Comme un hydre à sept têtes, la mendicité des enfants-talibés dans les rues de la capitale persiste. L’image fait partie du décor de Dakar et de plusieurs villes du pays. Muni d’un gros pot en fer à la main, vêtus de haillons, les pieds nus et noircis par la poussière, les talibés évoluent en petits groupes à la recherche de leur pitance. Ces jeunes mendiants font le tour de la ville, poussés par leur marabout. Ce dernier leur enseigne le Coran. Le phénomène avait envahi quasiment tous les recoins de la capitale, obligeant Macky Sall, alors président de la République, à ordonner aux services compétents de le freiner.
D'après le journal "Point Actu", le président Sall avait alors demandé de placer ces enfants dans des centres d’accueil, pour les rendre à leurs parents. Mieux, il avait même mis en garde ceux qui les forcent à mendier, d’une amende ou d’une peine de prison. En dépit de cette fermeté affichée au plus haut sommet, les talibés ont continué de prendre quartier tous les jours dans les rues de Dakar. “Un talibé chez nous, veut dire quelqu’un qui apprend le Coran dans le vrai sens du terme”, expliquait Adama Seck, le premier vice-président de la Fédération nationale des associations des écoles coraniques du Sénégal (FENECOS).
“Le fait de les envoyer mendier, c’est une question de survie si je peux m’exprimer ainsi. Un maître coranique qui prend en charge ces enfants, si toutefois il ne possède pas de quoi vivre avec ces enfants-là. En tout cas, notre religion ne le blâme pas de les envoyer dans des heures précises pour aller demander quelque chose à manger, surtout pour avoir un petit-déjeuner, un déjeuner ou un dîner”, affirmait Adama Seck.
“L’essentiel, c’est de le pratiquer à des heures déterminées, pour ensuite revenir au daara continuer leur apprentissage du Coran, tout simplement ; mais pas pour demander de l’argent, pour faire quoi que ce soit comme le font certains malfaiteurs ou certains soi-disant marabouts, qui se revendiquent comme des enseignants alors qu’ils ne le sont pas. Ce sont des gens qui ne font que chercher de l’argent”, argumentait-il. Pour arrêter cette pratique qui gangrène la vie des enfants dans la capitale sénégalaise, le FENECOS met en place des commissions pour séparer le bon grain de l'ivraie.
“Au niveau de notre fédération, nous avons des commissions qui sont chargées de gérer ces genres de questions, faire un recensement ou un diagnostic pour essayer de trouver qui sont les véritables maîtres coraniques et puis, non seulement de les recenser, mais d’essayer de travailler avec nos autorités compétentes”, indique Adama Seck. L’article 3 de la loi no 2005-06 est formelle : elle interdit la mendicité des enfants au Sénégal. Mais depuis que ladite loi est entrée en vigueur, peu de résultats ont été obtenus.
Interpellée sur la question, Mme Aissatou Cissé, alors Conseillère spéciale du président de la République, Macky Sall, chargée des politiques et programmes de prise en compte du handicap et de la vulnérabilité, avait réagi.
“Nous sommes obligés d’aller lentement pour ne pas employer la méthode vigoureuse. Il n’y a que cette méthode, faire appliquer la loi. Faire appliquer la loi, c’est quand un policier voit un enfant mendier, il le prend, l’emmène jusqu’à ce qu’on identifie la provenance de l’enfant. Puis on l’emmène dans sa famille”, affirmait Mme Cissé. Dans un rapport publié le 12 décembre 2022, Amnesty International dénonçait la présence de dizaines de milliers d'enfants talibés, encore obligés de mendier dans les rues sénégalaises, parfois dans des conditions insalubres et inhumaines. “Les enfants talibés sont confiés-parfois très jeunes-par leurs familles, à des maîtres coraniques pour l’apprentissage du Coran. Très présents dans les centres urbains, ils sont souvent forcés de mendier pour leur entretien et celui de leur maître”, soulignait Amnesty International dans son rapport.
“Il n’existe pas de statistiques officielles concernant le nombre d’enfants talibés. Toutefois, il est estimé qu’il y a plus de 2 000 daaras à Dakar, avec un effectif de près de 200 000 talibés, dont 25% pratiqueraient la mendicité forcée, selon une cartographie de l’ONG Global Solidarity Initiative (GSI) publiée en 2018”, renseignait l'organisation de défense des droits humains. Arrivé au pouvoir le 24 mars dernier, le tandem Diomaye-Sonko a sacrifié à la troisième édition de célébration de la Journée nationale des Daara. “Instituée par le décret numéro 2023-225 du 18 janvier 2023, cette journée traduit notre volonté collective de rendre hommage à ces établissements, qui ne sont pas seulement des lieux de transmission du savoir religieux, mais aussi des sanctuaires où se forge l’âme de notre nation.
À travers les siècles, les daara ont su, avec abnégation et humilité, former des générations d’hommes et de femmes, à la fois enracinés dans les valeurs profondes de l’Islam et capables de contribuer activement au progrès de notre société”, déclaratit le chef de l’Etat, en novembre dernier.
“Si les daara rayonnent par la noblesse de leur mission, c’est grâce, en grande partie, à celles et ceux qui les portent au quotidien. Je tiens à saluer ici, avec la déférence qui s’impose, les borom daara, ces éducateurs hors pair, véritables artisans du savoir et de la vertu. Par leur dévouement, souvent dans des conditions difficiles, ils inculquent aux jeunes générations, des principes de foi, de discipline, de respect et d’humilité, qui constituent le socle de leur épanouissement futur”, lançait le chef de l’Etat. “Cependant, il serait injuste de taire les défis qui ternissent parfois l’image des daara et leur noble vocation”, avait-il enchaîné. Il faisait allusion à la mendicité des talibés.
“Le phénomène de la mendicité forcée des enfants, hélas trop visible dans nos rues, constitue une déviance inacceptable par rapport à l’esprit originel des Daara. Ces pratiques, qui n’ont rien à voir avec l’essence même de ces institutions, doivent être combattues avec détermination. Il est de notre devoir collectif d’agir, pour que chaque enfant inscrit dans un daara, puisse apprendre et s’épanouir dans la dignité”, s’est indigné Bassirou Diomaye Faye. En guise d’antidote, il avance : “Face aux défis et aux opportunités qu’offrent les daara, il est urgent de concevoir une nouvelle approche, ambitieuse et inclusive, pour en assurer la pérennité et le rayonnement. C’est pourquoi j’annonce aujourd’hui, la convocation des premières Assises nationales des Daara”.
Pour le président de la République, “ces assises, qui réuniront tous les acteurs concernés éducateurs, décideurs politiques, familles religieuses, partenaires techniques et financiers-, auront pour mission de réfléchir à une refonte en profondeur des daara”.
“Il s’agira de repenser leur intégration dans le système éducatif national, de diversifier les contenus pédagogiques, en introduisant des disciplines modernes, telles que les mathématiques, les sciences, les langues étrangères et les compétences techniques et de créer un cadre institutionnel et financier stable pour soutenir les daara, notamment à travers des partenariats public-privé et un appui accru de l’État.”
D'après le journal "Point Actu", le président Sall avait alors demandé de placer ces enfants dans des centres d’accueil, pour les rendre à leurs parents. Mieux, il avait même mis en garde ceux qui les forcent à mendier, d’une amende ou d’une peine de prison. En dépit de cette fermeté affichée au plus haut sommet, les talibés ont continué de prendre quartier tous les jours dans les rues de Dakar. “Un talibé chez nous, veut dire quelqu’un qui apprend le Coran dans le vrai sens du terme”, expliquait Adama Seck, le premier vice-président de la Fédération nationale des associations des écoles coraniques du Sénégal (FENECOS).
“Le fait de les envoyer mendier, c’est une question de survie si je peux m’exprimer ainsi. Un maître coranique qui prend en charge ces enfants, si toutefois il ne possède pas de quoi vivre avec ces enfants-là. En tout cas, notre religion ne le blâme pas de les envoyer dans des heures précises pour aller demander quelque chose à manger, surtout pour avoir un petit-déjeuner, un déjeuner ou un dîner”, affirmait Adama Seck.
“L’essentiel, c’est de le pratiquer à des heures déterminées, pour ensuite revenir au daara continuer leur apprentissage du Coran, tout simplement ; mais pas pour demander de l’argent, pour faire quoi que ce soit comme le font certains malfaiteurs ou certains soi-disant marabouts, qui se revendiquent comme des enseignants alors qu’ils ne le sont pas. Ce sont des gens qui ne font que chercher de l’argent”, argumentait-il. Pour arrêter cette pratique qui gangrène la vie des enfants dans la capitale sénégalaise, le FENECOS met en place des commissions pour séparer le bon grain de l'ivraie.
“Au niveau de notre fédération, nous avons des commissions qui sont chargées de gérer ces genres de questions, faire un recensement ou un diagnostic pour essayer de trouver qui sont les véritables maîtres coraniques et puis, non seulement de les recenser, mais d’essayer de travailler avec nos autorités compétentes”, indique Adama Seck. L’article 3 de la loi no 2005-06 est formelle : elle interdit la mendicité des enfants au Sénégal. Mais depuis que ladite loi est entrée en vigueur, peu de résultats ont été obtenus.
Interpellée sur la question, Mme Aissatou Cissé, alors Conseillère spéciale du président de la République, Macky Sall, chargée des politiques et programmes de prise en compte du handicap et de la vulnérabilité, avait réagi.
“Nous sommes obligés d’aller lentement pour ne pas employer la méthode vigoureuse. Il n’y a que cette méthode, faire appliquer la loi. Faire appliquer la loi, c’est quand un policier voit un enfant mendier, il le prend, l’emmène jusqu’à ce qu’on identifie la provenance de l’enfant. Puis on l’emmène dans sa famille”, affirmait Mme Cissé. Dans un rapport publié le 12 décembre 2022, Amnesty International dénonçait la présence de dizaines de milliers d'enfants talibés, encore obligés de mendier dans les rues sénégalaises, parfois dans des conditions insalubres et inhumaines. “Les enfants talibés sont confiés-parfois très jeunes-par leurs familles, à des maîtres coraniques pour l’apprentissage du Coran. Très présents dans les centres urbains, ils sont souvent forcés de mendier pour leur entretien et celui de leur maître”, soulignait Amnesty International dans son rapport.
“Il n’existe pas de statistiques officielles concernant le nombre d’enfants talibés. Toutefois, il est estimé qu’il y a plus de 2 000 daaras à Dakar, avec un effectif de près de 200 000 talibés, dont 25% pratiqueraient la mendicité forcée, selon une cartographie de l’ONG Global Solidarity Initiative (GSI) publiée en 2018”, renseignait l'organisation de défense des droits humains. Arrivé au pouvoir le 24 mars dernier, le tandem Diomaye-Sonko a sacrifié à la troisième édition de célébration de la Journée nationale des Daara. “Instituée par le décret numéro 2023-225 du 18 janvier 2023, cette journée traduit notre volonté collective de rendre hommage à ces établissements, qui ne sont pas seulement des lieux de transmission du savoir religieux, mais aussi des sanctuaires où se forge l’âme de notre nation.
À travers les siècles, les daara ont su, avec abnégation et humilité, former des générations d’hommes et de femmes, à la fois enracinés dans les valeurs profondes de l’Islam et capables de contribuer activement au progrès de notre société”, déclaratit le chef de l’Etat, en novembre dernier.
“Si les daara rayonnent par la noblesse de leur mission, c’est grâce, en grande partie, à celles et ceux qui les portent au quotidien. Je tiens à saluer ici, avec la déférence qui s’impose, les borom daara, ces éducateurs hors pair, véritables artisans du savoir et de la vertu. Par leur dévouement, souvent dans des conditions difficiles, ils inculquent aux jeunes générations, des principes de foi, de discipline, de respect et d’humilité, qui constituent le socle de leur épanouissement futur”, lançait le chef de l’Etat. “Cependant, il serait injuste de taire les défis qui ternissent parfois l’image des daara et leur noble vocation”, avait-il enchaîné. Il faisait allusion à la mendicité des talibés.
“Le phénomène de la mendicité forcée des enfants, hélas trop visible dans nos rues, constitue une déviance inacceptable par rapport à l’esprit originel des Daara. Ces pratiques, qui n’ont rien à voir avec l’essence même de ces institutions, doivent être combattues avec détermination. Il est de notre devoir collectif d’agir, pour que chaque enfant inscrit dans un daara, puisse apprendre et s’épanouir dans la dignité”, s’est indigné Bassirou Diomaye Faye. En guise d’antidote, il avance : “Face aux défis et aux opportunités qu’offrent les daara, il est urgent de concevoir une nouvelle approche, ambitieuse et inclusive, pour en assurer la pérennité et le rayonnement. C’est pourquoi j’annonce aujourd’hui, la convocation des premières Assises nationales des Daara”.
Pour le président de la République, “ces assises, qui réuniront tous les acteurs concernés éducateurs, décideurs politiques, familles religieuses, partenaires techniques et financiers-, auront pour mission de réfléchir à une refonte en profondeur des daara”.
“Il s’agira de repenser leur intégration dans le système éducatif national, de diversifier les contenus pédagogiques, en introduisant des disciplines modernes, telles que les mathématiques, les sciences, les langues étrangères et les compétences techniques et de créer un cadre institutionnel et financier stable pour soutenir les daara, notamment à travers des partenariats public-privé et un appui accru de l’État.”