Vous mettez donc en cause la probité d'Ousmane Sonko?
A 100% ! Ne vous laissez pas tromper par sa barbichette, son côté donneur de-leçons et ses hypocrites discours de Monsieur Propre. J’invite les journalistes à se rendre à la Direction générale des impôts et des domaines où ils pourront vérifier très aisément que lorsque Ousmane Sonko en était le secrétaire général, la gestion des terrains attribués au syndicat était très subjective, très clanique.
Des agents ont reçu des parcelles de terrain alors qu’ils ne remplissaient pas les critères, uniquement parce qu’ils étaient ses amis (notamment ses compagnons de route depuis l’université). D’autres agents, qui remplissaient les critères, se sont vu blacklister par Sonko et ses affidés et n’ont pas eu de terrains, uniquement parce qu’ils s’étaient opposés à lui sur des questions de principe. Le vrai Ousmane Sonko est très différent de l’image qu’il cultive.
Moi, je le connais trop pour me faire avoir par sa stratégie de mystification. Il est très vénal, malgré les apparences. Sonko s’est fait vendre par la Sicap sa maison de la Cité Keur Gorgui pendant qu’il était en vérification fiscale dans cette société. C’est plus qu’un conflit d’intérêts, c’est du trafic d’influences, à la limite de la corruption. L’homme est également assoiffé de pouvoir, rancunier, mais surtout, pour quelqu’un qui se pare de principes religieux, c’est un individu schizophrénique, d’une profonde mauvaise foi, d’où sa facilité à salir la réputation des gens.
Pour finir avec les accusations portées contre vous par Sonko, quelle suite comptez-vous donner à cette affaire ? Allez-vous porter plainte ?
Mon premier réflexe avait été de porter plainte, de demander à la justice de mon pays de me blanchir de ces accusations aussi insensées que malveillantes, mais aussi de punir le calomniateur qui les a proférées. Mais, pour toutes les raisons que je vous ai expliquées au début de notre entretien, j’avais décidé de ne pas judiciariser ce dossier. Car je sais très bien ce que recherche Ousmane Sonko. Il est devenu drogué au buzz. Il faut tout le temps qu’il fasse la une de l’actualité.
De préférence, en se plaçant dans une position de victime. N’ayant aucune base électorale, son action politique repose totalement sur Facebook, whatsApp et les micros que les journalistes lui tendent de temps en temps. Je n’ai aucune envie de lui rendre service en le traînant en justice dans le contexte actuel. Il va transformer la première convocation devant la police, en meeting de lancement de sa campagne. Je vais attendre jusqu’après l’élection présidentielle, quand le peuple sénégalais lui aura infligé la raclée qu’il mérite et qu’il ne pourra plus prétendre que ma plainte est une stratégie de l’Etat pour torpiller sa campagne. Mais je peux vous dire que mes avocats piaffent d’impatience de le traîner en justice.
Mais, au fond, est-ce que toute cette affaire des 94 milliards FCfa n’est pas symptomatique du problème foncier qu’il y a au Sénégal?
Vous savez, la question foncière est très complexe, car elle brasse beaucoup d’enjeux. C’est d’abord un enjeu anthropologique, car nous sommes des Africains et nous avons un lien très fort avec la terre. On considère qu’une personne n’a pas complètement réussi sa vie tant qu’elle n’a pas construit sa maison. Cela crée évidemment une demande immense alors que l’offre, c’est-à-dire des terrains bien placés, n’est pas extensible à l’infini. Or, quand il y’a un tel déséquilibre entre l’offre et la demande, la porte est ouverte à toutes les dérives.
Heureusement que la politique des nouveaux pôles urbains du Président Macky Sall va permettre de décongestionner la capitale et donc, de rééquilibrer l’offre et la demande, au moins pour Dakar qui concentre l’essentiel des enjeux, et donc des litiges, sur le plan foncier.
L’autre problème, c’est la complexité des normes et des procédures qui régissent le foncier. Nos textes ont vieilli: la loi sur le domaine national date de 1964 et le Code du domaine de l’Etat remonte à 1976. Or, ce sont les deux textes les plus importants. Nous avons donc un système complexe, pas toujours adapté à nos réalités socio-économiques, surtout celles du XXIème siècle, de surcroît dans un pays où il y a beaucoup d’analphabètes.
Qu’est-ce que le directeur des Domaines que vous êtes, a fait pour prendre en charge ce problème ?
Sur la modernisation des normes, j’ai des idées très précises tirées de mes 27 années d’expérience administrative. Mais je dois rappeler que le président de la République avait institué, bien avant ma nomination, une Commission nationale de réforme foncière chargée du même chantier. Je n’ai donc pas voulu prendre des initiatives qui auraient donné l’impression d’une concurrence entre la Direction des Domaines et la Commission dirigée par le Professeur Sourang, un homme pour qui j’ai la plus grande estime.
Nous avons préféré, nous les techniciens de l’administration domaniale, contribuer le plus utilement possible aux travaux de cette commission. Toutefois, dans un registre plus opérationnel, j’ai lancé plusieurs chantiers de modernisation des procédures, dans la limite de mes attributions réglementaires, avec pour optique de renforcer la transparence dans la gestion des dossiers et de faciliter la vie des usagers.
Source L’Observateur