Entouré samedi d`un parterre de chefs d`Etat dans Yamoussoukro en fête, il avait été élu le 28 novembre 2010 après avoir été des années durant privé de scrutin en raison de querelles sur sa nationalité. Mais il a dû recourir aux armes pour chasser l`ex-président Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril.
Auparavant, 15 ans d`attente et de polémiques avaient fait d`Alassane Dramane Ouattara ("ADO", pour ses partisans), originaire du Nord majoritairement musulman, le symbole de la crise identitaire qui déchire le pays.
"Etranger" ou "cerveau" de la rébellion de 2002 contre Gbagbo selon ses adversaires, il a été au coeur des plus dangereux clivages ivoiriens, entre Nord et Sud, islam et christianisme, étrangers et autochtones.
Des mois de crise post-électorale et deux semaines de guerre - surtout à Abidjan où ses hommes ont reçu l`appui essentiel de la France et de l`ONU ont encore abîmé le pays.
Redresser le pays sera une tache immense pour ce haut fonctionnaire international dont le style mesuré lui valut pendant la crise des critiques au sein même de ses soutiens, pendant qu`il était confiné au Golf hôtel sous blocus du camp adverse.
Dans le même temps, son Premier ministre, le leader de l`ex-rébellion Guillaume Soro, incarne le "chef de guerre".
Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro (centre), M. Ouattara accomplit la majorité de sa scolarité au Burkina Faso voisin.
Aux Etats-Unis, il obtient en 1967 un doctorat en économie et entre l`année suivante au Fonds monétaire international (FMI). Il devient en 1983 vice-gouverneur de la Banque centrale des Etats d`Afrique de l`Ouest (BCEAO).
Il reconnaîtra lui-même avoir occupé plusieurs postes au titre de la Haute Volta, l`actuel Burkina Faso, ce qui va alimenter l`interminable débat sur sa nationalité.
Il est nommé en 1990 Premier ministre par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, fonction qu`il occupe jusqu`à la mort du "père de la Nation" en 1993.
Jugeant le scrutin non transparent, Alassane Ouattara renonce à se présenter à la présidentielle en 1995 face à Henri Konan Bédié, qui a succédé à Houphouët.
Mais redoutant ses ambitions, le camp Bédié développe le concept nationaliste d`"ivoirité" et tente de prouver l`inéligibilité de Ouattara, accusé d`être d`origine burkinabè.
A l`été 1999, "ADO" quitte son poste de directeur général-adjoint du FMI: revenu à Abidjan, il se lance dans la course présidentielle de 2000, mais sa candidature est rejetée pour "nationalité douteuse" par la junte au pouvoir.
Marié à une femme d`affaires française, Dominique Folloroux, il est alors plus que jamais le symbole de la fracture identitaire de ce pays de forte et ancienne immigration, qu`aggrave en 2002 la partition du pays en un Sud loyaliste et un Nord rebelle.
En 2005, sous pression sud-africaine, Laurent Gbagbo valide sa candidature à la présidentielle, plusieurs fois reportée.
Grâce à son alliance avec son ennemi d`hier Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara est déclaré vainqueur du scrutin de novembre 2010, mais le Conseil constitutionnel acquis à son rival invalide les résultats: le pays plonge dans une crise qui réveille le spectre d`une guerre civile et fait près de 3.000 morts selon la présidence.
Le 12 mai, lors de la "journée des Martyrs" qu`il a instituée, il formait un voeu: "plus jamais ça dans notre pays!"
AFP