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Présidentielle 2024: Qu’est-ce qui fait courir les PM ?

Six anciens Premiers ministres sont engagés dans la présidentielle, à condition qu'ils passent tous le filtre du parrainage. Ils ont des parcours différents, mais le mystère sur ce qui les fait courir, reste entier. Leur dénominateur commun, est d’avoir était très proche du pouvoir, en plus de l'avoir connu.


Rédigé par leral.net le Vendredi 24 Novembre 2023 à 14:25 | | 0 commentaire(s)|

Présidentielle 2024: Qu’est-ce qui fait courir les PM ?
L’élection présidentielle de février 2024, risque d’être inédite dans l’histoire politique du Sénégal. Six anciens Premiers ministres sont engagés dans la course. Si le Conseil constitutionnel valide leurs candidatures, Mahammed Boun Abdallah Dionne, Aminata Touré, Abdoul Mbaye, Idrissa Seck, Aguibou Soumaré et Souleymane Ndéné Ndiaye, vont briguer les suffrages des Sénégalais. Trois d’entre eux à savoir Idrissa Seck, Aguibou Soumaré et Souleymane Ndéné Ndiaye, ont été des PM sous Abdoulaye Wade, les trois autres ont servi Macky Sall.

Finalement, aucun ancien PM vivant n’a résisté à cette présidentielle. Si certaines candidatures étaient normalement attendues, il y en a qui découlent des circonstances politiques, d’autres, ont carrément laissé pantoise l’opinion. Le Premier ministre Amadou Bâ a été choisi par Macky Sall, comme candidat à la présidentielle du 25 février 2024. Le mystère a été levé après deux mois dix jours. Onze candidats attendaient cette longue délibération. « (…) Le choix d'aujourd'hui est un choix concerté et collégial », a laissé entendre le chef de l’Etat, dans son adresse aux leaders de Benno Bokk Yakaar réunis à la Présidence, lue par l’ancien président de l’Assemblée nationale.

A en croire le président de la République, « dans le processus ainsi ouvert, j'ai mobilisé des personnes ressources, dont le Président Moustapha Niasse, qui a rencontré, en mon nom, la grande majorité des candidats à la candidature, afin de créer les conditions de facilitation du choix ». Pas de doute, cette précision s’adresse aux perdants. Une pluie d’éloges a suivi sa désignation. Le président du Conseil d’administration de la Société d’exploitation du Train express régional (SETER), entreprise chargée de l’exploitation du TER, Moïse Sarr a salué la décision du chef de l’Etat, « l’inscrivant parmi les Grands Hommes de l’Histoire politique contemporaine de notre Continent, (qui) vient, de désigner l’actuel Premier ministre, Amadou Bâ, comme candidat de la Coalition Benno Bokk Yakaar et de la Grande Majorité Présidentielle ».

D'après le journal "Point Actu", une autre grosse pointure de l’Alliance pour la République, Abdoulaye Sally Sall, maire de la commune de Nabadji Civol, s’est joint au concert d’approbations du choix porté sur le PM Amadou Bâ. Last but not least, le DG de l’Aéroport international Blaise Diagne, Abdoulaye Dièye a, dans un communiqué rendu public hier, salué puis dit adhérer « totalement, à la désignation du Premier ministre Amadou Bâ comme candidat de la grande coalition Benno Bokk Yakaar pour consolider et perpétuer la dynamique d’émergence dans laquelle notre pays s’inscrit depuis 2012 ».

Sur le terrain, notamment aux Parcelles assainies, fief politique d’Amadou Bâ, une grosse ambiance s’est déclarée à son siège, quelques minutes seulement après l’annonce de la désignation du PM comme candidat de BBY. Des militants ont, en effet, pris d’assaut les lieux pour manifester leur joie. Au même moment, un silence de mort prévalait au siège de l’APR à Mermoz. Là, c’est le calme des jours de grande déconvenue qui a prévalu. Est-ce le signe annonciateur de la grande tempête annoncée à BBY, après le choix du Président Macky Sall ? En tout cas, les rébellions se multiplient dans le camp présidentiel, depuis la candidature déclarée d’Amadou Bâ. Idrissa Seck candidat ne surprend, sans doute, personne. Allié du chef de l’Etat en 2020, l’ex-président du Conseil économique, social et environnemental avait rallié Benno Bokk Yakaar, au terme d’un accord resté jusque-là mystérieux.

Les retrouvailles sont scellées avec, à la clé, deux postes ministériels et la présidence du CESE. Dans les mille et une raisons supposées du ralliement d’Idy à BBY, d’aucuns avançaient la possibilité de voir Macky Sall parrainer la candidature de l’ancien PM de Wade. Une telle option n’avait rien de saugrenu, car ceux qui la défendaient, avaient du mal à trouver le fondement des retrouvailles entre Idrissa Seck et Macky Sall. La forfaiture passait alors pour être trop risquée pour l’avenir politique de l’ancien maire de Thiès. En tout cas, il signait son retour auprès de Macky Sall, après avoir récolté 20,51% des suffrages à la présidentielle de 2019. Classé 2e, Idy quitte l’opposition, où il partait pour en être le chef.

Ce cheminement en zig zag risque de lui être fatal. Il a d’ailleurs perdu en scellant les retrouvailles avec le Président Macky Sall, nombre de hauts cadres comme Abdourahmane Diouf (AWALE) et Déthié Fall (PRP), devenus d’éminents opposants et candidats à la présidentielle. Tombé depuis quelques temps dans un profond silence, Idrissa Seck semble ne pas être enthousiaste. Il est même resté trop discret au cours de ses opérations de parrainages. C’est aussi silence radio chez le candidat Cheikh Aguibou Soumaré. Ancien PM de Wade passé entre-temps à l’UEMOA, où il assurait les fonctions de président de la Commission, Cheikh Aguibou Soumaré a d’emblée, indiqué : « Je ne veux plus être deuxième, je veux être premier ». Plutôt replié sur lui-même, l’ancien président de la Commission de l’UEMOA cultive à l’extrême, une sorte d’élégance politique. Pas d’attaques personnelles ni non plus d’appréciations acerbes de la marche du pays, Cheikh Aguibou Soumaré a avoué tout son respect pour Amadou Bâ, candidat de BBY.

Il s’est même gardé de se prononcer sur l’affaire Ousmane Sonko, pendante devant les juridictions. Il voue un grand respect aux lois du pays, même s’il milite pour une révision des immenses pouvoirs attribués à certains magistrats. Son appréciation de l’émigration clandestine est fondée sur une recommandation : refuser la politisation d’un problème né d’une mauvaise mondialisation, ayant contribué à la destruction des tissus économiques. Cheikh Aguibou Soumaré voudrait comme certains candidats, la renégociation de certains accords. Candidat recalé en 2019 par le filtre du parrainage, Cheikh Aguibou Soumaré était retombé dans une profonde hibernation, jusqu’à sa fameuse insinuation qui lui a valu une garde-à-vue de 48 heures, le jeudi 9 mars 2023.

L’ancien Premier ministre avait, en effet, envoyé une lettre rendue publique au rPésident Macky Sall. Dans ce texte, il interrogeait notamment le chef de l’État, sur un éventuel « don » d’argent à Marine le Pen. La responsable du parti français Rassemblement national (RN) avait rencontré Macky Sall lors de sa visite au Sénégal, en janvier.

Souleymane Ndéné Ndiaye, avocat de son état et ancien PM de Wade, a aussi déclaré sa candidature à la présidentielle. Mais depuis lors, l’ex président du Conseil d’administration d’Air Sénégal, se fait tout discret. « Mes chers compatriotes, devant l’appel du devoir et au nom du sens des responsabilités, j’ai décidé de présenter ma candidature à l’élection présidentielle », écrit-il, dans une déclaration rendue publique. Il exprimait, ainsi, son opposition au choix porté sur le Premier ministre, Amadou Bâ. L’Union nationale pour le peuple (UNP Bokk Jeemu), son propre parti politique, va porter la candidature de l’avocat et ancien chef du gouvernement, selon la déclaration.

Et pour d'autres raisons, Me Ndiaye soutient : « J’ai décidé de présenter ma candidature, car je crois modestement avoir le profil, la personnalité, l’expérience et le programme adéquats ». Il ajoute dans la même déclaration, que son « i[projet prend racine dans cette rage de vouloir changer les choses, de contribuer à […] un mieux-être [des] populations, dans un pays où règneront la justice, l’égalité des chances, l’inclusion, la démocratie…]i». Ancien maire de Guinguinéo, il s’engage à faire du « renouveau de la politique agricole et de la souveraineté alimentaire, la pierre angulaire » de son projet. Ami du chef de l’Etat comme il l’a toujours clamé, Souleymane Ndéné Ndiaye aura du mal à convaincre l’opinion sur sa détermination à affronter le régime.

En revanche, Aminata Touré, elle, a engagé un bras de fer avec le chef de l’Etat, au terme de l’élection du bureau de l’Assemblée nationale, en septembre 2022. C’est, en effet, un vrai séisme qui s’est abattu à l’Assemblée nationale, en ce lundi 12 septembre 2022. Tête de liste des dernières Législatives, Mimi Touré pressentie pour hériter du Perchoir, se voit préférer Amadou Mame Diop. Un choix opéré contre les accords scellés, dans la plus grande confidentialité. Mimi Touré accuse le coup et engage un combat féroce contre le groupe parlementaire BBY, qu’elle va quitter.

Elle annonce une proposition de loi qui mettrait un terme à l'existence de liens de parenté ou d'alliance avec le président de la République, avec l'exercice des fonctions de président d'Institution, Premier Ministre, Ministre, Secrétaire d'Etat, Chef d'état-major des Armées, Directeur ou Directeur général d'un établissement public ou d'une société où l'Etat, etc. Elle est alors déchue de son statut de député, pour avoir été considérée comme démissionnaire du camp présidentiel. De tous les anciens PM candidats, Mahammed Boun Abdallah Dionne le parcours qui ressemble le plus à celui du président Abdou Diouf. M. Dionne a longtemps été aux côtés de Macky Sall. Directeur de cabinet de Macky Sall pendant quelqu’un an, alors président de l’Assemblée nationale, il quitte le monde politique pour revenir aux affaires en 2014, comme Premier ministre de Macky Sall.

En 2019, il quitte la Primature pour devenir ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République. Une telle proximité et sa longévité à la Primature, ont dû peser dans sa candidature. Proche de Macky Sall, Boun Dionne semble désormais camper dans une posture d’opposition avec ses anciens alliés. Il reste toutefois que l’ancien PM est encore flou au sujet son attitude en cas de deuxième tour. Interpellé sur la question par le magazine "Jeune Afrique", il répond : « Non, mais à chaque jour suffit sa peine ». Se faisant plus précis, il a annoncé qu’il n’aurait alors jamais quitté BBY, s’il devait soutenir Amadou Bâ.

Abdoul Mbaye, lui, va s’engager, peut-être pour la première fois, à une élection présidentielle. L’ex-Premier ministre a créé son parti politique, le samedi 14 mai 2016, à Dakar, dénommé Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT). Il a choisi pour devise « Travail-Ethique-Espoir Saxal Jëf ». Lors de la cérémonie de lancement de l’ACT, l’ex-chef du gouvernement a porté un regard critique sur le régime de Macky Sall. Et depuis lors, Abdoul Mbaye ne fait pas de cadeau à BBY. « Debout, Sénégalais ! » C’est le slogan de la nouvelle formation politique qu’Abdoul Mbaye a portée sur les fonts baptismaux.

Le nouveau parti dénommé ACT veut faire de la politique autrement. Il a pour ainsi dire, pour objectif, de transformer fondamentalement la pratique politique au Sénégal et de faire émerger un Nouveau Type de Dirigeant, l’un et l’autre mus uniquement par l’intérêt du Sénégal. « Je ne reconnais pas Macky Sall de 2014 », se plaît-il à dire, lui qui a été le premier Premier ministre de Macky Sall. Six anciens Premiers ministres sont engagés dans la présidentielle, sauf s’ils passent tous le filtre du parrainage. Ils ont des parcours différents, mais le mystère sur ce qui les fait courir, reste entier. Leur dénominateur commun est d’avoir été très proche du pouvoir.

Ousmane Wade