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Rédigé par leral.net le Samedi 8 Août 2020 à 22:45 | | 0 commentaire(s)|

Le rappel à Dieu le 03 août 2020 du Professeur Moustapha Sourang, ancien ministre de l’éducation nationale, ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ancien doyen de la Faculté des Sciences juridiques et politiques, m’a plongé dans la consternation. J’ai connu l’homme du temps où j’étais président de l’Amicale de la Faculté des […]

Le rappel à Dieu le 03 août 2020 du Professeur Moustapha Sourang, ancien ministre de l’éducation nationale, ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ancien doyen de la Faculté des Sciences juridiques et politiques, m’a plongé dans la consternation. J’ai connu l’homme du temps où j’étais président de l’Amicale de la Faculté des Lettres et Sciences humaines. La première chose qui m’avait frappé, c’est son urbanité, son humilité et sa grande courtoisie. À l’époque, dans nos nombreux échanges, j’ai tout le temps perçu qu’il était sincèrement et volontairement engagé à trouver des solutions aux revendications des étudiants. Également, je constatais, le plus souvent, qu’il respectait ses engagements, chose très rare chez nos autorités politiques. Son sens de l’écoute, son ouverture d’esprit, son intelligence et son affabilité lui avaient permis de nouer des relations empreintes d’estime et de cordialité avec les étudiants. Je remarquais que malgré les violentes crises qui secouaient les universités du pays, les étudiants lui témoignaient un respect profond et rare dont peu d’autorités bénéficiaient dans ce pays. J’ai souvent vu les étudiants lui frayer une haie d’honneur jusqu’à sa voiture.

J’ai travaillé avec le Pr Sourang pendant mes deux mandats (2004-2005 et 2005-2006) à la tête de l’Amicale des étudiants de la Faculté des Lettres et Sciences humaines. Il nous faisait l’honneur de venir présider chaque année la cérémonie officielle de la Semaine de la Science et de la Culture que nous organisions. Je me souviens encore de la Première édition avec la Leçon inaugurale mémorable du 10 mars 2004 prononcée par le Pr Djibril Samb, sur le thème « Léopold Sédar Senghor, le philosophe », devant l’esplanade de la Bibliothèque universitaire. Je revois le Ministre Sourang, accompagné du recteur Abdou Salam Sall et du doyen Mamadou Kandji, sous le soleil accablant, écouter la voix grave du Pr Samb. La foule était électrisée par l’éloquence raffinée d’un conférencier qui est entré dans l’histoire de l’Université Cheikh Anta Diop par sa publication prodigieuse.

À la Seconde Édition, le Pr Moustapha Sourang avait encore répondu présent, accompagné du recteur Abdou Salam Sall et de l’Assesseur Saliou Ndiaye, qui deviendra également recteur de l’Université Cheikh Anta Diop. Cette-année là, le Pr Ndiaw Diouf de la Faculté des Sciences juridiques et politiques nous avait fait l’honneur de prononcer une brillante Leçon inaugurale sur les franchises universitaires. Je rappelle que nous avions comme invité d’honneur Youssou Ndour. Il y eut des bousculades partout pour le saluer ou prendre une photo avec lui. Les étudiants n’avaient d’yeux que pour le leader du Super Étoile de Dakar. J’entends encore la belle voix du chanteur entonner la mythique chanson « Africa » dont les paroles magiques interpellent la jeunesse africaine, un écho qui ne s’est jamais éteint. Le mélange de la culture et de la science ne peut produire que du beau.

J’ai travaillé avec le Pr Moustapha Sourang dans le respect mutuel et la responsabilité. Il était le Ministre de tutelle, j’étais le représentant des étudiants. Nous avons œuvré ensemble autour du projet de la réhabilitation de la Faculté des Lettres et Sciences humaines. Quand je devenais le président de l’Amicale des étudiants, la Faculté des Lettres était dans une déchéance morale et physique insoutenable. Les bâtiments étaient dans un état délabrement très avancé. Les amphithéâtres étaient vétustes, le raccordement électrique était porteur de catastrophes imminentes, tellement les conditions sécuritaires faisaient défaut. Les étudiants étouffaient dans des salles de cours qui n’avaient plus la capacité de les accueillir. Comme c’est le cas, le plus souvent, tout le monde se plaignait, personne n’agissait pour changer sérieusement la situation. En vérité, on avait regardé cette belle Faculté mourir à petit feu. Le gouvernement avait abandonné cet établissement, qui pourtant, comptait le plus grand nombre d’étudiants. Les autorités universitaires avaient démissionné et ceci faisait en sorte que les étudiants et les enseignants se résignaient dans la fatalité.

En 2005, après une longue grève des étudiants, le Pr Moustapha Sourang décida d’accorder chaque année une enveloppe de 100 millions de francs Cfa à une faculté pour la réhabilitation des bâtiments. La Faculté des Lettres devait être le premier bénéficiaire de cette enveloppe. Il s’engagea aussi pour la construction de deux grands amphithéâtres, une bibliothèque facultaire et la Case des étudiants qui, par les conseils du Pr Sémou Pathé Gueye, porta le nom de Complexe culturel Léopold Sédar Senghor. La Case avait pour vocation d’être un haut lieu de culture et d’échanges pour les étudiants afin de participer à la lutte contre la violence dans le campus. Elle devait accueillir un cycle annuel de conférences. Je rappelle que le Professeur Ousseynou Kane y a prononcé la première conférence sur le thème : « le rôle des lettres dans la construction citoyenne ». C’est pourquoi, j’ai senti de la peine, lorsque que j’ai appris que les étudiants voulaient la transformer en un restaurant. Sur cette question précise, mon opinion est que l’administration ne doit pas céder à la pression des délégués des étudiants. Il faut rappeler que l’Amicale des étudiants n’a pas pour vocation d’être un lieu commercial. Elle doit défendre les intérêts matériels et moraux des étudiants et promouvoir la culture au sein de l’université.

Je rappelle que l’Amphi Mbaye Gueye que les étudiants connaissent bien est aussi un fruit du protocole d’accord signé avec le Ministre Moustapha Sourang. Quand j’ai quitté volontairement la direction de l’Amicale le projet de la bibliothèque facultaire a été abandonné. A l’époque, j’avais décidé de ne pas me représenter après deux mandats. Dans ma conscience profonde, j’ai toujours cru à la limitation des mandats en démocratie. Par la suite, c’est avec un immense plaisir que j’ai appris que le nouveau doyen Alioune Badara Kandji porte le projet de création d’une bibliothèque facultaire.
Je dois aussi témoigner que Mao Ousmane Ba, Ndéné Mbodji et Mame Bireum Wathie, qui m’ont succédé à la tête de l’Amicale des étudiants, avaient obtenu auprès du Pr Moustapha Sourang la construction des amphis A et et B du Nouveau Bâtiment. Voici encore une preuve éloquente que malgré ses moments difficiles, le mouvement étudiant a beaucoup apporté à l’université sénégalaise. Aujourd’hui encore, je dois dire sans ambages que sans les luttes étudiantes, les portes de l’enseignement supérieur seraient fermées aux enfants des pauvres de notre nation.

En définitive, le Pr Moustapha Sourang est à la base de la création de plusieurs lycées et universités dans le pays. Plus particulièrement, il a été le seul Ministre qui a porté de grands travaux pour la Faculté des Lettres et Sciences humaines. Cette faculté accueille presque la moitié des effectifs de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. L’université de notre pays lui témoigne sa reconnaissance. Les anciens délégués des étudiants lui voueront un respect éternel et nous sommes persuadés que son nom restera gravé dans les cœurs, à jamais.

Je présente mes condoléances les plus attristées à sa famille et à toute la communauté universitaire.
Riquiescat in pace professor !

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