Ainsi le système éducatif sénégalais est à nouveau sur le banc des accusés, interpellé jugé et parfois condamné sans appel. Malgré les 40% du budget qui lui sont consacrés par l’Etat, le Sénégal est néanmoins parmi les pays qui enregistrent les plus faibles taux de rendement scolaire.
Dans ce contexte de débat général sur les résultats scolaires et au delà sur le système éducatif sénégalais, le ministre de l’éducation déroute souvent certaines sensibilités, par son discours direct, refusant de verser dans la langue de bois, il assène ses vérités sur la responsabilité des acteurs de l’école dans la crise que connaît ce secteur.
Enseignant de formation, ayant servi dans les trois ordres d’enseignement que sont le primaire, le secondaire et le supérieur, cette posture lui permet certainement de porter un jugement critique sur les pratiques des acteurs de l’école que sont les enseignants, les syndicats en connaissance de cause.
L’un des défis de l’école sénégalaise est l’absence d’une autocritique positive et dynamique, d’une introspection dynamique des enseignants et même des syndicats. On défend les intérêts matériels et moraux de ses membres, les enseignants mais on ne défend pas l’école. En effet, défendre l’école, c’est prendre en charge les préoccupations et les intérêts de toute la communauté éducative, c’est à dire l’intérêt général.
Notre professeur de psychopédagogie nous disait à juste titre que l’une des illusions pédagogiques chez les enseignants consiste à croire que l’école est faite uniquement pour eux, alors que cette dernière doit d’abord privilégier la centralité de l’élève. Concernant les considérations du ministre de l’éducation sur la crise actuelle de l’école sénégalaise, force est de reconnaître qu’elles traduisent une certaine vérité.
En effet, le principal catalyseur des dysfonctionnements notés au sein de l’école sénégalaise se trouve dans la crise d’autorité. C’est la boîte de pandore, antichambre de toutes les dérives. Dès lors, on saisit mieux la pertinence de la volonté du ministre de restaurer l’autorité de l’Etat dans ce secteur.
Crise d’autorité et périls sur le service public de l’éducation
La démocratie est certainement le meilleur système politique au monde. C’est doute, la raison pour laquelle, Claude Julien notait avec une pointe de regret, « les crimes qui, hélas souillent l’honneur des démocraties sont commis en violation des lois de l’Etat, victime de propre faiblesse au point de ne pouvoir faire respecter sa propre loi »
C’est cette crise d’autorité qui explique le laisser aller et le laxisme en cours dans les écoles publiques. Les tâches pédagogiques sont accomplies avec peu de sérieux. On accorde plus de sérieux et de rigueur aux cours dans le privé assujetti à un contrôle rigoureux que ses cours dans le public où règne un laisser aller, résultant d’un laxisme de l’administration et l’absence de contrôle des autorités compétentes.
L’encadrement et l’animation pédagogique des enseignants, ne sont pas également assurés avec sérieux. Ainsi être nommé conseiller pédagogique est synonyme de « détachement » dans les écoles privées voire purement et simplement de reconversion professionnelle au détriment du service public qui continue pourtant d’assurer le traitement salarial.
On comprend dès lors, pourquoi un proverbe chinois assimile « l’emploi dans le secteur public à un individu qui a entre ses mains un bol de fer et l’emploi dans le privé à quelqu’un tient dans ses mains un bol de verre ».
Le premier ne prêtera aucune attention au bol de fer car il ne se cassera jamais. Cela signifie, qu’il travaille ou pas, il est régulièrement payé. Tandis que le second sera plus attentif car le bol de verre peut se casser. C’est à dire s’il ne travaille, il ne sera pas payé. En dernière analyse, ces dysfonctionnements reposent en toile de fond la gestion des établissements scolaires. La crise d’autorité est à l’origine des contre performances.
A cette crise d’autorité, nous ajouterons la problématique de l’évaluation professionnelle. En effet, l’évaluation professionnelle qui aurait pu être un facteur de performance et également un garde-fou contre certaines dérives est aujourd’hui pervertie.
L’évaluation professionnelle des enseignants : un système perverti A la fin de chaque année, chaque enseignant, à l’instar des autres agents de la fonction publique se voit attribué une note administrative. Les critères d’appréciation sont les qualités professionnelles de l’agent, son comportement au travail, son rendement et sa capacité d’initiative.
Cette note permet à l’enseignant d’être compétition pour l’avancement au choix qui assure le changement de catégorie. Ce changement de catégorie concerne 60% des agents « les mieux notés ».
Cependant depuis quelques années, ce système d’évaluation a été perverti. Dans beaucoup de cas l’évaluation n’est plus sincère. Et si l’on n’y prend garde, elle risque de devenir une caution à la médiocrité.
Il est fréquent de rencontrer des enseignants obtenir dès leur première année d’exercice une note de 19,75 / 20. Dès fois cette note est loin d’être le résultat d’un comportement professionnel exemplaire. Et le chef d’établissement qui attribue cette note n’ose plus donner une note inférieure, quelles que soient les performances de l’enseignant.
Aujourd’hui, même avec cette note « d’excellence », on a peu de chance de faire partie des 60% des agents qui sont choisi lors des travaux de commission. En effet, fruit d’un arrangement, les notes sont artificiellement dopées. Lorsqu’on entend des jeunes collègues qui viennent de débuter dans l’enseignement, dire que « 19 / 20 n’est pas une bonne note », on comprend que cette forme d’évaluation a été dévoyée.
Pourtant, rigoureusement appliquée, comme cela a été dans le passé elle pourrait être à la fois dissuasive contre certaines dérives et devenir un puissant stimulant pour booster les performances dans le secteur de l’éducation. Pour une école de rigueur et de responsabilité.
En définitive, l’assainissement du secteur de l’enseignement, plus qu’une nécessité, demeure une urgence. Une meilleure maîtrise du pilotage du système éducatif doit reposer sur l’esprit de rigueur et de responsabilité.
Dans cette optique, il convient d’améliorer le management des établissements scolaires. L’ancienneté ne doit plus être l’unique critère pour accéder au poste de chef d’établissement. La compétence et la probité morale doivent être privilégiées. L’évaluation professionnelle doit être plus rigoureuse et objective en mettant l’accent sur les principes éthiques et déontologiques.
L’enseignement de qualité auquel les élèves ont droit devrait reposer avant tout sur une gestion de qualité des établissements scolaires. Le salut de l’école publique ne peut provenir que d’une refonte des mentalités.
Mamadou Khouma Professeur au LEG de Diour
Dans ce contexte de débat général sur les résultats scolaires et au delà sur le système éducatif sénégalais, le ministre de l’éducation déroute souvent certaines sensibilités, par son discours direct, refusant de verser dans la langue de bois, il assène ses vérités sur la responsabilité des acteurs de l’école dans la crise que connaît ce secteur.
Enseignant de formation, ayant servi dans les trois ordres d’enseignement que sont le primaire, le secondaire et le supérieur, cette posture lui permet certainement de porter un jugement critique sur les pratiques des acteurs de l’école que sont les enseignants, les syndicats en connaissance de cause.
L’un des défis de l’école sénégalaise est l’absence d’une autocritique positive et dynamique, d’une introspection dynamique des enseignants et même des syndicats. On défend les intérêts matériels et moraux de ses membres, les enseignants mais on ne défend pas l’école. En effet, défendre l’école, c’est prendre en charge les préoccupations et les intérêts de toute la communauté éducative, c’est à dire l’intérêt général.
Notre professeur de psychopédagogie nous disait à juste titre que l’une des illusions pédagogiques chez les enseignants consiste à croire que l’école est faite uniquement pour eux, alors que cette dernière doit d’abord privilégier la centralité de l’élève. Concernant les considérations du ministre de l’éducation sur la crise actuelle de l’école sénégalaise, force est de reconnaître qu’elles traduisent une certaine vérité.
En effet, le principal catalyseur des dysfonctionnements notés au sein de l’école sénégalaise se trouve dans la crise d’autorité. C’est la boîte de pandore, antichambre de toutes les dérives. Dès lors, on saisit mieux la pertinence de la volonté du ministre de restaurer l’autorité de l’Etat dans ce secteur.
Crise d’autorité et périls sur le service public de l’éducation
La démocratie est certainement le meilleur système politique au monde. C’est doute, la raison pour laquelle, Claude Julien notait avec une pointe de regret, « les crimes qui, hélas souillent l’honneur des démocraties sont commis en violation des lois de l’Etat, victime de propre faiblesse au point de ne pouvoir faire respecter sa propre loi »
C’est cette crise d’autorité qui explique le laisser aller et le laxisme en cours dans les écoles publiques. Les tâches pédagogiques sont accomplies avec peu de sérieux. On accorde plus de sérieux et de rigueur aux cours dans le privé assujetti à un contrôle rigoureux que ses cours dans le public où règne un laisser aller, résultant d’un laxisme de l’administration et l’absence de contrôle des autorités compétentes.
L’encadrement et l’animation pédagogique des enseignants, ne sont pas également assurés avec sérieux. Ainsi être nommé conseiller pédagogique est synonyme de « détachement » dans les écoles privées voire purement et simplement de reconversion professionnelle au détriment du service public qui continue pourtant d’assurer le traitement salarial.
On comprend dès lors, pourquoi un proverbe chinois assimile « l’emploi dans le secteur public à un individu qui a entre ses mains un bol de fer et l’emploi dans le privé à quelqu’un tient dans ses mains un bol de verre ».
Le premier ne prêtera aucune attention au bol de fer car il ne se cassera jamais. Cela signifie, qu’il travaille ou pas, il est régulièrement payé. Tandis que le second sera plus attentif car le bol de verre peut se casser. C’est à dire s’il ne travaille, il ne sera pas payé. En dernière analyse, ces dysfonctionnements reposent en toile de fond la gestion des établissements scolaires. La crise d’autorité est à l’origine des contre performances.
A cette crise d’autorité, nous ajouterons la problématique de l’évaluation professionnelle. En effet, l’évaluation professionnelle qui aurait pu être un facteur de performance et également un garde-fou contre certaines dérives est aujourd’hui pervertie.
L’évaluation professionnelle des enseignants : un système perverti A la fin de chaque année, chaque enseignant, à l’instar des autres agents de la fonction publique se voit attribué une note administrative. Les critères d’appréciation sont les qualités professionnelles de l’agent, son comportement au travail, son rendement et sa capacité d’initiative.
Cette note permet à l’enseignant d’être compétition pour l’avancement au choix qui assure le changement de catégorie. Ce changement de catégorie concerne 60% des agents « les mieux notés ».
Cependant depuis quelques années, ce système d’évaluation a été perverti. Dans beaucoup de cas l’évaluation n’est plus sincère. Et si l’on n’y prend garde, elle risque de devenir une caution à la médiocrité.
Il est fréquent de rencontrer des enseignants obtenir dès leur première année d’exercice une note de 19,75 / 20. Dès fois cette note est loin d’être le résultat d’un comportement professionnel exemplaire. Et le chef d’établissement qui attribue cette note n’ose plus donner une note inférieure, quelles que soient les performances de l’enseignant.
Aujourd’hui, même avec cette note « d’excellence », on a peu de chance de faire partie des 60% des agents qui sont choisi lors des travaux de commission. En effet, fruit d’un arrangement, les notes sont artificiellement dopées. Lorsqu’on entend des jeunes collègues qui viennent de débuter dans l’enseignement, dire que « 19 / 20 n’est pas une bonne note », on comprend que cette forme d’évaluation a été dévoyée.
Pourtant, rigoureusement appliquée, comme cela a été dans le passé elle pourrait être à la fois dissuasive contre certaines dérives et devenir un puissant stimulant pour booster les performances dans le secteur de l’éducation. Pour une école de rigueur et de responsabilité.
En définitive, l’assainissement du secteur de l’enseignement, plus qu’une nécessité, demeure une urgence. Une meilleure maîtrise du pilotage du système éducatif doit reposer sur l’esprit de rigueur et de responsabilité.
Dans cette optique, il convient d’améliorer le management des établissements scolaires. L’ancienneté ne doit plus être l’unique critère pour accéder au poste de chef d’établissement. La compétence et la probité morale doivent être privilégiées. L’évaluation professionnelle doit être plus rigoureuse et objective en mettant l’accent sur les principes éthiques et déontologiques.
L’enseignement de qualité auquel les élèves ont droit devrait reposer avant tout sur une gestion de qualité des établissements scolaires. Le salut de l’école publique ne peut provenir que d’une refonte des mentalités.
Mamadou Khouma Professeur au LEG de Diour