De nombreux internautes se sont indignés de certaines questions comme celle-ci, qui demande aux sondés s’ils ont «rencontré des problèmes» avec «des personnes d’origine maghrébine», «des Roms» ou «des personnes de confession musulmane
Les critiques se sont accumulées ces derniers jours, certaines allant jusqu’à assimiler Le JDD à un «journal d’extrême droite».
«C’est un sujet sensible et on le sait», reconnaît-on à la direction du JDD. Mais cette dernière, interrogée par BuzzFeed, assume son choix de diffuser cette étude:
Et d’estimer que «beaucoup de critiques venaient de personnes qui n’avaient pas lula double-page du journal.»
Reste que l’article a été critiqué au sein même du journal, où la société des journaliste doit débattre ce mardi de ce choix éditorial. «Les questions sont tendancieuses, voire racistes», dit une journaliste de l’hebdomadaire à L’Express.
Pas sûr que cela suffise à faire taire les critiques, certains se demandant même si un sondage de ce type ne serait pas illégal.
Sollicitée par BuzzFeed, la Commission des sondages dit ne pas être concernée car il ne s’agit pas d’un sondage d’intention de vote. «De toute façon, je ne vois pas pourquoi ce sondage serait illégal», ajoute notre interlocuteur.
Est interdit, en France, «le fait de constituer des fichiers faisant apparaître, directement ou indirectement, l’appartenance religieuse ou l’origine “ethnique ou raciale” vraie ou supposée des personnes.»
Le sondage ne semble donc pas contrevenir à la loi dans le sens qu’il ne constitue pas un fichier nominatif de personnes en fonction de leur religion, mais interrogeait des personnes qui se déclaraient de telle ou telle appartenance religieuse.
Mais il n’est pas exclu que des associations antiracistes déposent plainte, pour ce motif ou pour d’autres.
Le sondage du JDD est en revanche nettement plus contestable sur le plan méthodologique. D’abord à cause des personnes interrogées: Ipsos a posé les mêmes questions à trois groupes différents, mais à des périodes différentes.
Lorsque l’on interroge plusieurs groupes sur les mêmes questions, mieux vaut le faire à des périodes rapprochées pour éviter de fausser la comparaison, expliquent plusieurs spécialistes des sondages à BuzzFeed.
Ici, Ipsos compare les réponses aux mêmes questions de trois groupes («grand public», «juifs», «musulmans») alors que plus de six mois, qui incluent notamment les attentats de janvier 2015, séparent les entretiens menés avec le premier groupe de ceux menés avec les deux autres.
Et pourtant, en apparence, Le JDD présentait comme une force ce qui s’avère être une faiblesse:
Autre problème, qui fausse la comparaison: la faible taille des échantillons pour les groupes «juifs» et «musulmans», relève Le Monde :
Toujours concernant le choix des personnes interrogées, le sociologue spécialiste des discriminations Michel Wieviorka émet d’autres réserves dans L’Express :
Des nuances, donc, dont le sondage ne tient pas compte.
Plus surprenant, le sondage fait parfois appel à une méthodologie «inhabituelle» et «surprenante» en France, selon plusieurs spécialistes. En cause, la fameuse question où les sondés identifient eux-mêmes le «groupe» auquel appartiennent des inconnus:
«Ce type de question n’est pas rigoureux car là, on n’est pas sur de l’opinion, mais sur du factuel», dit à BuzzFeed un responsable d’un institut de sondage qui préfère rester anonyme.
«Demander l’appartenance religieuse de l’agresseur qui est inconnu, c’est contestable, parce que ce n’est pas objectivable. En plus, comme cela a déjà été relevé, la liste n’est pas complète. Si on avait ajouté “protestant”, “catholique” et “athée”, on aurait encore vu davantage que cela n’a pas de sens.»
Selon lui, «cela ne veut pas dire que toute l’étude est mauvaise, mais la publication de cette question n’est pas neutre.»
Sollicités par BuzzFeed, les responsables d’Ipsos n’ont pas donné suite à nos sollicitations. Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut, a néanmoins assumé sa démarche dans Libération :
Une manière de reconnaître les biais méthodologiques du sondage… Tout en défendant sa publication.
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