Il faut d’abord éviter d’être en désaccord avec la constitution qui garantie les libertés d’action, d’association et d’expression à tous les citoyens jouissant pleinement de leurs droits civiques. Lesquelles libertés ne signifient nullement, anarchie, indiscipline ou immoralité. Cela pour dire que tout citoyen a le droit d’apporter son soutien à qui il veut, personne morale ou physique, et d’adhérer au mouvement, à l’association, au parti politique et à la cause de son choix. Tout comme chaque personne physique ou morale, chaque mouvement, association, parti politique ou cause a le doit de recevoir le soutien ou de bénéficier de l’adhésion de tout citoyen. Pourvu que cela ne transgresse les lois et les règlements ainsi que l’éthique politique et la morale sociale.
A fortiori, le président de la république, chef de l’Etat et son gouvernement sont en droit de s’attendre, de recevoir et de bénéficier du soutien et de l’adhésion des citoyens, de tous les citoyens, pour la mise en œuvre du programme de développement pour lequel, la majorité des électeurs sénégalais a voté. Car, en réalité, à travers le président de la république, c’est son projet de société qui a le plus motivé le choix des sénégalais. Ceux qui ne partagent pas ses vues sont appelés à s’activer dans l’opposition politique, pour être ses contradicteurs, farouches, s’il le faut. Ce qui ne veut nullement dire, empêcher le Sénégal de fonctionner, pour faire échouer un adversaire politique. Car, si le « Sunugaal » chavire, tous les sénégalais, sans exception, seront des naufragés, et ce n’est de l’intérêt de personne.
Au demeurant, un opposant à un moment peut décider de soutenir le pouvoir à un autre moment, parce qu’il a eu des raisons objectives de changer d’avis sur le projet de l’adversaire. Il peut le faire tout en restant dans sa formation politique, comme il peut faire le choix de rejoindre le parti au pouvoir. Il en est de même pour celui qui rejoint une coalition ou la quitte. Cela s’appelle, avoir la liberté de conscience qui permet d’accorder son soutien ou le retirer, d’adhérer ou de quitter, pour des raisons nobles que tous les sénégalais, de quelque bord qu’ils soient, partis politiques et société civile, peuvent reconnaitre. Les exemples foisonnent dans les démocraties où prévalent les rigueurs de la bonne gouvernance, de l’éthique politique et de la morale sociale.
Au Sénégal il est plutôt question de transhumance. C’est sans aucun doute parce que la fonction politique n’y est plus un sacerdoce, une fonction noble et respectable par le dévouement au service de la nation, des populations et de l’intérêt général qu’elle exige. L’histoire et la sociologie présentent la politique au Sénégal, comme un moyen d’enrichissement facile et rapide, et très souvent de manière illicite. La politique est en effet considérée par certains sénégalais comme un moyen d’accéder à des postes électifs ou de responsabilité par nomination dit « juteux » ou « stratégiques ». Dés lors, ces positions sont exploitées pour l’enrichissement de leurs occupants, par des détournements de deniers publics ou par des actes de corruption, de concussion ou d’escroquerie de très haut niveau, en toute impunité. Cela, parce que l’auteur peut se prévaloir d’une base politique assez large, importante et fidèle, pour lui servir de pouvoir d’influence ou de groupe de pression, par un activisme calculé.
A cet égard, il est symptomatique que le chantage politique prospère au Sénégal. Il se manifeste à travers des actes de défiance à l’égard des pouvoirs publics, par des militants qui cherchent à défendre leurs responsables politiques, déchus de certains postes « juteux » et « stratégiques », auxquels ils doivent loyauté et fidélité, pour des raisons évidentes. La fidélisation de cette base s’obtient, en la transformant en clientèle politique et électorale au sein de laquelle, les militants alimentaires sont entretenus et « mouillés » avec les produits des détournements de deniers publics, de la concussion et de la corruption, ainsi que par l’octroie de rentes politiques accordées avec la bénédiction de certains tenants du pouvoir, qui sont aussi des partisans solidaires. Ainsi, l’Etat est transformé en vache laitière, la politique en est la mamelle et les politiciens en sont les trayons à la disposition des militants alimentaires.
Certains politiciens plus « efficaces » arrivent à détourner des politiques publiques entières au profit de leur terroir, de leur commune, de leur département ou de leur région, pour se donner plus de poids et d’envergure politique et électorale au sein de la nation. Ce qui les rendent incontournables et indéboulonnables dans leurs fiefs, où ils bénéficient du soutien indéfectible de leurs militants. Parfois, ils sont l’objet d’approbation et d’admiration de la part de franges importantes de la société sénégalaise, qui rêvent d’avoir des responsables politiques de cette trempe.
Ce sont des femmes et des hommes qui comptent en politique, desquels il serait suicidaire de se passer, dans le contexte actuel du monde politique sénégalais.
Certains de ces politiciennes et politiciens professionnels se sont prémunis d’une autre forme d’assurance, qui vient bétonner leur couverture et leur bouclier. Ils ont opté de faire allégeance à de puissants marabouts, moins par leur foi et leur désir de guidance spirituelle. Ils poussent le cynisme et le pragmatisme politique au point de faire bénéficier ces marabouts du fruit de leurs rapines, sous forme de « Téranga », pour ultérieurement bénéficier en retour de leur couverture et de leur protection, en cas de besoin. Dans certains cas, c’est l’aspect influence politique qui est recherché auprès de ces marabouts, beaucoup plus que l’aspect mystique. Dès lors, ces mastodontes politiques sont courtisés, à la fois par l’opposition et par le pouvoir.
Pour toutes ces raisons, ces politiciens professionnels bénéficient de l’impunité au sein du parti ou de la coalition de partis au pouvoir, qui leur sert de couverture et de bouclier de protection, contre toute action de justice. Pour ces mêmes raisons, ils ne peuvent demeurer dans l’impunité qu’en s’accrochant donc au pouvoir. Ce qui explique la transhumance, d’une prairie à l’autre, au gré des alternances politiques. Ces actes de transhumance sont posés par les politiciens eux-mêmes, ou encouragés et sollicités par le pouvoir préoccupé par l’élargissement et le renforcement de sa base. Laquelle base du pouvoir est susceptible d’être sérieusement ébranlée par ces mastodontes politiques et électoraux, qu’il vaut mieux ne pas avoir contre soi. En dehors de toute éthique, c’est une forme de réalisme politique qui a ses exigences et ses contraintes, que l’on peut appeler aussi la realpolitik.
La transhumance politique est l’un des produits d’un système installé au cœur de l’Etat depuis l’indépendance. C’est ce système qu’il faut combattre avec tout le courage politique et toute l’énergie nécessaires, afin de le mettre hors circuit, de le rendre inopérationnel dorénavant et l’empêcher de continuer à être nuisible. Le salut du Sénégal est à ce prix. Car, ce système a également créé une nouvelle classe de bourgeoisie sénégalaise, de l’époque de feu le Président Léopold S. SENGHOR à nos jours, en passant par l’ère des présidents Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE. Il s’avère particulièrement difficile d’apporter les preuves matérielles de l’enrichissement illicite des uns et des autres. Mais l’évidence qui saute aux yeux est que la plupart d’entre eux sont partis du minimum vital, pour se retrouver multimillionnaires ou milliardaires, en un temps record, alors qu’ils ne sont pas héritiers de grosses fortunes et n’ont pas gagné de jackpots successifs au Loto.
Profitant de leurs positions au pouvoir, certains ont fait preuve de suffisamment de ruse et d’ingéniosité, en se donnant le temps et les moyens d’effacer toute traçabilité de leurs fortunes, dissimulées dans des paradis fiscaux et à travers les labyrinthes des sociétés écrans, dont certaines fonctionneraient même au Sénégal. Dans le passé, ces fortunes ont servi de trésors de combats politiques et de nerfs de la guerre dans des joutes électorales. Elles les servent encore aujourd’hui et seront encore utilisées pour conquérir ou reconquérir les suffrages des sénégalais, avec leur argent détourné. Ce phénomène est présent dans le milieu politique sénégalais, depuis le lendemain de l’indépendance. Il s’est accentué et devenu plus vicieux et pervers d’un régime à l’autre, au gré des alternances au pouvoir. D’importantes franges de la société sénégalaise en sont gangrenées ou affectées, directement ou indirectement.
Ainsi, les hommes politiques, au sens noble du terme, ont été noyés et salis par les politiciens professionnels qui leur ont ravi la vedette. La politique au Sénégal est devenue synonyme d’impureté, et quand les vrais hommes politiques sont qualifiés de politiciens, cela renvoie à l’image d’hommes et de femmes immoraux, voleurs et menteurs, capables de vendre leur âme au diable, pour l’argent, les domaines fonciers, les privilèges et les honneurs. A cause de cela, la politique est désertée par ceux qui ne veulent pas se voire ainsi dépeints. Les rares téméraires qui ont franchi le pas sont, au mieux, noyés et invisibles et au pire, vomis et classés dans la catégorie la plus abjecte. A ce point, la moralisation de la politique, pour lui rendre sa noblesse et sa serviabilité, semble relever de la gageure au Sénégal.
Pour endiguer ce « cancer » du Sénégal, plus ou moins métastasé, il faut une très forte dose de courage politique et une grande capacité de violence sur soi, pour entreprendre les réformes radicales nécessaires. Lesquelles réformes interpellent toute la société sénégalaise, dans sa globalité. Cette volonté de moralisation, par le bannissement de la transhumance politique, fait beaucoup plus appel au combat contre l’impunité, contre la couverture et le bouclier politiques et maraboutiques, ainsi que leur suppression totale.
Avant de s’en prendre à qui que ce soit, le législateur doit, au préalable, renforcer les lois contre les détournements de deniers publics, les concussions, la corruption, l’usage illicite de biens et d’argent publics, les escroqueries, et les rendre surtout assez dissuasives, par une application rigoureuse et non discriminante. Des lois qui s’attaquent à la fois aux auteurs de ces délits ou crimes et à leurs bénéficiaires, qui qu’ils soient. Il doit surtout renforcer la liberté d’action du pouvoir judiciaire, en le soustrayant à toute forme de pression ou d’influence du pouvoir, des politiques, des milieux religieux confrériques et coutumiers.
Il faudra également bannir les formes actuelles de la « Téranga », du « Masallah », et du « Soutoura » à travers lesquelles tout un amalgame est entretenu. Il est temps de donner à ces concepts, qui sont des valeurs sénégalaises galvaudées, leurs vrais sens et fonction. Car la Téranga est une donation qui se fait par une personne honnête sur un bien propre et licite, tandis que le Masallah est une dose d’humanisme apportée aux relations entre des gens de bien, sans préjudice de la justice, de la rigueur, de la droiture, de la probité et de l’équilibre. Et enfin le Soutoura est synonyme de scrupule, pour une personne respectueuse et respectable.
Par ailleurs, il faudra aussi promouvoir une nouvelle culture politique au Sénégal. Il s’agit de cultiver une éthique politique et une morale sociale qui voudront que quiconque est simplement suspecté des actes délictuels ou criminels, dont il est question ici, soit inapte à faire de la politique tout bonnement, jusqu’à ce qu’il ou elle soit proprement lavé de ces soupçons, par les instances compétentes. Il en sera de même pour tous ceux qui en seraient coupables ou éclaboussés, directement ou indirectement, même à travers des membres proches de leurs familles. Car, celui ou celle qui ne peut préserver les membres de sa famille d’avoir de tels comportements, ne peut avoir suffisamment de moralité et de rigueur devant la société, pour entrer en politique et prétendre représenter les citoyens honnêtes et à gérer des biens publics. C’est ce qui fait la grandeur des démocraties qui fonctionnent avec une gouvernance, tant soit peu, vertueuse, et où la politique est faite de noblesse au sens moral du terme.
Kadialy DIAKHITE, journaliste, écrivain
A fortiori, le président de la république, chef de l’Etat et son gouvernement sont en droit de s’attendre, de recevoir et de bénéficier du soutien et de l’adhésion des citoyens, de tous les citoyens, pour la mise en œuvre du programme de développement pour lequel, la majorité des électeurs sénégalais a voté. Car, en réalité, à travers le président de la république, c’est son projet de société qui a le plus motivé le choix des sénégalais. Ceux qui ne partagent pas ses vues sont appelés à s’activer dans l’opposition politique, pour être ses contradicteurs, farouches, s’il le faut. Ce qui ne veut nullement dire, empêcher le Sénégal de fonctionner, pour faire échouer un adversaire politique. Car, si le « Sunugaal » chavire, tous les sénégalais, sans exception, seront des naufragés, et ce n’est de l’intérêt de personne.
Au demeurant, un opposant à un moment peut décider de soutenir le pouvoir à un autre moment, parce qu’il a eu des raisons objectives de changer d’avis sur le projet de l’adversaire. Il peut le faire tout en restant dans sa formation politique, comme il peut faire le choix de rejoindre le parti au pouvoir. Il en est de même pour celui qui rejoint une coalition ou la quitte. Cela s’appelle, avoir la liberté de conscience qui permet d’accorder son soutien ou le retirer, d’adhérer ou de quitter, pour des raisons nobles que tous les sénégalais, de quelque bord qu’ils soient, partis politiques et société civile, peuvent reconnaitre. Les exemples foisonnent dans les démocraties où prévalent les rigueurs de la bonne gouvernance, de l’éthique politique et de la morale sociale.
Au Sénégal il est plutôt question de transhumance. C’est sans aucun doute parce que la fonction politique n’y est plus un sacerdoce, une fonction noble et respectable par le dévouement au service de la nation, des populations et de l’intérêt général qu’elle exige. L’histoire et la sociologie présentent la politique au Sénégal, comme un moyen d’enrichissement facile et rapide, et très souvent de manière illicite. La politique est en effet considérée par certains sénégalais comme un moyen d’accéder à des postes électifs ou de responsabilité par nomination dit « juteux » ou « stratégiques ». Dés lors, ces positions sont exploitées pour l’enrichissement de leurs occupants, par des détournements de deniers publics ou par des actes de corruption, de concussion ou d’escroquerie de très haut niveau, en toute impunité. Cela, parce que l’auteur peut se prévaloir d’une base politique assez large, importante et fidèle, pour lui servir de pouvoir d’influence ou de groupe de pression, par un activisme calculé.
A cet égard, il est symptomatique que le chantage politique prospère au Sénégal. Il se manifeste à travers des actes de défiance à l’égard des pouvoirs publics, par des militants qui cherchent à défendre leurs responsables politiques, déchus de certains postes « juteux » et « stratégiques », auxquels ils doivent loyauté et fidélité, pour des raisons évidentes. La fidélisation de cette base s’obtient, en la transformant en clientèle politique et électorale au sein de laquelle, les militants alimentaires sont entretenus et « mouillés » avec les produits des détournements de deniers publics, de la concussion et de la corruption, ainsi que par l’octroie de rentes politiques accordées avec la bénédiction de certains tenants du pouvoir, qui sont aussi des partisans solidaires. Ainsi, l’Etat est transformé en vache laitière, la politique en est la mamelle et les politiciens en sont les trayons à la disposition des militants alimentaires.
Certains politiciens plus « efficaces » arrivent à détourner des politiques publiques entières au profit de leur terroir, de leur commune, de leur département ou de leur région, pour se donner plus de poids et d’envergure politique et électorale au sein de la nation. Ce qui les rendent incontournables et indéboulonnables dans leurs fiefs, où ils bénéficient du soutien indéfectible de leurs militants. Parfois, ils sont l’objet d’approbation et d’admiration de la part de franges importantes de la société sénégalaise, qui rêvent d’avoir des responsables politiques de cette trempe.
Ce sont des femmes et des hommes qui comptent en politique, desquels il serait suicidaire de se passer, dans le contexte actuel du monde politique sénégalais.
Certains de ces politiciennes et politiciens professionnels se sont prémunis d’une autre forme d’assurance, qui vient bétonner leur couverture et leur bouclier. Ils ont opté de faire allégeance à de puissants marabouts, moins par leur foi et leur désir de guidance spirituelle. Ils poussent le cynisme et le pragmatisme politique au point de faire bénéficier ces marabouts du fruit de leurs rapines, sous forme de « Téranga », pour ultérieurement bénéficier en retour de leur couverture et de leur protection, en cas de besoin. Dans certains cas, c’est l’aspect influence politique qui est recherché auprès de ces marabouts, beaucoup plus que l’aspect mystique. Dès lors, ces mastodontes politiques sont courtisés, à la fois par l’opposition et par le pouvoir.
Pour toutes ces raisons, ces politiciens professionnels bénéficient de l’impunité au sein du parti ou de la coalition de partis au pouvoir, qui leur sert de couverture et de bouclier de protection, contre toute action de justice. Pour ces mêmes raisons, ils ne peuvent demeurer dans l’impunité qu’en s’accrochant donc au pouvoir. Ce qui explique la transhumance, d’une prairie à l’autre, au gré des alternances politiques. Ces actes de transhumance sont posés par les politiciens eux-mêmes, ou encouragés et sollicités par le pouvoir préoccupé par l’élargissement et le renforcement de sa base. Laquelle base du pouvoir est susceptible d’être sérieusement ébranlée par ces mastodontes politiques et électoraux, qu’il vaut mieux ne pas avoir contre soi. En dehors de toute éthique, c’est une forme de réalisme politique qui a ses exigences et ses contraintes, que l’on peut appeler aussi la realpolitik.
La transhumance politique est l’un des produits d’un système installé au cœur de l’Etat depuis l’indépendance. C’est ce système qu’il faut combattre avec tout le courage politique et toute l’énergie nécessaires, afin de le mettre hors circuit, de le rendre inopérationnel dorénavant et l’empêcher de continuer à être nuisible. Le salut du Sénégal est à ce prix. Car, ce système a également créé une nouvelle classe de bourgeoisie sénégalaise, de l’époque de feu le Président Léopold S. SENGHOR à nos jours, en passant par l’ère des présidents Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE. Il s’avère particulièrement difficile d’apporter les preuves matérielles de l’enrichissement illicite des uns et des autres. Mais l’évidence qui saute aux yeux est que la plupart d’entre eux sont partis du minimum vital, pour se retrouver multimillionnaires ou milliardaires, en un temps record, alors qu’ils ne sont pas héritiers de grosses fortunes et n’ont pas gagné de jackpots successifs au Loto.
Profitant de leurs positions au pouvoir, certains ont fait preuve de suffisamment de ruse et d’ingéniosité, en se donnant le temps et les moyens d’effacer toute traçabilité de leurs fortunes, dissimulées dans des paradis fiscaux et à travers les labyrinthes des sociétés écrans, dont certaines fonctionneraient même au Sénégal. Dans le passé, ces fortunes ont servi de trésors de combats politiques et de nerfs de la guerre dans des joutes électorales. Elles les servent encore aujourd’hui et seront encore utilisées pour conquérir ou reconquérir les suffrages des sénégalais, avec leur argent détourné. Ce phénomène est présent dans le milieu politique sénégalais, depuis le lendemain de l’indépendance. Il s’est accentué et devenu plus vicieux et pervers d’un régime à l’autre, au gré des alternances au pouvoir. D’importantes franges de la société sénégalaise en sont gangrenées ou affectées, directement ou indirectement.
Ainsi, les hommes politiques, au sens noble du terme, ont été noyés et salis par les politiciens professionnels qui leur ont ravi la vedette. La politique au Sénégal est devenue synonyme d’impureté, et quand les vrais hommes politiques sont qualifiés de politiciens, cela renvoie à l’image d’hommes et de femmes immoraux, voleurs et menteurs, capables de vendre leur âme au diable, pour l’argent, les domaines fonciers, les privilèges et les honneurs. A cause de cela, la politique est désertée par ceux qui ne veulent pas se voire ainsi dépeints. Les rares téméraires qui ont franchi le pas sont, au mieux, noyés et invisibles et au pire, vomis et classés dans la catégorie la plus abjecte. A ce point, la moralisation de la politique, pour lui rendre sa noblesse et sa serviabilité, semble relever de la gageure au Sénégal.
Pour endiguer ce « cancer » du Sénégal, plus ou moins métastasé, il faut une très forte dose de courage politique et une grande capacité de violence sur soi, pour entreprendre les réformes radicales nécessaires. Lesquelles réformes interpellent toute la société sénégalaise, dans sa globalité. Cette volonté de moralisation, par le bannissement de la transhumance politique, fait beaucoup plus appel au combat contre l’impunité, contre la couverture et le bouclier politiques et maraboutiques, ainsi que leur suppression totale.
Avant de s’en prendre à qui que ce soit, le législateur doit, au préalable, renforcer les lois contre les détournements de deniers publics, les concussions, la corruption, l’usage illicite de biens et d’argent publics, les escroqueries, et les rendre surtout assez dissuasives, par une application rigoureuse et non discriminante. Des lois qui s’attaquent à la fois aux auteurs de ces délits ou crimes et à leurs bénéficiaires, qui qu’ils soient. Il doit surtout renforcer la liberté d’action du pouvoir judiciaire, en le soustrayant à toute forme de pression ou d’influence du pouvoir, des politiques, des milieux religieux confrériques et coutumiers.
Il faudra également bannir les formes actuelles de la « Téranga », du « Masallah », et du « Soutoura » à travers lesquelles tout un amalgame est entretenu. Il est temps de donner à ces concepts, qui sont des valeurs sénégalaises galvaudées, leurs vrais sens et fonction. Car la Téranga est une donation qui se fait par une personne honnête sur un bien propre et licite, tandis que le Masallah est une dose d’humanisme apportée aux relations entre des gens de bien, sans préjudice de la justice, de la rigueur, de la droiture, de la probité et de l’équilibre. Et enfin le Soutoura est synonyme de scrupule, pour une personne respectueuse et respectable.
Par ailleurs, il faudra aussi promouvoir une nouvelle culture politique au Sénégal. Il s’agit de cultiver une éthique politique et une morale sociale qui voudront que quiconque est simplement suspecté des actes délictuels ou criminels, dont il est question ici, soit inapte à faire de la politique tout bonnement, jusqu’à ce qu’il ou elle soit proprement lavé de ces soupçons, par les instances compétentes. Il en sera de même pour tous ceux qui en seraient coupables ou éclaboussés, directement ou indirectement, même à travers des membres proches de leurs familles. Car, celui ou celle qui ne peut préserver les membres de sa famille d’avoir de tels comportements, ne peut avoir suffisamment de moralité et de rigueur devant la société, pour entrer en politique et prétendre représenter les citoyens honnêtes et à gérer des biens publics. C’est ce qui fait la grandeur des démocraties qui fonctionnent avec une gouvernance, tant soit peu, vertueuse, et où la politique est faite de noblesse au sens moral du terme.
Kadialy DIAKHITE, journaliste, écrivain