1. L’argument de la Casamance
Cet argument que résume, par exemple, cette « inquiétude » du sociologue Fatou Sow Sarr (par ailleurs, leader du Caucus des féministes) : « On parle de statut spécial pour Touba, mais, demain, la Casamance peut se lever et demander la même chose.». Un refrain repris, dans une symphonie touchante, par le célèbre chroniqueur Babacar Justin Ndiaye, le docteur en droit Nfally Camara et une brochette d’autres belles plumes du bouillant landerneau intellectuel et médiatique de notre pays…
Qu'en est-il exactement ?
Poser le problème du statut spécial de Touba en ces termes montre, encore une fois, la choquante et profonde ignorance de notre intelligentsia, pour ne pas dire leur malhonnêteté intellectuelle notoire. Du moment que, pour reprendre tout juste un exemple assez facile, le statut spécial reconnu à l’Alsace-Moselle depuis presque un siècle par la République française a-t-il jamais posé un quelconque problème à l’unité de ce pays ? Les statuts spéciaux attribués à la Sicile, à la Sardaigne, au Trentin-Haut Adige, au Frioul-Vénétie julienne ou au Val d’Aoste en Italie ont-ils jamais créé une quelconque scission ou dissidence dans ce pays ? Nos pseudo-analystes savent-ils seulement la différence qui existe entre « spécial spécial ou particulier », « autonomie », « indépendance », « souveraineté » ? Ou bien font-il exprès de créer ces amalgames gratuits, en mélangeant sciemment les torchons de Touba aux serviettes de la Casamance qu’ils brandissent comme un affreux et angoissant épouvantail devant l’opinion publique non initiée sur ces questions ? Dans quel but ?
L’analyse des points de vue (plus idéologiques que véritablement scientifiques) exprimés dans ce débat nous semble mettre en évidence un choquant manque de recul conceptuel et de sérieux de la part de ceux qu’on prend pourtant en général pour des universitaires ou experts ! Nos universitaires devraient plutôt – c’est une exigence académique minimale et un « conseil d’ami » – réfléchir sur ce rappel important de leur collègue, Jacques-Yvan Morin, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Montréal, qui introduisait son étude sur les origines historiques du statut particulier par ses mots: « Le régime du statut particulier a été utilisé, sous de multiples formes et sous des noms divers, dans plusieurs Etats et empires du passé et au cours de la plupart des grands réaménagements politiques des Temps modernes, depuis la dissolution de l'Empire ottoman jusqu'à la constitution de l'Union soviétique, en passant par la dissociation de l'Empire britannique. D'une manière générale, le statut particulier se présente comme une exception au principe de l'égalité ou de l'uniformité de régime des collectivités publiques qui composent un État. Une collectivité qui jouit d'un statut particulier possède, en sus des droits communs à toutes les autres collectivités, des droits ou des pouvoirs spéciaux et quelques fois une place à part dans les institutions du pays.»
A propos de cette dialectique diversité/unité posée, en filigrane, dans le débat, le Professeur Raison (un autre universitaire dont l’analyse n’est pas, elle, parasitée par la mouridophobie ambiante) soutenait ainsi : « Il faut mettre une sourdine au discours sur l’unité, ou plutôt l’avoir toujours au cœur pour ne pas avoir à le claironner, car mal chanté. L’air de l’unité peut être le plus grand obstacle à l’unité… Car après tout il y a aussi des diversités… et l’unité vivra par l’acceptation des diversités. Le discours sur la diversité assumée, à l’intérieur certes d’une unité, est probablement celui qui maintiendra le mieux la cohésion... ». Il nous semble ainsi infiniment utile et plus qu’urgent que l’on rappelle à l’opinion la véritable définition d’un « statut spécial » ; un travail auquel nos universitaires auraient du normalement s’atteler, au lieu de s’engager dans une Croisade qui n'a rien de scientifique.
C’est quoi exactement un « statut spécial » ? L’existence, dans plusieurs pays du monde, de régions ou d’entités sociohistoriques particulières, dont la nécessaire prise en compte des spécificités constitue une condition sine qua non de leur intégration parfaite dans l’architecture institutionnelle et administrative du système officiel, a souvent été à la base de l’attribution de statuts spéciaux ou particuliers aux dites régions. Un statut qui se matérialise par la reconnaissance juridique par l’Etat, dans un cadre formalisé, de certaines DISPOSITIONS LEGALES SPECIFIQUES à ces régions ou par une délégation de pouvoir de la puissance publique aux autorités locales sur CERTAINS DOMAINES de compétences choisis. La nature et l’étendue des compétences déléguées et spécificités reconnues localement dépendant de plusieurs facteurs culturels, sociohistoriques, économiques etc. caractérisant les régions concernées. Ce principe est essentiellement sous-tendu par la conscience que « diversité » ne signifie nullement « dissidence ». Et, qu’au contraire, la prise en compte équilibrée et harmonieuse des potentialités locales dans le dispositif global d’un Etat, selon des limites de souveraineté bien définies, était plutôt de nature à renforcer l’ensemble et à garantir sa pérennité dans le temps et l’espace.
D’ailleurs, des questions assez intéressantes que ces pourfendeurs « néo-casamalistes » du Caucus devraient plutôt se poser sont les suivantes. Si l’on prend le problème casamançais dans l'autre sens, sachant qu'un statut particulier n'a jamais été reconnu à la Casamançe, n'est-ce pas justement le défaut d'une intégration plus parfaite des spécificités locales (culturelles, linguistiques, ethniques etc.) de cette région du Sud dans l’architecture républicaine de notre pays qui fut, pour une large part, un terreau fertile au sentiment de frustration ayant mené certains habitants (extrêmistes) de cette contrée à revendiquer un territoire propre ? Si le Sénégal avait réussi à bâtir une véritable NATION où les identités diverses et les valeurs multiples des uns et des autres ont été bien valorisées et intégrées harmonieusement dans l’élaboration de nos systèmes politique, institutionnel et administratif, dans un cadre unitaire garantissant l’unité et la souveraineté qui nous lient tous, aurions-nous justement eu cette « question casamançaise » ? Comment se fait-il que, malgré l'absence de statut particulier, la guerre continue de faire rage dans cette partie de notre pays ? Ne devons-nous pas réinventer notre République, sur la base de nos REALITES ? A-t-on jamais entendu Touba, totalement enclavée à l'intérieur du Sénégal, revendiquer un quelconque séparatisme (une hypothèse totalement absurde) ? Des question très simples auxquelles nous ne verrons aucun de nos prétendus « analystes » tenter de donner des réponses satisfaisantes.
Aucun.
Cet argument que résume, par exemple, cette « inquiétude » du sociologue Fatou Sow Sarr (par ailleurs, leader du Caucus des féministes) : « On parle de statut spécial pour Touba, mais, demain, la Casamance peut se lever et demander la même chose.». Un refrain repris, dans une symphonie touchante, par le célèbre chroniqueur Babacar Justin Ndiaye, le docteur en droit Nfally Camara et une brochette d’autres belles plumes du bouillant landerneau intellectuel et médiatique de notre pays…
Qu'en est-il exactement ?
Poser le problème du statut spécial de Touba en ces termes montre, encore une fois, la choquante et profonde ignorance de notre intelligentsia, pour ne pas dire leur malhonnêteté intellectuelle notoire. Du moment que, pour reprendre tout juste un exemple assez facile, le statut spécial reconnu à l’Alsace-Moselle depuis presque un siècle par la République française a-t-il jamais posé un quelconque problème à l’unité de ce pays ? Les statuts spéciaux attribués à la Sicile, à la Sardaigne, au Trentin-Haut Adige, au Frioul-Vénétie julienne ou au Val d’Aoste en Italie ont-ils jamais créé une quelconque scission ou dissidence dans ce pays ? Nos pseudo-analystes savent-ils seulement la différence qui existe entre « spécial spécial ou particulier », « autonomie », « indépendance », « souveraineté » ? Ou bien font-il exprès de créer ces amalgames gratuits, en mélangeant sciemment les torchons de Touba aux serviettes de la Casamance qu’ils brandissent comme un affreux et angoissant épouvantail devant l’opinion publique non initiée sur ces questions ? Dans quel but ?
L’analyse des points de vue (plus idéologiques que véritablement scientifiques) exprimés dans ce débat nous semble mettre en évidence un choquant manque de recul conceptuel et de sérieux de la part de ceux qu’on prend pourtant en général pour des universitaires ou experts ! Nos universitaires devraient plutôt – c’est une exigence académique minimale et un « conseil d’ami » – réfléchir sur ce rappel important de leur collègue, Jacques-Yvan Morin, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Montréal, qui introduisait son étude sur les origines historiques du statut particulier par ses mots: « Le régime du statut particulier a été utilisé, sous de multiples formes et sous des noms divers, dans plusieurs Etats et empires du passé et au cours de la plupart des grands réaménagements politiques des Temps modernes, depuis la dissolution de l'Empire ottoman jusqu'à la constitution de l'Union soviétique, en passant par la dissociation de l'Empire britannique. D'une manière générale, le statut particulier se présente comme une exception au principe de l'égalité ou de l'uniformité de régime des collectivités publiques qui composent un État. Une collectivité qui jouit d'un statut particulier possède, en sus des droits communs à toutes les autres collectivités, des droits ou des pouvoirs spéciaux et quelques fois une place à part dans les institutions du pays.»
A propos de cette dialectique diversité/unité posée, en filigrane, dans le débat, le Professeur Raison (un autre universitaire dont l’analyse n’est pas, elle, parasitée par la mouridophobie ambiante) soutenait ainsi : « Il faut mettre une sourdine au discours sur l’unité, ou plutôt l’avoir toujours au cœur pour ne pas avoir à le claironner, car mal chanté. L’air de l’unité peut être le plus grand obstacle à l’unité… Car après tout il y a aussi des diversités… et l’unité vivra par l’acceptation des diversités. Le discours sur la diversité assumée, à l’intérieur certes d’une unité, est probablement celui qui maintiendra le mieux la cohésion... ». Il nous semble ainsi infiniment utile et plus qu’urgent que l’on rappelle à l’opinion la véritable définition d’un « statut spécial » ; un travail auquel nos universitaires auraient du normalement s’atteler, au lieu de s’engager dans une Croisade qui n'a rien de scientifique.
C’est quoi exactement un « statut spécial » ? L’existence, dans plusieurs pays du monde, de régions ou d’entités sociohistoriques particulières, dont la nécessaire prise en compte des spécificités constitue une condition sine qua non de leur intégration parfaite dans l’architecture institutionnelle et administrative du système officiel, a souvent été à la base de l’attribution de statuts spéciaux ou particuliers aux dites régions. Un statut qui se matérialise par la reconnaissance juridique par l’Etat, dans un cadre formalisé, de certaines DISPOSITIONS LEGALES SPECIFIQUES à ces régions ou par une délégation de pouvoir de la puissance publique aux autorités locales sur CERTAINS DOMAINES de compétences choisis. La nature et l’étendue des compétences déléguées et spécificités reconnues localement dépendant de plusieurs facteurs culturels, sociohistoriques, économiques etc. caractérisant les régions concernées. Ce principe est essentiellement sous-tendu par la conscience que « diversité » ne signifie nullement « dissidence ». Et, qu’au contraire, la prise en compte équilibrée et harmonieuse des potentialités locales dans le dispositif global d’un Etat, selon des limites de souveraineté bien définies, était plutôt de nature à renforcer l’ensemble et à garantir sa pérennité dans le temps et l’espace.
D’ailleurs, des questions assez intéressantes que ces pourfendeurs « néo-casamalistes » du Caucus devraient plutôt se poser sont les suivantes. Si l’on prend le problème casamançais dans l'autre sens, sachant qu'un statut particulier n'a jamais été reconnu à la Casamançe, n'est-ce pas justement le défaut d'une intégration plus parfaite des spécificités locales (culturelles, linguistiques, ethniques etc.) de cette région du Sud dans l’architecture républicaine de notre pays qui fut, pour une large part, un terreau fertile au sentiment de frustration ayant mené certains habitants (extrêmistes) de cette contrée à revendiquer un territoire propre ? Si le Sénégal avait réussi à bâtir une véritable NATION où les identités diverses et les valeurs multiples des uns et des autres ont été bien valorisées et intégrées harmonieusement dans l’élaboration de nos systèmes politique, institutionnel et administratif, dans un cadre unitaire garantissant l’unité et la souveraineté qui nous lient tous, aurions-nous justement eu cette « question casamançaise » ? Comment se fait-il que, malgré l'absence de statut particulier, la guerre continue de faire rage dans cette partie de notre pays ? Ne devons-nous pas réinventer notre République, sur la base de nos REALITES ? A-t-on jamais entendu Touba, totalement enclavée à l'intérieur du Sénégal, revendiquer un quelconque séparatisme (une hypothèse totalement absurde) ? Des question très simples auxquelles nous ne verrons aucun de nos prétendus « analystes » tenter de donner des réponses satisfaisantes.
Aucun.