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Nos vieux médicaments n'iront plus en Afrique

Chaque année, nos armoires à pharmacie se délestent de 3 000 tonnes de médicaments.5 % partaient vers le tiers-monde. C'est fini : tout doit être détruit. Au Sénégal, on s'inquiète.


Rédigé par leral.net le Dimanche 15 Février 2009 à 08:07 | | 0 commentaire(s)|

Nos vieux médicaments n'iront plus en Afrique
Reportage
DAKAR (de notre envoyé spécial). ¯ Sofia Xsawera a rempli le coffre de son Jumper Citroën. Pour la dernière fois peut-être, la petite soeur polonaise de Notre-Dame de l'Espérance a pris livraison de l'ultime conteneur de neuf tonnes de médicaments qui vient d'arriver de France.

Le bateau qui l'a emmené du Havre jusqu'au port de Dakar ne fera plus la navette entre nos armoires à pharmacie et les dispensaires du Sénégal.

La pilule est amère

Les médicaments non utilisés, les fameux MNU, ne prendront plus la mer. Jusqu'ici, ils étaient triés pour être solidairement expédiés vers des pays où le médicament, même périmé, est une denrée rare et chère. Depuis le 1er janvier, directive européenne oblige, nos potions et remèdes usagés doivent être détruits. « Nos médicaments, conçus pour des maladies occidentales, sont inadaptés. Et certains font l'objet de trafics dangereux », plaident les chevaliers blancs de la pharmacopée baladeuse.

Sans doute. Mais, au bout du monde, la pilule est amère : « Nous distribuons annuellement dix-huit tonnes de médicaments dans vingt-cinq dispensaires du Sénégal, soupire Alain Legendre, le directeur de l'Institut de léprologie de l'Ordre de Malte à Dakar, chez nous tout était minutieusement trié, traçabilisé. Qu'est-ce qu'on va faire ? Peut-être travailler avec des centrales d'achat sur place. »

Bertille Champenois chiffre l'impact de la mesure : « L'Ordre de Malte expédie cinquante-six tonnes de médicaments dans quatorze pays. Ce qui correspond à 603 000 journées de traitement de voies digestives ou à 300 000 journées de traitement par produits sanguins. Le trou, pour nous, c'est 1,9 million d'euros. On fera face cette année. Mais après... »

400 malades patientent

Après, c'est l'inconnu, le grand flou. Et la terrible réalité du terrain. Dans le dispensaire du quartier de Tiaroye, à 10 km du centre de Dakar, soeur Ksawera va devoir faire face avec les moyens du bord. Chaque matin, à l'aube, 400 malades patientent dans la cour du foyer de Notre-Dame de l'Espérance. Il y a là des sidéens, des gens atteints d'une bronchite, maladie banale chez nous, mortelle là-bas.

Dans les salles de consultation, des femmes découvrent les dermatoses atroces qu'elles se sont infligées en se recouvrant le corps de produits visant à blanchir les peaux noires. C'est une calamité que l'on soigne par des vaselines et de la discussion.

La réserve de médicaments venus du monde riche s'épuise. La petite soeur, qui travaille sous un portrait de Jean-Paul II, et sans se soucier de savoir si ses malades sont musulmans ou pas, n'ira plus remplir sa fourgonnette des cartons expédiés de France. Que faire ? « Je vais prier saint Joseph... Et retrousser mes manches. »

François SIMON.

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