Les occasions ont été nombreuses, depuis plus d’une décennie, de rappeler ici au Sénégal, sur sa terre natale comme sur le plan international, la pensée et l’œuvre de ce géant du 20ème siècle. La célébration du 90ème anniversaire de sa naissance (1996), celle du cinquantenaire de la naissance du Bloc Démocratique Sénégalais (1998), l’année SENGHOR sous l’égide de l’Organisation Internationale de la Francophonie (2006 : l’année du centenaire de sa naissance) et enfin récemment la célébration du 60ème anniversaire de la fondation du Bloc Démocratique Sénégalais (octobre – novembre 2008 à Dakar et Kaolack) ont toutes été marquées par un même élan sympathique et par un même impératif mémoriel : honorer ce grand homme, comme nous devons honorer, du reste, tous nos grands hommes.
La journée du souvenir ayant la particularité d’être célébrée tous les ans, le Parti socialiste lui a donné un format encadré par deux règles générales : d’une part diversifier les modalités de la manifestation (communion culturelle, colloques, exposition, dépôt de gerbes de fleurs au cimetière de Bel Air, etc…) et d’autre part revisiter un aspect particulier de la pensée ou de l’action de l’illustre disparu.
Cette année, l’actualité internationale nous offre l’opportunité de redécouvrir un des thèmes récurrents du combat de Léopold Sédar SENGHOR et de revenir, en tant que socialistes, sur des interrogations majeures qui ont défié notre identité et croisé notre action politique. Ce thème, c’est le nouvel ordre économique mondial, pour lequel Léopold Sédar SENGHOR a mené un combat tant au niveau de l’élaboration théorique de sa conception du socialisme que sur le plan politique et diplomatique.
Aussi, la journée du souvenir 2008 qui lui est dédiée est placée sous la thématique générale suivante : Socialisme, humanisme et nouvel ordre économique mondial.
Les réflexions et échanges sur l’œuvre écrite de Léopold Sédar SENGHOR au cours des manifestations internationales évoquées plus haut, consacrent sa dimension de grand visionnaire au moins sur une question : la mondialisation, l’autre nom de qu’il désigne sous l’expression « civilisation de l’universel » qui suppose la reconnaissance des différences, promeut le dialogue des cultures, organise le vivre- ensemble sur la base du pluralisme et de la démocratie et fait de l’homme l’alpha et l’oméga de tout projet social. C’est dire que pour SENGHOR, l’universel et l’humain c’est tout un. Dire l’universel, c’est dire l’homme et tous les hommes, dans ce qu’ils ont d’essentiellement commun et dans ce que chacun par une certaine identité peut apporter aux autres, à l’autre.
Après ce rappel, l’intérêt de la thématique « Socialisme, humanisme et nouvel ordre économique mondial », comme contribution de Léopold Sédar SENGHOR à la clarification des rapports entre Nations, est lié à un autre facteur tout aussi essentiel. Il s’agit de la lutte contre toutes les formes d’aliénation. SENGHOR a toujours soutenu que le mouvement de la Négritude, lancé par Aimé CESAIRE, Léon Gontran DAMAS et lui-même, a pour socle commun avec le socialisme le fait que l’un et l’autre ont pour fondement la prise de conscience des différentes formes d’aliénation de l’homme et la volonté de libérer celui-ci de toutes les formes d’oppression qui portent atteinte à sa dignité et à son existence.
Il n’est pas surprenant dès lors qu’il ait consacré à la critique du capitalisme, moteur et vecteur d’un ordre économique inégal plus soucieux d’accumulation que de promotion de l’homme, des analyses dont l’actualité est tout à fait frappante à la lumière de la crise financière internationale qui vient de secouer les bases de ce système idéologique et économique.
SENGHOR mettait en garde les responsables et les grands décideurs du monde contre une méprise grave et suicidaire : croire que la paix et la stabilité sont possibles dans le monde sans le développement de toutes les Nations. Il a toujours soutenu qu’au sein des Nations, comme dans leurs relations, il est illusoire de vouloir bâtir une société durable si l’ordre économique mondial ne repose pas sur la justice sociale et la solidarité. Toutes choses que le système capitaliste entrevoit paradoxalement comme simples conséquences de la libre entreprise et de la concurrence, et non comme exigence fondamentale devant entrer en ligne de compte dans des politiques cohérentes, guidées par un minimum de volonté de régulation.
A l’occasion des Congrès et Conseils nationaux du Parti socialiste qu’il a dirigé, SENGHOR est revenu inlassablement sur cette question dont la formulation la plus emblématique est, du reste, passée à la postérité sous l’expression : « détérioration des termes de l’échange. »
Il a également choisi certaines tribunes internationales pour dénoncer cet échange inégal, l’endettement des pays pauvres et la menace qui plane sur l’humanité du fait de l’égoïsme des riches, de la recherche effrénée des valeurs matérielles et de profits au détriment du social et donc de l’humain.
C’est ainsi qu’à maintes reprises, il a invité l’Internationale Socialiste à prendre la tête du combat pour la recherche et l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial. Il a, avec insistance, défendu la thèse selon laquelle le nouvel ordre économique mondial suppose la justice et la solidarité, au congrès de l’Internationale Socialiste tenu à Genève en 1976, puis à Vancouver en 1978 et enfin à Madrid en 1980.
Tout le monde se souvient également de son allocution à la tribune des Nations Unies lorsque cette question fut inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de cette institution internationale. SENGHOR y défendait la réforme du système monétaire international afin de donner aux pays du tiers monde un rôle plus important dans ce domaine. Il préconisait également la multiplication des relations commerciales entre ces mêmes pays du tiers- monde, ainsi que des efforts plus soutenus d’intégration économique régionale.
Si du reste, acceptant sa proposition, l’Internationale Socialiste a décidé de créer un Comité Afrique en son sein, c’est pour à la fois donner à ce mouvement un caractère international plus marqué et permettre au continent africain de penser et de proposer le développement et la paix, à partir des réalités, contraintes et projets africains. Par là, il confirme à la fois son engagement pour la réalisation de l’universel et sa conviction qu’il faut une voie africaine du socialisme.
Les inquiétudes exprimées à propos de la crise actuelle quant à ses répercussions sur l’économie réelle et quant à la question de savoir si l’onde de choc épargnera ou n’épargnera pas le continent africain, révèlent la pertinence de la pensée de SENGHOR.
Que faut-il retenir de cette crise financière internationale ?
Que ses origines sont idéologiques, qu’elle est une crise systémique, une crise qui remet fondamentalement en question le capitalisme, c’est-à-dire le marché et le profit envisagés comme finalité humaine, une crise qui démontre que le marché ne saurait à lui seul, assurer ni un meilleur rendement économique, ni une meilleure justice sociale, surtout s’il est laissé à lui-même. Cette crise illustre la faillite du capitalisme financier. D’un capitalisme industriel fondé sur le travail, l’épargne et l’investissement, nous sommes passés à un capitalisme financier qui réhabilite le court terme, la consommation, la surconsommation par l’endettement, et la spéculation. Nous sommes ainsi passés à une financiarisation de l’économie, fondée sur le primat des spéculations marchandes virtuelles et des cavaleries financière stériles. Et comment dans ces conditions, le marché ne deviendrait-il pas le lieu où se rencontrent les appétits et où se confrontent les artifices. En définitive, le capitalisme a lui-même organisé les conditions de sa vulnérabilité et exposé l’humanité à l’une des crises les plus sérieuses de son histoire. Et c’est donc par le truchement des marchés financiers, que l’économie mondiale s’est retrouvée sur la pente vertigineuse d’une récession durable et d’aggravation des inégalités sociales.
Par ces temps de doute et de crainte pour les peuples quant à leur capacité à reprendre en main leur destin, il devient urgent de puiser, dans les valeurs du socialisme, de nouvelles balises pour hisser la politique à hauteur des espérances de l’homme. C’est le dessein du socialisme, c’est le destin des socialistes que nous sommes si nous voulons rester fidèles à l’héritage idéologique du père fondateur de notre Parti.
En effet, les leçons de la crise économique actuelle nous montrent à quel point la politique est essentielle à l’ordre des sociétés humaines. La politique totalise les fins de l’homme, en promouvant le bien commun par lequel elle se définit. La rencontre qui permet à l’homme de se réaliser, en se réconciliant avec les autres, est au cœur de l’action politique. Les hommes ne se réalisent qu’en s’ouvrant à la communauté, la communauté aux autres communautés. La politique illustre l’unité réelle de l’humanité. C’est la politique qui permet de lier les hommes aux hommes, les communautés aux communautés, les nations aux nations dans un élan d’unification de l’humanité et de réalisation de l’universel. Ordonner les multiples rapports qui traversent la société, et disposer les choses afin de leur assigner une finalité conforme au bien de l’humanité, telle doit rester la fonction de la politique, du politique.
Il s’agit donc, avant tout, pour les socialistes que nous sommes, de repenser la politique dans une perspective exclusivement humaniste, et d’adopter une démarche plus ouverte dans la refondation de l’action politique. Il s’agit, en revenant aux fondements de l’intervention de la puissance publique dans les activités économiques et en gardant à l’esprit qu’elle fut inspirée par la volonté de protéger l’ordre social contre les intérêts privés, d’aller vers un ordre mondial plus juste, plus solidaire et plus équitable.
Il ne s’agit point d’un retour au dirigisme étatique puisque que nous savons, par expérience, que ce système comporte des tares et des travers. Mais le monde a besoin de régulation et de transparence. Le monde a besoin que les systèmes financiers fassent l’objet de surveillance, que la conjoncture économique fasse l’objet d’un pilotage, que les biens publics mondiaux fassent l’objet d’une gestion publique globale. Le monde a également besoin que le système monétaire international soit réformé pour enfin faire droit à la revendication de Léopold Sédar SENGHOR à la tribune des Nations Unies.
La réalisation d’un ordre mondial plus juste, plus solidaire et plus équitable signifie pour nous, avant tout, la reconnaissance et la garantie du droit à l’existence et, en tirer comme conséquence qu’il ne saurait être mis sur un même pied que le commerce qui, parce qu’il poursuit le gain et le profit, ne saurait contrôler l’échange, social, par définition.
Le droit à l’existence doit être défendu par le pouvoir politique, seul représentant légitime du bien commun. Et à ce titre, il ne saurait être question d’abandonner l’existence humaine à l’autorégulation des intérêts privés. L’emprise du politique sur toute l’activité humaine est une nécessité pour ancrer la solidarité et la justice sociale, comprises comme la répartition équitable des biens matériels et spirituels. C’est dans cette mesure seulement que le monde arrivera à réconcilier politique et humanisme. Et en nous tenant à cette finalité, nous resterons toujours fidèles à l’enseignement de Léopold Sédar SENGHOR pour qui l’homme reste au début et à la fin de tout processus de développement.
En définitive, SENGHOR semble avoir eu raison sur notre époque puisqu’il a fallu l’onde de choc de la crise du marché immobilier américain pour démontrer la vulnérabilité du monde libéral et la fragilité de toutes ses prétendues valeurs. Peu de penseurs auront pressenti comme lui l’implacable déterminisme des valeurs humaines derrière le vernis des sociétés post modernes qui poursuivaient leur trajectoire d’accumulation de richesses et de biens matériels. En effet, alors que l’on nous prédisait la « fin de l’histoire », en faisant croire à l’humanité qu’il n’y a pas d’horizon au-delà du capitalisme, Léopold Sédar SENGHOR enseignait que l’histoire était un processus indéfini avec pour unique moteur les valeurs humaines.
20 décembre 2001 – 20 décembre 2008. Le Parti socialiste se souvient. Souvenir de cet homme centenaire dont la pensée conserve encore sa jeunesse immortelle. Souvenir de ce théoricien et homme d’action qui a travaillé toute sa vie, à la fois comme poète et comme homme d’Etat, pour l’avènement d’une société mondiale équilibrée et soucieuse de placer l’homme au cœur du développement et du progrès.
Le Parti socialiste reconnaissant reste sur cette ligne de combat pour la construction solidaire d’un monde de paix et de développement fait pour l’épanouissement de l’homme et de tous les hommes.
Ousmane Tanor DIENG
Secrétaire général du Parti socialiste
La journée du souvenir ayant la particularité d’être célébrée tous les ans, le Parti socialiste lui a donné un format encadré par deux règles générales : d’une part diversifier les modalités de la manifestation (communion culturelle, colloques, exposition, dépôt de gerbes de fleurs au cimetière de Bel Air, etc…) et d’autre part revisiter un aspect particulier de la pensée ou de l’action de l’illustre disparu.
Cette année, l’actualité internationale nous offre l’opportunité de redécouvrir un des thèmes récurrents du combat de Léopold Sédar SENGHOR et de revenir, en tant que socialistes, sur des interrogations majeures qui ont défié notre identité et croisé notre action politique. Ce thème, c’est le nouvel ordre économique mondial, pour lequel Léopold Sédar SENGHOR a mené un combat tant au niveau de l’élaboration théorique de sa conception du socialisme que sur le plan politique et diplomatique.
Aussi, la journée du souvenir 2008 qui lui est dédiée est placée sous la thématique générale suivante : Socialisme, humanisme et nouvel ordre économique mondial.
Les réflexions et échanges sur l’œuvre écrite de Léopold Sédar SENGHOR au cours des manifestations internationales évoquées plus haut, consacrent sa dimension de grand visionnaire au moins sur une question : la mondialisation, l’autre nom de qu’il désigne sous l’expression « civilisation de l’universel » qui suppose la reconnaissance des différences, promeut le dialogue des cultures, organise le vivre- ensemble sur la base du pluralisme et de la démocratie et fait de l’homme l’alpha et l’oméga de tout projet social. C’est dire que pour SENGHOR, l’universel et l’humain c’est tout un. Dire l’universel, c’est dire l’homme et tous les hommes, dans ce qu’ils ont d’essentiellement commun et dans ce que chacun par une certaine identité peut apporter aux autres, à l’autre.
Après ce rappel, l’intérêt de la thématique « Socialisme, humanisme et nouvel ordre économique mondial », comme contribution de Léopold Sédar SENGHOR à la clarification des rapports entre Nations, est lié à un autre facteur tout aussi essentiel. Il s’agit de la lutte contre toutes les formes d’aliénation. SENGHOR a toujours soutenu que le mouvement de la Négritude, lancé par Aimé CESAIRE, Léon Gontran DAMAS et lui-même, a pour socle commun avec le socialisme le fait que l’un et l’autre ont pour fondement la prise de conscience des différentes formes d’aliénation de l’homme et la volonté de libérer celui-ci de toutes les formes d’oppression qui portent atteinte à sa dignité et à son existence.
Il n’est pas surprenant dès lors qu’il ait consacré à la critique du capitalisme, moteur et vecteur d’un ordre économique inégal plus soucieux d’accumulation que de promotion de l’homme, des analyses dont l’actualité est tout à fait frappante à la lumière de la crise financière internationale qui vient de secouer les bases de ce système idéologique et économique.
SENGHOR mettait en garde les responsables et les grands décideurs du monde contre une méprise grave et suicidaire : croire que la paix et la stabilité sont possibles dans le monde sans le développement de toutes les Nations. Il a toujours soutenu qu’au sein des Nations, comme dans leurs relations, il est illusoire de vouloir bâtir une société durable si l’ordre économique mondial ne repose pas sur la justice sociale et la solidarité. Toutes choses que le système capitaliste entrevoit paradoxalement comme simples conséquences de la libre entreprise et de la concurrence, et non comme exigence fondamentale devant entrer en ligne de compte dans des politiques cohérentes, guidées par un minimum de volonté de régulation.
A l’occasion des Congrès et Conseils nationaux du Parti socialiste qu’il a dirigé, SENGHOR est revenu inlassablement sur cette question dont la formulation la plus emblématique est, du reste, passée à la postérité sous l’expression : « détérioration des termes de l’échange. »
Il a également choisi certaines tribunes internationales pour dénoncer cet échange inégal, l’endettement des pays pauvres et la menace qui plane sur l’humanité du fait de l’égoïsme des riches, de la recherche effrénée des valeurs matérielles et de profits au détriment du social et donc de l’humain.
C’est ainsi qu’à maintes reprises, il a invité l’Internationale Socialiste à prendre la tête du combat pour la recherche et l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial. Il a, avec insistance, défendu la thèse selon laquelle le nouvel ordre économique mondial suppose la justice et la solidarité, au congrès de l’Internationale Socialiste tenu à Genève en 1976, puis à Vancouver en 1978 et enfin à Madrid en 1980.
Tout le monde se souvient également de son allocution à la tribune des Nations Unies lorsque cette question fut inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de cette institution internationale. SENGHOR y défendait la réforme du système monétaire international afin de donner aux pays du tiers monde un rôle plus important dans ce domaine. Il préconisait également la multiplication des relations commerciales entre ces mêmes pays du tiers- monde, ainsi que des efforts plus soutenus d’intégration économique régionale.
Si du reste, acceptant sa proposition, l’Internationale Socialiste a décidé de créer un Comité Afrique en son sein, c’est pour à la fois donner à ce mouvement un caractère international plus marqué et permettre au continent africain de penser et de proposer le développement et la paix, à partir des réalités, contraintes et projets africains. Par là, il confirme à la fois son engagement pour la réalisation de l’universel et sa conviction qu’il faut une voie africaine du socialisme.
Les inquiétudes exprimées à propos de la crise actuelle quant à ses répercussions sur l’économie réelle et quant à la question de savoir si l’onde de choc épargnera ou n’épargnera pas le continent africain, révèlent la pertinence de la pensée de SENGHOR.
Que faut-il retenir de cette crise financière internationale ?
Que ses origines sont idéologiques, qu’elle est une crise systémique, une crise qui remet fondamentalement en question le capitalisme, c’est-à-dire le marché et le profit envisagés comme finalité humaine, une crise qui démontre que le marché ne saurait à lui seul, assurer ni un meilleur rendement économique, ni une meilleure justice sociale, surtout s’il est laissé à lui-même. Cette crise illustre la faillite du capitalisme financier. D’un capitalisme industriel fondé sur le travail, l’épargne et l’investissement, nous sommes passés à un capitalisme financier qui réhabilite le court terme, la consommation, la surconsommation par l’endettement, et la spéculation. Nous sommes ainsi passés à une financiarisation de l’économie, fondée sur le primat des spéculations marchandes virtuelles et des cavaleries financière stériles. Et comment dans ces conditions, le marché ne deviendrait-il pas le lieu où se rencontrent les appétits et où se confrontent les artifices. En définitive, le capitalisme a lui-même organisé les conditions de sa vulnérabilité et exposé l’humanité à l’une des crises les plus sérieuses de son histoire. Et c’est donc par le truchement des marchés financiers, que l’économie mondiale s’est retrouvée sur la pente vertigineuse d’une récession durable et d’aggravation des inégalités sociales.
Par ces temps de doute et de crainte pour les peuples quant à leur capacité à reprendre en main leur destin, il devient urgent de puiser, dans les valeurs du socialisme, de nouvelles balises pour hisser la politique à hauteur des espérances de l’homme. C’est le dessein du socialisme, c’est le destin des socialistes que nous sommes si nous voulons rester fidèles à l’héritage idéologique du père fondateur de notre Parti.
En effet, les leçons de la crise économique actuelle nous montrent à quel point la politique est essentielle à l’ordre des sociétés humaines. La politique totalise les fins de l’homme, en promouvant le bien commun par lequel elle se définit. La rencontre qui permet à l’homme de se réaliser, en se réconciliant avec les autres, est au cœur de l’action politique. Les hommes ne se réalisent qu’en s’ouvrant à la communauté, la communauté aux autres communautés. La politique illustre l’unité réelle de l’humanité. C’est la politique qui permet de lier les hommes aux hommes, les communautés aux communautés, les nations aux nations dans un élan d’unification de l’humanité et de réalisation de l’universel. Ordonner les multiples rapports qui traversent la société, et disposer les choses afin de leur assigner une finalité conforme au bien de l’humanité, telle doit rester la fonction de la politique, du politique.
Il s’agit donc, avant tout, pour les socialistes que nous sommes, de repenser la politique dans une perspective exclusivement humaniste, et d’adopter une démarche plus ouverte dans la refondation de l’action politique. Il s’agit, en revenant aux fondements de l’intervention de la puissance publique dans les activités économiques et en gardant à l’esprit qu’elle fut inspirée par la volonté de protéger l’ordre social contre les intérêts privés, d’aller vers un ordre mondial plus juste, plus solidaire et plus équitable.
Il ne s’agit point d’un retour au dirigisme étatique puisque que nous savons, par expérience, que ce système comporte des tares et des travers. Mais le monde a besoin de régulation et de transparence. Le monde a besoin que les systèmes financiers fassent l’objet de surveillance, que la conjoncture économique fasse l’objet d’un pilotage, que les biens publics mondiaux fassent l’objet d’une gestion publique globale. Le monde a également besoin que le système monétaire international soit réformé pour enfin faire droit à la revendication de Léopold Sédar SENGHOR à la tribune des Nations Unies.
La réalisation d’un ordre mondial plus juste, plus solidaire et plus équitable signifie pour nous, avant tout, la reconnaissance et la garantie du droit à l’existence et, en tirer comme conséquence qu’il ne saurait être mis sur un même pied que le commerce qui, parce qu’il poursuit le gain et le profit, ne saurait contrôler l’échange, social, par définition.
Le droit à l’existence doit être défendu par le pouvoir politique, seul représentant légitime du bien commun. Et à ce titre, il ne saurait être question d’abandonner l’existence humaine à l’autorégulation des intérêts privés. L’emprise du politique sur toute l’activité humaine est une nécessité pour ancrer la solidarité et la justice sociale, comprises comme la répartition équitable des biens matériels et spirituels. C’est dans cette mesure seulement que le monde arrivera à réconcilier politique et humanisme. Et en nous tenant à cette finalité, nous resterons toujours fidèles à l’enseignement de Léopold Sédar SENGHOR pour qui l’homme reste au début et à la fin de tout processus de développement.
En définitive, SENGHOR semble avoir eu raison sur notre époque puisqu’il a fallu l’onde de choc de la crise du marché immobilier américain pour démontrer la vulnérabilité du monde libéral et la fragilité de toutes ses prétendues valeurs. Peu de penseurs auront pressenti comme lui l’implacable déterminisme des valeurs humaines derrière le vernis des sociétés post modernes qui poursuivaient leur trajectoire d’accumulation de richesses et de biens matériels. En effet, alors que l’on nous prédisait la « fin de l’histoire », en faisant croire à l’humanité qu’il n’y a pas d’horizon au-delà du capitalisme, Léopold Sédar SENGHOR enseignait que l’histoire était un processus indéfini avec pour unique moteur les valeurs humaines.
20 décembre 2001 – 20 décembre 2008. Le Parti socialiste se souvient. Souvenir de cet homme centenaire dont la pensée conserve encore sa jeunesse immortelle. Souvenir de ce théoricien et homme d’action qui a travaillé toute sa vie, à la fois comme poète et comme homme d’Etat, pour l’avènement d’une société mondiale équilibrée et soucieuse de placer l’homme au cœur du développement et du progrès.
Le Parti socialiste reconnaissant reste sur cette ligne de combat pour la construction solidaire d’un monde de paix et de développement fait pour l’épanouissement de l’homme et de tous les hommes.
Ousmane Tanor DIENG
Secrétaire général du Parti socialiste