rès avoir défrayé la chronique, en janvier dernier en Guinée, en causant la mort et la panique au sein de certaines populations de la sous-région, la fièvre du virus Ebola s’était quelque peu éclipsée. Au point que l’on pensait qu’elle avait été vaincue. Mais voilà que près de six mois après son apparition en Guinée, la fièvre hémorragique refait parler d’elle dans ce pays.
Pendant que l’Organisation mondiale de la Santé parle de 208 morts, les autorités guinéennes affichent 126 décès au compteur. Mais au-delà des chiffres, une certitude: Ebola que l’on croyait enterré, a refait surface pour se rappeler au mauvais souvenir des populations guinéennes, en gagnant du terrain par une propagation à d’autres contrées du pays, dont Conakry la capitale. Cela, au moment où bien des gouvernements semblent avoir baissé la garde, englués qu’ils sont dans d’autres problèmes quotidiens. Oui, le quotidien! Voilà ce que gèrent la plupart de nos gouvernants qui semblent ne pas avoir de vision à long terme.
Déficit de gouvernance
Dans ces conditions, il sera toujours difficile de vaincre Ebola et bien d’autres maux sous nos tropiques, étant donné que la lutte contre une épidémie du genre requiert une vigilance de tous les instants. Pourtant, les dirigeants africains excellent dans la prise de mesures de circonstance pour donner l’illusion de s’occuper des problèmes de fond des populations alors qu’il n’en est rien.
C’est donc, avant tout, une question de gouvernance, de vision et d’engagement politique et ensuite de moyens humains et matériels car, là où l’on met la priorité, l’on se donne et l’on trouve les moyens de sa politique. Or, sous nos tropiques, les questions de santé des populations semblent reléguées au second plan, loin derrière d’autres secteurs jugés prioritaires comme la sécurité des princes et autres dépenses de prestige sans impact direct sur le quotidien des populations comme cet achat d’un avion présidentiel, à coût de milliards, au Mali.
Dans le cas précis d’Ebola, l’on peut se demander si les autorités guinéennes n’ont pas quelque peu fait preuve de négligence, et s’il y a eu un réel suivi de l’épidémie sur le terrain. Or, tant qu’il y aura un foyer d’Ebola quelque part, la menace de la propagation restera permanente pour toute la sous-région. Ce d’autant plus que la porosité des frontières entraîne des flux et reflux de populations aux us et coutumes quelquefois similaires.
Pesanteurs socioculturelles
Dans ces conditions, la dimension socioculturelle rend l’efficacité de la lutte beaucoup plus hypothétique étant donné que certaines populations, fortement attachées à leurs valeurs culturelles, ne sauraient s’empêcher certains réflexes comme la manipulation des cadavres, la non-utilisation de cercueils avant l’ensevelissement des corps, quand ce n’est pas une résistance aux croyances, voire une dénégation de l’existence même de la maladie qui l’emporte dans les esprits.
Ces populations ne se gêneraient donc pas de cacher des malades à la maison pour s’en occuper à la traditionnelle quand il n’est pas impossible pour elles de déroger aux rites funéraires ancestraux lorsque ces malades viennent à passer de vie à trépas. Tous ces ingrédients, ajoutés à la pauvreté et à l’ignorance des populations d’une part, à la négligence et au manque de vision des pouvoirs publics d’autre part, font que la lutte contre Ebola sera des plus difficiles.
D’où la nécessité d’une vaste campagne de communication et de sensibilisation à l’endroit des populations afin d’éviter une trop grande propagation du virus, et une plus grande implication des pouvoirs publics aux côtés des ONG qui s’affairent sur le terrain à apporter assistance et réconfort aux populations non sans difficultés. Par ailleurs, en raison de la non-étanchéité des frontières, il ne serait pas superfétatoire de penser à une stratégie commune de lutte, si l’on veut crier victoire sur Ebola.
Outélé Keita