Comment avez-vous rencontré Sophie ?
Je l’ai rencontrée sur Internet en 2006. J’ai fait un premier séjour au Sénégal et elle m’a rejoint. On s’est entendu. Ce n’était pas forcément évident avec la différence d’âge, 29 ans, mais nous sommes tombés amoureux. Je voulais refaire ma vie et elle était prête à me rejoindre. Nous nous sommes mariés au Sénégal. Sophie est arrivée en France peu après, en janvier 2007. Elle m’a apporté une grande paix intérieure et c’était partagé.
Comment a réagi votre fils à votre remariage ?
Il n’était pas hostile à ce qu’il m’arrivait. Au contraire, il était content pour moi. Par la suite, leurs relations se sont dégradées.
Comment réagissait Sophie ?
Elle aurait préféré une entente parfaite et qu’il se plie à la discipline, mais il n’y avait plus de conflit entre eux quelques semaines avant les faits. Le jour du drame, vous avez accusé votre fils d’avoir tiré volontairement. Par la suite, vous avez privilégié l’accident.
Vous donnez l’impression d’avoir subi des pressions familiales pour préserver « TB ».
Sur le coup, j’étais dans une haine absolue et par la suite, une forme de lucidité est revenue et le doute s’est introduit. J’ai subi une certaine influence familiale, mais je ne suis pas certain que cela ait joué un rôle dans ma vision des événements.
Mais quelle est réellement votre conviction aujourd’hui ?
La vérité, c’est que je ne sais pas. Je me pose chaque jour la question (silence). « TB » faisait l’imbécile avec cette arme.
Qu’avez-vous ressenti à la lecture du verdict qui condamne votre fils à trois ans de prison ?
J’ai pensé que le verdict était clément (silence) et que mon fils méritait un peu plus pour la disparition de mon épouse et de mon bébé.
Vous ne lui pardonnez pas ?
Non et je ne veux pas le revoir. Pour le moment, je suis encore dans la colère. Chateaubriand disait que même les plus grands deuils sont atténués par le temps.
Vous ne vous êtes jamais adressé à lui pendant le procès. Avez-vous un message à lui transmettre aujourd’hui ?
Refais ta vie, de la façon la plus honnête possible, sans jamais oublier ton acte. La communauté sénégalaise a exprimé vivement sa douleur à l’issue du procès.
Quelle a été sa réaction à votre égard ?
Certains me considèrent comme responsable de la mort de Sophie. J’ai une part de responsabilité, mais elle est indirecte. Je pense avoir été trop laxiste dans l’éducation de mon fils.
Le procès est fini. Comment vous sentez-vous ?
C’est le soulagement. Je l’ai vécu comme une épreuve terrible. Le deuxième jour était le plus difficile, avec l’évocation de l’autopsie. J’ai appris que le bébé était en pleine santé. Aujourd’hui, ma fille courrait par là. J’aurais essayé de mieux m’en occuper, de ne pas répéter mes erreurs.
Comment faites-vous pour vivre encore sur les lieux du drame ?
J’ai décidé de rester parce que cela ne change rien. J’ai repassé la scène en boucle pendant des mois. Avant, cela me submergeait. Maintenant, j’arrive à contrôler mes angoisses avec des béquilles chimiques.
Tribune de Genève