire se prête à des taux prohibitifs, plus de 6%. Déjà, le problème de confiance se pose au niveau du système bancaire. A plus forte raison entre les ménages et le système bancaire, entre les entreprises et les systèmes bancaires, mais aussi entre l’investissement direct étranger et le Sénégal. De qui se moque-t-on ? Là où il fallait faire des efforts internes en optant pour le keynésianisme, au niveau de l’activité économique à travers des grands travaux de l’Etat. L’expérience récente dissuade plus d’un d’accompagner cette démarche.
Dès l’instant qu’ils (les membres du gouvernement) sont serrés financièrement, ils sont obligés de faire des contrats, des emprunts sur six mois, donner à nouveau la totalité de nos moyens économiques et politiques au Fonds monétaire et à la Banque mondiale. Comment aujourd’hui, l’Etat du Sénégal, par une volonté politique, pourrait impulser une politique économique des grands travaux, de haute intensité de main-d’œuvre pour que les entreprises puissent gagner de l’argent et reverser de la richesse ? Ça va être compliqué. Quand les entreprises n’ont pas d’argent, les employés n’en ont pas aussi. S’ils n’ont pas d’argent, les commerçants ne pourront pas vendre. Le peu d’argent que le Sénégal gagne à travers les importations de ces commerçants risque, à terme, de se raréfier, pour ne pas dire d’être bloqué. Les commerçants ont d’autres contraintes. Des contraintes avec Dp World qui ne leur accorde plus de facilités comme ils en avaient avant la concession de Dubaï Port World.
Vous avez évoqué la question de la subvention. Mais vous n’êtes pas sans savoir que c’est une recommandation des bailleurs de fonds…
Mais très grave ! Il faut qu’on se dise la vérité : les finances publiques étaient assainies dans ce pays, avant l’alternance. Quelle était la pertinence d’avoir des problèmes avec la Banque mondiale ? C’est là où on attendait Wade. Lui que les (bailleurs de fonds) traitaient de tous les noms d’oiseaux, disait qu’il ne voulait plus d’eux, parce que les finances publiques nous permettaient d’être à l’aise. Mais que s’est-il passé entre ce discours patriotique qui nous avait charmés et aujourd’hui ? Tout simplement que la mal gouvernance s’est installée au niveau des finances publiques surtout. Je n’ai pas de problème personnel avec Abdoulaye Diop, qui est un ami, mais honnêtement, la manière dont les finances sont gérées pose problème.
Vous pensez qu’il doit démissionner ?
En tout cas, aujourd’hui, c’est le gouvernement qui pose problème. A-t-il des moyens de sortir le Sénégal de ces enjeux ? L’argument pour se dédouaner est que ce sont les bailleurs de fonds qui l’ont imposé. Mais les îles du Cap Vert, à 45 minutes de Dakar, n’ont pas pris de programme du Fonds monétaire, de la Banque mondiale, parce que les finances publiques sont très bien gérées. Le Lesotho aussi. L’île Maurice n’en pas besoin. La raison : une bonne gouvernance dans ces trois pays. Pourquoi le Sénégal qui était la fierté de l’Afrique de l’Ouest peut se retrouver dans une telle situation qui permet aujourd’hui à quelqu’un comme le représentant du Fonds monétaire d’être le véritable patron du pays. C’est lui qui tresse des lauriers, sanctionne positivement ou négativement, selon ses amitiés ou non. C’est un scandale ! Alex Segura ne peut même pas être Fondé de pouvoir dans une banque prestigieuse en Espagne. Aujourd’hui, ce bonhomme est en train de s’ériger en véritable patron du Sénégal. Ils (les membres au gouvernement : Ndlr) ont joué avec les finances publiques. Je ne peux pas être d’accord avec l’Etat du Sénégal
Cela veut dire que pour le Psd/Jant bi, un pouvoir ne doit pas signer des engagements avec les institutions de Bretton Woods…
Jamais ! Tout le monde sait que je ne critique pas pour critiquer. Je vous ai parlé tantôt du cadeau fiscal de huit points offert par l’Etat du Sénégal et qui aurait dû être conditionné. J’ai eu à faire des propositions relatives à l’augmentation de la fiscalité sur l’alcool et la cigarette. Ils ont dit qu’ils vont l’augmenter. Mais, depuis lors, rien. Ce qu’on allait y gagner aurait pu nous permettre de continuer de soutenir les denrées de première nécessité. Cela n’a pas été fait parce que, au lieu d’utiliser cet argent et cet excédent que j’avais proposé pour subventionner les secteurs sociaux, ils vont accentuer le déficit qu’ils ont ou le train de vie dispendieux de l’Etat du Sénégal
Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal doit décliner une politique de grands travaux pour donner de l’emploi, des marchés aux entreprises sénégalaises.
Il y a l’autoroute à péage par exemple…
C’est une bonne chose, mais il n’y a pas que ça ! Il fallait avoir une primarisation simultanée, c’est-à-dire mettre l’accent sur la demande sociale. A quoi servent des autoroutes, quand les gens ne peuvent pas les utiliser parce qu’ils ont faim ou n’ont pas de quoi acheter une voiture ? Je ne souhaite pas que le Sénégal soit comme la Corée du Nord où il y a énormément d’immeubles, de gratte-ciels, de ponts, alors que sa population a faim. Voilà ce qui a entraîné aujourd’hui ces mouvements d’humeur que l’on constate aujourd’hui.
Que pensez-vous de la répression des forces de l’ordre contre les populations de Kédougou et qui a entraîné mort d’hommes ?
Rien ne peut justifier une répression pareille, parce qu’il s’agissait de manifestation spontanée, surtout de jeunes. Cette répression était surdimensionnée par rapport à cette requête légitime qu’avaient les jeunes. Il s’agit aujourd’hui d’avoir une dignité pour ceux qui ont un emploi là-bas. Et quel emploi ? Il ne faut pas que l’extraction de l’or soit assimilée à de la traite négrière comme en Rhodésie en Afrique du Sud, etc. Ce que l’on constate, ce sont des blancs qui viennent là-bas qui se comportent comme des roitelets. C’est impensable et inadmissible. Il y a un racisme ouvert qui prévaut là-bas.
Et par rapport à la sortie du ministre de l’Information qui disculpe l’armée ?
C’est scandaleux ! Il doit en tirer toutes les conséquences. On nous fait croire au père Noël en disant que le gosse a été piétiné, alors qu’il est mort d’une balle. C’est très grave ! Ce n’est pas comme ça qu’on va aider Abdoulaye Wade. Qu’est-ce qui explique cette sortie irrévérencieuse, alors que les médias sont là ? Aziz Sow doit présenter ses excuses au peuple sénégalais.
Quelle lecture faites-vous de la marche des Imams de Guédiawaye qui s’insurgent contre les factures de la Senelec jugées très élevées ?
Les gens sont en train de personnaliser les choses. Avant d’être Imams, ce sont d’abord des citoyens avec un réflexe de survie. Les factures sont extrêmement chères. Ce mouvement des Imams est citoyen. Ces gens-là n’ont plus d’argent ; ils sont à la retraite ; leurs fils ne trouvent pas d’emplois et la banlieue connaît une misère exécrable. C’est réactif. Il faut que l’on sache raison garder. Que les autorités évitent deux choses : minimiser ce mouvement d’humeur et le réprimer ! Toutes les deux postures ne sont pas bonnes. Il faut savoir détecter une réaction humaine et y apporter des remèdes. Le remède consiste à les entendre et à communiquer. Tout va et remonte au président ; alors il faut qu’il parle aux Sénégalais.
Vos collègues députés avaient mené une médiation. Malheureusement, elle s’est soldée par un flop. Pensez-vous que c’était une bonne démarche ?
C’était une démarche partisane, donc calculée. Elle braque les interlocuteurs qui se disaient qu’il n’y avait pas Mamour Cissé, Ndèye Fatou Touré, Imam Mbaye Niang, Khassimou Dia, le président Aliou Dia dans ce groupe. S’ils sont députés du peuple, ils devaient se départir de leur manteau de partisans. Nous sommes à l’Assemblée nationale. Quand il y a urgence, il faut que les députés, toutes tendances et obédiences confondues, puissent faire une délégation, aller s’enquérir de ce qui se passe et dialoguer. La bonne démarche, c’est une réponse citoyenne. Un gouvernement responsable ne doit pas avoir d’ego ni d’état d’âme. Et on a l’habitude de dire : «La paix n’a pas de prix ; elle a un coût.» Aujourd’hui, le coût, c’est concrètement de revenir sur les factures. Il faut que le président de la République demande à ce qu’on supprime la deuxième facturation, parce qu’elle est inique, anti patriotique. La preuve : on nous a carrément dit que le président de la République ne comprend même pas ce calcul. Même Samuel Sarr ne le comprend pas. C’était une décision de la Direction de la Senelec.
Mais Samuel Sarr fut directeur de la Senelec avant d’être éjecté. Aujourd’hui, on lui confie le ministère de l’Energie et la situation reste en l’état ; ce que les gens ne comprennent pas…
(Il coupe). Contrairement à ce que les gens pensent, je suis de ceux qui ne pensent pas que Samuel Sarr doit partir. Il a fait des choses extraordinaires dans ce secteur. Je suis un Parlementaire, je sais qu’il maîtrise le dossier. Il nous a permis aujourd’hui, d’avoir du courant un temps soit peu. Or, l’état des finances de la Senelec devait nous amener à être comme la Guinée Conakry : ne même plus avoir de courant et, si on devait en avoir, ce serait pour une heure ou deux heures par jour. La Senelec n’a aujourd’hui que 750 000 abonnés, alors que la Tunisie en est à 7 millions. Or, nous avions le même Pnb jusqu’en 1978. Donc, la taille de la clientèle de la Senelec n’est pas extensible. Elle a un portefeuille client de 750 000. Et, parlons sincèrement sur ces 750 000, la plupart fraudent. Ça, c’est un problème structurel. A supposer qu’on donne à chacun une facturation mensuelle de 100 000 francs Cfa minimum, c’est un épiphénomène par rapport aux besoins de la Senelec.
Mais il y a les d’entreprises qui payent cher…
Le principal employeur aujourd’hui, c’est l’Etat qui n’a pas 240 000 fonctionnaires. Cela veut dire que le secteur privé, en matière d’emploi formel, ne dépasse pas 200 000. Donc, sur les 200 000, il n’y a pas une entreprise ayant une facture qui dépasse 500 000 francs Cfa. Ensuite, même si elles reçoivent du courant, il est de mauvaise qualité et coûte cher. Et leur compétitivité en pâtit. Entre l’avènement de Samuel Sarr, directeur général de la Senelec et aujourd’hui, ministre de l’Energie, le déficit a été comblé d’au moins 60%. A la première conférence de presse de Lat Soukabé, ce dernier a reconnu qu’il n’avait même pas de service de communication. Déjà, c’était un motif de licenciement. Deuxièmement, il dit aux jeunes de la banlieue que, pour ne plus être délestés, il faut qu’ils aient un hôpital. Ce qui veut dire que les jeunes de Guédiawaye, de Pikine Niéty Mbar doivent exiger de l’Etat un hôpital pour ne pas être délestés. Personne ne me l’a dit : j’ai entendu Lat Soukabé en parler et c’était des motifs valables pour qu’ils partent. Troisièmement, je suis de ceux qui pensent que la Senelec et même la Sonatel doivent revenir dans le giron du Sénégal. Wade est revenu sur la privatisation de la Senelec qui était soufflée et inspirée par quelqu’un qui crie aujourd’hui sur tous les toits qu’elle a des problèmes, alors qu’il fut ministre de l’Energie
Qui est cet homme ?
Le secrétaire général de la Ld/Mpt (Abdoulaye Bathily : Ndlr). Ce sont eux qui ont incité à ce qu’on revienne sur la nationalisation. On l’a fait. Mais c’est normal qu’on ait des problèmes. Il incombe à l’Etat de trouver les ressources nécessaires à la Senelec qui doit passer par une bonne gouvernance de nos recettes. Nous avons aujourd’hui à la Direction générale des Impôts, la Direction générale des Douanes, la Direction générale du Trésor, des Sénégalais patriotes et extrêmement pointus qui savent faire des recettes. Il ne faut quand même pas oublier que les recettes au Sénégal n’ont jamais dépassé 60 milliards. Ce sont des cadres sénégalais qui les ont portées à 300 milliards. Cependant, l’Etat a une politique dispendieuse. On me dit, à chaque fois que le président de la République voyage, il loue un avion, alors qu’on lui a donné un avion de commandement qui nous coûte les yeux de la tête. Ce serait extrêmement grave.
Aujourd’hui, la revalorisation du traitement des fonctionnaires est réelle, surtout dans le milieu éducatif. Il y a une augmentation de 40% du budget, et cela a un prix. Là, je peux comprendre parce que, quand on gagne de l’argent, on le redistribue. Il y a également les Agences. Quelle est la pertinence d’avoir autant d’Agences ? Qu’est-ce qu’on attend pour mettre fin à l’Anoci ? Elle sert à quoi ? Cer tainement, il y a des salaires jusqu’à présent, alors que sa mission est terminée.
On a annoncé son audition prochainement par l’Assemblée nationale
Grand bien nous fasse ! Il faut arrêter ce machin ! Le sommet (de l’Oci : Ndlr) est terminé. Ça suffit !
Quel bilan vous faites du travail de l’Anoci ?
Les infrastructures sont là. Pour aller de mon bureau à chez moi, je fais sept minutes. C’est une très bonne chose. J’ai entendu dire que la Corniche est faite pour quelques privilégiés. Mais demain, par le hasard des choses, si vous avez un malade qui a un Avc et qu’on vous dise de l’amener directement à l’hôpital de Fann, vous le faites en moins de cinq minutes. Donc, vous ne pouvez qu’en être heureux. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il ne faut jamais cracher sur les infrastructures. Mais, la mission de l’Anoci en tant qu’organisation chargée de l’exécution des travaux est terminée. Il faut savoir dépasser les choses. S’il y a d’autres challenges qu’ils (les dirigeants de l’Anoci : Ndlr) les fassent. Je suis outré quand, entrant dans un tunnel, je vois toujours : Bienvenue au Sommet de l’Oci. Ça suffit quand même ! Ça ne fait plus sérieux.
Lors de l’émission Grand jury de la Rfm, le député Abdou Fall s’est dit favorable à ce qu’on ramène le mandat du président de l’Assemblée nationale de 1 à 5 ans ? Quel est votre point de vue ?
(Il se redresse et change de ton). Ils ne pourront jamais faire croire aux Sénégalais que derrière cette réduction du mandat du président de l’Assemblée nationale, il n’y avait pas un problème crypto-personnel. Je fais partie, heureusement ou malheureusement, des gens qui pensent que c’était pour régler un problème politique. Maintenant qu’ils veuillent revenir sur la durée, ce n’est pas ce qui m’importe, mais, aujourd’hui, que le président de cette institution se départe de son manteau de partisan.
Mais la posture qu’il devra opter du président de l’Assemblée est liée à la stabilité de cette institution.
Les gens ont bien planifié leur acte. N’oubliez pas qu’une majorité mécanique est à l’Assemblée et, tout lui est permis. Tout ce qui n’est pas anticonstitutionnel est constitutionnel pour eux. Donc, avec leur majorité, ils vont poser tous les actes que la loi leur permet. Ensuite, il y a un règlement intérieur. Même si le mandat est ramené à cinq ans, cela voudrait dire que 38 députés peuvent amener le bureau de l’Assemblée nationale à déposer une motion de défiance à son président. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Aujourd’hui, il y a des non-dits, des choses qui se passent, des tractations, etc. Dans ce cadre-là, ils ont besoin de vérifier la fiabilité du soutien de Jean ou Paul. C’est ce qui explique cette situation. Le président de l’Assemblée est une institution au même titre que le président de la République. Qu’on banalise cette institution me pose problème. Est-ce que le Sénat l’a fait ? Non ! Qu’on cesse de nous faire croire que ces deux pouvoirs sont distincts. Ca n’est pas vrai ! La majorité du président de la République est à l’Assemblée. L’Assemblée est le bras séculier de l’exécutif pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. La décision de ramener le mandat du président de l’Assemblée à un an m’a choqué ; c’est pour cette raison que je ne l’ai pas voté. Aujourd’hui, ce qui se passe à l’Assemblée nationale ne grandit personne. Au début, tout le monde voyait qu’on avait de l’entrain et d’enthousiasme à y aller. Mais aujourd’hui, on est refroidi parce que nous ne sommes pas fiers aujourd’hui d’être parlementaires, députés du Sénégal par rapport aux actes que certains sont en train de poser.
Regrettez-vous aujourd’hui d’avoir été à la mouvance présidentielle ?
Oui, quelque part… (il ne termine pas sa phrase). En toute bonne foi, je ne pouvais pas imaginer qu’on pouvait connaître un tel recul en si peu de temps. Le deuxième mandat du président de la République était un espoir. Il a fait un an et je vois que, durant cette période, il n’y a rien qui soit posé en faveur des populations. Le président Sarkozy, en un an, a posé combien d’actes pour les Français ? Je ne suis pas libéral, mais par rapport à ses prises de position, cet homme m’enchante, m’émerveille. Il bouge. Il est réactif vis-à-vis des préoccupations de son peuple. Les décisions qu’il prend, quelles soient bonnes ou mauvaises, ont le mérite d’être posées. Alors que, chez nous, il n’y a pas de visibilité. Au lieu que le président de la République parle, c’est Alex Segura qui le fait. Il faut que le président discute avec la presse Sénégalaise. J’ai entendu Aziz Sow d’Abuja (le ministre de l’Information, porte-parole du gouvernement : ndlr) dire: «Oui, j’ai un problème par rapport au partage de l’argent (il s’agit de 300 millions de subvention à la presse : ndlr).» Cela donne une idée de la manière dont est géré le pays. Il y a toujours des sous-entendus ou des calculs. Les difficultés que rencontre la presse notamment en papier devraient amener le ministre à savoir raison garder, à dépasser ses contingences.
On a parlé de votre rencontre avec Macky Sall pour une probable coalisation en vue des prochaines échéances. Qu’en est-il précisément ?
Macky Sall est un ami. Il est aujourd’hui à la tête d’une structure. Il devait d’ailleurs me voir pour me présenter ses condoléances, malheureusement, il était parti à Touba. On s’est parlé au téléphone. Il n’y a pas encore, au niveau de nos deux partis respectifs, cette démarche-là. Quand j’ai perdu cette sœur, Idrissa Seck aussi m’a appelé pour me présenter ses condoléances. J’étais très sensible à ce geste. Je compte très prochainement rencontrer le parti de Idrissa Seck (Rewmi) pour voir quelles sont les plages de convergences qu’on peut avoir et rien n’est exclu.
Et avec Apr/Yaakaar ?
On est toujours dans ces dispositions. J’attends… (il cherche ses mots). Il faut donner du temps au temps. Il n’est pas exclu que le Psd/Jant bi puisse aller aux élections avec Apr/Yaakaar, mais aussi avec le parti de Robert Sagna, avec Souty Touré, dans la région du Sud avec Amath Cissé. Avec Oumar Khassimou Dia, El Hadj Diouf, rien n’est exclu. Dans les jours à venir, nous allons commencer les contacts, certainement avec le parti de Idrissa Seck et autres.
On sait que les membres de la Cap 21 reçoivent de l’argent de la part de Me Wade. Aj/Pads a reçu 10 millions. Combien Mamour Cissé a-t-il-reçu ?
Je n’ai rien reçu. Vous m’avez trouvé dans mon bureau. Je fais des affaires. Cet investissement, (le Centre commercial El Malick : Ndlr) c’est un milliard. Ce sont les membres de la Cap 21 qui reçoivent quelque chose. Je n’en suis pas membre. Mon soutien à Wade est cartésien On ne doit pas souhaiter l’échec de Wade. Un an dans la vie de l’individu, c’est rien du tout. Mais, un an ou cinq ans de mal gouvernance dans un pays aura forcement des incidences sur une génération qui est de 25 ans
Vous avez toujours théorisé l’alternance générationnelle. Où vous situez vous dans ce combat aujourd’hui ?
Il est d’importance. La nécessité de renouveler la classe politique, Nos héros sont là. Ce sont les mêmes qui sont là. Ils ont montré leur limite. Regardez ce qui s’est passé aux Etats-Unis. Obama, par rapport à une vieille garde, John Mcain, en France également. La suppression du cumul des mandats contribuera au renouvellement de cette génération. Aujourd’hui, prenez l’exemple de Pape Diop : le matin, il est sous les ordres du préfet en tant maire de Dakar : l’après midi, au sénat, il est le deuxième personnage de l’Etat. Ça pose un problème moral.
source le quotidien
A la mouvance présidentielle, nous avons soutenu sans remords Abdoulaye Wade. C’est un acte qu’on avait mûrement réfléchi par rapport à des faits très concrets : les infrastructures. Un pays ne peut pas se développer sans infrastructures. Là-dessus, des actes forts ont été posés. J’ai eu aussi à me préoccuper des problèmes de santé publique, notamment des femmes en milieu rural qui étaient en couche. J’ai eu des réponses positives à ces multiples interpellations. Aujourd’hui, des femmes en couche en milieu rural, pour ne pas dire dans les dix régions du Sénégal sont prises en charge. Depuis 1800 jusqu’à l’avènement de l’alternance, il n’y avait que 26 lycées au Sénégal. De 2004 à 2005, Abdoulaye Wade a inauguré plus d’une quarantaine de lycées. C’était des actes forts. Ensuite, il y a cette idée révolutionnaire ayant enfanté de «la case-des tout-petits», qui permet de donner une chance égale à tous les fils du pays. Notre honnêteté intellectuelle nous avait poussés à soutenir ces actes. Il y avait donc quelque chose qui nous permettait de dire : «Pourquoi pas Abdoulaye Wade ?» Nous l’avons soutenu. Qui plus est, on a fait partie des gens qui ont élaboré le programme, surtout économique du candidat Wade. C’est de ce point de vue que la Direction politique a voulu que j’aille défendre son programme économique au fameux forum de la Cnes (Conseil national des employeurs du Sénégal). Malheureusement, le président du Cnes n’avait pas donné suite, parce que ce sont les candidats qui étaient invités et non pas les mandants. Donc, nous nous sommes complètement impliqués dans la campagne, dans la théorie du programme économique du candidat. Il se trouve qu’une alliance est un compagnonnage qui suppose un cheminement. Vous quittez un point A pour aller à un point B. Mais entre le point A et le point B, il peut arriver qu’il y ait des divergences. A la croisée des chemins, quand on s’est retourné, on n’a plus vu des actes concrets. Donc, nous avons reconsidéré notre soutien et notre participation à cette mouvance présidentielle.
Qu’est-ce qui vous a réellement poussé à quitter la mouvance présidentielle ?
Nous avons constaté que les populations étaient fortement agressées, qu’il y a une détérioration qualitative de leur niveau de vie, l’absence d’emplois chez les jeunes, le pouvoir d’achat qui s’est érodé.
Au delà de ça, y a-t-il des divergences d’ordre politique ?
Oui, des divergences politiques, quant aux orientations. Lorsque le gouvernement libéral dit qu’il n’est pas possible aujourd’hui de subventionner le gaz butane, il y a un problème. Au contraire, dans un pays où 70% de la population vit avec moins 500 francs Cfa par jour, la solidarité active a toute sa raison d’être. Qui plus est, personne ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Il se trouve aujourd’hui que l’Etat du Sénégal a eu à poser des actes tellement impopulaires et tellement gabegiques, que nous en sommes arrivés à cette situation. Non de Dieu, pourquoi les populations devraient payer à la place de l’Etat ? Il ne subventionne plus les produits de base, et pendant ce temps, ils (les membres du gouvernement) sont en parfaite contradiction avec ce qu’ils prônent comme une Muraille verte qui irait de Dakar à Madagascar. Cette décision va poser le problème de la désertification. Nous risquons de perdre le minimum de nos forêts. Et tout le monde sait, dans ce milieu, qui gère des quotas de bois de chauffe. C’est extrêmement grave. Au lieu d’avancer, on recule par rapport à des acquis. Pendant qu’ils ont décidé de supprimer la subvention sur le gaz et les produits de grande consommation, ils ont permis au patronat de gagner huit points de fiscalité. Prenez le cas de la Sonatel : elle fait aujourd’hui un bénéfice de 100 milliards. Or, l’Etat lui avait épargné 8 milliards, parce qu’au lieu de payer 33% sur 100 milliards francs Cfa, elle paye 25%. Il (l’Etat) aurait pu conditionner l’octroi de ces facilités fiscales à la nécessité de prendre en charge le problème du chômage des jeunes. Cet affaissement de la fiscalité n’était pas accompagné de mesures incitatives. Je peux comprendre que l’Etat, comme en France, puisse dire qu’il est grand temps qu’on permette à l’entreprise d’être dans des conditions optimales, d’être compétitive. Encore faudrait-il que les entreprises soient citoyennes et patriotiques. En quoi faisant ? En recrutant des jeunes. Le problème des jeunes est fondamental. La solidarité devrait être une action prioritaire de l’Etat.
A chaque fois qu’il y a un problème, on demande que des efforts soient consentis par les populations et jamais par l’Etat qui, aujourd’hui, ne réduit pas son train de vie. Voilà nos divergences idéologiques. On laisse le marché faire, alors que, aujourd’hui concrètement, à cause de la crise mondiale, des pays qui se réclament du capitalisme sont en train de se réapproprier les actifs publics, d’intervenir carrément dans l’économie en étant un agent économique actif. Pendant ce temps, au Sénégal, on parle de privatisation. Même le Méridien qu’on nous avait donné et dont la privatisation n’est pas pertinente, aujourd’hui, les gens veulent l’amener dans le giron, le portefeuille du privé. Ça me désole. On aurait pu, pour ce cas, faire une concession au repreneur sur 10 ans, 15 ans, parce que l’actif demeura toujours un patrimoine de l’Etat. Comme avec les actions de la Sonatel. Demandez au repreneur de vous donner votre quote-part, de vous donner votre loyer sur 5 ou 10 ans, si vous avez des problèmes d’argents. Mais vouloir annihiler les actifs publics me pose problème.
Qu’est-ce qui se passe pour que gens veillent privatiser pour privatiser ?
Il y a la dette intérieure qui s’élèverait à 170 milliards que l’Etat veut éponger…
170 milliards ? Je ne suis pas d’accord. Il n’y a pas de débat contradictoire. On a entendu Mansour Kama (président du Cnes) dire que c’est plus que cela. Tout comme l’ancien président de l’Umeoa, Moussa Touré, dire que par rapport aux informations qu’il détient, la dette est estimée à plus de 300 milliards francs Cfa. Bizarrement, nous n’entendons le ministre de l’Economie et des Finances que quand ça l’arrange. Mais, lorsqu’il y a des grabuges, c’est toujours quelqu’un d’autre qui paye. Et pour le cas d’espèce, ce sont des lampistes comme Ibrahima Sarr (l’ancien ministre du Budget). Mais lui (Abdoulaye Diop, ministre des Finances), aujourd’hui comptable, l’ordonnateur du budget du Sénégal, j’ai comme l’impression qu’il fait comme Blaise Compaoré : il dort toujours, quand il y a des meurtres. Oui ! Quand il y a des problèmes, il n’est jamais responsable, mais quand il doit engranger des bénéfices, c’est lui qu’on voit. Comment un ministre de l’Economie des Finances peut-il ignorer aujourd’hui des dérapages budgétaires ? Pourquoi il ne pouvait pas le dire, avec ses services directs que sont le Trésor, la Direction de la comptabilité ? Ils ont le portefeuille et le poids de la dette intérieure.
Pour vous, Abdoulaye Diop est plus responsable que Ibrahima Sarr dans cette situation ?
Il est dix mille fois plus responsable, de même que l’ancien Premier ministre (Macky Sall), que Ibrahima Sarr qui n’était qu’un ministre délégué. Je suis député de l’Umeoa et dans les nouvelles dispositions de cette institution sous-régionale, le ministre de l’Economie et des Finances est un véritable patron des Finances, le concepteur et l’ordonnateur du Budget. Alors, il faut savoir prendre ses responsabilités. Je ne suis pas d’accord avec cette manière de gérer. Regardez le cas des emprunts obligataires qui ont été lancés récemment. 22 milliards, on dit que c’est un succès ! Moi, je les aurais placés pour six mois et gagner de l’argent. Il avait la possibilité de rendre ce crédit sur un an ou même sur deux ans. Pourquoi s’endetter pour six mois alors qu’on a la possibilité de le faire sur un an ou deux ans ? Le problème, c’est qu’on est en train de différer les problèmes. Le montage de ce dossier est de 28 milliards de francs Cfa. Le dividende que l’Etat devrait percevoir sur 2009, il pouvait demander à ce qu’on le lui paye aujourd’hui. Mais, il vend des actions pour 20 milliards, alors que ce n’était pas pertinent de le faire tout de suite. Certes, vous avez à gérer un problème. Ensuite, vous prenez sur le marché des emprunts obligataires à 20 milliards, ils (ceux qui prêtent : Ndlr) vous donnent 22 mil-liards et vous dites que c’est un succès, alors que c’est sur six mois. La dernière échéance, vous la payerez le 4 juin 2009. Pourquoi s’endetter et avoir une tension de trésorerie ? Aujourd’hui, le Sénégal va avoir de problèmes.
Vous pensez que le pire est à venir ?
Le pire est à venir par rapport au montage qui a été fait. Pourquoi s’endetter sur six mois, quand on a la possibilité de s’endetter sur un an ? Cela me pose un problème quand on me dit que ces gens sont des financiers. Si la signature du Sénégal est aussi bonne, l’Etat ne s’endettera sur six mois, alors qu’il a déjà mangé les dividendes de la Sonatel qu’il allait recevoir en 2009. Cela veut dire qu’il aura du mal à boucler son budget sur le deuxième de 2009. Ils (les gouvernants) ont pensé pouvoir régler les problèmes en schématisant et en optant pour du court terme et avoir de la liquidité. C’est un problème de Bana Bana et d’épicier. On ne gère pas ainsi une économie. Pendant ce temps, tout le monde constate une raréfaction de l’argent. Aujourd’hui, le crédit inter-bancaire se prête à des taux prohibitifs, plus de 6%. Déjà, le problème de confiance se pose au niveau du système bancaire. A plus forte raison entre les ménages et le système bancaire, entre les entreprises et les systèmes bancaires, mais aussi entre l’investissement direct étranger et le Sénégal. De qui se moque-t-on ? Là où il fallait faire des efforts internes en optant pour le keynésianisme, au niveau de l’activité économique à travers des grands travaux de l’Etat. L’expérience récente dissuade plus d’un d’accompagner cette démarche.
Dès l’instant qu’ils (les membres du gouvernement) sont serrés financièrement, ils sont obligés de faire des contrats, des emprunts sur six mois, donner à nouveau la totalité de nos moyens économiques et politiques au Fonds monétaire et à la Banque mondiale. Comment aujourd’hui, l’Etat du Sénégal, par une volonté politique, pourrait impulser une politique économique des grands travaux, de haute intensité de main-d’œuvre pour que les entreprises puissent gagner de l’argent et reverser de la richesse ? Ça va être compliqué. Quand les entreprises n’ont pas d’argent, les employés n’en ont pas aussi. S’ils n’ont pas d’argent, les commerçants ne pourront pas vendre. Le peu d’argent que le Sénégal gagne à travers les importations de ces commerçants risque, à terme, de se raréfier, pour ne pas dire d’être bloqué. Les commerçants ont d’autres contraintes. Des contraintes avec Dp World qui ne leur accorde plus de facilités comme ils en avaient avant la concession de Dubaï Port World.
Vous avez évoqué la question de la subvention. Mais vous n’êtes pas sans savoir que c’est une recommandation des bailleurs de fonds…
Mais très grave ! Il faut qu’on se dise la vérité : les finances publiques étaient assainies dans ce pays, avant l’alternance. Quelle était la pertinence d’avoir des problèmes avec la Banque mondiale ? C’est là où on attendait Wade. Lui que les (bailleurs de fonds) traitaient de tous les noms d’oiseaux, disait qu’il ne voulait plus d’eux, parce que les finances publiques nous permettaient d’être à l’aise. Mais que s’est-il passé entre ce discours patriotique qui nous avait charmés et aujourd’hui ? Tout simplement que la mal gouvernance s’est installée au niveau des finances publiques surtout. Je n’ai pas de problème personnel avec Abdoulaye Diop, qui est un ami, mais honnêtement, la manière dont les finances sont gérées pose problème.
Vous pensez qu’il doit démissionner ?
En tout cas, aujourd’hui, c’est le gouvernement qui pose problème. A-t-il des moyens de sortir le Sénégal de ces enjeux ? L’argument pour se dédouaner est que ce sont les bailleurs de fonds qui l’ont imposé. Mais les îles du Cap Vert, à 45 minutes de Dakar, n’ont pas pris de programme du Fonds monétaire, de la Banque mondiale, parce que les finances publiques sont très bien gérées. Le Lesotho aussi. L’île Maurice n’en pas besoin. La raison : une bonne gouvernance dans ces trois pays. Pourquoi le Sénégal qui était la fierté de l’Afrique de l’Ouest peut se retrouver dans une telle situation qui permet aujourd’hui à quelqu’un comme le représentant du Fonds monétaire d’être le véritable patron du pays. C’est lui qui tresse des lauriers, sanctionne positivement ou négativement, selon ses amitiés ou non. C’est un scandale ! Alex Segura ne peut même pas être Fondé de pouvoir dans une banque prestigieuse en Espagne. Aujourd’hui, ce bonhomme est en train de s’ériger en véritable patron du Sénégal. Ils (les membres au gouvernement : Ndlr) ont joué avec les finances publiques. Je ne peux pas être d’accord avec l’Etat du Sénégal
Cela veut dire que pour le Psd/Jant bi, un pouvoir ne doit pas signer des engagements avec les institutions de Bretton Woods…
Jamais ! Tout le monde sait que je ne critique pas pour critiquer. Je vous ai parlé tantôt du cadeau fiscal de huit points offert par l’Etat du Sénégal et qui aurait dû être conditionné. J’ai eu à faire des propositions relatives à l’augmentation de la fiscalité sur l’alcool et la cigarette. Ils ont dit qu’ils vont l’augmenter. Mais, depuis lors, rien. Ce qu’on allait y gagner aurait pu nous permettre de continuer de soutenir les denrées de première nécessité. Cela n’a pas été fait parce que, au lieu d’utiliser cet argent et cet excédent que j’avais proposé pour subventionner les secteurs sociaux, ils vont accentuer le déficit qu’ils ont ou le train de vie dispendieux de l’Etat du Sénégal
Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal doit décliner une politique de grands travaux pour donner de l’emploi, des marchés aux entreprises sénégalaises.
Il y a l’autoroute à péage par exemple…
C’est une bonne chose, mais il n’y a pas que ça ! Il fallait avoir une primarisation simultanée, c’est-à-dire mettre l’accent sur la demande sociale. A quoi servent des autoroutes, quand les gens ne peuvent pas les utiliser parce qu’ils ont faim ou n’ont pas de quoi acheter une voiture ? Je ne souhaite pas que le Sénégal soit comme la Corée du Nord où il y a énormément d’immeubles, de gratte-ciels, de ponts, alors que sa population a faim. Voilà ce qui a entraîné aujourd’hui ces mouvements d’humeur que l’on constate aujourd’hui.
Que pensez-vous de la répression des forces de l’ordre contre les populations de Kédougou et qui a entraîné mort d’hommes ?
Rien ne peut justifier une répression pareille, parce qu’il s’agissait de manifestation spontanée, surtout de jeunes. Cette répression était surdimensionnée par rapport à cette requête légitime qu’avaient les jeunes. Il s’agit aujourd’hui d’avoir une dignité pour ceux qui ont un emploi là-bas. Et quel emploi ? Il ne faut pas que l’extraction de l’or soit assimilée à de la traite négrière comme en Rhodésie en Afrique du Sud, etc. Ce que l’on constate, ce sont des blancs qui viennent là-bas qui se comportent comme des roitelets. C’est impensable et inadmissible. Il y a un racisme ouvert qui prévaut là-bas.
Et par rapport à la sortie du ministre de l’Information qui disculpe l’armée ?
C’est scandaleux ! Il doit en tirer toutes les conséquences. On nous fait croire au père Noël en disant que le gosse a été piétiné, alors qu’il est mort d’une balle. C’est très grave ! Ce n’est pas comme ça qu’on va aider Abdoulaye Wade. Qu’est-ce qui explique cette sortie irrévérencieuse, alors que les médias sont là ? Aziz Sow doit présenter ses excuses au peuple sénégalais.
Quelle lecture faites-vous de la marche des Imams de Guédiawaye qui s’insurgent contre les factures de la Senelec jugées très élevées ?
Les gens sont en train de personnaliser les choses. Avant d’être Imams, ce sont d’abord des citoyens avec un réflexe de survie. Les factures sont extrêmement chères. Ce mouvement des Imams est citoyen. Ces gens-là n’ont plus d’argent ; ils sont à la retraite ; leurs fils ne trouvent pas d’emplois et la banlieue connaît une misère exécrable. C’est réactif. Il faut que l’on sache raison garder. Que les autorités évitent deux choses : minimiser ce mouvement d’humeur et le réprimer ! Toutes les deux postures ne sont pas bonnes. Il faut savoir détecter une réaction humaine et y apporter des remèdes. Le remède consiste à les entendre et à communiquer. Tout va et remonte au président ; alors il faut qu’il parle aux Sénégalais.
Vos collègues députés avaient mené une médiation. Malheureusement, elle s’est soldée par un flop. Pensez-vous que c’était une bonne démarche ?
C’était une démarche partisane, donc calculée. Elle braque les interlocuteurs qui se disaient qu’il n’y avait pas Mamour Cissé, Ndèye Fatou Touré, Imam Mbaye Niang, Khassimou Dia, le président Aliou Dia dans ce groupe. S’ils sont députés du peuple, ils devaient se départir de leur manteau de partisans. Nous sommes à l’Assemblée nationale. Quand il y a urgence, il faut que les députés, toutes tendances et obédiences confondues, puissent faire une délégation, aller s’enquérir de ce qui se passe et dialoguer. La bonne démarche, c’est une réponse citoyenne. Un gouvernement responsable ne doit pas avoir d’ego ni d’état d’âme. Et on a l’habitude de dire : «La paix n’a pas de prix ; elle a un coût.» Aujourd’hui, le coût, c’est concrètement de revenir sur les factures. Il faut que le président de la République demande à ce qu’on supprime la deuxième facturation, parce qu’elle est inique, anti patriotique. La preuve : on nous a carrément dit que le président de la République ne comprend même pas ce calcul. Même Samuel Sarr ne le comprend pas. C’était une décision de la Direction de la Senelec.
Mais Samuel Sarr fut directeur de la Senelec avant d’être éjecté. Aujourd’hui, on lui confie le ministère de l’Energie et la situation reste en l’état ; ce que les gens ne comprennent pas…
(Il coupe). Contrairement à ce que les gens pensent, je suis de ceux qui ne pensent pas que Samuel Sarr doit partir. Il a fait des choses extraordinaires dans ce secteur. Je suis un Parlementaire, je sais qu’il maîtrise le dossier. Il nous a permis aujourd’hui, d’avoir du courant un temps soit peu. Or, l’état des finances de la Senelec devait nous amener à être comme la Guinée Conakry : ne même plus avoir de courant et, si on devait en avoir, ce serait pour une heure ou deux heures par jour. La Senelec n’a aujourd’hui que 750 000 abonnés, alors que la Tunisie en est à 7 millions. Or, nous avions le même Pnb jusqu’en 1978. Donc, la taille de la clientèle de la Senelec n’est pas extensible. Elle a un portefeuille client de 750 000. Et, parlons sincèrement sur ces 750 000, la plupart fraudent. Ça, c’est un problème structurel. A supposer qu’on donne à chacun une facturation mensuelle de 100 000 francs Cfa minimum, c’est un épiphénomène par rapport aux besoins de la Senelec.
Mais il y a les d’entreprises qui payent cher…
Le principal employeur aujourd’hui, c’est l’Etat qui n’a pas 240 000 fonctionnaires. Cela veut dire que le secteur privé, en matière d’emploi formel, ne dépasse pas 200 000. Donc, sur les 200 000, il n’y a pas une entreprise ayant une facture qui dépasse 500 000 francs Cfa. Ensuite, même si elles reçoivent du courant, il est de mauvaise qualité et coûte cher. Et leur compétitivité en pâtit. Entre l’avènement de Samuel Sarr, directeur général de la Senelec et aujourd’hui, ministre de l’Energie, le déficit a été comblé d’au moins 60%. A la première conférence de presse de Lat Soukabé, ce dernier a reconnu qu’il n’avait même pas de service de communication. Déjà, c’était un motif de licenciement. Deuxièmement, il dit aux jeunes de la banlieue que, pour ne plus être délestés, il faut qu’ils aient un hôpital. Ce qui veut dire que les jeunes de Guédiawaye, de Pikine Niéty Mbar doivent exiger de l’Etat un hôpital pour ne pas être délestés. Personne ne me l’a dit : j’ai entendu Lat Soukabé en parler et c’était des motifs valables pour qu’ils partent. Troisièmement, je suis de ceux qui pensent que la Senelec et même la Sonatel doivent revenir dans le giron du Sénégal. Wade est revenu sur la privatisation de la Senelec qui était soufflée et inspirée par quelqu’un qui crie aujourd’hui sur tous les toits qu’elle a des problèmes, alors qu’il fut ministre de l’Energie
Qui est cet homme ?
Le secrétaire général de la Ld/Mpt (Abdoulaye Bathily : Ndlr). Ce sont eux qui ont incité à ce qu’on revienne sur la nationalisation. On l’a fait. Mais c’est normal qu’on ait des problèmes. Il incombe à l’Etat de trouver les ressources nécessaires à la Senelec qui doit passer par une bonne gouvernance de nos recettes. Nous avons aujourd’hui à la Direction générale des Impôts, la Direction générale des Douanes, la Direction générale du Trésor, des Sénégalais patriotes et extrêmement pointus qui savent faire des recettes. Il ne faut quand même pas oublier que les recettes au Sénégal n’ont jamais dépassé 60 milliards. Ce sont des cadres sénégalais qui les ont portées à 300 milliards. Cependant, l’Etat a une politique dispendieuse. On me dit, à chaque fois que le président de la République voyage, il loue un avion, alors qu’on lui a donné un avion de commandement qui nous coûte les yeux de la tête. Ce serait extrêmement grave.
Aujourd’hui, la revalorisation du traitement des fonctionnaires est réelle, surtout dans le milieu éducatif. Il y a une augmentation de 40% du budget, et cela a un prix. Là, je peux comprendre parce que, quand on gagne de l’argent, on le redistribue. Il y a également les Agences. Quelle est la pertinence d’avoir autant d’Agences ? Qu’est-ce qu’on attend pour mettre fin à l’Anoci ? Elle sert à quoi ? Cer tainement, il y a des salaires jusqu’à présent, alors que sa mission est terminée.
On a annoncé son audition prochainement par l’Assemblée nationale
Grand bien nous fasse ! Il faut arrêter ce machin ! Le sommet (de l’Oci : Ndlr) est terminé. Ça suffit !
Quel bilan vous faites du travail de l’Anoci ?
Les infrastructures sont là. Pour aller de mon bureau à chez moi, je fais sept minutes. C’est une très bonne chose. J’ai entendu dire que la Corniche est faite pour quelques privilégiés. Mais demain, par le hasard des choses, si vous avez un malade qui a un Avc et qu’on vous dise de l’amener directement à l’hôpital de Fann, vous le faites en moins de cinq minutes. Donc, vous ne pouvez qu’en être heureux. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il ne faut jamais cracher sur les infrastructures. Mais, la mission de l’Anoci en tant qu’organisation chargée de l’exécution des travaux est terminée. Il faut savoir dépasser les choses. S’il y a d’autres challenges qu’ils (les dirigeants de l’Anoci : Ndlr) les fassent. Je suis outré quand, entrant dans un tunnel, je vois toujours : Bienvenue au Sommet de l’Oci. Ça suffit quand même ! Ça ne fait plus sérieux.
Lors de l’émission Grand jury de la Rfm, le député Abdou Fall s’est dit favorable à ce qu’on ramène le mandat du président de l’Assemblée nationale de 1 à 5 ans ? Quel est votre point de vue ?
(Il se redresse et change de ton). Ils ne pourront jamais faire croire aux Sénégalais que derrière cette réduction du mandat du président de l’Assemblée nationale, il n’y avait pas un problème crypto-personnel. Je fais partie, heureusement ou malheureusement, des gens qui pensent que c’était pour régler un problème politique. Maintenant qu’ils veuillent revenir sur la durée, ce n’est pas ce qui m’importe, mais, aujourd’hui, que le président de cette institution se départe de son manteau de partisan.
Mais la posture qu’il devra opter du président de l’Assemblée est liée à la stabilité de cette institution.
Les gens ont bien planifié leur acte. N’oubliez pas qu’une majorité mécanique est à l’Assemblée et, tout lui est permis. Tout ce qui n’est pas anticonstitutionnel est constitutionnel pour eux. Donc, avec leur majorité, ils vont poser tous les actes que la loi leur permet. Ensuite, il y a un règlement intérieur. Même si le mandat est ramené à cinq ans, cela voudrait dire que 38 députés peuvent amener le bureau de l’Assemblée nationale à déposer une motion de défiance à son président. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Aujourd’hui, il y a des non-dits, des choses qui se passent, des tractations, etc. Dans ce cadre-là, ils ont besoin de vérifier la fiabilité du soutien de Jean ou Paul. C’est ce qui explique cette situation. Le président de l’Assemblée est une institution au même titre que le président de la République. Qu’on banalise cette institution me pose problème. Est-ce que le Sénat l’a fait ? Non ! Qu’on cesse de nous faire croire que ces deux pouvoirs sont distincts. Ca n’est pas vrai ! La majorité du président de la République est à l’Assemblée. L’Assemblée est le bras séculier de l’exécutif pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. La décision de ramener le mandat du président de l’Assemblée à un an m’a choqué ; c’est pour cette raison que je ne l’ai pas voté. Aujourd’hui, ce qui se passe à l’Assemblée nationale ne grandit personne. Au début, tout le monde voyait qu’on avait de l’entrain et d’enthousiasme à y aller. Mais aujourd’hui, on est refroidi parce que nous ne sommes pas fiers aujourd’hui d’être parlementaires, députés du Sénégal par rapport aux actes que certains sont en train de poser.
Regrettez-vous aujourd’hui d’avoir été à la mouvance présidentielle ?
Oui, quelque part… (il ne termine pas sa phrase). En toute bonne foi, je ne pouvais pas imaginer qu’on pouvait connaître un tel recul en si peu de temps. Le deuxième mandat du président de la République était un espoir. Il a fait un an et je vois que, durant cette période, il n’y a rien qui soit posé en faveur des populations. Le président Sarkozy, en un an, a posé combien d’actes pour les Français ? Je ne suis pas libéral, mais par rapport à ses prises de position, cet homme m’enchante, m’émerveille. Il bouge. Il est réactif vis-à-vis des préoccupations de son peuple. Les décisions qu’il prend, quelles soient bonnes ou mauvaises, ont le mérite d’être posées. Alors que, chez nous, il n’y a pas de visibilité. Au lieu que le président de la République parle, c’est Alex Segura qui le fait. Il faut que le président discute avec la presse Sénégalaise. J’ai entendu Aziz Sow d’Abuja (le ministre de l’Information, porte-parole du gouvernement : ndlr) dire: «Oui, j’ai un problème par rapport au partage de l’argent (il s’agit de 300 millions de subvention à la presse : ndlr).» Cela donne une idée de la manière dont est géré le pays. Il y a toujours des sous-entendus ou des calculs. Les difficultés que rencontre la presse notamment en papier devraient amener le ministre à savoir raison garder, à dépasser ses contingences.
On a parlé de votre rencontre avec Macky Sall pour une probable coalisation en vue des prochaines échéances. Qu’en est-il précisément ?
Macky Sall est un ami. Il est aujourd’hui à la tête d’une structure. Il devait d’ailleurs me voir pour me présenter ses condoléances, malheureusement, il était parti à Touba. On s’est parlé au téléphone. Il n’y a pas encore, au niveau de nos deux partis respectifs, cette démarche-là. Quand j’ai perdu cette sœur, Idrissa Seck aussi m’a appelé pour me présenter ses condoléances. J’étais très sensible à ce geste. Je compte très prochainement rencontrer le parti de Idrissa Seck (Rewmi) pour voir quelles sont les plages de convergences qu’on peut avoir et rien n’est exclu.
Et avec Apr/Yaakaar ?
On est toujours dans ces dispositions. J’attends… (il cherche ses mots). Il faut donner du temps au temps. Il n’est pas exclu que le Psd/Jant bi puisse aller aux élections avec Apr/Yaakaar, mais aussi avec le parti de Robert Sagna, avec Souty Touré, dans la région du Sud avec Amath Cissé. Avec Oumar Khassimou Dia, El Hadj Diouf, rien n’est exclu. Dans les jours à venir, nous allons commencer les contacts, certainement avec le parti de Idrissa Seck et autres.
On sait que les membres de la Cap 21 reçoivent de l’argent de la part de Me Wade. Aj/Pads a reçu 10 millions. Combien Mamour Cissé a-t-il-reçu ?
Je n’ai rien reçu. Vous m’avez trouvé dans mon bureau. Je fais des affaires. Cet investissement, (le Centre commercial El Malick : Ndlr) c’est un milliard. Ce sont les membres de la Cap 21 qui reçoivent quelque chose. Je n’en suis pas membre. Mon soutien à Wade est cartésien On ne doit pas souhaiter l’échec de Wade. Un an dans la vie de l’individu, c’est rien du tout. Mais, un an ou cinq ans de mal gouvernance dans un pays aura forcement des incidences sur une génération qui est de 25 ans
Vous avez toujours théorisé l’alternance générationnelle. Où vous situez vous dans ce combat aujourd’hui ?
Il est d’importance. La nécessité de renouveler la classe politique, Nos héros sont là. Ce sont les mêmes qui sont là. Ils ont montré leur limite. Regardez ce qui s’est passé aux Etats-Unis. Obama, par rapport à une vieille garde, John Mcain, en France également. La suppression du cumul des mandats contribuera au renouvellement de cette génération. Aujourd’hui, prenez l’exemple de Pape Diop : le matin, il est sous les ordres du préfet en tant maire de Dakar : l’après midi, au sénat, il est le deuxième personnage de l’Etat. Ça pose un problème moral.
source le quotidien