Qu’elle est votre appréciation de la situation actuelle ?
Le constat du président de la République du 31 décembre dernier me paraît tardif. Je crois que quand l’alerte a été donnée, quand le président a relevé son ministre du budget,- ce que je n’ai pas considéré comme une sanction, tous les jours on remanie un gouvernement, il faut faire la différence,- il aurait dû dire clairement qu’il y a des fautes de gestion. Un président de la République, si vous n’avez pas la lucidité de le conseiller, ayez au moins le courage de lui faire des suggestions. Le président est assez intelligent pour comprendre qu’à travers ces suggestions, le fond de votre pensée. Je suis d’avis maintenant que le Sénégal doit se mettre tout seul en ajustement sans contrainte de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi). Il n’a pas besoin d’injonctions, mais il a besoin d’ajustement. Pourquoi ? Parce que le budget de 2009 a été préparé au mois de septembre, le baril du pétrole était à 134 dollars us, les prévisions de recettes douanières et fiscales sur le baril du pétrole étaient bâties sur les cours mondiaux. Le baril aujourd’hui est à moins de 50 dollars us, toutes les prévisions sont faussées et l’on fait comme si de rien n’était, alors que l’on doit corriger le budget. Rappelez vous au mois d’octobre le Premier ministre avait pris un arrêté en disant à tel ministère ou autres, de supprimer 15 % voir plus de ses dépenses. Il sera obligé de faire encore de même. Le gouvernement doit se mettre en ajustement, le budget du Sénégal doit être modifié de l’ordre de moins 25 à 35 % sur les recettes. Mettre un budget de 2500 milliards ne signifie absolument rien. Donc du point de vue économique, nous devons nous mettre aux ajustements sans complexe, on ne gouverne pas avec le cœur, avec la fierté, mais avec la tête.
Mais cela, le Sénégal n’a jamais pu le faire …
Oui, mais ce que je dis, c’est que nous ne devons pas attendre que l’on nous oblige à s’ajuster, alors qu’on peut le faire sans que l’on nous le dise. Parce que quand le Fmi dit : « j’ai autorisé la France a prêté au Sénégal 82 milliards Fcfa, mais à des conditions », il nous met sous ajustement. Ce n’est même pas le Fmi qui nous prête, c’est la France qui nous prête, mais c’est le Fmi qui autorise le prêt. La souveraineté nationale, la dignité nationale devait nous commander à revoir notre politique budgétaire. Les APE, j’étais le seul à les défendre. J’ai défendu l’idée comme quoi le Sénégal doit signer les APE. Aujourd’hui la Côte d’Ivoire a signé, le Ghana a fait pareil, le Sénégal va signer. Que dit les APE ? Simplement ceci : tous les produits importés des pays européens sont détaxés. Je vais donner le cas de l’eau, plusieurs produits qui entrent dans sa fabrication sont importés, notamment le sulfate d’alumine, la chauve vive, le sodium etc. Ces produits entrent pour 60 % dans la fabrication de l’eau. Et c’est taxé entre 40 et 45 % à la douane, cela veut dire que si vous ne les payez pas, le mètre cube d’eau au lieu de vous coûter 1000 francs va vous coûter 400 francs. Vous prenez le lait et tous les produits laitiers, c’est entre 40 et 45 francs, l’huile que nous consommons n’est même pas fabriquée au Sénégal, c’est importé, même le poivre est importé. Quand tu fais ton riz au poisson, il n’y a que le chou, un peu de poisson, un peu de manioc, tout le reste est fabriqué à partir de l’extérieur.
Un Madior qui veut faire une usine de ciment à Dakar, cela lui coûte 100 milliards de Fcfa, à cause des taxes douanières et autres impositions. La même usine de ciment construite en Côte d’Ivoire, lui coûte 75 milliards de Fcfa, parce qu’il ne paie pas les frais de douane. Madior n’hésitera pas un seul instant, il ira en Côte d’Ivoire localiser son usine. C’est ça qui fait que l’industrie sénégalaise est en dégénérescence.
Parlons de la situation commerciale, il a fallu la pression des populations ou d’une partie de la population pour faire baisser les tarifs d’électricité et d’autres produits. Alors que la loi du marché nous amenait inéluctablement vers cette baisse. Pourquoi ? Parce que c’est sur la base du fait que le baril était à 147 dollars us que la hausse avait été décrétée. Cela s’étant inversé avec un baril à moins de 50 dollars, nécessairement la baisse s’effectuera.
Quand il y avait pénurie du riz, on disait : oui c’est à cause des conditions climatiques dans le delta de Fara Thialaw, dans le delta du Mékong et ensuite à cause du transport affecté par la hausse du baril. Aujourd’hui le prix du pétrole a baissé dans le monde, mais les gens font de la résistance alors que c’était plus simple pour le gouvernement de créer une agence de régulation. Il a décidé de le faire, je suis d’accord avec le projet.
Ah bon !
Oui, une agence pour la régulation des stocks de riz offre à l’Etat la possibilité de mettre en place un stock de trois mois, c’est ce que l’on appelle un déflateur physique en économie. Les commerçants seront obligés de suivre sinon leurs produits ne seront pas vendus.
Une sorte de caisse de stabilisation des prix comme on a connu sous votre magistère ?
Non, c’était la caisse de stabilisation et de la péréquation des prix. Ici, il s’agit de sortir la péréquation pour rester dans la stabilisation. La consommation annuelle du Sénégal est de 1 million trois cent milles tonnes. 400,000 tonnes devraient provenir donc du marché local parce que officiellement on nous parle d’importation de 600.000 tonnes de riz. Mais nous savons que ce n’est pas ça. Si l’Etat met sur le marché ses deux mois de stock de son riz, l’autre riz n’est pas acheté. Les commerçants seront obligés de s’aligner et les consommateurs seront ainsi préservés de la spéculation. Comment les Américains ont fait pour casser le prix du baril de pétrole. Ils ont tout simplement ouvert leur stock de sécurité.
On assiste cependant à une certaine « agencisation » du pays depuis 2000. Est ce que cela procède de la modernité, selon vous ?
« L’agencisation » pour user du même néologisme que vous, en Europe et particulièrement en Grande-Bretagne qui en était la mère, procédait des besoins de sécurité nationale d’abord. Tout ce qui touchait à l’Energie atomique en France comme en Europe, on l’a sorti des ministères pour le mettre en sécurité dans des Agences. Plus tard avec l’évolution des technologies, on a développé les agences, mais dans des secteurs bien précis. L’Apix, c’était un simple bureau du ministère du Commerce. Vous pouvez le vérifier. Cette « agencisation » à outrance n’est pas une bonne chose. Nous créons ce que l’on appelle en droit administratif, des zones de conflits entre le gouvernement qui dans tout pays, est souverain et des agences qui sont des structures administratives et non-politiques. Un ministère est un instrument politique, une agence est un instrument administratif. Hors aujourd’hui, ce sont les agences qui déterminent la politique du gouvernement et mettent les ministres à côté.
L’Anoci est aussi une structure administrative comme vous le dites, mais sa comptabilité relève de la comptabilité privée. Comment cela se peut ?
Justement voilà un cas de conflit. Par exemple ; quand on est allé à l’Assemblée nationale pour voter une loi faisant de l’Apix une société anonyme. En droit, on appelle cela, une structure de genre propre. Cela ne procède d’aucune norme connue jusqu’ici. Il en est de même de l’Anoci qui est une agence. Elle doit fonctionner suivant les règles de la comptabilité publique. Il y a une règle en matière de finance publique qui dit que les deniers de l’Etat déteignent sur tout autres deniers. Cela veut dire que si vous avez une association avec un budget d’un milliard, si l’Etat met 10 francs, cela devient des deniers publics. C’est une règle. Alors à partir du moment où il y a des deniers publics, même s’il est vrai qu’il y a des sociétés privés qui gèrent des missions de services publics et qui fonctionnent suivant les règles de l’Ohada, mais en ce moment là, pour faire appliquer la politique de l’Etat, le Conseil d’administration et les administrateurs servent de leviers.
Donc la multiplication des agences du point de vue de la cohérence de la politique du gouvernement a créé simplement des zones de conflits et de compétences. Elle pose également la question de la cohésion dans la politique d’ensemble du gouvernement. Si on pouvait faire la somme des réalisations des agences, elle ne coïnciderait pas avec la somme de réalisations des ministères qui les ont pourtant sous tutelle. Par exemple, le ministère de l’Equipement en faisant son bilan ne comptabilise pas les travaux de l’Anoci. À l’Assemblée nationale, le ministre de l’Equipement devrait pouvoir dire à Dakar, nous avons fait la corniche, le canal de Soumbédioune, la Vdn, mais il ne peut pas le dire. C’est pour cette raison que nous devons faire un dialogue libre pour redresser notre Etat.
En outre, il y a eu un coup d’Etat en Guinée, le président de la République aurait dû appeler un Moustapha Niasse qui est un spécialiste des problèmes diplomatiques, qui a ses entrées aux Nations Unies. Un Ousmane Tanor Dieng, parce que c’est son métier.Il s’y ajoute qu’il est membre de l’International socialiste, des responsables comme Abdoulaye Makhtar Diop, leur dire voilà ce qui se passe en Guinée. Son homologue français, Nicolas Sarkozy l’a fait. Il pouvait donc appeler tout le monde, discuté, ensuite prendre sa décision. Parce que la décision qu’il prend engage le pays sur le long terme. Alors si Me Wade prend une décision et que les autres responsables sont contre dans 10 ans qu’est ce qui va se passer avec la Guinée qui est notre amie ? Voilà le problème.
Que pensez vous des Assises nationales ? Etes-vous de ceux qui pensent que le pouvoir devrait quand même se pencher sur ce laboratoire ?
Vous avez utilisé exactement les mêmes mots que moi. Les Assises nationales sont une excellente chose pour le président Wade. Si les différents travaux sectoriels sont réalisés par des experts et si vous en faites l’évaluation : un taux honoraire des experts de la Banque mondiale et des consultants, vous vous rendrez compte que les Assises ont fait des travaux qui auraient pu coûter au Sénégal entre 10 et 15 milliards de Fcfa.
Je pense que le président Wade peut prendre les conclusions même s’il ne participe pas, voir la partie qui l’intéresse parce qu’il ne s’agit là que de propositions et c’est lui qui a les moyens. C’est pourquoi, je n’ai jamais compris pourquoi des gens du Parti démocratique sénégalais (Pds) ou des gens qui tournent autour du gouvernement disent au Président de ne pas y aller et de considérer cela comme une révolte. C’est archi-faux. J’ai même dis aux gens des Assises qu’ils se sont trompés parce qu’ils ont dit que les Assises ont coûté 300 millions de Fcfa. Je leur ai dit que vous avez mal évalué. Quand vous allez déposer vos conclusions, si vous en faites le coût chiffré, vous serez à plus de 7 milliards de Fcfa.
Comme cela va être sur un site Internet, si le président Wade n’en veut pas, les présidents de la sous-région, intelligents, vont le prendre parce que nous avons la même structure économique. Cela va tomber dans le domaine public. Donc pour toutes ces raisons, je considère que c’est un travail d’expert technique qui peut avoir ses faiblesses, mais que l’on ne saurait ignorer dans un pays organisé, parce que vous vous imaginez, tous ces avocats ces professeurs d’universités qui viennent réfléchir sur l’école. Depuis quand le gouvernement ne réfléchit plus sur l’école ?
Exergues
1/ Un président de la République, si vous n’avez pas la lucidité de le conseiller, ayez au moins le courage de lui faire des suggestions.
2/ Parce que quand le Fmi dit : « j’ai autorisé la France a prêté au Sénégal 82 milliards Fcfa, mais à des conditions », il nous met sous ajustement
3/ Un ministère est un instrument politique, une agence est un instrument administratif. Hors aujourd’hui, ce sont les agences qui déterminent la politique du gouvernement et mettent les ministres à côté.
4/ Les Assises nationales sont une excellente chose pour le président Wade.
Le constat du président de la République du 31 décembre dernier me paraît tardif. Je crois que quand l’alerte a été donnée, quand le président a relevé son ministre du budget,- ce que je n’ai pas considéré comme une sanction, tous les jours on remanie un gouvernement, il faut faire la différence,- il aurait dû dire clairement qu’il y a des fautes de gestion. Un président de la République, si vous n’avez pas la lucidité de le conseiller, ayez au moins le courage de lui faire des suggestions. Le président est assez intelligent pour comprendre qu’à travers ces suggestions, le fond de votre pensée. Je suis d’avis maintenant que le Sénégal doit se mettre tout seul en ajustement sans contrainte de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi). Il n’a pas besoin d’injonctions, mais il a besoin d’ajustement. Pourquoi ? Parce que le budget de 2009 a été préparé au mois de septembre, le baril du pétrole était à 134 dollars us, les prévisions de recettes douanières et fiscales sur le baril du pétrole étaient bâties sur les cours mondiaux. Le baril aujourd’hui est à moins de 50 dollars us, toutes les prévisions sont faussées et l’on fait comme si de rien n’était, alors que l’on doit corriger le budget. Rappelez vous au mois d’octobre le Premier ministre avait pris un arrêté en disant à tel ministère ou autres, de supprimer 15 % voir plus de ses dépenses. Il sera obligé de faire encore de même. Le gouvernement doit se mettre en ajustement, le budget du Sénégal doit être modifié de l’ordre de moins 25 à 35 % sur les recettes. Mettre un budget de 2500 milliards ne signifie absolument rien. Donc du point de vue économique, nous devons nous mettre aux ajustements sans complexe, on ne gouverne pas avec le cœur, avec la fierté, mais avec la tête.
Mais cela, le Sénégal n’a jamais pu le faire …
Oui, mais ce que je dis, c’est que nous ne devons pas attendre que l’on nous oblige à s’ajuster, alors qu’on peut le faire sans que l’on nous le dise. Parce que quand le Fmi dit : « j’ai autorisé la France a prêté au Sénégal 82 milliards Fcfa, mais à des conditions », il nous met sous ajustement. Ce n’est même pas le Fmi qui nous prête, c’est la France qui nous prête, mais c’est le Fmi qui autorise le prêt. La souveraineté nationale, la dignité nationale devait nous commander à revoir notre politique budgétaire. Les APE, j’étais le seul à les défendre. J’ai défendu l’idée comme quoi le Sénégal doit signer les APE. Aujourd’hui la Côte d’Ivoire a signé, le Ghana a fait pareil, le Sénégal va signer. Que dit les APE ? Simplement ceci : tous les produits importés des pays européens sont détaxés. Je vais donner le cas de l’eau, plusieurs produits qui entrent dans sa fabrication sont importés, notamment le sulfate d’alumine, la chauve vive, le sodium etc. Ces produits entrent pour 60 % dans la fabrication de l’eau. Et c’est taxé entre 40 et 45 % à la douane, cela veut dire que si vous ne les payez pas, le mètre cube d’eau au lieu de vous coûter 1000 francs va vous coûter 400 francs. Vous prenez le lait et tous les produits laitiers, c’est entre 40 et 45 francs, l’huile que nous consommons n’est même pas fabriquée au Sénégal, c’est importé, même le poivre est importé. Quand tu fais ton riz au poisson, il n’y a que le chou, un peu de poisson, un peu de manioc, tout le reste est fabriqué à partir de l’extérieur.
Un Madior qui veut faire une usine de ciment à Dakar, cela lui coûte 100 milliards de Fcfa, à cause des taxes douanières et autres impositions. La même usine de ciment construite en Côte d’Ivoire, lui coûte 75 milliards de Fcfa, parce qu’il ne paie pas les frais de douane. Madior n’hésitera pas un seul instant, il ira en Côte d’Ivoire localiser son usine. C’est ça qui fait que l’industrie sénégalaise est en dégénérescence.
Parlons de la situation commerciale, il a fallu la pression des populations ou d’une partie de la population pour faire baisser les tarifs d’électricité et d’autres produits. Alors que la loi du marché nous amenait inéluctablement vers cette baisse. Pourquoi ? Parce que c’est sur la base du fait que le baril était à 147 dollars us que la hausse avait été décrétée. Cela s’étant inversé avec un baril à moins de 50 dollars, nécessairement la baisse s’effectuera.
Quand il y avait pénurie du riz, on disait : oui c’est à cause des conditions climatiques dans le delta de Fara Thialaw, dans le delta du Mékong et ensuite à cause du transport affecté par la hausse du baril. Aujourd’hui le prix du pétrole a baissé dans le monde, mais les gens font de la résistance alors que c’était plus simple pour le gouvernement de créer une agence de régulation. Il a décidé de le faire, je suis d’accord avec le projet.
Ah bon !
Oui, une agence pour la régulation des stocks de riz offre à l’Etat la possibilité de mettre en place un stock de trois mois, c’est ce que l’on appelle un déflateur physique en économie. Les commerçants seront obligés de suivre sinon leurs produits ne seront pas vendus.
Une sorte de caisse de stabilisation des prix comme on a connu sous votre magistère ?
Non, c’était la caisse de stabilisation et de la péréquation des prix. Ici, il s’agit de sortir la péréquation pour rester dans la stabilisation. La consommation annuelle du Sénégal est de 1 million trois cent milles tonnes. 400,000 tonnes devraient provenir donc du marché local parce que officiellement on nous parle d’importation de 600.000 tonnes de riz. Mais nous savons que ce n’est pas ça. Si l’Etat met sur le marché ses deux mois de stock de son riz, l’autre riz n’est pas acheté. Les commerçants seront obligés de s’aligner et les consommateurs seront ainsi préservés de la spéculation. Comment les Américains ont fait pour casser le prix du baril de pétrole. Ils ont tout simplement ouvert leur stock de sécurité.
On assiste cependant à une certaine « agencisation » du pays depuis 2000. Est ce que cela procède de la modernité, selon vous ?
« L’agencisation » pour user du même néologisme que vous, en Europe et particulièrement en Grande-Bretagne qui en était la mère, procédait des besoins de sécurité nationale d’abord. Tout ce qui touchait à l’Energie atomique en France comme en Europe, on l’a sorti des ministères pour le mettre en sécurité dans des Agences. Plus tard avec l’évolution des technologies, on a développé les agences, mais dans des secteurs bien précis. L’Apix, c’était un simple bureau du ministère du Commerce. Vous pouvez le vérifier. Cette « agencisation » à outrance n’est pas une bonne chose. Nous créons ce que l’on appelle en droit administratif, des zones de conflits entre le gouvernement qui dans tout pays, est souverain et des agences qui sont des structures administratives et non-politiques. Un ministère est un instrument politique, une agence est un instrument administratif. Hors aujourd’hui, ce sont les agences qui déterminent la politique du gouvernement et mettent les ministres à côté.
L’Anoci est aussi une structure administrative comme vous le dites, mais sa comptabilité relève de la comptabilité privée. Comment cela se peut ?
Justement voilà un cas de conflit. Par exemple ; quand on est allé à l’Assemblée nationale pour voter une loi faisant de l’Apix une société anonyme. En droit, on appelle cela, une structure de genre propre. Cela ne procède d’aucune norme connue jusqu’ici. Il en est de même de l’Anoci qui est une agence. Elle doit fonctionner suivant les règles de la comptabilité publique. Il y a une règle en matière de finance publique qui dit que les deniers de l’Etat déteignent sur tout autres deniers. Cela veut dire que si vous avez une association avec un budget d’un milliard, si l’Etat met 10 francs, cela devient des deniers publics. C’est une règle. Alors à partir du moment où il y a des deniers publics, même s’il est vrai qu’il y a des sociétés privés qui gèrent des missions de services publics et qui fonctionnent suivant les règles de l’Ohada, mais en ce moment là, pour faire appliquer la politique de l’Etat, le Conseil d’administration et les administrateurs servent de leviers.
Donc la multiplication des agences du point de vue de la cohérence de la politique du gouvernement a créé simplement des zones de conflits et de compétences. Elle pose également la question de la cohésion dans la politique d’ensemble du gouvernement. Si on pouvait faire la somme des réalisations des agences, elle ne coïnciderait pas avec la somme de réalisations des ministères qui les ont pourtant sous tutelle. Par exemple, le ministère de l’Equipement en faisant son bilan ne comptabilise pas les travaux de l’Anoci. À l’Assemblée nationale, le ministre de l’Equipement devrait pouvoir dire à Dakar, nous avons fait la corniche, le canal de Soumbédioune, la Vdn, mais il ne peut pas le dire. C’est pour cette raison que nous devons faire un dialogue libre pour redresser notre Etat.
En outre, il y a eu un coup d’Etat en Guinée, le président de la République aurait dû appeler un Moustapha Niasse qui est un spécialiste des problèmes diplomatiques, qui a ses entrées aux Nations Unies. Un Ousmane Tanor Dieng, parce que c’est son métier.Il s’y ajoute qu’il est membre de l’International socialiste, des responsables comme Abdoulaye Makhtar Diop, leur dire voilà ce qui se passe en Guinée. Son homologue français, Nicolas Sarkozy l’a fait. Il pouvait donc appeler tout le monde, discuté, ensuite prendre sa décision. Parce que la décision qu’il prend engage le pays sur le long terme. Alors si Me Wade prend une décision et que les autres responsables sont contre dans 10 ans qu’est ce qui va se passer avec la Guinée qui est notre amie ? Voilà le problème.
Que pensez vous des Assises nationales ? Etes-vous de ceux qui pensent que le pouvoir devrait quand même se pencher sur ce laboratoire ?
Vous avez utilisé exactement les mêmes mots que moi. Les Assises nationales sont une excellente chose pour le président Wade. Si les différents travaux sectoriels sont réalisés par des experts et si vous en faites l’évaluation : un taux honoraire des experts de la Banque mondiale et des consultants, vous vous rendrez compte que les Assises ont fait des travaux qui auraient pu coûter au Sénégal entre 10 et 15 milliards de Fcfa.
Je pense que le président Wade peut prendre les conclusions même s’il ne participe pas, voir la partie qui l’intéresse parce qu’il ne s’agit là que de propositions et c’est lui qui a les moyens. C’est pourquoi, je n’ai jamais compris pourquoi des gens du Parti démocratique sénégalais (Pds) ou des gens qui tournent autour du gouvernement disent au Président de ne pas y aller et de considérer cela comme une révolte. C’est archi-faux. J’ai même dis aux gens des Assises qu’ils se sont trompés parce qu’ils ont dit que les Assises ont coûté 300 millions de Fcfa. Je leur ai dit que vous avez mal évalué. Quand vous allez déposer vos conclusions, si vous en faites le coût chiffré, vous serez à plus de 7 milliards de Fcfa.
Comme cela va être sur un site Internet, si le président Wade n’en veut pas, les présidents de la sous-région, intelligents, vont le prendre parce que nous avons la même structure économique. Cela va tomber dans le domaine public. Donc pour toutes ces raisons, je considère que c’est un travail d’expert technique qui peut avoir ses faiblesses, mais que l’on ne saurait ignorer dans un pays organisé, parce que vous vous imaginez, tous ces avocats ces professeurs d’universités qui viennent réfléchir sur l’école. Depuis quand le gouvernement ne réfléchit plus sur l’école ?
Exergues
1/ Un président de la République, si vous n’avez pas la lucidité de le conseiller, ayez au moins le courage de lui faire des suggestions.
2/ Parce que quand le Fmi dit : « j’ai autorisé la France a prêté au Sénégal 82 milliards Fcfa, mais à des conditions », il nous met sous ajustement
3/ Un ministère est un instrument politique, une agence est un instrument administratif. Hors aujourd’hui, ce sont les agences qui déterminent la politique du gouvernement et mettent les ministres à côté.
4/ Les Assises nationales sont une excellente chose pour le président Wade.