« Alors Juda Iscariote dit : que voulez-vous me donner, et moi, je vous le livrerai. Et ils lui comptèrent 30 pièces d’argent. Et dés lors il cherchait une bonne occasion pour le livrer. »
Le Nouveau Testament
« Joseph dit : que mon ancien maître sache maintenant que je ne l’ai point trahi. Dieu ne mène point à bonne fin les machinations des traîtres. »
Le Coran
Pour vivre dignement dans le monde, l’homme a besoin de repères. Il doit pouvoir s’y orienter, pour mieux le connaître et le façonner avec respect et amour. Le monde doit être, pour lui, comme un visage familier. Pour que l’amour naisse et dure, il faut d’abord que les traits du visage soient connus : relativement fixes et reconnaissables entre mille visages.
Aujourd’hui, hélas, plus rien ne signifie : les repères sont brouillés. Le monde a perdu ses couleurs, ses saveurs... Et l’homme, le regard éteint, déambule, marqué du sceau de l’inconstance, de la trahison, du chantage et de la roublardise.
Dans les livres des prophètes, il est souvent recommandé la constance, une qualité cardinale. Car les réalisations véritables ne s’obtiennent que par elle.
L’arbre ne devient qu’en se fixant, qu’en plongeant profondément ses racines dans la terre par une étreinte fidèle ; à cette seule condition, il pourra conquérir les cieux et offrir son ombrage et ses fruits aux créatures vivantes.
Quand Cheikh Ahmadou BAMBA dit dans son poème « Matlaboul Chifa-i », « La recherche du remède » : « O toi qui désire repousser toute maladie, n’abandonne pas la recherche du remède. Continue à la faire matin et soir. Sois sincère, tu obtiendras le remède et le bonheur », n’est-ce pas la constance qu’il recommande ? Que celui qui doute consulte « Massalikoul Jinaan », « Les itinéraires du paradis », cet autre chef-d’œuvre de beauté et de sagesse. Et ce saint qui fredonne : « Si le regard se disperse, il perd de vu la divinité », n’est-ce pas la fidélité qu’il chante ? « Pour aller loin, reste à la maison », a dit un sage. Car chacun doit avoir un chez-soi, une adresse connue, un nom… Ceux qui ont lu le Coran et/ou la Bible ne contrediront pas ces chantres de la constance, de la patience et de la fidélité.
Que chaque homme essaie de gravir « Sa Montagne » dans la persévérance, sans disperser son énergie en va-et-vient inutile entre plusieurs hauteurs. Qu’il atteigne le sommet de « Sa Montagne », alors seulement il sera à même de dialoguer d’égal à égal avec tous « les habitants des sommets » ; alors seulement il aura une vision claire et nette de la réalité.
Mais, pour ce faire, il lui faut d’abord reconquérir les repères, il est vrai. Le voyageur (celui-là qui porte dans son cœur un idéal) a besoin d’un guide ou d’une carte ; d’une boussole ou des signes du ciel pour ne pas se perdre.
Qu’est-ce que la constance ?
Être constant, ce n’est pas être figé, ne pas changer. Le bol d’eau qu’on met sur le feu s’échauffe, bouillonne, puis se transforme en vapeur. Aussi radicalement se transforme l’eau dans un réfrigérateur jusqu'à devenir de la glace. Pourtant on ne saurait parler d’inconstance vis-à-vis de ces changements d’état liés aux conditions dans lesquelles on met ce corps liquide nommé eau.
On peut donc dire que la constance n’est pas l’immobilisme ni la mort ; elle est la fidélité à la condition choisie, la persévérance dans l’action et les opinions. Car il s’agit d’un choix porteur d’un avenir qu’on se doit d’assumer. Et, on l’a déjà dit, à cette seule condition on devient.
Toutefois, il ne faut pas confondre inconstance et conversion. En effet, il peut arriver qu’un homme, après avoir choisi honnêtement une voie, se rende compte quelque temps après qu’il s’est trompé, revienne sur ses pas et en choisisse une autre ; car il vient de comprendre quelque chose qu’il n’avait pas compris, quelque chose vient de lui apparaître qu’il n’avait pas vu.
La différence qu’il y a entre l’inconstant et le converti, c’est l’état d’esprit et la motivation : tandis que le converti est honnête et désintéressé, l’inconstant lui n’est qu’une mouche frivole.
(Ceci montre toute l’importance que peuvent avoir en politique la précampagne et la campagne électorale. En fait, ce qui est demandé aux compétiteurs c’est de convaincre les citoyens par la pertinence de leur programme, de les convertir à leur foi et non de les corrompre, de les acheter comme de vulgaires marchandises.)
Mais ils (les compétiteurs) ne le pourront que s’ils sont à la hauteur de leur prétention, c’est-à-dire sont sincères, honnêtes, aiment leur pays, respectent leurs concitoyens.
Mais attention !… En toute chose, il y a des périodes d’abondance et de sécheresse. Le cœur de l’homme qui croit connaît lui aussi ce cycle naturel de flux et de reflux. Le mérite du croyant est de rester fidèle à ses convictions aux moments où son cœur en « marais basse » perd momentanément sa ferveur.
Menteur est l’amoureux qui jour et nuit chante sa flamme à son amante, car il y a des instants où le cœur est en « vacance d’amour » ; d’où l’importance de la fidélité. Et l’on peut s’interroger avec Antoine de Saint-Exupéry : « qui aimeras-tu si tu changes d’amour tous les jours, et où seront tes grandes actions ? » Car bien fou est l’homme qui « sous prétexte d’améliorer l’arbre le tranche chaque jour pour le remplacer par une graine », dit-il par ailleurs.
On peut citer quatre types d’inconstants
L’inconstant par défaut d’intelligence. Comme son nom l’indique, ce type d’homme renie par manque d’intelligence, de perspicacité, de discernement. Sans fondement aucun, un faible coup de vent suffit pour l’ébranler. Car il ne croit, ne milite que par suivisme et est excessivement sensible aux flonflons et aux gros discours. Il est mu par les évènements. Sans foi aucune en lui-même et malléable à l’excès, il est le fond de commerce du rusé politicien qu’on nomme « porteur de voix ». On doit le plaindre, l’informer, l’éduquer afin qu’il puisse prendre racine et germer.
L’inconstant par opportunisme. Il ne court que son intérêt personnel, immédiat. Il est impardonnable, lui, car il n’a pas l’innocence des inintelligents. Bien au contraire, il est très rusé, mais ne croit qu’au présent et aux avantages qu’il peut lui offrir. Aussi, semblable à une mouche, l’opportuniste ne cesse de courir à gauche, à droite, devant, derrière, attiré par tout ce qui brille. C’est lui le rusé politicien, le fin manipulateur qui s’autoproclame « porteur de voix ».
L’inconstant par paresse. L’inconstance par paresse est un trait de caractère qu’on peut retrouver chez les deux premiers types que je viens de décrire, mais qu’on peut aussi avoir comme trait de caractère dominant chez certains individus.
Ce qui distingue le paresseux, c’est qu’il veut conquérir sans se fatiguer. Pour lui, la vérité c’est ce qui s’obtient sans grand effort, aisément, en un court laps de temps. Si ça dure (le combat pour la conquête), si ça demande effort et sacrifice, alors « c’est l’erreur qu’on a sous le manteau de la vérité ». Ce qu’il ne sait pas, c’est que la joie qui enflamme le cœur du victorieux est le cadeau qui récompense son combat.
L’inconstant par manque de courage. Amoureux de la richesse et /ou du confort qu’il tremble de perdre, ce poltron ignorant le courage physique tout comme il ignore le courage moral, ne cherche que la sécurité ; aussi son cœur n’arrête-t-il de déménager. Or, rappelle Antoine de Saint-Exupéry, « celui qui émigre de cœur, le peuple le renie et lui-même reniera son peuple ».
Ainsi la constance et la fidélité qui sont des traits de caractère naturels chez l’homme normal sont de plus en plus méconnues, car la trahison est devenue la règle de conduite courante. Et l’homme constant et fidèle apparaîtra à ses concitoyens comme un idiot, un fou « qui ne réussira jamais en quoi que ce soit ».
Et les quelques rares personnes constantes dans leur quête et fidèles à leur idéal, à cause du triomphe et du succès des infidèles, finissent par douter du bien fondé de leur foi.
Alors partout et toujours on renie, on trahit : en amitié, en amour, en politique, etc. Et sans honte aucune. Bien au contraire. On renie, on trahit, on diffame. Car qui renie sans raison, mentira pour se justifier.
Qu’est ce que la trahison ?
La personne qui change de camp (je veux parler de l’inconstant et non du converti), dès qu’elle se met à diffamer ses anciens alliés, à user d’insultes et de mensonges, à révéler les secrets qui lui furent confiés, peut être appelée traître, car elle piétine le pacte qui, hier, les liait.
Le converti lui ne peut pas trahir, car c’est son cœur qui a changé ; d’où la noblesse de son maintien. Il ne diffame pas, il n’insulte pas, il ne ment pas. Il a pleine conscience qu’il était de cette maison-là, qu’il a quittée. Il cherche à convertir par et pour la vérité qui l’a conquis. Il est noble.
Il faut dire que l’homme noble, quand il tourne le dos à une chose, rien de cette chose ne le suit, pas même les avantages. Mais le pire des traîtres, c’est celui qui, tout en étant de l’intérieur, se comporte comme nous venons de dire : par la diffamation et le mensonge.
Donc la trahison peut être défini comme le fait de cracher sur la maison d’où nous sommes, ou que nous avons quittée pour une autre après y avoir dormi et rêvé, après lui avoir déclaré notre amour et embrassé.
L’inconstant est fondamentalement un traître.
Toutefois, l’inconstant par défaut d’intelligence peut conserver un vernis de noblesse malgré son reniement en se gardant de vilipender ses ex-alliés.
Hélas, aujourd’hui, le terrain politique sénégalais, et l’état d’esprit de ses acteurs donnent au Sénégal le profil du pays de l’inconstance, de la trahison, du chantage et de la roublardise.
Du chantage, car les « porteurs de voix », ces professionnels de la pirouette, ces fins manipulateurs pour qui le terrain politique est un simple territoire de chasse, usent du chantage comme le chasseur use de son fusil. Ils réunissent et organisent leur troupe (je dois dire leur troupeau), tiennent des réunions, font des déclarations éclatantes, mais ambiguës (car ils ont des couteaux à doubles tranchants) pour seulement faire monter les enchères.
De la roublardise, car, chez nous, on ne sait plus ce qu’est l’honnêteté, ce qu’est la belle action, ce qu’est le beau comportement… Nous vivons comme dans une arène de singes où tous se valent et où rien ne se mérite plus ; où tout se négocie, s’arrache, se vole ou se ruse : l’amitié, l’amour, le pouvoir et même la sainteté et les moyens de survie... Et l’on est en droit de s’écrier avec Friedrich Nietzsche : « Malheur ! Arrive le temps où de l’homme ne naîtra plus aucune étoile. Malheur ! Arrive le temps du plus misérable des hommes, qui lui-même plus ne peut mépriser. »
Et de cette situation de déchéance dans laquelle se trouve le pays, beaucoup de personnes sont responsables : des leaders politiques et leur parti, certains Cheikh ou fils de Cheikh, certains médias, beaucoup de citoyens…
Des leaders politiques et leur parti parce que, adeptes de la politique politicienne, justifiant les moyens par la fin, ils font fi de l’éthique, se permettent tous les coups et font le jeu des « transhumants », ces prostitués qu’on devrait bannir et clouer au pilori. Or ça, ils les courtisent, les reçoivent, les encensent, leur font un nom et ainsi cautionnent leur comportement au regard du peuple dont ils accélèrent ainsi le pourrissement.
(Pour la conservation ou la conquête du pouvoir, ils sapent les fondements des institutions qu’ils convoitent, ils corrompent le peuple qu’ils veulent gouverner.)
Certains Cheikh ou fils de Cheikh parce qu’ils se sont fait des pantins entre les mains des politiciens, de vulgaires « porteurs de voix ». Ces Cheikh-là sont vraiment dignes de pitié : ils cultivent leur néant, mais ils ne le savent pas : « si le sel perd sa saveur, avec quoi l’assaisonnera-t-on ? »
Certains médias, parce que, souvent, pour faire « sensationnel », ils font le jeu des maîtres de la pirouette.
Beaucoup de citoyens, parce que, très souvent, guidés par leur esprit partisan, ils applaudissent ou critiquent selon l’avantage ou le tort que le coup du « transhumant » porte à leur parti.
Et tous parlent de développement, oubliant qu’il ne peut avoir pour terreau le pourrissement des hommes.
ABDOU KHADRE GAYE, Président de l’EMAD
Tel : 338426736, Email : emadassociation1@gmail.com
Extrait de son ouvrage, « Les chantiers de l’Homme »
Le Nouveau Testament
« Joseph dit : que mon ancien maître sache maintenant que je ne l’ai point trahi. Dieu ne mène point à bonne fin les machinations des traîtres. »
Le Coran
Pour vivre dignement dans le monde, l’homme a besoin de repères. Il doit pouvoir s’y orienter, pour mieux le connaître et le façonner avec respect et amour. Le monde doit être, pour lui, comme un visage familier. Pour que l’amour naisse et dure, il faut d’abord que les traits du visage soient connus : relativement fixes et reconnaissables entre mille visages.
Aujourd’hui, hélas, plus rien ne signifie : les repères sont brouillés. Le monde a perdu ses couleurs, ses saveurs... Et l’homme, le regard éteint, déambule, marqué du sceau de l’inconstance, de la trahison, du chantage et de la roublardise.
Dans les livres des prophètes, il est souvent recommandé la constance, une qualité cardinale. Car les réalisations véritables ne s’obtiennent que par elle.
L’arbre ne devient qu’en se fixant, qu’en plongeant profondément ses racines dans la terre par une étreinte fidèle ; à cette seule condition, il pourra conquérir les cieux et offrir son ombrage et ses fruits aux créatures vivantes.
Quand Cheikh Ahmadou BAMBA dit dans son poème « Matlaboul Chifa-i », « La recherche du remède » : « O toi qui désire repousser toute maladie, n’abandonne pas la recherche du remède. Continue à la faire matin et soir. Sois sincère, tu obtiendras le remède et le bonheur », n’est-ce pas la constance qu’il recommande ? Que celui qui doute consulte « Massalikoul Jinaan », « Les itinéraires du paradis », cet autre chef-d’œuvre de beauté et de sagesse. Et ce saint qui fredonne : « Si le regard se disperse, il perd de vu la divinité », n’est-ce pas la fidélité qu’il chante ? « Pour aller loin, reste à la maison », a dit un sage. Car chacun doit avoir un chez-soi, une adresse connue, un nom… Ceux qui ont lu le Coran et/ou la Bible ne contrediront pas ces chantres de la constance, de la patience et de la fidélité.
Que chaque homme essaie de gravir « Sa Montagne » dans la persévérance, sans disperser son énergie en va-et-vient inutile entre plusieurs hauteurs. Qu’il atteigne le sommet de « Sa Montagne », alors seulement il sera à même de dialoguer d’égal à égal avec tous « les habitants des sommets » ; alors seulement il aura une vision claire et nette de la réalité.
Mais, pour ce faire, il lui faut d’abord reconquérir les repères, il est vrai. Le voyageur (celui-là qui porte dans son cœur un idéal) a besoin d’un guide ou d’une carte ; d’une boussole ou des signes du ciel pour ne pas se perdre.
Qu’est-ce que la constance ?
Être constant, ce n’est pas être figé, ne pas changer. Le bol d’eau qu’on met sur le feu s’échauffe, bouillonne, puis se transforme en vapeur. Aussi radicalement se transforme l’eau dans un réfrigérateur jusqu'à devenir de la glace. Pourtant on ne saurait parler d’inconstance vis-à-vis de ces changements d’état liés aux conditions dans lesquelles on met ce corps liquide nommé eau.
On peut donc dire que la constance n’est pas l’immobilisme ni la mort ; elle est la fidélité à la condition choisie, la persévérance dans l’action et les opinions. Car il s’agit d’un choix porteur d’un avenir qu’on se doit d’assumer. Et, on l’a déjà dit, à cette seule condition on devient.
Toutefois, il ne faut pas confondre inconstance et conversion. En effet, il peut arriver qu’un homme, après avoir choisi honnêtement une voie, se rende compte quelque temps après qu’il s’est trompé, revienne sur ses pas et en choisisse une autre ; car il vient de comprendre quelque chose qu’il n’avait pas compris, quelque chose vient de lui apparaître qu’il n’avait pas vu.
La différence qu’il y a entre l’inconstant et le converti, c’est l’état d’esprit et la motivation : tandis que le converti est honnête et désintéressé, l’inconstant lui n’est qu’une mouche frivole.
(Ceci montre toute l’importance que peuvent avoir en politique la précampagne et la campagne électorale. En fait, ce qui est demandé aux compétiteurs c’est de convaincre les citoyens par la pertinence de leur programme, de les convertir à leur foi et non de les corrompre, de les acheter comme de vulgaires marchandises.)
Mais ils (les compétiteurs) ne le pourront que s’ils sont à la hauteur de leur prétention, c’est-à-dire sont sincères, honnêtes, aiment leur pays, respectent leurs concitoyens.
Mais attention !… En toute chose, il y a des périodes d’abondance et de sécheresse. Le cœur de l’homme qui croit connaît lui aussi ce cycle naturel de flux et de reflux. Le mérite du croyant est de rester fidèle à ses convictions aux moments où son cœur en « marais basse » perd momentanément sa ferveur.
Menteur est l’amoureux qui jour et nuit chante sa flamme à son amante, car il y a des instants où le cœur est en « vacance d’amour » ; d’où l’importance de la fidélité. Et l’on peut s’interroger avec Antoine de Saint-Exupéry : « qui aimeras-tu si tu changes d’amour tous les jours, et où seront tes grandes actions ? » Car bien fou est l’homme qui « sous prétexte d’améliorer l’arbre le tranche chaque jour pour le remplacer par une graine », dit-il par ailleurs.
On peut citer quatre types d’inconstants
L’inconstant par défaut d’intelligence. Comme son nom l’indique, ce type d’homme renie par manque d’intelligence, de perspicacité, de discernement. Sans fondement aucun, un faible coup de vent suffit pour l’ébranler. Car il ne croit, ne milite que par suivisme et est excessivement sensible aux flonflons et aux gros discours. Il est mu par les évènements. Sans foi aucune en lui-même et malléable à l’excès, il est le fond de commerce du rusé politicien qu’on nomme « porteur de voix ». On doit le plaindre, l’informer, l’éduquer afin qu’il puisse prendre racine et germer.
L’inconstant par opportunisme. Il ne court que son intérêt personnel, immédiat. Il est impardonnable, lui, car il n’a pas l’innocence des inintelligents. Bien au contraire, il est très rusé, mais ne croit qu’au présent et aux avantages qu’il peut lui offrir. Aussi, semblable à une mouche, l’opportuniste ne cesse de courir à gauche, à droite, devant, derrière, attiré par tout ce qui brille. C’est lui le rusé politicien, le fin manipulateur qui s’autoproclame « porteur de voix ».
L’inconstant par paresse. L’inconstance par paresse est un trait de caractère qu’on peut retrouver chez les deux premiers types que je viens de décrire, mais qu’on peut aussi avoir comme trait de caractère dominant chez certains individus.
Ce qui distingue le paresseux, c’est qu’il veut conquérir sans se fatiguer. Pour lui, la vérité c’est ce qui s’obtient sans grand effort, aisément, en un court laps de temps. Si ça dure (le combat pour la conquête), si ça demande effort et sacrifice, alors « c’est l’erreur qu’on a sous le manteau de la vérité ». Ce qu’il ne sait pas, c’est que la joie qui enflamme le cœur du victorieux est le cadeau qui récompense son combat.
L’inconstant par manque de courage. Amoureux de la richesse et /ou du confort qu’il tremble de perdre, ce poltron ignorant le courage physique tout comme il ignore le courage moral, ne cherche que la sécurité ; aussi son cœur n’arrête-t-il de déménager. Or, rappelle Antoine de Saint-Exupéry, « celui qui émigre de cœur, le peuple le renie et lui-même reniera son peuple ».
Ainsi la constance et la fidélité qui sont des traits de caractère naturels chez l’homme normal sont de plus en plus méconnues, car la trahison est devenue la règle de conduite courante. Et l’homme constant et fidèle apparaîtra à ses concitoyens comme un idiot, un fou « qui ne réussira jamais en quoi que ce soit ».
Et les quelques rares personnes constantes dans leur quête et fidèles à leur idéal, à cause du triomphe et du succès des infidèles, finissent par douter du bien fondé de leur foi.
Alors partout et toujours on renie, on trahit : en amitié, en amour, en politique, etc. Et sans honte aucune. Bien au contraire. On renie, on trahit, on diffame. Car qui renie sans raison, mentira pour se justifier.
Qu’est ce que la trahison ?
La personne qui change de camp (je veux parler de l’inconstant et non du converti), dès qu’elle se met à diffamer ses anciens alliés, à user d’insultes et de mensonges, à révéler les secrets qui lui furent confiés, peut être appelée traître, car elle piétine le pacte qui, hier, les liait.
Le converti lui ne peut pas trahir, car c’est son cœur qui a changé ; d’où la noblesse de son maintien. Il ne diffame pas, il n’insulte pas, il ne ment pas. Il a pleine conscience qu’il était de cette maison-là, qu’il a quittée. Il cherche à convertir par et pour la vérité qui l’a conquis. Il est noble.
Il faut dire que l’homme noble, quand il tourne le dos à une chose, rien de cette chose ne le suit, pas même les avantages. Mais le pire des traîtres, c’est celui qui, tout en étant de l’intérieur, se comporte comme nous venons de dire : par la diffamation et le mensonge.
Donc la trahison peut être défini comme le fait de cracher sur la maison d’où nous sommes, ou que nous avons quittée pour une autre après y avoir dormi et rêvé, après lui avoir déclaré notre amour et embrassé.
L’inconstant est fondamentalement un traître.
Toutefois, l’inconstant par défaut d’intelligence peut conserver un vernis de noblesse malgré son reniement en se gardant de vilipender ses ex-alliés.
Hélas, aujourd’hui, le terrain politique sénégalais, et l’état d’esprit de ses acteurs donnent au Sénégal le profil du pays de l’inconstance, de la trahison, du chantage et de la roublardise.
Du chantage, car les « porteurs de voix », ces professionnels de la pirouette, ces fins manipulateurs pour qui le terrain politique est un simple territoire de chasse, usent du chantage comme le chasseur use de son fusil. Ils réunissent et organisent leur troupe (je dois dire leur troupeau), tiennent des réunions, font des déclarations éclatantes, mais ambiguës (car ils ont des couteaux à doubles tranchants) pour seulement faire monter les enchères.
De la roublardise, car, chez nous, on ne sait plus ce qu’est l’honnêteté, ce qu’est la belle action, ce qu’est le beau comportement… Nous vivons comme dans une arène de singes où tous se valent et où rien ne se mérite plus ; où tout se négocie, s’arrache, se vole ou se ruse : l’amitié, l’amour, le pouvoir et même la sainteté et les moyens de survie... Et l’on est en droit de s’écrier avec Friedrich Nietzsche : « Malheur ! Arrive le temps où de l’homme ne naîtra plus aucune étoile. Malheur ! Arrive le temps du plus misérable des hommes, qui lui-même plus ne peut mépriser. »
Et de cette situation de déchéance dans laquelle se trouve le pays, beaucoup de personnes sont responsables : des leaders politiques et leur parti, certains Cheikh ou fils de Cheikh, certains médias, beaucoup de citoyens…
Des leaders politiques et leur parti parce que, adeptes de la politique politicienne, justifiant les moyens par la fin, ils font fi de l’éthique, se permettent tous les coups et font le jeu des « transhumants », ces prostitués qu’on devrait bannir et clouer au pilori. Or ça, ils les courtisent, les reçoivent, les encensent, leur font un nom et ainsi cautionnent leur comportement au regard du peuple dont ils accélèrent ainsi le pourrissement.
(Pour la conservation ou la conquête du pouvoir, ils sapent les fondements des institutions qu’ils convoitent, ils corrompent le peuple qu’ils veulent gouverner.)
Certains Cheikh ou fils de Cheikh parce qu’ils se sont fait des pantins entre les mains des politiciens, de vulgaires « porteurs de voix ». Ces Cheikh-là sont vraiment dignes de pitié : ils cultivent leur néant, mais ils ne le savent pas : « si le sel perd sa saveur, avec quoi l’assaisonnera-t-on ? »
Certains médias, parce que, souvent, pour faire « sensationnel », ils font le jeu des maîtres de la pirouette.
Beaucoup de citoyens, parce que, très souvent, guidés par leur esprit partisan, ils applaudissent ou critiquent selon l’avantage ou le tort que le coup du « transhumant » porte à leur parti.
Et tous parlent de développement, oubliant qu’il ne peut avoir pour terreau le pourrissement des hommes.
ABDOU KHADRE GAYE, Président de l’EMAD
Tel : 338426736, Email : emadassociation1@gmail.com
Extrait de son ouvrage, « Les chantiers de l’Homme »