Depuis dix ans que j’organise la Dakar Fashion Week, je fais découvrir les stylistes internationaux au public africain. Avec la Black Fashion Week, itinérante, que j’ai mise en place en 2011, c’est un peu l’inverse : l’objectif consiste à révéler les richesses culturelles de la diaspora du continent et à sensibiliser les rédactions des journaux français et européens à une « mode noire », mais qui n’est pas forcément africaine ou faite par des
Noirs pour des Noirs.
La Black Fashion Week Prague, organisée en novembre 2011, avait reçu un accueil chaleureux en République tchèque. Mais de vives critiques ont fusé à l’occasion du même évènement organisé à Paris pour la première fois du 4 au 6 octobre dernier.
Une certaine presse française a crié au sectarisme. « Pourquoi pas une Fashion Week White ? » m’a même demandé une journaliste d’une grande chaîne de télé. À quoi j’ai répondu, amusée, que ce serait une redondance : d’après une étude du New York Times, les participants aux Fashion Weeks des grandes villes sont à 97 % « caucasiens ». L’intervieweuse me fit alors remarquer qu’il y avait déjà eu des Noirs lors des défilés parisiens il y a quinze ans, et que ce n’était la faute de personne si les créateurs africains ne savaient pas se renouveler !
Heureusement que les créateurs européens influencés par l’Afrique ont plus de clairvoyance ! lui répondis-je. Et ce n’est pas non plus le fruit de mon imagination si les mannequins noirs sont inexistants sur les podiums. D’autres ont parlé de l’événement comme d’une provocation, l’expression d’un racisme anti-Blancs. Sans parler du mépris affiché par des éminences de la mode parisienne… Pourquoi tant de violence ?
Comme le dit la journaliste Lauren Ekué, « en France, il faut toujours montrer patte blanche », cruelle expression. Essayer de se fondre dans la masse et s’intégrer coûte que coûte, quitte à se désintégrer ? Qu’y a-t-il de mal à vouloir offrir une plateforme pour montrer la création afro-caribéenne au-delà des frontières africaines, promouvoir des designers noirs ? Ce qui n’est d’ailleurs pas exactement le cas, puisque la Black Fashion Week fait défiler des créateurs chinois, marocains, égyptiens, sud-africains… de toutes les couleurs !
La mode avance par transgression, provocation, irruption de mondes nouveaux, et non pas grâce à des défilés régentés par l’establishment. Ceux que cela dérange ne sont certainement pas les plus novateurs… Je suis black, je suis sénégalaise. Je suis aussi contente d’être française. Et je me retrouve aujourd’hui, malgré moi, dans la peau d’une militante. Dans ce seul pays où le mot black semble poser problème, je donne rendez-vous aux passionnés de mode l’année prochaine à la deuxième Black Fashion Week Paris pour qu’ensemble nous ne voyions plus le monde de la même fashion.
Adama Paris
Fondatrice de la marque Adama Paris,
organisatrice de la Dakar Fashion Week, des Trophées de la mode africaine, et de la Black Fashion Week de Prague et de Paris.
Noirs pour des Noirs.
La Black Fashion Week Prague, organisée en novembre 2011, avait reçu un accueil chaleureux en République tchèque. Mais de vives critiques ont fusé à l’occasion du même évènement organisé à Paris pour la première fois du 4 au 6 octobre dernier.
Une certaine presse française a crié au sectarisme. « Pourquoi pas une Fashion Week White ? » m’a même demandé une journaliste d’une grande chaîne de télé. À quoi j’ai répondu, amusée, que ce serait une redondance : d’après une étude du New York Times, les participants aux Fashion Weeks des grandes villes sont à 97 % « caucasiens ». L’intervieweuse me fit alors remarquer qu’il y avait déjà eu des Noirs lors des défilés parisiens il y a quinze ans, et que ce n’était la faute de personne si les créateurs africains ne savaient pas se renouveler !
Heureusement que les créateurs européens influencés par l’Afrique ont plus de clairvoyance ! lui répondis-je. Et ce n’est pas non plus le fruit de mon imagination si les mannequins noirs sont inexistants sur les podiums. D’autres ont parlé de l’événement comme d’une provocation, l’expression d’un racisme anti-Blancs. Sans parler du mépris affiché par des éminences de la mode parisienne… Pourquoi tant de violence ?
Comme le dit la journaliste Lauren Ekué, « en France, il faut toujours montrer patte blanche », cruelle expression. Essayer de se fondre dans la masse et s’intégrer coûte que coûte, quitte à se désintégrer ? Qu’y a-t-il de mal à vouloir offrir une plateforme pour montrer la création afro-caribéenne au-delà des frontières africaines, promouvoir des designers noirs ? Ce qui n’est d’ailleurs pas exactement le cas, puisque la Black Fashion Week fait défiler des créateurs chinois, marocains, égyptiens, sud-africains… de toutes les couleurs !
La mode avance par transgression, provocation, irruption de mondes nouveaux, et non pas grâce à des défilés régentés par l’establishment. Ceux que cela dérange ne sont certainement pas les plus novateurs… Je suis black, je suis sénégalaise. Je suis aussi contente d’être française. Et je me retrouve aujourd’hui, malgré moi, dans la peau d’une militante. Dans ce seul pays où le mot black semble poser problème, je donne rendez-vous aux passionnés de mode l’année prochaine à la deuxième Black Fashion Week Paris pour qu’ensemble nous ne voyions plus le monde de la même fashion.
Adama Paris
Fondatrice de la marque Adama Paris,
organisatrice de la Dakar Fashion Week, des Trophées de la mode africaine, et de la Black Fashion Week de Prague et de Paris.