Wal Fadjri : En tant que haut fonctionnaire ayant servi les trois régimes, quel regard jetez-vous aujourd’hui sur la situation du Sénégal ?
Saliou Sarr : Je voudrais demander d’abord qu’on brise l’omerta. Il faut qu’on cesse de se taire parce que ce pays a besoin de compétences. Et le grand mal de notre pays, c’est la transhumance. Ce sont ces gens qui, au lendemain du 19 mars 2000, sont accourus pour parler de compétences au président Wade alors qu’ils n’avaient que des Cv longs et suspects, des titres d’anciens élèves de grandes écoles, alors que ce pays fourmille de cadres diplômés des plus prestigieuses écoles. Ces gens ont fini par occuper cette place privilégiée qui est l’entourage du président de la République.
Si je peux me permettre de parler en image, le 19 mars 2000, ce peuple enthousiaste avec les membres authentiques du Pds et avec l’opposition qui était allée chercher Me Wade en France pour le ramener au Sénégal, ont créé ce que je peux appeler une sorte de centrale nucléaire dont la puissance permettait de fournir en énergie l’ensemble du peuple sénégalais. Comme toute centrale, celle-ci est entourée d’un système de protection : le sarcophage. Malheureusement, des gens qui n’ont pris aucune part dans l’élection du président Wade, qui se sont évertués à empêcher son élection, ont réussi à entrer dans la centrale. Et une fois à l’intérieur, ils ont fermé les portes du sarcophage. Aujourd’hui, la centrale est en panne. Eux, ils se contentent de faire fonctionner les groupes électrogènes et personne ne peut entrer pour aider la centrale à reprendre son fonctionnement normal. Voilà l'image que me renvoie le Sénégal. Et tout cela s'est fait à l'insu du président. Qui connaît le président Wade - et je crois bien le connaître pour avoir été son étudiant dans les années 66 - sait qu’il aime ce pays. Je suis persuadé qu’il aurait aimé continuer à travailler avec ces gens qui l’ont porté au pouvoir. Mais aujourd’hui, ceux qui l’entourent font en sorte qu’il ne se retrouve jamais avec les membres authentiques de son parti, c’est-à-dire ceux qui étaient là avant le 19 mars 2000, et l’opposition qui a tout fait pour le porter au pouvoir.
Il faut que les gens qui ont tout fait pour que Me Wade ne soit jamais élu président, retournent dans l’opposition pour que le pays ait une véritable démocratie. La plupart d’entre eux sont des saboteurs intelligents. On a entendu ici des gens se partager des sacs de riz à la fin du mois, de petites choses qui devraient revenir aux plus démunis. Il y a aussi des gens qui dirigent des sociétés et dont la seule trouvaille, c’est de dire au président : ‘Nous adhérons à vos très grands projets, à votre très grande vision’. Or, la plupart de ces grands projets, ils les ont trouvés là. C’est le cas par exemple du projet des bateaux-taxis.
Wal Fadjri : Parlant de ce projet, vous devez en connaître un bon bout en tant qu’ancien directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec), la société chargée de l’exploitation de ce projet …
Saliou Sarr : Ce projet existe depuis 1998. Mais on est allé dire au président : ‘C’est votre grande vision’. Mais le projet des bateaux-taxis tel qu’ils (les proches du pouvoir, Ndlr) l’ont conçu, est un projet dangereux. Ceux qui tournent autour ne connaissent pas les risques très graves qui sont liés à ce projet. Ils ne connaissent même l’idée de base du projet parce que c’est un projet riche, qui avait des ambitions qui ne se résument pas seulement au transport de quelques passagers entre Rufisque, Bargny et Dakar. C’est un projet qui devait permettre de faire sortir les populations et les véhicules vers Mbour et Bargny. L’idée, je l’ai eue en faisant le trajet Calais - Douve avant la création du tunnel de la Manche. Si vous quittiez Calais vers Douve, vous aviez des aéroglisseurs très puissants qui transportaient les passagers et les camions. Et en trente minutes, vous étiez à Londres. Alors, je me suis dit : pourquoi ne pas amener un tel système de transport au Sénégal qui permettrait de trouver une autre porte de sortie pour la ville de Dakar ? C’est vous dire que ceux qui s’agitent autour du projet des bateaux-taxis ne savent même pas en quoi il consiste. Aujourd’hui qu’ils cherchent les prix des embarcations, ils ont déjà dépensé des centaines de millions. Et tout cela, le président Wade ne le sait pas.
Wal Fadjri : Où et en quoi a-t-on dépensé cet argent ?
Saliou Sarr : Je ne sais pas, mais on a déjà dépensé plus de 100 millions alors qu’il n’y a rien pour le moment. Ils veulent peut-être que l’argent qui est au Trésor arrive au Cosec (la société chargée de l’exploitation des bateaux-taxis, Ndlr). Ou bien pour savoir combien l’Etat doit au Cosec. Or la créance du Cosec sur l’Etat, je l’ai déterminée du temps de Famara Sagna (ancien ministre des Finances sous le régime socialiste, Ndlr) avec son directeur de cabinet qui s’appelait Abdoulaye Ndiaye et mon collaborateur qui m’avait fait le tableau. On avait repris toutes les recettes du Cosec depuis sa création. On est allé voir le ministre des Finances, on lui a dit : voilà ce que vous nous devez, voilà ce qu’on a reçu et ce qui reste. On s’est réuni avec le directeur du Trésor, avec la Douane et le directeur de cabinet pour faire la situation. C’est ainsi que l’Etat nous devait plus de 5 milliards. Le tableau est là. Alors, on n’a pas besoin de dépenser des centaines de millions pour savoir ce que l’Etat doit au Cosec. Est-ce qu’on peut concevoir que le Trésor, pour verser de l’argent à un de ses démembrements, fût-il le chef de l’Etat, débourse 100 millions ? Je veux qu’on nous dise où sont passés ces 100 millions.
Ce que je dis là, je le dis depuis le 5 septembre 2007. J’ai écrit à toutes les autorités pour leur dire que le Cosec va à vau-l’eau et qu’on risque de licencier le personnel. J’ai écrit au président du Cosec, au ministre de l’Economie maritime, au Premier ministre… C’est dire que je ne suis pas en train de faire de la délation aujourd’hui.
‘Trois à six petites embarcations vont faire la traversée entre Rufisque, Bargny et Dakar. Mais comment va-t-on assurer la sécurité pour qu’il n’y ait pas de collusion, de renversement ? Est-ce qu’il y aura un hélicoptère pour assurer la surveillance ? A ma connaissance, aucune disposition n’est prise en ce sens’.
Wal Fadjri : Vous avez parlé de risques liés au projet des bateaux-taxis. Pouvez-vous être plus explicite ?
Saliou Sarr : Il y a des risques liés à la sécurité. Trois à six petites embarcations vont faire la traversée entre Rufisque, Bargny et Dakar. Mais comment va-t-on assurer la sécurité pour qu’il n’y ait pas de collusion, de renversement ? Est-ce qu’il y aura un hélicoptère pour assurer la surveillance ? En fait, à ma connaissance, aucune disposition n’est prise en ce sens.
Wal Fadjri : Etes-vous en train de dire que l’aspect politique est en train de prendre le dessus sur l’aspect technique dans la gestion de ce projet ?
Saliou Sarr : En tout cas, je peux dire qu’il n’y a pas d’expertise. Or, je ne voudrais pas que le nom du président soit encore lié à une catastrophe. En fait, ce projet de bateaux-taxis, c’est le fait des transhumants. Mais cette opération est à risque. Combien peut-on transporter avec ces embarcations ? Combien y a-t-il de risques de collusions et de morts ?
Mais à combien va-t-on acheter ces bateaux ? Des milliards et sans appels d’offres. Combien de commissions payées déjà alors qu’il n’y a rien encore ? C’est comme un autre projet, celui des ‘entrepôts du Sénégal au Mali’ qu’on a présentés comme un des grands projets du chef de l’Etat. Ce projet, c’est moi qui l’ai conçu. On a déjà dépensé près de 9 milliards dans cette affaire.
Wal Fadjri : Avez-vous saisi le chef de l’Etat pour lui apporter votre expertise sur tous ces projets ?
Saliou Sarr : Le président est inaccessible. Je vous ai déjà dit que je fais l’objet de chantage depuis 2000. J’ai une maison à Diourbel qu’on a cassée parce qu’on a dit au président que je me suis adressé à lui de manière cavalière. Et pourtant, j’avais été très courtois. Cela s’était passé le 31 décembre 2000 devant le khalife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké, qui tenait à me présenter au président Wade. En guise de réponse, ce dernier a menacé de m’envoyer en prison. Je lui ai alors rétorqué séance tenante : ‘Si j’ai commis la moindre faute, ne me pardonnez rien.’ On m’en a voulu pour cette réponse dans son entourage. Et c’est ainsi qu’on m’a, par la suite, envoyé huit missions d’audit au Cosec en l’espace de quelques mois. On m’a envoyé aussi une autre mission d’audit à Abidjan pendant que j’étais à la Satomar. Et tout cela sur la base de fausses informations. Le directeur exécutif du Cosec m’a poursuivi en disant qu’il faut qu’on m’enlève de la Satomar. De guerre lasse, ils ont demandé qu’on dissolve cette société alors qu’on avait des propositions de près de 3,5 millions de dollars.
Ces gens sont en train de dire au président que ce gars n’est pas avec vous, il ne vous aime pas. Comment peut-on détester quelqu’un qui vous a enseigné ? Moi, j’ai reçu l’enseignement d’Amadou Makhtar Mbow, de Tidiane Baïdy, de Me Wade. Je leur dois une reconnaissance éternelle. Je ne les critiquerai jamais. C’est comme mes parents parce qu’ils m’ont formé. Quelqu’un qui vous a donné une parcelle d’enseignement, vous lui devez tout. Je peux ne pas partager les idées du président Wade.
Je redis ici que je suis le bouc-émissaire des transhumants de ce régime depuis 2000. Tout a commencé dès le lendemain de l’alternance. Ils sont venus me demander de faire une déclaration à la télévision pour annoncer mon adhésion au Pds, mais j’ai refusé. C’est peut-être pourquoi on m’en veut et on fait tout pour me mettre en mal avec le chef de l’Etat.
‘Je veux que le président Wade sache qu’il est en train de travailler avec des gens qui, d’après le président Abdou Diouf, ont pillé la Nation. Je n’invente rien. Le président Diouf avait finalement renoncé à sanctionner à cause de ce qu’il appelait le patriotisme de parti’.
Wal Fadjri : Vous avez dirigé la Cosenam, une société qui est aujourd’hui en léthargie. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Saliou Sarr : Ce sont les gens qui ont détourné les biens de la Cosenam. J’ai fait la Cosenam en 1979. A l’époque, le capital était de 500 millions. Nous avons travaillé et au bout de quelques années, nous avons fait monter le capital à un milliard et il y avait des réserves d’un milliard 400 millions. J’ai alors proposé au gouvernement qui avait accepté, de privatiser la Cosenam parce que l’activité maritime est, par essence, une activité privée. Il valait mieux que l’Etat se retire pour permettre à des privés de venir. Mais dès qu’ils sont venus, ces gens se sont mis à se partager l’argent qu’il y avait à la Cosenam. J’ai écrit au président Abdou Diouf pour attirer son attention sur cette situation. Et ces gens ont commencé à me combattre. Finalement, on m’a demandé d’aller au Cosec. Le Cosec étant actionnaire de la Cosenam, j’étais administrateur et membre de l’Assemblée générale. J’ai constaté que des gens avaient détourné l’argent de la Cosenam et j’ai écrit au président Diouf parce que la loi me demande de le faire pour protéger la société. En outre, j’ai porté plainte pour détournement de deniers publics, abus de confiance, etc. Et je n’étais pas le seul. D’autres avaient manifesté la volonté de porter plainte. Mais c’était difficile. A l’époque, le monsieur mis en cause était député. Donc l’Etat voulait que je laisse tomber. Et quand j’ai insisté, on m’a inculpé et placé sous contrôle judiciaire. Du jamais vu. Je veux que le président Wade sache qu’il est en train de travailler avec des gens qui, d’après le président Abdou Diouf, ont pillé la Nation. Je n’invente rien. Le président Diouf avait finalement renoncé à sanctionner à cause de ce qu’il appelait le patriotisme de parti. Alors que pour moi, le seul patriotisme, c’est le patriotisme sénégalais. Mon premier parti, c’est le Sénégal. Quand quelqu’un pille les biens de la nation, il faut qu’il paie.
Il faut qu’on dissolve la Cosenam qui est aujourd'hui en hibernation et que les rapports d’audit sortent. Et que Baïdy Agne arrête de m’attaquer partout. Ce qu‘il doit faire, c’est prouver à ces patrons d’entreprises qu’il dirige que la position qu’il occupe, il l’a acquise avec des fonds qui lui sont propres. Quant à Abdourahim Agne, je lui demande d’expliquer pourquoi, depuis 13 ans, la Cosenam est en hibernation
walfadri
Saliou Sarr : Je voudrais demander d’abord qu’on brise l’omerta. Il faut qu’on cesse de se taire parce que ce pays a besoin de compétences. Et le grand mal de notre pays, c’est la transhumance. Ce sont ces gens qui, au lendemain du 19 mars 2000, sont accourus pour parler de compétences au président Wade alors qu’ils n’avaient que des Cv longs et suspects, des titres d’anciens élèves de grandes écoles, alors que ce pays fourmille de cadres diplômés des plus prestigieuses écoles. Ces gens ont fini par occuper cette place privilégiée qui est l’entourage du président de la République.
Si je peux me permettre de parler en image, le 19 mars 2000, ce peuple enthousiaste avec les membres authentiques du Pds et avec l’opposition qui était allée chercher Me Wade en France pour le ramener au Sénégal, ont créé ce que je peux appeler une sorte de centrale nucléaire dont la puissance permettait de fournir en énergie l’ensemble du peuple sénégalais. Comme toute centrale, celle-ci est entourée d’un système de protection : le sarcophage. Malheureusement, des gens qui n’ont pris aucune part dans l’élection du président Wade, qui se sont évertués à empêcher son élection, ont réussi à entrer dans la centrale. Et une fois à l’intérieur, ils ont fermé les portes du sarcophage. Aujourd’hui, la centrale est en panne. Eux, ils se contentent de faire fonctionner les groupes électrogènes et personne ne peut entrer pour aider la centrale à reprendre son fonctionnement normal. Voilà l'image que me renvoie le Sénégal. Et tout cela s'est fait à l'insu du président. Qui connaît le président Wade - et je crois bien le connaître pour avoir été son étudiant dans les années 66 - sait qu’il aime ce pays. Je suis persuadé qu’il aurait aimé continuer à travailler avec ces gens qui l’ont porté au pouvoir. Mais aujourd’hui, ceux qui l’entourent font en sorte qu’il ne se retrouve jamais avec les membres authentiques de son parti, c’est-à-dire ceux qui étaient là avant le 19 mars 2000, et l’opposition qui a tout fait pour le porter au pouvoir.
Il faut que les gens qui ont tout fait pour que Me Wade ne soit jamais élu président, retournent dans l’opposition pour que le pays ait une véritable démocratie. La plupart d’entre eux sont des saboteurs intelligents. On a entendu ici des gens se partager des sacs de riz à la fin du mois, de petites choses qui devraient revenir aux plus démunis. Il y a aussi des gens qui dirigent des sociétés et dont la seule trouvaille, c’est de dire au président : ‘Nous adhérons à vos très grands projets, à votre très grande vision’. Or, la plupart de ces grands projets, ils les ont trouvés là. C’est le cas par exemple du projet des bateaux-taxis.
Wal Fadjri : Parlant de ce projet, vous devez en connaître un bon bout en tant qu’ancien directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec), la société chargée de l’exploitation de ce projet …
Saliou Sarr : Ce projet existe depuis 1998. Mais on est allé dire au président : ‘C’est votre grande vision’. Mais le projet des bateaux-taxis tel qu’ils (les proches du pouvoir, Ndlr) l’ont conçu, est un projet dangereux. Ceux qui tournent autour ne connaissent pas les risques très graves qui sont liés à ce projet. Ils ne connaissent même l’idée de base du projet parce que c’est un projet riche, qui avait des ambitions qui ne se résument pas seulement au transport de quelques passagers entre Rufisque, Bargny et Dakar. C’est un projet qui devait permettre de faire sortir les populations et les véhicules vers Mbour et Bargny. L’idée, je l’ai eue en faisant le trajet Calais - Douve avant la création du tunnel de la Manche. Si vous quittiez Calais vers Douve, vous aviez des aéroglisseurs très puissants qui transportaient les passagers et les camions. Et en trente minutes, vous étiez à Londres. Alors, je me suis dit : pourquoi ne pas amener un tel système de transport au Sénégal qui permettrait de trouver une autre porte de sortie pour la ville de Dakar ? C’est vous dire que ceux qui s’agitent autour du projet des bateaux-taxis ne savent même pas en quoi il consiste. Aujourd’hui qu’ils cherchent les prix des embarcations, ils ont déjà dépensé des centaines de millions. Et tout cela, le président Wade ne le sait pas.
Wal Fadjri : Où et en quoi a-t-on dépensé cet argent ?
Saliou Sarr : Je ne sais pas, mais on a déjà dépensé plus de 100 millions alors qu’il n’y a rien pour le moment. Ils veulent peut-être que l’argent qui est au Trésor arrive au Cosec (la société chargée de l’exploitation des bateaux-taxis, Ndlr). Ou bien pour savoir combien l’Etat doit au Cosec. Or la créance du Cosec sur l’Etat, je l’ai déterminée du temps de Famara Sagna (ancien ministre des Finances sous le régime socialiste, Ndlr) avec son directeur de cabinet qui s’appelait Abdoulaye Ndiaye et mon collaborateur qui m’avait fait le tableau. On avait repris toutes les recettes du Cosec depuis sa création. On est allé voir le ministre des Finances, on lui a dit : voilà ce que vous nous devez, voilà ce qu’on a reçu et ce qui reste. On s’est réuni avec le directeur du Trésor, avec la Douane et le directeur de cabinet pour faire la situation. C’est ainsi que l’Etat nous devait plus de 5 milliards. Le tableau est là. Alors, on n’a pas besoin de dépenser des centaines de millions pour savoir ce que l’Etat doit au Cosec. Est-ce qu’on peut concevoir que le Trésor, pour verser de l’argent à un de ses démembrements, fût-il le chef de l’Etat, débourse 100 millions ? Je veux qu’on nous dise où sont passés ces 100 millions.
Ce que je dis là, je le dis depuis le 5 septembre 2007. J’ai écrit à toutes les autorités pour leur dire que le Cosec va à vau-l’eau et qu’on risque de licencier le personnel. J’ai écrit au président du Cosec, au ministre de l’Economie maritime, au Premier ministre… C’est dire que je ne suis pas en train de faire de la délation aujourd’hui.
‘Trois à six petites embarcations vont faire la traversée entre Rufisque, Bargny et Dakar. Mais comment va-t-on assurer la sécurité pour qu’il n’y ait pas de collusion, de renversement ? Est-ce qu’il y aura un hélicoptère pour assurer la surveillance ? A ma connaissance, aucune disposition n’est prise en ce sens’.
Wal Fadjri : Vous avez parlé de risques liés au projet des bateaux-taxis. Pouvez-vous être plus explicite ?
Saliou Sarr : Il y a des risques liés à la sécurité. Trois à six petites embarcations vont faire la traversée entre Rufisque, Bargny et Dakar. Mais comment va-t-on assurer la sécurité pour qu’il n’y ait pas de collusion, de renversement ? Est-ce qu’il y aura un hélicoptère pour assurer la surveillance ? En fait, à ma connaissance, aucune disposition n’est prise en ce sens.
Wal Fadjri : Etes-vous en train de dire que l’aspect politique est en train de prendre le dessus sur l’aspect technique dans la gestion de ce projet ?
Saliou Sarr : En tout cas, je peux dire qu’il n’y a pas d’expertise. Or, je ne voudrais pas que le nom du président soit encore lié à une catastrophe. En fait, ce projet de bateaux-taxis, c’est le fait des transhumants. Mais cette opération est à risque. Combien peut-on transporter avec ces embarcations ? Combien y a-t-il de risques de collusions et de morts ?
Mais à combien va-t-on acheter ces bateaux ? Des milliards et sans appels d’offres. Combien de commissions payées déjà alors qu’il n’y a rien encore ? C’est comme un autre projet, celui des ‘entrepôts du Sénégal au Mali’ qu’on a présentés comme un des grands projets du chef de l’Etat. Ce projet, c’est moi qui l’ai conçu. On a déjà dépensé près de 9 milliards dans cette affaire.
Wal Fadjri : Avez-vous saisi le chef de l’Etat pour lui apporter votre expertise sur tous ces projets ?
Saliou Sarr : Le président est inaccessible. Je vous ai déjà dit que je fais l’objet de chantage depuis 2000. J’ai une maison à Diourbel qu’on a cassée parce qu’on a dit au président que je me suis adressé à lui de manière cavalière. Et pourtant, j’avais été très courtois. Cela s’était passé le 31 décembre 2000 devant le khalife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké, qui tenait à me présenter au président Wade. En guise de réponse, ce dernier a menacé de m’envoyer en prison. Je lui ai alors rétorqué séance tenante : ‘Si j’ai commis la moindre faute, ne me pardonnez rien.’ On m’en a voulu pour cette réponse dans son entourage. Et c’est ainsi qu’on m’a, par la suite, envoyé huit missions d’audit au Cosec en l’espace de quelques mois. On m’a envoyé aussi une autre mission d’audit à Abidjan pendant que j’étais à la Satomar. Et tout cela sur la base de fausses informations. Le directeur exécutif du Cosec m’a poursuivi en disant qu’il faut qu’on m’enlève de la Satomar. De guerre lasse, ils ont demandé qu’on dissolve cette société alors qu’on avait des propositions de près de 3,5 millions de dollars.
Ces gens sont en train de dire au président que ce gars n’est pas avec vous, il ne vous aime pas. Comment peut-on détester quelqu’un qui vous a enseigné ? Moi, j’ai reçu l’enseignement d’Amadou Makhtar Mbow, de Tidiane Baïdy, de Me Wade. Je leur dois une reconnaissance éternelle. Je ne les critiquerai jamais. C’est comme mes parents parce qu’ils m’ont formé. Quelqu’un qui vous a donné une parcelle d’enseignement, vous lui devez tout. Je peux ne pas partager les idées du président Wade.
Je redis ici que je suis le bouc-émissaire des transhumants de ce régime depuis 2000. Tout a commencé dès le lendemain de l’alternance. Ils sont venus me demander de faire une déclaration à la télévision pour annoncer mon adhésion au Pds, mais j’ai refusé. C’est peut-être pourquoi on m’en veut et on fait tout pour me mettre en mal avec le chef de l’Etat.
‘Je veux que le président Wade sache qu’il est en train de travailler avec des gens qui, d’après le président Abdou Diouf, ont pillé la Nation. Je n’invente rien. Le président Diouf avait finalement renoncé à sanctionner à cause de ce qu’il appelait le patriotisme de parti’.
Wal Fadjri : Vous avez dirigé la Cosenam, une société qui est aujourd’hui en léthargie. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Saliou Sarr : Ce sont les gens qui ont détourné les biens de la Cosenam. J’ai fait la Cosenam en 1979. A l’époque, le capital était de 500 millions. Nous avons travaillé et au bout de quelques années, nous avons fait monter le capital à un milliard et il y avait des réserves d’un milliard 400 millions. J’ai alors proposé au gouvernement qui avait accepté, de privatiser la Cosenam parce que l’activité maritime est, par essence, une activité privée. Il valait mieux que l’Etat se retire pour permettre à des privés de venir. Mais dès qu’ils sont venus, ces gens se sont mis à se partager l’argent qu’il y avait à la Cosenam. J’ai écrit au président Abdou Diouf pour attirer son attention sur cette situation. Et ces gens ont commencé à me combattre. Finalement, on m’a demandé d’aller au Cosec. Le Cosec étant actionnaire de la Cosenam, j’étais administrateur et membre de l’Assemblée générale. J’ai constaté que des gens avaient détourné l’argent de la Cosenam et j’ai écrit au président Diouf parce que la loi me demande de le faire pour protéger la société. En outre, j’ai porté plainte pour détournement de deniers publics, abus de confiance, etc. Et je n’étais pas le seul. D’autres avaient manifesté la volonté de porter plainte. Mais c’était difficile. A l’époque, le monsieur mis en cause était député. Donc l’Etat voulait que je laisse tomber. Et quand j’ai insisté, on m’a inculpé et placé sous contrôle judiciaire. Du jamais vu. Je veux que le président Wade sache qu’il est en train de travailler avec des gens qui, d’après le président Abdou Diouf, ont pillé la Nation. Je n’invente rien. Le président Diouf avait finalement renoncé à sanctionner à cause de ce qu’il appelait le patriotisme de parti. Alors que pour moi, le seul patriotisme, c’est le patriotisme sénégalais. Mon premier parti, c’est le Sénégal. Quand quelqu’un pille les biens de la nation, il faut qu’il paie.
Il faut qu’on dissolve la Cosenam qui est aujourd'hui en hibernation et que les rapports d’audit sortent. Et que Baïdy Agne arrête de m’attaquer partout. Ce qu‘il doit faire, c’est prouver à ces patrons d’entreprises qu’il dirige que la position qu’il occupe, il l’a acquise avec des fonds qui lui sont propres. Quant à Abdourahim Agne, je lui demande d’expliquer pourquoi, depuis 13 ans, la Cosenam est en hibernation
walfadri