La fatigue, le stress, la routine, le poids des années ou des conflits… Nul n’est plus censé ignorer que l’une de ces causes est à l’origine de la baisse durable du désir dans le couple. Tout comme aucun couple ne croit plus qu’il suffirait d’un week-end en amoureux pour rallumer la flamme de la libido. Pourtant, face au désir qui s’absente, les interrogations inquiètes se bousculent toujours dans les consultations des professionnels de la relation de couple. Est-ce le début de la fin ? Comment avoir envie à nouveau ? Doit-on faire le deuil de l’amour au bout d’un certain temps ?
« Il faut dire et redire que le désir n’est pas une mécanique qui fonctionne en continu, rappelle Gérard Bonnet, psychanalyste, auteur notamment des Perversions sexuelles (PUF, Que sais-je ?, 2011). Mais il existe une idée reçue qui a la vie dure, c’est que le quotidien serait l’ennemi numéro un du désir. En réalité, les contraintes, le stress, la fatigue ne devraient pas être des causes d’inappétence mais, au contraire, des motifs supplémentaires pour aller chercher dans la sexualité tout ce qui nous fait défaut au quotidien : la créativité, la tendresse, le plaisir ! Cela dit, il ne faut pas non plus se raconter d’histoires, lorsqu’il s’absente longtemps ou qu’il disparaît, il est le symptôme d’un empêchement dans l’intime du couple. »
Cet empêchement, selon les histoires, peut être levé ou bien signer la fin définitive de la relation. « Nous recevons deux types de couples, constate Françoise Sand, conseillère conjugale et familiale et auteure avec Yves de Gentil-Baichis du Couple au risque de la durée (Desclée de Brouwer, 2009). Ceux qui, ne se désirant plus du tout, viennent chercher la confirmation de la fin de leur relation. Et ceux qui, conscients d’un problème, veulent retrouver une intimité satisfaisante. » Les premiers essayeront sans conviction de relancer le moteur et n’y parviendront pas, les seconds essayeront de comprendre ce qui a fragilisé ou éteint leur désir, puis tenteront d’élaborer un projet commun.
Revenir à soi et à l'autre
Il faudra d’abord accepter de renoncer à une image de soi idéalisée qui fait porter à l’autre l’entière responsabilité de la panne du désir. « Dans les consultations, on se rend compte que l’autre n’est pas appréhendé dans sa réalité. Beaucoup d’hommes se plaignent du manque d’envie sexuelle de leur partenaire sans se soucier de ses besoins affectifs et relationnels, et de nombreuses femmes attendent de leur partenaire qu’il devine et éveille leurs désirs et besoins », poursuit Françoise Sand. Mireille Dubois-Chevalier, médecin et sexothérapeute, observe également que le principe d’irréalité règne en maître dans bon nombre de couples : « Ils attendent le grand retour du désir au lieu de se brancher sur ce que leur couple a de plus singulier, en termes de fantasmes, de fréquence, de façons de recevoir et de donner du plaisir. »
La sexologue souligne que le désir ne peut être convoqué, il ne peut être que favorisé. « Par la curiosité que l’on a de l’autre, par la bienveillance de l’accueil qu’on lui fait, mais aussi par le sens qu’on lui donne au sein de la relation. »
Réactiver le circuit du plaisir
Sans plaisir, point de désir. L’affirmation semble paradoxale, mais ne l’est pas. « Le désir, c’est l’envie de (re)produire une expérience gratifiante, détaille Sylvain Mimoun, gynécologue et andrologue. On sait qu’un rapport sexuel gratifiant est celui qui procure un plaisir global : sexuel, sensuel et émotionnel. Si, au quotidien, on n’éprouve pas de vrai plaisir à partager des discussions, des projets et des activités, alors il y a peu de chance que la relation sexuelle soit satisfaisante et donne envie de recommencer. » Les neurosciences confirment ce postulat de Sylvain Mimoun. « Sur le plan neurobiologique, on peut définir l’état de désir comme l’attente positive d’une gratification, analyse Maïté Sauvet, chercheuse en neurosciences et auteure notamment d’Être soi dans le plaisir (Chiron, 2006). Cette attente active dans notre cerveau la production d’enképhalines – des endorphines qui favorisent le sentiment de bien-être en réduisant les sensations désagréables dans le corps.
Celles-ci permettent la libération massive de dopamine (hormones du plaisir) le jour de la récompense. » Mais attention, désirer ne signifi e pas attendre passivement, il faut activer le circuit du plaisir. Par le toucher et les mots. « La peau est composée de corpuscules capteurs de plaisirs, explique Maïté Sauvet. Les caresses sur le corps les font réagir et activent la production d’ocytocine, l’une des hormones de l’orgasme. Il suffit de cette stimulation physique pour préparer l’organisme au plaisir. On comprend mieux pourquoi les couples qui se touchent et se caressent beaucoup sont ceux qui disent avoir une vie sexuelle très épanouissante. Les mêmes ont une communication gratifiante. Y compris dans les conflits, car ils ne se dévalorisent pas. »
A contrario, lorsque la relation est pauvre en échanges, la production d’enképhalines est moindre, ce qui signifie que le désir est inexistant et que la relation sexuelle ne produira pas de dopamine. « Les neurosciences démontrent que ce n’est pas la nouveauté ou la diversité qui assurent la pérennité du désir, mais la qualité de la relation intime, affirme Maïté Sauvet. C’est la négligence et l’égoïsme qui sont les pires tue-désir. »
Joëlle, 43 ans, mariée depuis quinze ans et mère de deux adolescents, dit avoir expérimenté un « improbable retour de flamme » l’été dernier : « J’avais mis fin au printemps à une liaison qui durait depuis deux ans, et j’ai décidé, pour moi, pour mon couple, de donner sa chance à mon mari que j’aimais encore, mais ne désirais plus. Au lieu d’attendre d’être séduite à nouveau, je l’ai regardé comme un homme à séduire. Il a dû sentir mon regard, mes gestes changer, en tout cas, il y a eu contagion et quelque chose est reparti entre nous. » Si la volonté n’a pas de prise sur le désir, il peut parfois se laisser apprivoiser par l’envie sincère d’avoir envie de l’autre, de son coeur, de son corps.
« Il faut dire et redire que le désir n’est pas une mécanique qui fonctionne en continu, rappelle Gérard Bonnet, psychanalyste, auteur notamment des Perversions sexuelles (PUF, Que sais-je ?, 2011). Mais il existe une idée reçue qui a la vie dure, c’est que le quotidien serait l’ennemi numéro un du désir. En réalité, les contraintes, le stress, la fatigue ne devraient pas être des causes d’inappétence mais, au contraire, des motifs supplémentaires pour aller chercher dans la sexualité tout ce qui nous fait défaut au quotidien : la créativité, la tendresse, le plaisir ! Cela dit, il ne faut pas non plus se raconter d’histoires, lorsqu’il s’absente longtemps ou qu’il disparaît, il est le symptôme d’un empêchement dans l’intime du couple. »
Cet empêchement, selon les histoires, peut être levé ou bien signer la fin définitive de la relation. « Nous recevons deux types de couples, constate Françoise Sand, conseillère conjugale et familiale et auteure avec Yves de Gentil-Baichis du Couple au risque de la durée (Desclée de Brouwer, 2009). Ceux qui, ne se désirant plus du tout, viennent chercher la confirmation de la fin de leur relation. Et ceux qui, conscients d’un problème, veulent retrouver une intimité satisfaisante. » Les premiers essayeront sans conviction de relancer le moteur et n’y parviendront pas, les seconds essayeront de comprendre ce qui a fragilisé ou éteint leur désir, puis tenteront d’élaborer un projet commun.
Revenir à soi et à l'autre
Il faudra d’abord accepter de renoncer à une image de soi idéalisée qui fait porter à l’autre l’entière responsabilité de la panne du désir. « Dans les consultations, on se rend compte que l’autre n’est pas appréhendé dans sa réalité. Beaucoup d’hommes se plaignent du manque d’envie sexuelle de leur partenaire sans se soucier de ses besoins affectifs et relationnels, et de nombreuses femmes attendent de leur partenaire qu’il devine et éveille leurs désirs et besoins », poursuit Françoise Sand. Mireille Dubois-Chevalier, médecin et sexothérapeute, observe également que le principe d’irréalité règne en maître dans bon nombre de couples : « Ils attendent le grand retour du désir au lieu de se brancher sur ce que leur couple a de plus singulier, en termes de fantasmes, de fréquence, de façons de recevoir et de donner du plaisir. »
La sexologue souligne que le désir ne peut être convoqué, il ne peut être que favorisé. « Par la curiosité que l’on a de l’autre, par la bienveillance de l’accueil qu’on lui fait, mais aussi par le sens qu’on lui donne au sein de la relation. »
Réactiver le circuit du plaisir
Sans plaisir, point de désir. L’affirmation semble paradoxale, mais ne l’est pas. « Le désir, c’est l’envie de (re)produire une expérience gratifiante, détaille Sylvain Mimoun, gynécologue et andrologue. On sait qu’un rapport sexuel gratifiant est celui qui procure un plaisir global : sexuel, sensuel et émotionnel. Si, au quotidien, on n’éprouve pas de vrai plaisir à partager des discussions, des projets et des activités, alors il y a peu de chance que la relation sexuelle soit satisfaisante et donne envie de recommencer. » Les neurosciences confirment ce postulat de Sylvain Mimoun. « Sur le plan neurobiologique, on peut définir l’état de désir comme l’attente positive d’une gratification, analyse Maïté Sauvet, chercheuse en neurosciences et auteure notamment d’Être soi dans le plaisir (Chiron, 2006). Cette attente active dans notre cerveau la production d’enképhalines – des endorphines qui favorisent le sentiment de bien-être en réduisant les sensations désagréables dans le corps.
Celles-ci permettent la libération massive de dopamine (hormones du plaisir) le jour de la récompense. » Mais attention, désirer ne signifi e pas attendre passivement, il faut activer le circuit du plaisir. Par le toucher et les mots. « La peau est composée de corpuscules capteurs de plaisirs, explique Maïté Sauvet. Les caresses sur le corps les font réagir et activent la production d’ocytocine, l’une des hormones de l’orgasme. Il suffit de cette stimulation physique pour préparer l’organisme au plaisir. On comprend mieux pourquoi les couples qui se touchent et se caressent beaucoup sont ceux qui disent avoir une vie sexuelle très épanouissante. Les mêmes ont une communication gratifiante. Y compris dans les conflits, car ils ne se dévalorisent pas. »
A contrario, lorsque la relation est pauvre en échanges, la production d’enképhalines est moindre, ce qui signifie que le désir est inexistant et que la relation sexuelle ne produira pas de dopamine. « Les neurosciences démontrent que ce n’est pas la nouveauté ou la diversité qui assurent la pérennité du désir, mais la qualité de la relation intime, affirme Maïté Sauvet. C’est la négligence et l’égoïsme qui sont les pires tue-désir. »
Joëlle, 43 ans, mariée depuis quinze ans et mère de deux adolescents, dit avoir expérimenté un « improbable retour de flamme » l’été dernier : « J’avais mis fin au printemps à une liaison qui durait depuis deux ans, et j’ai décidé, pour moi, pour mon couple, de donner sa chance à mon mari que j’aimais encore, mais ne désirais plus. Au lieu d’attendre d’être séduite à nouveau, je l’ai regardé comme un homme à séduire. Il a dû sentir mon regard, mes gestes changer, en tout cas, il y a eu contagion et quelque chose est reparti entre nous. » Si la volonté n’a pas de prise sur le désir, il peut parfois se laisser apprivoiser par l’envie sincère d’avoir envie de l’autre, de son coeur, de son corps.