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Mettons l'intelligence artificielle au service de l'intérêt général


Rédigé par leral.net le Vendredi 2 Février 2024 à 00:19 | | 0 commentaire(s)|

De l'optimisme à la plus grande réserve, c'est ainsi que l'on peut décrire la vague de prédictions concernant l'avenir de l'intelligence artificielle (IA) en ce début d'année. Néanmoins un consensus se dégage : l'IA modifie l'expérience humaine. Pour s'y adapter l'humanité doit évoluer.
Mettons l'intelligence artificielle au service de l'intérêt général
Pour quiconque ayant vécu l'émergence d'Internet et des médias sociaux, la révolution de l'IA a un air de déjà vu, elle soulève deux questions fondamentales:
- L'élan actuel pourra-t-il se maintenir sans répéter les erreurs du passé?
- Peut-on créer un monde dans lequel chacun, y compris les 2,6 milliards de personnes  qui n'ont pas accès à Internet, peut prospérer?

Maîtriser l'IA pour un avenir équitable centré sur l'être humain exige une nouvelle forme d'innovation qui soit inclusive. Dans cette perspective, plusieurs tendances prometteuses se dessinent.

Tout d'abord la réglementation de l'IA reste une priorité mondiale. De la réglementation  européenne  sur l'IA au décret signé en octobre 2023  par le président Biden, les partisans d'une IA responsable ont répondu aux engagements volontaires des géants du Web par des propositions basées sur l'équité, la justice et les principes démocratiques. La communauté internationale, sous la conduite du nouvel Organe consultatif de haut niveau des Nations unies sur l'IA  (dont l'un d'entre nous, Vilas Dhar, est membre), est disposée à faire progresser beaucoup de ces initiatives au cours de l'année. En témoigne son rapport intérimaire sur la gouvernance de l'IA pour l'humanité.

Par ailleurs, cette année pourrait être celle du démantèlement des chambres d'écho de l'élite et de la formation d'un cadre mondial de professionnels de l'IA respectueux de l'éthique. Il faudrait élargir les initiatives telles que la National Artificial Intelligence Research Resource Task Force  créée par la loi américaine 2020 sur l'IA (AI Initiative Act) et localiser les stratégies de mise en œuvre au moyen d'outils tels que la Méthode d'évaluation de l'état de préparation  de l'UNESCO. On pourrait ainsi parvenir à l'échelle mondiale à des cadres de gouvernance inclusifs qui pourraient façonner l'IA dès cette année.

Au niveau national, l'accent devrait être mis sur la réglementation des contenus générés par l'IA et sur les moyens à accorder aux décideurs et aux citoyens pour qu'ils puissent faire face aux menaces que l'IA fait peser sur la participation civique. Des élections d'importance cruciales vont avoir lieu cette année dans un grand nombre de pays  (ils comptent pour plus de 40 % de la population mondiale). Aussi la lutte contre la vague imminente de fausses informations et de désinformations à laquelle on peut s'attendre nécessite des mesures d'anticipation. Il s'agit notamment de la sensibilisation de l'opinion publique, du soutien à l'éducation aux médias dans les différentes tranches d'âge et de la lutte contre la polarisation des opinions en soulignant l'importance de l'empathie et de l'apprentissage mutuel.

Alors que les gouvernements débattent du rôle de l'IA dans la sphère publique, les changements réglementaires susciteront probablement de nouvelles discussions sur le recours aux technologies émergentes pour atteindre des objectifs politiques importants. L'utilisation de l'IA pour améliorer l'efficacité des trains  en Inde et le système de paiement numérique appuyé par l'IA au Brésil en sont de parfaits exemples.

En 2024, des entités telles que le Programme des Nations unies pour le développement devrait étudier l'intégration des technologies de l'IA dans l'infrastructure publique numérique (IPN). Des initiatives normatives (telles que le Pacte numérique mondial  des Nations unies en préparation) pourraient servir de cadre multipartite pour la conception d'une IPN inclusive. Cette stratégie devrait privilégier l'instauration de la confiance en donnant la priorité aux besoins et au droit à la propriété des diverses communautés plutôt qu'aux profits. Cette stratégie devrait inclure l'adhésion  à des "principes communs pour un avenir numérique ouvert, libre et sûr pour tous".

Des éléments de la société civile s'appuient déjà sur cette dynamique et utilisent l'AI au profit de l'intérêt général. Ainsi l'ONG Population Services International  et la start-up londonienne Babylon Health lancent un outil  de vérification des symptômes et de localisation des prestataires de soins de santé basé sur l'IA qui illustre la capacité de cette dernière à aider chacun à gérer sa santé. De même, des organisations comme Polaris  et Girl Effect  luttent contre les obstacles à la transformation numérique dans le secteur à but non lucratif; elles cherchent à résoudre des problèmes tels que la confidentialité des données et la sécurité des utilisateurs. Les fondations philanthropiques et les institutions publiques pourraient contribuer à l'élargissement  de ces initiatives en s'alliant, en établissant des réseaux d'experts internationaux et en développant un financement centralisé.

Alors que certaines ONG passent de l'intégration  de l'IA dans leur travail à la création de nouveaux produits d'IA, notre conception du leadership et de la représentation dans le domaine de la technologie doit également évoluer; nous devons reconnaître la marginalisation délibérée des voix minoritaires dans le secteur de l'IA. En remettant en question les perceptions dépassées  des acteurs clés de l'écosystème de l'IA d'aujourd'hui, nous pouvons célébrer le véritable visage diversifié de l'innovation et mettre en lumière les pionniers de l'IA - quelque soit leur genre, leur race, leur culture et leur origine géographique.

Des organisations telles que Hidden Genius Project , Indigenous in AI  et Technovation  construisent déjà le Who's Who de demain et mettent l'accent sur les femmes et les personnes de couleur. En soutenant collectivement leur travail, nous pouvons veiller à ce que dès cette année les groupes marginalisés jouent un rôle de premier plan dans la conception, le déploiement et la supervision des technologies de l'IA.

Les débats sur ce que signifie être "centré sur l'humain" et sur les valeurs qui devraient nous guider façonneront notre utilisation de l'IA. Des cadres multipartites comme que la publication de l'UNESCO sur l'éthique de l'intelligence artificielle  pourraient fournir des orientations indispensables. Les décideurs politiques et les spécialistes en matière de technologie pourraient définir des principes pour la conception, le développement et le déploiement d'outils d'IA inclusifs en donnant la priorité à des valeurs communes telles que la diversité, l'inclusion et la paix. De même, l'intégration de ces valeurs dans nos stratégies nécessite la prise en compte de tous les groupes concernés et un engagement ferme en faveur de l'équité et des droits humains.

Etant donné qu'à l'image d'Internet, l'IA pourrait devenir omniprésente, nous devons tirer les leçons des succès et des erreurs de la révolution digitale. A rester sur la trajectoire actuelle, nous risquons de perpétuer ou même d'aggraver le fossé de richesse et d'aliéner encore davantage les communautés misérables à travers le monde.

Mais en réaffirmant notre engagement en faveur de l'équité, de la justice et de la dignité, nous pouvons développer un nouveau cadre mondial permettant à chacun de bénéficier de l'innovation technologique. Nous devons établir dès maintenant des partenariats entre les parties prenantes et agir pour que l'IA apporte la prospérité à tous.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Yolanda Botti-Lodovico est responsable de la politique et de la défense des idées de la fondation Patrick J. McGovern.
Vilas Dhar est président de la fondation Patrick J. McGovern .
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Source : https://www.lejecos.com/Mettons-l-intelligence-art...

La rédaction