On se souvient qu’il a été incorporé dans l’Armée française et fit son instruction au Camp Marchand de Rufisque. Il nous raconte les nombreux démêlés qu’il avait avec ses supérieurs et les conditions rocambolesques, presque invraisemblables, dans lesquelles il a été affecté à Ouakam, et de Ouakam au 7e RTS avec recommandation. Alors que huit demandes de punition planaient sur sa tête, il se produisit un des miracles de sa vie (50-51-52). Alors qu’il se dirigeait vers la salle du téléphone, son camarade Ndoye, le téléphoniste, lui demanda de lui prendre le téléphone pendant qu’il mettait ses chaussures. Et il entendit : « Ici le Commandant Major à Ouakam. Passez-moi le capitaine. » Il fit le branchement et la conversation continua, raconte-t-il. Arrêtons-nous un peu ici, avant de revenir à la conversation entre les deux officiers ! L coïncidence est quand même remarquable : juste au moment il prend le téléphone pour quelques secondes, celui-ci sonne et il est le sujet de la conversation qui s’engage. Ensuite, le soldat Wade ne devrait quand même pas pouvoir écouter cette conversation entre gradés, surtout qu’il avait déjà fait le branchement. En tout cas, s’il a osé écouter réellement la conversation, il était vraiment téméraire comme soldat dans les années 1947-1948. Et il manquait manifestement de discrétion.
Revenons à la conversation entre les deux officiers français !
- « Capitaine, vous avez chez vous un soldat du nom d’Abdoulaye Wade ?
- Oui, mon commandant.
- Que fait-il chez vous alors qu’il est affecté ici, à Ouakam ?
- Le capitaine bredouilla une réponse.
- Envoyez-le moi tout de suite ! coupa l’officier.
- Mais, mon commandant, le seul véhicule que nous avions est parti à Dakar…
- Je vous envoie une Jeep avec un sergent au volant !
Oui, mon commandant. »
Le soldat Wade devait être vraiment important, pour faire l’objet de tant d’attention. Il avait ensuite du toupet d’écouter une conversation téléphonique aussi longue entre deux officiers français, sans attirer l’attention de personne, pas même du camarade Ndoye qui lui avait demandé de lui prendre le téléphone, seulement le temps qu’il mette ses chaussures. Nous sommes en face d’un wadisme avant l’heure.
Donc, le Commandant Major de Ouakam l’affecte au 7e RTS, près du Lycée Van-Vo, pour lui permettre de suivre ses cours de première C. Il obtient même un poste de maître d’internat. « Á la fin de l’année, non seulement j’ai obtenu la première partie de mon bac, raconte-t-il, mais j’ai aussi emporté la plupart des prix en maths, français et histoire ». Ce que nous savions des maîtres d’internat, c’est qu’ils suivaient les cours, sans participer aux compositions. J’ai même interrogé un homme de sa génération qui m’a affirmé que le maître d’internat de l’époque ne prenait pas part aux compositions. J’en étais d’ailleurs convaincu. C’est encore du Me Wade.
Le bac et une bourse de la marie de Dakar en poche, il débarque à Paris vers le mois d’octobre 1949 (pp. 54-55-56-57-61-69). Après avoir tâtonné quelque temps, il finit par s’inscrire à Cachan, dans une classe préparatoire à l’École spéciale des Travaux publics. Il se fit rapidement remarquer – c’est lui qui le dit – « car le niveau était trop bas pour lui. » Il devait être vraiment très fort, pour quelqu’un qui n’a pas fait le cycle normal, qui se débrouillait, en somme1. En outre, le niveau d’une telle école spéciale ne devait quand même pas être mauvais ! Continuons de prêter notre attention au génie Wade qui raconte qu’un jour, le professeur déclencha l’hilarité générale en rendant les copies avec ce commentaire : « Wade ne sait pas que quand on écrit les arbres, il faut mettre un s », avant d’ajouter : « Ne riez pas trop car, à part cela, il a fait le meilleur devoir de la classe, noté 18 ». Il est vraiment toujours le plus fort, au Sénégal comme en France, dans la vie civile comme dans la vie militaire !
Le surdoué fréquenta de nombreux autres établissements : le Lycée Condorcet « où (il) était le premier Africain » - toujours le premier –, la Sorbonne, l’Université de Besançon, de Dijon, etc. Il raconte : « Je m’y inscrivis (à Dijon) aussitôt et en fis de même à la faculté des sciences afin de poursuivre mes études de mathématiques, ainsi qu’à la faculté des lettres. Le résultat des inscriptions multiples, c’est que je menais trois licences de front. Il m’arrivait ainsi de sortir d’une salle d’examen pour aussitôt m’engouffrer dans une autre. » Comme si, dans toutes les facultés, les examens étaient organisés en fonction de ses multiples inscriptions !
Tout en résidant à Besançon, le surdoué poursuivait ses études supérieures à Dijon où il obtint un Dess d’économie politique. Il décida ensuite d’aller à Grenoble pour le Dess de droit public, celui de sciences économiques, quelques études de lettres complémentaires et la thèse. Du moins, c’est qu’il affirme. « Á la soutenance de ma thèse, révèle-t-il, j’eus la plus forte mention et les félicitations du jury ». « Plus forte » par rapport à qui et à quoi ? C’est encore le besoin de se singulariser en tout. Sinon, il devait se contenter de la « mention très honorable avec les félicitations du jury ». Il ne se satisfait sûrement de cette formulation, car cette mention a été attribuée avant lui et le sera encore après lui. Il préfère donc la « plus forte », puisqu’il est le premier en tout. Cet homme est vraiment ce qu’il est et continue de se dévoiler au fur et à mesure de la lecture du livre.
Interrogé sur les événements du 17 décembre 1962, le despote éclairé raconte n’importe quoi, vraiment n’importe quoi. Il répond exactement ceci : « Il (Mamadou Dia) me constitua pour sa défense et j’acceptai, étant donné que – et ce n’est pas à l’honneur du barreau sénégalais – tous les avocats qu’il avait approchés avaient refusé comme un seul homme de prendre sa défense. Personne ne voulait s’attirer la colère de Senghor. C’est là qu’El Hadj Falilou Mbacké, le khalife général des mourides, me fit convoquer. En présence de mon père, très respecté dans le milieu en raison des relations personnelles qu’il avait eues avec le fondateur de la confrérie, Cheikh Ahmadou Bamba, le khalife me déclara : " Laisse tomber Mamadou Dia. Je vais convoquer Senghor pour qu’il te donne la place qu’occupait Dia. Sois ici le mercredi à huit heures du matin, Senghor sera là." Mon père alors intervint : " Et si Senghor refuse ?" "S’il refuse, rétorqua le marabout, je lui retire mon soutien et il tombera !" Mais au rendez-vous de mercredi, il y eut un absent : moi. Je choisis de défendre Dia à côté du bâtonnier de Paris Maître Baudet. » (p. 81)
Tout cela est faux, archi-faux. Me Wade croit vraiment que nous sommes tous amnésiques. Il nous prend – on le savait déjà – pour des moins que rien. D’ailleurs, des 12 millions que nous sommes, aucun, aucune n’est de taille pour lui succéder, si jamais il devait quitter un jour le pouvoir. Il peut donc se comporter comme bon lui semble avec nous et nous débiter à longueur de journée ses contrevérités. C’est faux – et il le sait – quand il déclare que tous les avocats que le président Mamadou Dia avait approchés avaient refusé comme un seul homme de prendre sa défense et que, seul, il a accepté de le défendre. Contrairement à ses allégations, le président Dia et ses camarades ont été défendus par un collectif d’avocats sénégalais, auxquels s’étaient joints deux confrères français, Mes Sardes et Robert Badinter. Sans doute, certains avocats sénégalais approchés firent-ils preuve de réserve prudente. Le président Dia écrit à ce propos : « Il a fallu, en l’an 3 de notre Indépendance, et malgré de longues traditions de civisme de nos élites, faire appel à des avocats étrangers. Seuls Abdoulaye Wade, Oumar Diop, Assane Dia et Ogo Kane Diallo sauvèrent l’honneur en acceptant de nous défendre, face au nouveau régime. Il est vrai qu’Abdoulaye Wade ne se décidera qu’après une longue hésitation (ça lui ressemble, ndla). Il tiendra à obtenir l’accord du khalife de Touba, Falilou Mbacké, et l’aval de Senghor lui-même, auquel il dut donner l’assurance de ne plaider strictement que le droit. »2
C’est aussi faux ce qu’il fait dire Serigne Fallou Mbacké : « Laisse tomber Dia. Je vais convoquer Senghor pour qu’il te donne la place qu’occupait Dia, etc … » Qui va croire un traitre mot de ce discours ? Même pas, je crois, le Pr Iba Der Thiam, Mamadou Diop Decroix, Abdourahim Agne, Djibo Leïty Ka, Landing Savané et consorts, qui sont prêts à justifier, les yeux et les oreilles hermétiquement fermés, tout ce que fait et dit Wade. Mamadou Dia était déjà « tombé ». Et même si ce n’était pas encore le cas, de quel pouvoir et de quelle influence Me Wade se prévalait-il en 1962, pour que Serigne Fallou eût besoin de ses services pour faire « tomber » le président Mamadou Dia ? En outre, le khalife de Touba et le président Senghor étaient liés par une longue amitié et se vouaient un respect mutuel connu de tous. Le mardi 18 décembre 1962 à 18 heures 30, Mamadou Dia et ses quatre camarades étaient déjà arrêtés. Dès le lendemain, le président Senghor forme un gouvernement de 13 membres et de 3 Secrétaires d’État. Ce gouvernement est présenté le même jour à l’Assemblée nationale. Dans son discours d’investiture, il annonce d’emblée sa volonté sans ambages de soumettre au peuple une révision constitutionnelle en vue d’instaurer un Exécutif monocéphale. Choix qui lui paraissait désormais indispensable et incontournable. La page du poste de Premier ministre était donc tournée pour longtemps dès le vote de la motion de censure le lundi 17 décembre 1962. Comment alors, dans ces conditions-là, dont Serigne Fallou était sûrement informé, si on considère ses relations très étroites avec le président Senghor et le rôle substantiel qu’il aurait joué dans le dénouement de la crise de 1962, la proposition pouvait-elle être faite à un Me Wade, d’être nommé président du Conseil, à la place de Mamadou Dia ? Cette éventualité est invraisemblable et même insensée. Elle n’existe que dans l’imagination fertile de Me Wade.
Me Wade, habitué de tels faits, racontera une autre contrevérité, à l’occasion de la visite très « républicaine » de l’actuel khalife général des mourides au palais de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor. Il « révèle » à l’occasion, sans vraiment sourcilier, qu’à quelques encablures du départ de Senghor, Serigne Abdou Lahat Mbacké, le troisième khalife général des mourides, l’a appelé pour lui proposer de le remplacer. Énorme contrevérité, peut-être plus énorme encore que la première ! Au moins trois ou quatre années auparavant, depuis la modification de la Constitution avec le vote de ce fameux article 35, le successeur de Senghor était pratiquement connu de tous : il ne pouvait être que le Premier ministre Abdou Diouf, conformément à la Constitution. Le khalife de Touba et le président Senghor allaient-ils la violer allègrement ? Le second allait-il soumettre au peuple une révision constitutionnelle, pour donner alors à Me Wade sa chance ? Donc, le monarque Wade raconte encore des balivernes. Il convient surtout de rappeler, pour le confondre davantage, que le khalife Serigne Abdou Lahaat ne le portait pas beaucoup dans son cœur. Cela, c’était un secret de polichinelle. Et il avait bien ses raisons. Il avait raison.
Nous terminons ce second jet, avant de vous donner rendez-vous pour le prochain samedi, par une autre contrevérité, une autre méchanceté, une autre calomnie (p.115). Parlant de la montée de l’Ups de Senghor, il déclare qu’elle s’est accompagnée de deux phénomènes : « D’abord une prime au militantisme, ce qui peut se comprendre après l’euphorie de l’indépendance. Du coup, l’appareil politique comme l’appareil d’État étaient entre les mains de gens qui n’étaient pas jugés sur leurs capacités de gestionnaires ou d’administrateurs mais simplement en fonction de leur engagement militant. Beaucoup de barons de l’Ups avaient à peine le certificat d’études (…). L’un d’eux, qui fut président de l’une de nos institutions nationales, me dit un jour : "tu comprends, toi tu es avocat et professeur. Tu as un job, mais moi je n’étais qu’un boutiquier. C’est lui (Senghor) qui m’a fabriqué de toutes pièces. Je lui appartiens".» C’est terrible ! Est-ce cet homme-là qui préside aux destinées de notre pays ? Cette caricature qu’il fait de l’Ups s’appliquerait bien au Pds, convient mieux au Pds. Á quelles autres capacités que l’engagement militant Awa Diop, Farba Senghor et Papa Diop, pour ne prendre que leurs exemples, doivent-ils leurs promotions fulgurantes ? Il n’y a vraiment pas photo entre les barons de l’Ups et les barons du Pds ! En outre, aucune des personnes qui ont présidé nos institutions du temps de Senghor comme de Diouf ne lui ferait la confidence qu’il a révélée. La plus « faible » d’entre elles est certainement le président Ndao, qui a présidé aux destinées de l’Assemblée nationale. Même s’il n’était pas universitaire, il était loin d’être boutiquier. C’était, en outre, une personnalité respectable, qui ne descendrait jamais à un certain niveau. Par contre, de nombreux courtisans qui gravitent autour de Me Wade rampent à ses pieds et font quotidiennement des déclarations que ne ferait pas le plus fidèle des chiens.
Á samedi prochain, pour le troisième jet !
Mody niang, e-mail : modyniang@arc.sn
Revenons à la conversation entre les deux officiers français !
- « Capitaine, vous avez chez vous un soldat du nom d’Abdoulaye Wade ?
- Oui, mon commandant.
- Que fait-il chez vous alors qu’il est affecté ici, à Ouakam ?
- Le capitaine bredouilla une réponse.
- Envoyez-le moi tout de suite ! coupa l’officier.
- Mais, mon commandant, le seul véhicule que nous avions est parti à Dakar…
- Je vous envoie une Jeep avec un sergent au volant !
Oui, mon commandant. »
Le soldat Wade devait être vraiment important, pour faire l’objet de tant d’attention. Il avait ensuite du toupet d’écouter une conversation téléphonique aussi longue entre deux officiers français, sans attirer l’attention de personne, pas même du camarade Ndoye qui lui avait demandé de lui prendre le téléphone, seulement le temps qu’il mette ses chaussures. Nous sommes en face d’un wadisme avant l’heure.
Donc, le Commandant Major de Ouakam l’affecte au 7e RTS, près du Lycée Van-Vo, pour lui permettre de suivre ses cours de première C. Il obtient même un poste de maître d’internat. « Á la fin de l’année, non seulement j’ai obtenu la première partie de mon bac, raconte-t-il, mais j’ai aussi emporté la plupart des prix en maths, français et histoire ». Ce que nous savions des maîtres d’internat, c’est qu’ils suivaient les cours, sans participer aux compositions. J’ai même interrogé un homme de sa génération qui m’a affirmé que le maître d’internat de l’époque ne prenait pas part aux compositions. J’en étais d’ailleurs convaincu. C’est encore du Me Wade.
Le bac et une bourse de la marie de Dakar en poche, il débarque à Paris vers le mois d’octobre 1949 (pp. 54-55-56-57-61-69). Après avoir tâtonné quelque temps, il finit par s’inscrire à Cachan, dans une classe préparatoire à l’École spéciale des Travaux publics. Il se fit rapidement remarquer – c’est lui qui le dit – « car le niveau était trop bas pour lui. » Il devait être vraiment très fort, pour quelqu’un qui n’a pas fait le cycle normal, qui se débrouillait, en somme1. En outre, le niveau d’une telle école spéciale ne devait quand même pas être mauvais ! Continuons de prêter notre attention au génie Wade qui raconte qu’un jour, le professeur déclencha l’hilarité générale en rendant les copies avec ce commentaire : « Wade ne sait pas que quand on écrit les arbres, il faut mettre un s », avant d’ajouter : « Ne riez pas trop car, à part cela, il a fait le meilleur devoir de la classe, noté 18 ». Il est vraiment toujours le plus fort, au Sénégal comme en France, dans la vie civile comme dans la vie militaire !
Le surdoué fréquenta de nombreux autres établissements : le Lycée Condorcet « où (il) était le premier Africain » - toujours le premier –, la Sorbonne, l’Université de Besançon, de Dijon, etc. Il raconte : « Je m’y inscrivis (à Dijon) aussitôt et en fis de même à la faculté des sciences afin de poursuivre mes études de mathématiques, ainsi qu’à la faculté des lettres. Le résultat des inscriptions multiples, c’est que je menais trois licences de front. Il m’arrivait ainsi de sortir d’une salle d’examen pour aussitôt m’engouffrer dans une autre. » Comme si, dans toutes les facultés, les examens étaient organisés en fonction de ses multiples inscriptions !
Tout en résidant à Besançon, le surdoué poursuivait ses études supérieures à Dijon où il obtint un Dess d’économie politique. Il décida ensuite d’aller à Grenoble pour le Dess de droit public, celui de sciences économiques, quelques études de lettres complémentaires et la thèse. Du moins, c’est qu’il affirme. « Á la soutenance de ma thèse, révèle-t-il, j’eus la plus forte mention et les félicitations du jury ». « Plus forte » par rapport à qui et à quoi ? C’est encore le besoin de se singulariser en tout. Sinon, il devait se contenter de la « mention très honorable avec les félicitations du jury ». Il ne se satisfait sûrement de cette formulation, car cette mention a été attribuée avant lui et le sera encore après lui. Il préfère donc la « plus forte », puisqu’il est le premier en tout. Cet homme est vraiment ce qu’il est et continue de se dévoiler au fur et à mesure de la lecture du livre.
Interrogé sur les événements du 17 décembre 1962, le despote éclairé raconte n’importe quoi, vraiment n’importe quoi. Il répond exactement ceci : « Il (Mamadou Dia) me constitua pour sa défense et j’acceptai, étant donné que – et ce n’est pas à l’honneur du barreau sénégalais – tous les avocats qu’il avait approchés avaient refusé comme un seul homme de prendre sa défense. Personne ne voulait s’attirer la colère de Senghor. C’est là qu’El Hadj Falilou Mbacké, le khalife général des mourides, me fit convoquer. En présence de mon père, très respecté dans le milieu en raison des relations personnelles qu’il avait eues avec le fondateur de la confrérie, Cheikh Ahmadou Bamba, le khalife me déclara : " Laisse tomber Mamadou Dia. Je vais convoquer Senghor pour qu’il te donne la place qu’occupait Dia. Sois ici le mercredi à huit heures du matin, Senghor sera là." Mon père alors intervint : " Et si Senghor refuse ?" "S’il refuse, rétorqua le marabout, je lui retire mon soutien et il tombera !" Mais au rendez-vous de mercredi, il y eut un absent : moi. Je choisis de défendre Dia à côté du bâtonnier de Paris Maître Baudet. » (p. 81)
Tout cela est faux, archi-faux. Me Wade croit vraiment que nous sommes tous amnésiques. Il nous prend – on le savait déjà – pour des moins que rien. D’ailleurs, des 12 millions que nous sommes, aucun, aucune n’est de taille pour lui succéder, si jamais il devait quitter un jour le pouvoir. Il peut donc se comporter comme bon lui semble avec nous et nous débiter à longueur de journée ses contrevérités. C’est faux – et il le sait – quand il déclare que tous les avocats que le président Mamadou Dia avait approchés avaient refusé comme un seul homme de prendre sa défense et que, seul, il a accepté de le défendre. Contrairement à ses allégations, le président Dia et ses camarades ont été défendus par un collectif d’avocats sénégalais, auxquels s’étaient joints deux confrères français, Mes Sardes et Robert Badinter. Sans doute, certains avocats sénégalais approchés firent-ils preuve de réserve prudente. Le président Dia écrit à ce propos : « Il a fallu, en l’an 3 de notre Indépendance, et malgré de longues traditions de civisme de nos élites, faire appel à des avocats étrangers. Seuls Abdoulaye Wade, Oumar Diop, Assane Dia et Ogo Kane Diallo sauvèrent l’honneur en acceptant de nous défendre, face au nouveau régime. Il est vrai qu’Abdoulaye Wade ne se décidera qu’après une longue hésitation (ça lui ressemble, ndla). Il tiendra à obtenir l’accord du khalife de Touba, Falilou Mbacké, et l’aval de Senghor lui-même, auquel il dut donner l’assurance de ne plaider strictement que le droit. »2
C’est aussi faux ce qu’il fait dire Serigne Fallou Mbacké : « Laisse tomber Dia. Je vais convoquer Senghor pour qu’il te donne la place qu’occupait Dia, etc … » Qui va croire un traitre mot de ce discours ? Même pas, je crois, le Pr Iba Der Thiam, Mamadou Diop Decroix, Abdourahim Agne, Djibo Leïty Ka, Landing Savané et consorts, qui sont prêts à justifier, les yeux et les oreilles hermétiquement fermés, tout ce que fait et dit Wade. Mamadou Dia était déjà « tombé ». Et même si ce n’était pas encore le cas, de quel pouvoir et de quelle influence Me Wade se prévalait-il en 1962, pour que Serigne Fallou eût besoin de ses services pour faire « tomber » le président Mamadou Dia ? En outre, le khalife de Touba et le président Senghor étaient liés par une longue amitié et se vouaient un respect mutuel connu de tous. Le mardi 18 décembre 1962 à 18 heures 30, Mamadou Dia et ses quatre camarades étaient déjà arrêtés. Dès le lendemain, le président Senghor forme un gouvernement de 13 membres et de 3 Secrétaires d’État. Ce gouvernement est présenté le même jour à l’Assemblée nationale. Dans son discours d’investiture, il annonce d’emblée sa volonté sans ambages de soumettre au peuple une révision constitutionnelle en vue d’instaurer un Exécutif monocéphale. Choix qui lui paraissait désormais indispensable et incontournable. La page du poste de Premier ministre était donc tournée pour longtemps dès le vote de la motion de censure le lundi 17 décembre 1962. Comment alors, dans ces conditions-là, dont Serigne Fallou était sûrement informé, si on considère ses relations très étroites avec le président Senghor et le rôle substantiel qu’il aurait joué dans le dénouement de la crise de 1962, la proposition pouvait-elle être faite à un Me Wade, d’être nommé président du Conseil, à la place de Mamadou Dia ? Cette éventualité est invraisemblable et même insensée. Elle n’existe que dans l’imagination fertile de Me Wade.
Me Wade, habitué de tels faits, racontera une autre contrevérité, à l’occasion de la visite très « républicaine » de l’actuel khalife général des mourides au palais de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor. Il « révèle » à l’occasion, sans vraiment sourcilier, qu’à quelques encablures du départ de Senghor, Serigne Abdou Lahat Mbacké, le troisième khalife général des mourides, l’a appelé pour lui proposer de le remplacer. Énorme contrevérité, peut-être plus énorme encore que la première ! Au moins trois ou quatre années auparavant, depuis la modification de la Constitution avec le vote de ce fameux article 35, le successeur de Senghor était pratiquement connu de tous : il ne pouvait être que le Premier ministre Abdou Diouf, conformément à la Constitution. Le khalife de Touba et le président Senghor allaient-ils la violer allègrement ? Le second allait-il soumettre au peuple une révision constitutionnelle, pour donner alors à Me Wade sa chance ? Donc, le monarque Wade raconte encore des balivernes. Il convient surtout de rappeler, pour le confondre davantage, que le khalife Serigne Abdou Lahaat ne le portait pas beaucoup dans son cœur. Cela, c’était un secret de polichinelle. Et il avait bien ses raisons. Il avait raison.
Nous terminons ce second jet, avant de vous donner rendez-vous pour le prochain samedi, par une autre contrevérité, une autre méchanceté, une autre calomnie (p.115). Parlant de la montée de l’Ups de Senghor, il déclare qu’elle s’est accompagnée de deux phénomènes : « D’abord une prime au militantisme, ce qui peut se comprendre après l’euphorie de l’indépendance. Du coup, l’appareil politique comme l’appareil d’État étaient entre les mains de gens qui n’étaient pas jugés sur leurs capacités de gestionnaires ou d’administrateurs mais simplement en fonction de leur engagement militant. Beaucoup de barons de l’Ups avaient à peine le certificat d’études (…). L’un d’eux, qui fut président de l’une de nos institutions nationales, me dit un jour : "tu comprends, toi tu es avocat et professeur. Tu as un job, mais moi je n’étais qu’un boutiquier. C’est lui (Senghor) qui m’a fabriqué de toutes pièces. Je lui appartiens".» C’est terrible ! Est-ce cet homme-là qui préside aux destinées de notre pays ? Cette caricature qu’il fait de l’Ups s’appliquerait bien au Pds, convient mieux au Pds. Á quelles autres capacités que l’engagement militant Awa Diop, Farba Senghor et Papa Diop, pour ne prendre que leurs exemples, doivent-ils leurs promotions fulgurantes ? Il n’y a vraiment pas photo entre les barons de l’Ups et les barons du Pds ! En outre, aucune des personnes qui ont présidé nos institutions du temps de Senghor comme de Diouf ne lui ferait la confidence qu’il a révélée. La plus « faible » d’entre elles est certainement le président Ndao, qui a présidé aux destinées de l’Assemblée nationale. Même s’il n’était pas universitaire, il était loin d’être boutiquier. C’était, en outre, une personnalité respectable, qui ne descendrait jamais à un certain niveau. Par contre, de nombreux courtisans qui gravitent autour de Me Wade rampent à ses pieds et font quotidiennement des déclarations que ne ferait pas le plus fidèle des chiens.
Á samedi prochain, pour le troisième jet !
Mody niang, e-mail : modyniang@arc.sn