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Un musulman a-t-il le droit de quitter sa religion ?


Rédigé par leral.net le Vendredi 23 Novembre 2018 à 10:35 | | 0 commentaire(s)|

L’apostasie se dit en arabe Al-Ridda, irtidād*, (recul, défection). Elle se présente dans l'islam comme le rejet de la religion par un musulman, par le fait de renier sa foi publiquement. Même si le Coran* réprouve l’apostasie, il n’accompagne cette condamnation d’aucune peine particulière. Il part en effet du principe que la foi, comme tout ce qui concerne l'être intérieur, est du domaine exclusif de Dieu.

Il n’existe du reste, non plus, aucun verset dans le Coran* qui appelle à condamner ou à punir corporellement, ici-bas, les personnes qui ne font pas la prière ou le jeûne du mois du Ramadan*. Ces domaines, selon la théologie musulmane, relèvent de la relation de l’individu avec son créateur, qui seul en est le juge.

Il n’en va pas de même des autres transgressions reconnues par le Coran, celles en particulier, qui ont été commises à l’encontre d’autrui : vol, meurtre, adultère, etc. Ces fautes exigent, selon le Coran, des punitions corporelles (ici-bas) qui vont du sectionnement de la main pour le voleur à la lapidation pour l’adultère et jusqu’à la mise à mort pour le meurtrier.

Pour ce qui est de l’apostasie, on dénombre environ six textes abordant ce sujet :

- « ...et ceux qui parmi vous abjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future ; Voilà les gens du Feu : ils y demeureront éternellement » (Q 2.217b).

- « Ceux qui ont cru, puis sont devenus mécréants, puis ont cru de nouveau, ensuite sont devenus mécréants, et n’ont fait que croître en mécréance, Allah ne leur pardonnera pas, ni les guidera vers un chemin droit » (Q 4.137).

- « Quiconque renie Dieu après avoir cru – à moins d’y être contraint tout en demeurant fidèle intérieurement à sa foi –, ainsi que ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à l’impiété, ceux-là, la colère de Dieu s’abattra sur eux et ils seront voués à un terrible châtiment » (Q 16.106).

- « Ô les croyants ! quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Allah va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier d’Allah, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur. Telle est la grâce d’Allah. Il la donne à qui il veut. Allah est Immense et Omniscient » (Q 5.54).

- «i[ Ceux qui sont revenus sur leurs pas après que le droit chemin leur a été clairement exposé, le diable les a séduits et trompés. C'est parce qu'ils ont dit à ceux qui ont de la répulsion pour la révélation d'Allah : "Nous allons vous obéir dans certaines choses". Allah cependant connaît ce qu'ils cachent. Qu'adviendra-t-il d'eux quand les Anges les achèveront, frappant leurs faces et leurs dos ? Cela parce qu'ils ont suivi ce qui courrouce Allah, et qu'ils ont de la répulsion pour [ce qui attire] Son agrément. Il a donc rendu vaines leurs œuvres ]i» (Q 47.25-28).

- « Et si quelqu'une de vos épouses s'échappe vers les mécréants, et que vous fassiez des représailles, restituez à ceux dont les épouses sont parties autant que ce qu'ils avaient dépensé. Craignez Allah en qui vous croyez » (Q 60.11).

Un premier constat s’impose à la lecture de ces versets : même si les apostats seront rejetés par Dieu au dernier jour, le Coran* n'évoque aucun châtiment corporel qui doive leur être infligé par les autorités musulmanes ici-bas.

D’où est donc partie cette idée d'une mise à mort des apostats attribuée à l'islam ? Elle ne figure en fait que dans les hadiths* et en particulier dans un seul rapporté par Ibn 'Abbâs (il n'avait que 13 ans à la mort du Prophète). Il y rapporte que Mohamed* aurait dit : « Quiconque change sa religion, tuez-le ! ». Ces propos rapportés par al-Bukhari(1) ne sont pas, par exemple, repris par Muslim, une autre autorité de la même époque en matière de hadiths*.

Certains événements historiques sont venus conforter l’application de cette sentence.

- Tout d’abord la guerre qui s’est produite après la mort de Mohamed*, et que l’on a nommée « la guerre de l’Apostasie ». Cette guerre a eu lieu sous le premier calife* Abu Bakr ; elle visait ceux qui, après la mort de Mohamed*, s’étaient détournés de l’islam pour retourner au polythéisme.

- Le deuxième exemple s’est également produit sous Abu Bakr. On rapporte « qu’on avait amené une femme qui s’était détournée de l’islam, et Abu Bakr aurait ordonné qu’on la tue » conformément au Hadith* cité plus haut.

De nos jours, il n'existe pas d'attitudes punitives homogènes à travers le monde musulman. Rares sont les pays qui ont réellement intégré des sanctions corporelles à leur législation à l'encontre des apostats (uniquement quatre pays ont des lois explicites condamnant à mort les apostats : Mauritanie, Arabie Saoudite, Somalie, Soudan).

Globalement la tolérance semble donc plus grande vis-à vis-des personnes qui ont choisi une autre religion que l'islam. C’est le cas des pays de l’Afrique du Nord, d’Asie et de certains pays du Moyen-Orient, sans doute dans le but de montrer patte blanche auprès de la communauté internationale et pour être conformes au droit le plus élémentaire, comme la liberté de conscience.

En fait, la majorité des gouvernements musulmans misent sur la pression que pourrait exercer la famille et la société. Ainsi dans plusieurs des cas, l’apostasie entraîne automatiquement des conséquences civiles qui peuvent rendre la vie impossible : la dissolution du mariage, le retrait de la tutelle sur les enfants, la perte du travail, la privation du droit à l'héritage... Faute de pouvoir tuer les apostats, l'éloignement de l'islam, dans la majorité des pays musulmans, mène à une mort civile.

Face à l'absence de texte explicite dans le Coran* condamnant à mort celui qui quitte l’islam, plusieurs questions peuvent être relevées :

1- Si le Coran* s’est abstenu de demander la mise à mort ici-bas des apostats, laissant entendre qu’il s’agit d’une affaire qui se réglera à la fin des temps entre l’homme (désobéissant) et Dieu (son créateur), pourquoi les théologiens ont-ils pris la liberté de condamner à mort toute personne qui quitterait l'islam ?

2- Pourquoi n’existe-t-il qu’un seul hadith*, d’ailleurs controversé et appuyé par aucun verset coranique, pour une question aussi capitale ?

3- Peut-on considérer les chrétiens d’origine musulmane comme des personnes qui ont abandonné Dieu ? Dans ce cas, comment expliquer le titre de « Peuple du Livre » accordé par le Coran* aux juifs et aux chrétiens ? Que vaut alors le statut de "religions monothéistes" que la théologie musulmane reconnaît au Judaïsme, au Christianisme et à l’islam ?

Les versets du Coran* ne semblent-ils pas plutôt viser ceux qui ont abandonné définitivement Dieu pour devenir athées (quand il parle de mécréance "Kufr",) plutôt que ceux qui se seraient convertis à une autre religion monothéiste tout en continuant à croire au Dieu Créateur ?

Qu'est-ce qui est le plus précieux pour Dieu, avoir foi en Lui, ou adhérer à une religion précise ? N'est-il pas écrit dans le Coran* : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement » ? (Q 2.256) Ou encore : « Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? » (Q 10.99).

Les musulmans d'aujourd'hui ne doivent-ils pas relire le Coran* en usant d'Ijtihad (effort personnel d'interprétation) dans leur compréhension du texte, indépendamment des interprétations qui en ont été faites antérieurement ? Comme ils doivent aussi se laisser interpeller par le fait que, parmi les religions monothéistes, il n’y a que dans l’islam qu’on pratique des peines d'exclusion et d'exécution à l'égard des apostats.





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