Le Parti socialiste souffle ce 31 octobre ses 60 bougies. Pourquoi avez-vous choisi de fêter cet anniversaire ?
Il faut d’abord dire que 60 ans, ça se fête pour rendre grâce à Dieu, le Tout Puissant qui nous a permis de célébrer le cinquantième anniversaire. Ensuite, nous voulons profiter de ce soixantième anniversaire pour rendre hommage aux pères fondateurs qui ont créé le parti dans des conditions difficiles, sous la colonisation et qui se sont battus, le parti comme instrument, pour amener le pays à l’indépendance. Nous voulons nous souvenir d’eux.
J’ajoute que nous voulons aussi revisiter le parcours de notre parti depuis 1948, pour en tirer les enseignements majeurs. Nous voulons donc voir en quoi les combats menés par les pères fondateurs peuvent nous inspirer dans ceux que nous menons aujourd’hui. Nous voulons voir sur quelles valeurs, nos anciens se sont-ils adossés pour mener ce combat ; voir aussi l’actualité de leur message et en quoi le sens de leur combat peut nous être utile aujourd’hui. Il s’agit enfin de nous projeter vers l’avenir et de voir comment nous allons mener les combats sur la base du nouvel élan avec l’arrivée des jeunes, cadres, femmes et intellectuels. Nous allons prendre un nouveau départ. Nous avons eu la chance d’avoir été au pouvoir, mené le pays à l’indépendance et d’avoir l’expérience de huit années d’opposition. Aujourd’hui, nous sommes plus prêts qu’auparavant pour mener les prochaines batailles.
Qu’est-ce qui fait l’actualité du message des pères fondateurs du Ps ?
Ecoutez, il y a une coïncidence extraordinaire avec la crise financière mondiale. Celle-ci montre la faillite du libéralisme et des libéraux. Ces derniers utilisent nos instruments et l’intervention de l’Etat pour faire face à la crise. C’est quand-même extraordinaire que, pour régler les problèmes qui se posent à Wall Street et à la Bourse de Paris, qu’ils passent par un apport massif d’argent de l’Etat pour arrêter la saignée financière créée par le laisser-faire. C’est réjouissant de voir que le message que nous avions (la nécessité de la présence de l’Etat, le danger à donner au marché un rôle essentiel sur l’économie) a donné ses fruits avec l’échec du libéralisme. Il faut réguler le marché et c’est cela que nous avons toujours défendu. La situation actuelle nous donne raison.
Faudrait-il donc revenir, selon vous, à une plus grande présence de l’Etat ?
Oui. Aucun secteur ne doit être laissé à la merci du marché du profit et des spéculateurs. La crise qui est survenue est liée à cela. On a laissé le capitalisme financier spéculatif dominer l’économie mondiale. C’est pour cette raison que nous sommes en train d’être confortés dans ce que nous croyions déjà. L’Etat doit intervenir dans le fonctionnement de l’économie et non laisser le marché et le profit réguler.
Le 19 mars 2000 a certainement été un moment historique pour le Ps. Avec le recul, que vous inspire la défaite à la présidentielle ?
Aujourd’hui, je me rends compte que dans la vie d’un homme d’Etat, il est utile de connaître et le pouvoir et l’opposition. Personnellement, je sais comment fonctionne un Etat. J’en connais les mécanismes et les règles. Mais, c’est avec l’expérience que j’ai eu dans l’opposition que j’ai connu maintenant la nature humaine. Nous avons été l’objet de beaucoup de trahisons et de défections de gens qui nous étaient particulièrement proches. Je ne l’imaginais pas. Mais cela m’a permis de tester ma capacité à résister, à faire face aux défis et aux problèmes. Et la formule que nous avons utilisée pour le Parti socialiste qui est la suivante : « ni toujours le même, ni jamais un autre », montre notre capacité à nous adapter aux situations.
C’est cela qui fait le secret de la longévité du Ps. Nous sommes le seul parti aujourd’hui à réussir à faire une alternance interne. D’abord Senghor, ensuite Abdou Diouf, aujourd’hui moi-même et demain un autre. La pyramide de génération est en train de se préparer. Les gens qui ont 30 ans comme Barthélemy Dias ceux qui ont 50 ans comme Aïssata Tall ou Serigne Mbaye Thiam, ceux qui ont 40 ans comme Abdoulaye Wilane, ceux qui ont 60 ans comme moi-même et ceux qui ont 70 ans cohabitent au sein du parti. C’est formidable.
Quelle leçon de vie la nouvelle génération pourrait-elle tirer des défections ?
Premièrement, on n’est jamais assez vigilant. Deuxième chose, la nature humaine est insondable. On ne connaît jamais l’homme que dans les épreuves. Tant qu’il n’y a pas de situation complexe et difficile, on ne peut pas connaître les hommes dans leur vraie nature. C’est une belle leçon de vie. Ce que j’ai connu des hommes en huit ans, je ne l’ai pas connu des hommes en 25 ans, pendant lesquels j’étais avec Senghor et Abdou Diouf.
Oui, ça m’a enseigné et éveillé. Je crois que ça m’a rendu plus vigilant et plus humble aussi. Il y a beaucoup de choses que j’ai apprises pendant que je suis dans l’opposition et que je n’aurai jamais apprises si j’étais resté au pouvoir.
Malgré les défections, le Ps a manifestement résisté. Quel a été l’apport de la jeune génération ?
Aujourd’hui, c’est quand même remarquable que des jeunes comme Barthélemy, Bamba Fall, Malick Seck, les étudiants, le réseau des universitaires, « Vision socialiste » intègrent le parti. « Vision socialiste » est composée de cadres d’entreprises, on aurait pu imaginer que s’ils devaient aller quelque part, c’est vers le pouvoir, mais ils viennent vers nous. Ça veut dire que notre combat est un combat crédible. Et le fait que des personnes viennent nous accompagner nous enrichit et nous réconforte. Ça prouve que nous avons des convictions fortes. Nous croyons aux valeurs qui fondent notre engagement, le socialisme : l’égalité, la liberté, la lutte contre les discriminations, la générosité.
Le Ps a organisé un congrès sous le signe du « nouvel élan ». Quelle est la philosophie qui guide ce slogan ?
Nouvel élan, c’est le nouveau départ. Cela veut dire que nous avons été au pouvoir pendant 40 ans, mené le pays à l’indépendance et avons été battus. Ensuite, pendant huit ans, nous nous sommes exercés à nous opposer.
Opposition républicaine que les gens contestent. Mais je continue à dire que la signification de l’opposition républicaine, c’est une opposition dans le cadre des lois de la République. C’est-à-dire on fait tout ce que permet la Loi, mais on le fait jusqu’au bout. Cette opposition républicaine peut avoir un caractère radical, parce qu’elle peut, selon les évènements, revêtir telle ou telle forme. C’est une situation qui a fait que pour le parti, c’est rester crédible à partir du moment où nous croyons en un certain nombre de valeurs. De plus, les gens ont pu comparer. Parce que jusque-là, si Abdoulaye Wade n’était pas devenu président de la République, on aurait dit que s’il était président, le Sénégal aurait avancé. Il est là pendant huit ans et chaque Sénégalais peut comparer la situation qu’il vivait, il y a huit ans et celle qu’il vit actuellement et choisir la meilleure. Chacun peut avoir sa position sans être influencé.
Des observateurs de la scène politique accusent l’opposition d’être molle. Que leur répondez-vous ?
Je crois que ce n’est pas vrai. S’opposer c’est quoi ? C’est contester, dénoncer et proposer. Nous avons contesté et dénoncé. Nous avons même fait des marches. Au départ, les marches étaient interdites, mais lorsque nous sommes allés à Rufisque, nous sommes passés outre. Et depuis, il y a des marches régulières de l’opposition. Et c’est un progrès. Parce qu’en démocratie, la forme de manifestation, ce n’est pas de brûler des pneus et de casser des voitures.
La lutte de l’opposition semble minée par la question du leadership. Comment faire pour régler ce problème ?
Je ne pense pas que ce soit un problème de leadership. Le problème de leadership se pose lorsque nous allons à des élections. Le reste, ce sont des unités d’action. Nous devons faire quelque chose, nous nous réunissons. Nous sommes d’accord pour faire quelque chose, nous le faisons.
Maintenant, s’il s’agit d’élections, il faut distinguer les locales, la présidentielle et les législatives. Pour les locales, nous avons fait une liste commune. Nous l’avons expérimenté avec le Cpc. Pour les législatives, il n’y a aucun problème. Nous avions envisagé de faire liste commune. Maintenant, il reste l’élection présidentielle. Pour celle-ci, il faut dire que nous sommes en démocratie. La norme, c’est qu’il y ait deux tours. Alors, tous ceux qui veulent se présenter se présentent au premier tour. Ceux qui ont des affinités signent des accords de désistement et en ce moment, celui qui passe au deuxième tour est appuyé par les autres. C’est ça qui est faisable. Mais envisager que toute l’opposition se réunisse et dise que c’est celui-là qui va nous représenter lorsqu’il y a des élections, c’est totalement impossible compte tenu de la configuration de notre paysage politique.
Et en plus, il n’y a jamais eu une opposition unie autour d’un homme. En 2000, Moustapha Niasse était candidat. Djibo Kâ était candidat, Iba Der Thiam était candidat...c’est au deuxième tour, lorsque Abdoulaye Wade était face à Diouf que les autres se sont mis autour de lui. En réalité, les gens ne se rendent pas compte de ce que l’histoire de notre pays nous a enseignée. Nous sommes une vraie démocratie et en démocratie, il est normal que ceux qui veulent se présenter au premier tour le fassent et qu’une fois l’un d’entre-nous est au deuxième tour, que les autres le soutiennent.
Les retrouvailles de la grande famille socialiste sont souvent invoquées par certains. Etes-vous pour ?
En politique, tout est possible. Des gens qui se séparent pour des raisons indépendantes de leur volonté, qu’ils ne peuvent d’ailleurs pas essayer d’expliquer, peuvent un jour se retrouver. Nous sommes ouverts pour continuer à discuter avec tous ceux avec qui nous nous étions séparés pour voir dans quelle mesure nous pouvons nous rassembler pour faire face au régime libéral.
Mais est-ce que des discussions sont ouvertes ?
Non, en ce moment, les discussions ne sont pas ouvertes. Nous sommes déjà dans un cadre avec certains d’entre eux. Avec l’Afp, nous sommes dans le « Front Siggil Sénégal ». Nous avons un certain nombre de relations entre nous. Il faudra voir maintenant comment fédérer, améliorer la qualité des relations que nous avons. Il ne faut jamais insulter l’avenir. En politique, tout est possible. En tout cas, au Ps nous sommes ouverts à toute discussion.
Quelle appréciation faites-vous de la fête des récoltes célébrée lundi dernier ?
C’est d’abord prématuré. On ne peut pas fêter la moisson alors qu’on n’a pas encore récolté. Ils nous font croire qu’il s’agit d’une réussite de la Goana. La Goana, c’était un certain nombre d’objectifs : 3 millions de tonnes de manioc, 3 millions de tonnes de maïs, 2 millions de tonnes de céréales, 500.000 tonnes de riz, 435 millions de litres de lait, 435 millions de kilos de viande.
Pour juger la Goana, il faut le faire par rapport à l’atteinte de ses résultats. Mais vous ne pouvez pas la juger par rapport au dernier hivernage. La différence entre les deux hivernages est qu’il a beaucoup plu cette année. La pluie est bien répartie. Ce qu’il faut dire, c’est que, s’il y avait des semences de qualité suffisante, des intrants, on aurait eu des rendements plus importants.
Que faut-il donc faire pour régler les urgences du monde rural ?
Les urgences du monde rural, c’est d’abord la maîtrise de l’eau. S’il n’y avait pas beaucoup de pluies, on aurait eu un bon hivernage. Il faut travailler à la maîtrise de l’eau. Il faut que les paysans puissent travailler avec la maîtrise de l’eau non pas pendant trois mois, mais au moins 9 mois sur 12. C’est ça le problème du monde rural. On ne peut pas travailler pendant trois mois pour se nourrir pendant un an. Il faut qu’on règle les problèmes des semences et des engrais pour les terres. Une fois que cela est fait, je crois que les paysans ont le savoir-faire pour avoir de bons résultats.
Propos recueillis par Babacar DIONE et Mbaye SARR DIAKHATE
source le soleil
Il faut d’abord dire que 60 ans, ça se fête pour rendre grâce à Dieu, le Tout Puissant qui nous a permis de célébrer le cinquantième anniversaire. Ensuite, nous voulons profiter de ce soixantième anniversaire pour rendre hommage aux pères fondateurs qui ont créé le parti dans des conditions difficiles, sous la colonisation et qui se sont battus, le parti comme instrument, pour amener le pays à l’indépendance. Nous voulons nous souvenir d’eux.
J’ajoute que nous voulons aussi revisiter le parcours de notre parti depuis 1948, pour en tirer les enseignements majeurs. Nous voulons donc voir en quoi les combats menés par les pères fondateurs peuvent nous inspirer dans ceux que nous menons aujourd’hui. Nous voulons voir sur quelles valeurs, nos anciens se sont-ils adossés pour mener ce combat ; voir aussi l’actualité de leur message et en quoi le sens de leur combat peut nous être utile aujourd’hui. Il s’agit enfin de nous projeter vers l’avenir et de voir comment nous allons mener les combats sur la base du nouvel élan avec l’arrivée des jeunes, cadres, femmes et intellectuels. Nous allons prendre un nouveau départ. Nous avons eu la chance d’avoir été au pouvoir, mené le pays à l’indépendance et d’avoir l’expérience de huit années d’opposition. Aujourd’hui, nous sommes plus prêts qu’auparavant pour mener les prochaines batailles.
Qu’est-ce qui fait l’actualité du message des pères fondateurs du Ps ?
Ecoutez, il y a une coïncidence extraordinaire avec la crise financière mondiale. Celle-ci montre la faillite du libéralisme et des libéraux. Ces derniers utilisent nos instruments et l’intervention de l’Etat pour faire face à la crise. C’est quand-même extraordinaire que, pour régler les problèmes qui se posent à Wall Street et à la Bourse de Paris, qu’ils passent par un apport massif d’argent de l’Etat pour arrêter la saignée financière créée par le laisser-faire. C’est réjouissant de voir que le message que nous avions (la nécessité de la présence de l’Etat, le danger à donner au marché un rôle essentiel sur l’économie) a donné ses fruits avec l’échec du libéralisme. Il faut réguler le marché et c’est cela que nous avons toujours défendu. La situation actuelle nous donne raison.
Faudrait-il donc revenir, selon vous, à une plus grande présence de l’Etat ?
Oui. Aucun secteur ne doit être laissé à la merci du marché du profit et des spéculateurs. La crise qui est survenue est liée à cela. On a laissé le capitalisme financier spéculatif dominer l’économie mondiale. C’est pour cette raison que nous sommes en train d’être confortés dans ce que nous croyions déjà. L’Etat doit intervenir dans le fonctionnement de l’économie et non laisser le marché et le profit réguler.
Le 19 mars 2000 a certainement été un moment historique pour le Ps. Avec le recul, que vous inspire la défaite à la présidentielle ?
Aujourd’hui, je me rends compte que dans la vie d’un homme d’Etat, il est utile de connaître et le pouvoir et l’opposition. Personnellement, je sais comment fonctionne un Etat. J’en connais les mécanismes et les règles. Mais, c’est avec l’expérience que j’ai eu dans l’opposition que j’ai connu maintenant la nature humaine. Nous avons été l’objet de beaucoup de trahisons et de défections de gens qui nous étaient particulièrement proches. Je ne l’imaginais pas. Mais cela m’a permis de tester ma capacité à résister, à faire face aux défis et aux problèmes. Et la formule que nous avons utilisée pour le Parti socialiste qui est la suivante : « ni toujours le même, ni jamais un autre », montre notre capacité à nous adapter aux situations.
C’est cela qui fait le secret de la longévité du Ps. Nous sommes le seul parti aujourd’hui à réussir à faire une alternance interne. D’abord Senghor, ensuite Abdou Diouf, aujourd’hui moi-même et demain un autre. La pyramide de génération est en train de se préparer. Les gens qui ont 30 ans comme Barthélemy Dias ceux qui ont 50 ans comme Aïssata Tall ou Serigne Mbaye Thiam, ceux qui ont 40 ans comme Abdoulaye Wilane, ceux qui ont 60 ans comme moi-même et ceux qui ont 70 ans cohabitent au sein du parti. C’est formidable.
Quelle leçon de vie la nouvelle génération pourrait-elle tirer des défections ?
Premièrement, on n’est jamais assez vigilant. Deuxième chose, la nature humaine est insondable. On ne connaît jamais l’homme que dans les épreuves. Tant qu’il n’y a pas de situation complexe et difficile, on ne peut pas connaître les hommes dans leur vraie nature. C’est une belle leçon de vie. Ce que j’ai connu des hommes en huit ans, je ne l’ai pas connu des hommes en 25 ans, pendant lesquels j’étais avec Senghor et Abdou Diouf.
Oui, ça m’a enseigné et éveillé. Je crois que ça m’a rendu plus vigilant et plus humble aussi. Il y a beaucoup de choses que j’ai apprises pendant que je suis dans l’opposition et que je n’aurai jamais apprises si j’étais resté au pouvoir.
Malgré les défections, le Ps a manifestement résisté. Quel a été l’apport de la jeune génération ?
Aujourd’hui, c’est quand même remarquable que des jeunes comme Barthélemy, Bamba Fall, Malick Seck, les étudiants, le réseau des universitaires, « Vision socialiste » intègrent le parti. « Vision socialiste » est composée de cadres d’entreprises, on aurait pu imaginer que s’ils devaient aller quelque part, c’est vers le pouvoir, mais ils viennent vers nous. Ça veut dire que notre combat est un combat crédible. Et le fait que des personnes viennent nous accompagner nous enrichit et nous réconforte. Ça prouve que nous avons des convictions fortes. Nous croyons aux valeurs qui fondent notre engagement, le socialisme : l’égalité, la liberté, la lutte contre les discriminations, la générosité.
Le Ps a organisé un congrès sous le signe du « nouvel élan ». Quelle est la philosophie qui guide ce slogan ?
Nouvel élan, c’est le nouveau départ. Cela veut dire que nous avons été au pouvoir pendant 40 ans, mené le pays à l’indépendance et avons été battus. Ensuite, pendant huit ans, nous nous sommes exercés à nous opposer.
Opposition républicaine que les gens contestent. Mais je continue à dire que la signification de l’opposition républicaine, c’est une opposition dans le cadre des lois de la République. C’est-à-dire on fait tout ce que permet la Loi, mais on le fait jusqu’au bout. Cette opposition républicaine peut avoir un caractère radical, parce qu’elle peut, selon les évènements, revêtir telle ou telle forme. C’est une situation qui a fait que pour le parti, c’est rester crédible à partir du moment où nous croyons en un certain nombre de valeurs. De plus, les gens ont pu comparer. Parce que jusque-là, si Abdoulaye Wade n’était pas devenu président de la République, on aurait dit que s’il était président, le Sénégal aurait avancé. Il est là pendant huit ans et chaque Sénégalais peut comparer la situation qu’il vivait, il y a huit ans et celle qu’il vit actuellement et choisir la meilleure. Chacun peut avoir sa position sans être influencé.
Des observateurs de la scène politique accusent l’opposition d’être molle. Que leur répondez-vous ?
Je crois que ce n’est pas vrai. S’opposer c’est quoi ? C’est contester, dénoncer et proposer. Nous avons contesté et dénoncé. Nous avons même fait des marches. Au départ, les marches étaient interdites, mais lorsque nous sommes allés à Rufisque, nous sommes passés outre. Et depuis, il y a des marches régulières de l’opposition. Et c’est un progrès. Parce qu’en démocratie, la forme de manifestation, ce n’est pas de brûler des pneus et de casser des voitures.
La lutte de l’opposition semble minée par la question du leadership. Comment faire pour régler ce problème ?
Je ne pense pas que ce soit un problème de leadership. Le problème de leadership se pose lorsque nous allons à des élections. Le reste, ce sont des unités d’action. Nous devons faire quelque chose, nous nous réunissons. Nous sommes d’accord pour faire quelque chose, nous le faisons.
Maintenant, s’il s’agit d’élections, il faut distinguer les locales, la présidentielle et les législatives. Pour les locales, nous avons fait une liste commune. Nous l’avons expérimenté avec le Cpc. Pour les législatives, il n’y a aucun problème. Nous avions envisagé de faire liste commune. Maintenant, il reste l’élection présidentielle. Pour celle-ci, il faut dire que nous sommes en démocratie. La norme, c’est qu’il y ait deux tours. Alors, tous ceux qui veulent se présenter se présentent au premier tour. Ceux qui ont des affinités signent des accords de désistement et en ce moment, celui qui passe au deuxième tour est appuyé par les autres. C’est ça qui est faisable. Mais envisager que toute l’opposition se réunisse et dise que c’est celui-là qui va nous représenter lorsqu’il y a des élections, c’est totalement impossible compte tenu de la configuration de notre paysage politique.
Et en plus, il n’y a jamais eu une opposition unie autour d’un homme. En 2000, Moustapha Niasse était candidat. Djibo Kâ était candidat, Iba Der Thiam était candidat...c’est au deuxième tour, lorsque Abdoulaye Wade était face à Diouf que les autres se sont mis autour de lui. En réalité, les gens ne se rendent pas compte de ce que l’histoire de notre pays nous a enseignée. Nous sommes une vraie démocratie et en démocratie, il est normal que ceux qui veulent se présenter au premier tour le fassent et qu’une fois l’un d’entre-nous est au deuxième tour, que les autres le soutiennent.
Les retrouvailles de la grande famille socialiste sont souvent invoquées par certains. Etes-vous pour ?
En politique, tout est possible. Des gens qui se séparent pour des raisons indépendantes de leur volonté, qu’ils ne peuvent d’ailleurs pas essayer d’expliquer, peuvent un jour se retrouver. Nous sommes ouverts pour continuer à discuter avec tous ceux avec qui nous nous étions séparés pour voir dans quelle mesure nous pouvons nous rassembler pour faire face au régime libéral.
Mais est-ce que des discussions sont ouvertes ?
Non, en ce moment, les discussions ne sont pas ouvertes. Nous sommes déjà dans un cadre avec certains d’entre eux. Avec l’Afp, nous sommes dans le « Front Siggil Sénégal ». Nous avons un certain nombre de relations entre nous. Il faudra voir maintenant comment fédérer, améliorer la qualité des relations que nous avons. Il ne faut jamais insulter l’avenir. En politique, tout est possible. En tout cas, au Ps nous sommes ouverts à toute discussion.
Quelle appréciation faites-vous de la fête des récoltes célébrée lundi dernier ?
C’est d’abord prématuré. On ne peut pas fêter la moisson alors qu’on n’a pas encore récolté. Ils nous font croire qu’il s’agit d’une réussite de la Goana. La Goana, c’était un certain nombre d’objectifs : 3 millions de tonnes de manioc, 3 millions de tonnes de maïs, 2 millions de tonnes de céréales, 500.000 tonnes de riz, 435 millions de litres de lait, 435 millions de kilos de viande.
Pour juger la Goana, il faut le faire par rapport à l’atteinte de ses résultats. Mais vous ne pouvez pas la juger par rapport au dernier hivernage. La différence entre les deux hivernages est qu’il a beaucoup plu cette année. La pluie est bien répartie. Ce qu’il faut dire, c’est que, s’il y avait des semences de qualité suffisante, des intrants, on aurait eu des rendements plus importants.
Que faut-il donc faire pour régler les urgences du monde rural ?
Les urgences du monde rural, c’est d’abord la maîtrise de l’eau. S’il n’y avait pas beaucoup de pluies, on aurait eu un bon hivernage. Il faut travailler à la maîtrise de l’eau. Il faut que les paysans puissent travailler avec la maîtrise de l’eau non pas pendant trois mois, mais au moins 9 mois sur 12. C’est ça le problème du monde rural. On ne peut pas travailler pendant trois mois pour se nourrir pendant un an. Il faut qu’on règle les problèmes des semences et des engrais pour les terres. Une fois que cela est fait, je crois que les paysans ont le savoir-faire pour avoir de bons résultats.
Propos recueillis par Babacar DIONE et Mbaye SARR DIAKHATE
source le soleil