Le problème est ailleurs. Des anciens Premiers ministres Idrissa Seck et Macky Sall hier, à Cheikh Tidiane Gadio aujourd’hui, les attitudes se copient pour se coller à la même logique déroutante et indigne de personnes qui avaient suscité tant d’espoir pour leur engagement qui semblait indéfectible auprès du président de la République.
Pourquoi doit-on attendre de se faire sortir d’abord pour se mettre à brocarder ? Que pèse sur nos épaules la responsabilité d’avoir participé jusque-là à la mise en œuvre d’une politique et des orientations dont on s’est fait un défenseur acharné ? Que vaut notre appréciation de la situation nationale faite uniquement à l’aune de nos humeurs changeantes ? A quel Saint se vouer, mon Dieu, suis-je tenté de crier !
L’attitude de Cheikh Tidiane Gadio ainsi que celle de tous ceux qui l’ont précédé dans cette « danse macabre » du reniement, est d’autant plus déplorable que l’intéressé a jusque-là fait un parcours sans faute à tout point de vue. Esprit libre, universitaire et chercheur motivé, Gadio a démontré par son dynamisme et son ouverture que les ressources humaines de qualité ne sont pas forcément toujours dans les loges d’une nomenklatura politique accrochée insidieusement à ses certitudes. Le Sénégal, avec lui aux Affaires étrangères et sous la direction sage, courageuse et avisée du président Wade, a connu d’éclatants succès diplomatiques que nul n’a intérêt à nier au risque de se faire ridiculiser par « la preuve par le temps ». Son successeur, Me Madické Niang, choisi par le chef de l’Etat, effectue un bon départ.
Premier conseiller à l’ambassade du Sénégal en Russie, j’ai vu Cheikh Tidiane Gadio à Moscou exposer en anglais et en français, avec une aisance et un panache inégalables, la vision panafricaniste du président Wade devant un parterre d’ambassadeurs africains séduits, qui en redemandaient. Cet instant est resté à jamais gravé dans ma mémoire. J’ai vu le même Gadio, essoufflé, fatigué mais prié de rappliquer d’urgence sur Bruxelles avant la fin de son séjour à Moscou, faire ses bagages sans gémir. Quand la République ordonne, on s’exécute. C’est un sacerdoce. Ces instants de grande inspiration au service de la République et sous l’égide d’un homme qui nous sert de repère, m’avaient fait croire qu’il ne pourrait jamais y avoir de malentendu insurmontable entre Gadio et le président. Hélas, je constate amèrement que l’histoire se répète.
Nous sommes une génération qui a grandi sous Senghor et sans amour particulier pour ce dernier, considéré alors, à tort ou à raison, comme la voix de son maître, la France en l’occurrence. Lorsque Wade créa le Pds en 1974, jeunes collégiens, nous nous sommes mis à lire la « littérature politique » que mettait à notre disposition des journaux comme le « Démocrate » et le « Politicien », ainsi que « Siggi » puis « Taxaw » de Cheikh Anta Diop. Malgré une forte sympathie pour Cheikh Anta pour son opposition radicale à Senghor, ma préférence ainsi que celle de plusieurs de mes camarades de classe, allèrent à l’avocat. Abdoulaye Wade avait su s’opposer avec beaucoup plus de délicatesse - beaucoup plus de malice diront certains -, toute chose qui a fini par porter ses fruits...
Dans sa très longue marche vers la présidence, Abdoulaye Wade en a vu de toutes les couleurs. Opposant intelligent et réaliste, il a souffert des débauchages qui ont affecté les rangs du Pds pendant les 26 années de traversée du désert. Il a prêté son dos aux bâtons du régime Ups-Ps pour protéger sa formation et ses principaux animateurs. Le train du changement (image qui résume son histoire) que sont venus plus tard renforcer les wagons d’une coalition patriotique mais hétéroclite, a laissé en gare des sceptiques qui avaient préféré abdiquer et pris en cours de route d’autres, convaincus de la bonne direction prise par le conducteur en chef.
A l’arrivée, des voyageurs de toutes sortes rejoignirent les voitures. Cheikh Tidiane Gadio s’est particulièrement signalé vers le dernier tournant en s’impliquant dans la campagne pour l’élection de Wade depuis les Etats-Unis. La victoire du candidat du Sopi fut aussi sa victoire, au sens le plus utile du terme. Nommé à la tête du département des Affaires étrangères grâce à la confiance en lui placée par le chef de l’Etat, Gadio aura été dans l’histoire de notre jeune Etat, le ministre qui a le plus duré à ce niveau de responsabilité. Il a pendant 9 longues années clamé sur tous les toits du monde que Wade est un visionnaire (ce qui est vrai) et que si ses pairs africains l’avaient suivi, l’Afrique serait déjà devenue un seul et même pays...Je le croyais sincère !
En créant son mouvement, il ne fait qu’emprunter une voie malencontreusement défrichée par Idrissa Seck et aveuglément suivie par Macky Sall. C’est une sorte de malédiction qui frappe ces personnes de ma génération (pour qui j’ai le plus humain des respects) qui ont tout obtenu du président.
La philosophie du « gen saaga » (chercher la traduction) dont ils font involontairement la promotion, est répugnante et révoltante à la fois. Elle pourrait engendrer des conséquences fâcheuses pour la pérennité de notre survie et la sauvegarde de notre « modus vivendi » traditionnel qui célèbre la reconnaissance et blâme l’ingratitude.
L’acte de décliner ses ambitions pour son peuple n’est en rien condamnable mais si la source qui fonde cet acte commande que l’on poignarde au dos son bienfaiteur, l’esprit averti devrait se garder de tenter l’aventure.
Gadio, comme ses prédécesseurs, a fait fi de ce raisonnement et c’est ça qui fait mal à tous ceux et celles qui, comme moi, pensent que c’est grâce à Abdoulaye Wade que le Sénégal a été remis sur les voies de l’émancipation et rien d’autre. Il ne mérite pas qu’on lui retourne l’ascenseur de cette façon-là. Un proverbe wolof dit bien ceci : « bu lëk leeké alom na ko gërëmé coy » (on doit toujours de la reconnaissance à l’intercesseur - traduction du Dr Massamba Guèye).
En idéaliste irréductible et en rêveur insatiable cependant, je souhaite, comme toutes les bonnes volontés attachées à la consolidation des acquis obtenus grâce à l’opiniâtreté et à la persévérance du président de la République, le retour à la raison, de tous les « enfants égarés » du Sopi. Idrissa est revenu. Pour Gadio et même pour Macky, il n’est toujours pas trop tard. C’est un frère, nostalgique des « années de braise », qui vous parle.
Dr Souleymane Anta NDIAYE
Premier conseiller
Délégation permanente du Sénégal auprès de l’Unesco/Paris
LESOLEIL.SN
Pourquoi doit-on attendre de se faire sortir d’abord pour se mettre à brocarder ? Que pèse sur nos épaules la responsabilité d’avoir participé jusque-là à la mise en œuvre d’une politique et des orientations dont on s’est fait un défenseur acharné ? Que vaut notre appréciation de la situation nationale faite uniquement à l’aune de nos humeurs changeantes ? A quel Saint se vouer, mon Dieu, suis-je tenté de crier !
L’attitude de Cheikh Tidiane Gadio ainsi que celle de tous ceux qui l’ont précédé dans cette « danse macabre » du reniement, est d’autant plus déplorable que l’intéressé a jusque-là fait un parcours sans faute à tout point de vue. Esprit libre, universitaire et chercheur motivé, Gadio a démontré par son dynamisme et son ouverture que les ressources humaines de qualité ne sont pas forcément toujours dans les loges d’une nomenklatura politique accrochée insidieusement à ses certitudes. Le Sénégal, avec lui aux Affaires étrangères et sous la direction sage, courageuse et avisée du président Wade, a connu d’éclatants succès diplomatiques que nul n’a intérêt à nier au risque de se faire ridiculiser par « la preuve par le temps ». Son successeur, Me Madické Niang, choisi par le chef de l’Etat, effectue un bon départ.
Premier conseiller à l’ambassade du Sénégal en Russie, j’ai vu Cheikh Tidiane Gadio à Moscou exposer en anglais et en français, avec une aisance et un panache inégalables, la vision panafricaniste du président Wade devant un parterre d’ambassadeurs africains séduits, qui en redemandaient. Cet instant est resté à jamais gravé dans ma mémoire. J’ai vu le même Gadio, essoufflé, fatigué mais prié de rappliquer d’urgence sur Bruxelles avant la fin de son séjour à Moscou, faire ses bagages sans gémir. Quand la République ordonne, on s’exécute. C’est un sacerdoce. Ces instants de grande inspiration au service de la République et sous l’égide d’un homme qui nous sert de repère, m’avaient fait croire qu’il ne pourrait jamais y avoir de malentendu insurmontable entre Gadio et le président. Hélas, je constate amèrement que l’histoire se répète.
Nous sommes une génération qui a grandi sous Senghor et sans amour particulier pour ce dernier, considéré alors, à tort ou à raison, comme la voix de son maître, la France en l’occurrence. Lorsque Wade créa le Pds en 1974, jeunes collégiens, nous nous sommes mis à lire la « littérature politique » que mettait à notre disposition des journaux comme le « Démocrate » et le « Politicien », ainsi que « Siggi » puis « Taxaw » de Cheikh Anta Diop. Malgré une forte sympathie pour Cheikh Anta pour son opposition radicale à Senghor, ma préférence ainsi que celle de plusieurs de mes camarades de classe, allèrent à l’avocat. Abdoulaye Wade avait su s’opposer avec beaucoup plus de délicatesse - beaucoup plus de malice diront certains -, toute chose qui a fini par porter ses fruits...
Dans sa très longue marche vers la présidence, Abdoulaye Wade en a vu de toutes les couleurs. Opposant intelligent et réaliste, il a souffert des débauchages qui ont affecté les rangs du Pds pendant les 26 années de traversée du désert. Il a prêté son dos aux bâtons du régime Ups-Ps pour protéger sa formation et ses principaux animateurs. Le train du changement (image qui résume son histoire) que sont venus plus tard renforcer les wagons d’une coalition patriotique mais hétéroclite, a laissé en gare des sceptiques qui avaient préféré abdiquer et pris en cours de route d’autres, convaincus de la bonne direction prise par le conducteur en chef.
A l’arrivée, des voyageurs de toutes sortes rejoignirent les voitures. Cheikh Tidiane Gadio s’est particulièrement signalé vers le dernier tournant en s’impliquant dans la campagne pour l’élection de Wade depuis les Etats-Unis. La victoire du candidat du Sopi fut aussi sa victoire, au sens le plus utile du terme. Nommé à la tête du département des Affaires étrangères grâce à la confiance en lui placée par le chef de l’Etat, Gadio aura été dans l’histoire de notre jeune Etat, le ministre qui a le plus duré à ce niveau de responsabilité. Il a pendant 9 longues années clamé sur tous les toits du monde que Wade est un visionnaire (ce qui est vrai) et que si ses pairs africains l’avaient suivi, l’Afrique serait déjà devenue un seul et même pays...Je le croyais sincère !
En créant son mouvement, il ne fait qu’emprunter une voie malencontreusement défrichée par Idrissa Seck et aveuglément suivie par Macky Sall. C’est une sorte de malédiction qui frappe ces personnes de ma génération (pour qui j’ai le plus humain des respects) qui ont tout obtenu du président.
La philosophie du « gen saaga » (chercher la traduction) dont ils font involontairement la promotion, est répugnante et révoltante à la fois. Elle pourrait engendrer des conséquences fâcheuses pour la pérennité de notre survie et la sauvegarde de notre « modus vivendi » traditionnel qui célèbre la reconnaissance et blâme l’ingratitude.
L’acte de décliner ses ambitions pour son peuple n’est en rien condamnable mais si la source qui fonde cet acte commande que l’on poignarde au dos son bienfaiteur, l’esprit averti devrait se garder de tenter l’aventure.
Gadio, comme ses prédécesseurs, a fait fi de ce raisonnement et c’est ça qui fait mal à tous ceux et celles qui, comme moi, pensent que c’est grâce à Abdoulaye Wade que le Sénégal a été remis sur les voies de l’émancipation et rien d’autre. Il ne mérite pas qu’on lui retourne l’ascenseur de cette façon-là. Un proverbe wolof dit bien ceci : « bu lëk leeké alom na ko gërëmé coy » (on doit toujours de la reconnaissance à l’intercesseur - traduction du Dr Massamba Guèye).
En idéaliste irréductible et en rêveur insatiable cependant, je souhaite, comme toutes les bonnes volontés attachées à la consolidation des acquis obtenus grâce à l’opiniâtreté et à la persévérance du président de la République, le retour à la raison, de tous les « enfants égarés » du Sopi. Idrissa est revenu. Pour Gadio et même pour Macky, il n’est toujours pas trop tard. C’est un frère, nostalgique des « années de braise », qui vous parle.
Dr Souleymane Anta NDIAYE
Premier conseiller
Délégation permanente du Sénégal auprès de l’Unesco/Paris
LESOLEIL.SN