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Pr SOULEYMANE MBOUP, CHEF DU LABORATOIRE BACTÉRIOLOGIE-VIROLOGIE DE LE DANTEC : « Le Sénégal a un taux 48% de couverture des Arv sur un objectif de 80 % »

A l’instar de la communauté internationale, le Sénégal célèbre ce 1er décembre la Journée mondiale de lutte contre le Sida. Une occasion pour le Pr Souleymane Mboup, chef du Laboratoire bactériologie de l’hôpital Aristide Dantec de Dakar de saluer les progrès enregistrés par le Sénégal dans la lutte contre le Sida où le taux de prévalence stagne depuis plusieurs années à 0,7%, non sans noter que des efforts restent à faire, notamment dans l’utilisation des Arv dont le taux n’est que de 48 %.


Rédigé par leral.net le Mardi 1 Décembre 2009 à 10:36 | | 0 commentaire(s)|

Pr SOULEYMANE MBOUP, CHEF DU LABORATOIRE BACTÉRIOLOGIE-VIROLOGIE DE LE DANTEC : « Le Sénégal a un taux 48% de couverture des Arv sur un objectif de 80 % »
Quelle est l’importance de la Journée mondiale de lutte contre le Sida célébrée chaque 1er décembre ?

A l’exemple de beaucoup d’événements importants, la Journée monde de lutte contre le Sida est un grand moment de mobilisation. Mais cette mobilisation doit être permanente. Le Sénégal l’a bien compris parce que la campagne de lutte contre le Sida ne démarre pas seulement lors de cette journée. Elle s’est faite bien avant et elle continue. Mais chaque journée mondiale est l’occasion de mettre l’accent sur un thème majeur que l’on essaie de faire avancer. Cette année, l’accent sera mis sur l’accès universel et les droits de l’Homme, qui constituent à l’heure actuelle des points importants dans la lutte contre le Sida. Des progrès importants ont été réalisés dans la lutte contre le Vih/Sida. Nous avons constaté, pour la première fois, en Afrique, le recul de 17% des nouvelles infections selon nouveau rapport de l’Onusida (ouverture). C’est pour la première fois aussi qu’il a été constaté moins de nombre de décès pour ce qui concerne l’épidémie du Vih/Sida et cela grâce au traitement. Malgré tous ces efforts nous avons noté que la moitié des populations atteintes par l’épidémie ne bénéfice pas de traitement. D’où la nécessité d’un accès universel. Cela doit être un droit car tous les citoyens ont droit à un traitement et à la prévention. Ce thème : « Droits humains et accès universel aux services de prévention, de traitement e et de soutien » a été choisi à un moment précis de l’épidémie et permet de faire avancer certains aspects qui me se semblent particulièrement importants.

On constate beaucoup de sensibilisation sur le port de préservatif en dehors de cette méthode. Quelles sont les autres stratégies de prévention au Vih/Sida ?

Il y a surtout la communication pour le changement de comportement qui a montré son efficacité dans la lutte contre l’épidémie. Mais on pouvait faire beaucoup plus en utilisant les nouvelles méthodes. C’est là que la recherche est importante. Parmi ces méthodes, on peut citer la circoncision qui s’est avérée efficace dans certaines circonstances. Mais la mise en œuvre de cette méthode de prévention n’a pas été facile. Mais le fait que l’on essaie de trouver des méthodes de prévention beaucoup plus faciles à appliquer comme le vaccin, les microbicides, la prophylaxie après le contact sont aussi importantes. Toutes ces nouvelles méthodes ne peuvent se faire que grâce à une recherche particulièrement active. Donc ces résultats obtenus seraient beaucoup meilleurs si certaines de ces méthodes avaient trouvé une application. Il faut dire que l’on peut appliquer plusieurs méthodes dans la prévention ; c’est-à-dire, ne pas se baser sur une seule méthode. Car, plus il y a des méthodes, plus on peut les combiner entre elles et cela donnerait de meilleurs résultats dans le recul du Sida dans le monde, en particulier en Afrique où plus 22,4 millions de personnes sont infectées.

Pour ce qui concerne la recherche, la contribution des pays africains en matière de Vih est très faible. Qu’est-ce qu’il faut faire pour relever le niveau de cette recherche ?

Si l’on fait la littérature sur la contribution de la recherche de l’Afrique dans la connaissance de manière générale, on constate qu’elle est très faible. Si vous regardez le nombre généré en Afrique pour cette connaissance cela ne représente qu’1% sur l’ensemble des articles. Si vous ne prenez que les articles en français cette recherche ne représente que 0,1%. Donc, il y a une très faible contribution à la connaissance scientifique de manière générale de l’Afrique. Pour cela, il faudrait arriver à une prise de conscience que la recherche est importante et qu’il faudrait un investissement à long et moyen termes avec la possibilité de former. Car, la recherche est l’un des leviers sur lequel on peut s’appuyer pour progresser. C’est grâce aux recherches que nous avons obtenu ces résultats sur la baisse de la mortalité des nouvelles infections liées au Vih. Le fait de le comprendre et d’y investir est stratégique. Mettre des moyens, pour que les chercheurs puissent s’exprimer, permet d’avancer dans tous les domaines de la vie. Il faut que nos pays le comprennent. La recherche constitue le seul moyen pour arriver à faire la différence.

Pour le vaccin, où en sommes-nous après les essais cliniques mis en place en Thaïlande ?

Il y avait un désespoir après les derniers essais de vaccins qui montraient l’inexistence de protection des vaccins. Mais l’essai thaïlandais est venu apporter l’espoir avec au moins une efficacité, quoique faible. Maintenant, il y a beaucoup de débat au sein de la communauté internationale pour essayer de vérifier l’efficacité de ces vaccins et pour comprendre pourquoi. On retient que ces essais sont un bond en avant mais la communauté internationale est en train d’essayer de voir quels sont les résultats réels. Et s’il y a un minimum de protection, quelles en sont les causes. C’est en connaissant ces causes qu’on pourra améliorer le vaccin. C’est vraiment un moment d’espoir mais les gens sont encore prudents dans l’interprétation des essais thaïlandais.

Est-ce qu’il faut encore attendre 10 ans pour avoir un vaccin efficace contre le Sida ?

C’est très difficile de se prononcer sur une période. Ce qui est important, c’est que déjà, il y a un espoir avec ces essais de la Thaïlande. Il suffit seulement d’améliorer son efficacité. Maintenant la question c’est comment l’améliorer pour arriver à un vaccin. Ceci peut aller très vite mais aussi lentement. C’est très difficile de se prononcer sur une date mais ces essais devraient plutôt inciter à l’espoir et à mettre plus de moyens pour la recherche, pour comprendre certains phénomènes et arriver à trouver des solutions pour faire des vaccins. L’espoir est permis car on peut avoir un vaccin efficace contre le Vih/Sida.

En attendant, les Personnes vivant avec les Vih/Sida vont se contenter encore des Arv qui, malheureusement, ont un effet négatif sur certains patients. Qu’est-ce qu’il faut faire pour éviter les résistances occasionnées par ces Arv ?

Ces résistances ne sont pas spécifiques au Vih. Dans la plupart des pathologies infectieuses, on finit par avoir des résistances et on est obligé d’adapter des stratégies. Il y a des recommandations en particulier pour arriver à retarder ces résistances, en respectant ses prises de médicaments et en faisant aussi différentes stratégies de combinaisons de ces médicaments. Ces stratégies permettent de retarder les résistances. Il faut aussi trouver des médicaments qui soient beaucoup plus efficaces et des combinaisons. La recherche est en cours sur ce plan. Il existe des stratégies pour remplacer certaines thérapeutiques pour lesquelles il y a des résistances. Il faut que la recherche trouve d’autres médicaments qui puissent retarder ces résistances, en replaçant ces combinaisons. Je rappelle que ces résistances ne sont pas propres seulement au Sida. Les personnes atteintes du paludisme, de la tuberculose, sont aussi confrontées à ces résistances. C’est une nature du traitement infectieux.

Est-ce que les femmes enceintes sous traitement Arv courent plus de risques que les autres patients ?

Pour ces femmes, il y a des stratégies de prévention qui ont montré leur efficacité pour essayer de prévenir la transmission. Ce sont des stratégies approuvées pour leur efficacité. Pour ce qui concerne l’utilisation des Arv, le Sénégal est en train de faire des progrès mais qui sont encore insuffisants, car notre objectif, c’est atteindre une couverture de 80%. Mais nous sommes encore à 48%. Pour ce qui est de la femme enceinte, il existe des recommandations parce qu’en dehors de ces médicaments de transmission mère-enfant, il peut y avoir des traitements en fonction du besoin de la patiente. Les médecins, qui suivent ces femmes, sont au courant de ces méthodes. Il faut noter que les risques de résistance ne sont pas beaucoup élevés par rapport à d’autres types de populations, si les médicaments sont bien utilisés et les délais prescrits respectés.

Depuis plus de 24 ans, le taux de prévalence n’a pas bougé au Sénégal car il tourne autour de 0,7%. Est-ce que les différents dépistages réalisés à travers le pays permettent de confirmer ce faible taux ?

Le taux de prévalence, même s’il bouge, c’est de manière très lente. Ce taux a évolué mais dans une proportion assez faible. Mais je confirme que nous sommes toujours dans une prévalence qui est de l’ordre de 0,7%, qui a évolué au départ, mais qui est restée stable depuis plusieurs années (ouverture). C’est quelque chose dont il faut se féliciter en arrivant à maintenir ce taux, sinon à le rabaisser. Nous sommes responsables de ce programme de surveillance, donc ce sont des chiffres générés à partir des enquêtes et les dernières enquêtes sont en train de se terminer pour cette année, mais au vu des résultats préliminaires, ils confirment ce taux de prévalence de 0,7%. Nous aurons cependant, dans quelques jours, les chiffres précis, juste à la fin de l’enquête.

Est-ce qu’on peut s’attendre à un concept de dépistage généralisé sur l’ensemble du territoire national ?

On peut rêver. Je ne connais pas un pays qui a réussi cela. Mais je pense que l’on n’a pas besoin d’un dépistage généralisé, car si on dépiste une proportion très importante des personnes, on arrivera à faire un impact. Il faut dire qu’il y a beaucoup de stratégies en cours qui vont venir et en particulier le traitement qui pourrait plus avoir d’impact sur la diminution de la transmission. Je pense que l’on ne pourra jamais couvrir à 100% ses besoins, mais si l’on a une certaine proportion, elle permettra de faire la différence.


Propos recueillis par Eugène KALY


Dor Fayou