Les Ivoiriens sont appelés, ce dimanche, à élire leur chef de l'État lors d'un scrutin historique qui, après six reports, pourrait mettre fin à huit années de crise... Si les différents camps en acceptent toutefois le résultat.
Le jour J est arrivé. Après plus de huit années de crise politico-militaire déclenchée par une tentative de putsch contre le président Laurent Gbagbo, quelque 5,7 millions d’Ivoiriens sont appelés aux urnes ce dimanche pour élire leur chef de l’État.
Quatorze prétendants à la magistrature suprême sont engagés dans la course, mais seuls trois concurrents font figure de favoris. En quête d’une légitimité par les urnes depuis la fin théorique de son mandat présidentiel en 2005, le président sortant et candidat du Front populaire ivoirien (FPI), Laurent Gbagbo est, fait inédit, opposé à ses deux éternels rivaux : l’ex-Premier ministre Alassane Ouattara, du Rassemblement des républicains (RDR), et l’ancien président déposé par un coup d’État en décembre 1999, Henri Konan Bédié, du Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI).
Un scrutin porteur d'espoir et de changements pour les Ivoiriens
Dès 7 heures du matin, les 20 000 bureaux de vote ont accueilli les premiers électeurs impatients de participer au premier tour d'un scrutin qui, après avoir été reporté à six reprises, oppose, pour la première fois depuis l’indépendance du pays en 1960, les principaux acteurs de la scène politique ivoirienne.
De mémoire d’électeur ivoirien, jamais un scrutin présidentiel n’avait attiré autant de monde. "Pour la première fois, tout le monde a eu envie de se lever tôt, observe Guitta, un commerçant de 31 ans. Les gens sont fatigués et veulent un président qui puisse enfin travailler. On ne peut pas bâtir le pays sur des palabres et sur la guerre. Ce dimanche doit être un jour de joie et de paix et non de stress." Même espoir pour Bambanaoua, cette coiffeuse de 34 ans fait la queue depuis 4 heures du matin devant le portail de l’école Abri 2000, dans le quartier de Koumassi où elle doit glisser son bulletin de vote. "Je suis venue avec toute ma famille. Mes parents, mes oncles, mes tantes, mes cousins… Tout le monde est là. Aujourd’hui, on ne travaille pas, on vote. C’est jour de fête".
Sous haute sécurité
Depuis le lancement de la campagne le 6 octobre, des membres du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos) sillonnent la ville afin de prévenir d’éventuels accrochages entre les camps rivaux. Un millier de gendarmes, policiers et militaires sont également postés aux points stratégiques de la métropole et sur ses grands axes routiers.
Quelque 12 000 soldats de l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) assistés des troupes françaises de l’opération Licorne sont également à pied d’œuvre. Depuis vendredi, la mission onusienne de maintien de la paix a renforcé les effectifs de ses troupes à Abidjan, qui concentre à elle seule près d’un tiers de l’électorat ivoirien. Dans le nord, bastion de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) à l’origine du coup d’État avorté en 2002, et dans l’Ouest, ancien fief des milices pro-gouvernementales, des centaines de casques bleus supplémentaires sont mobilisés.
Interrogations sur le scrutin
Peu avant le coup d’envoi du scrutin, de nombreuses interrogations planaient toujours sur le bon déroulement du processus électoral. Samedi encore, 20 % des votants inscrits ne disposaient pas encore de leurs cartes d’identité et d’électeur. Un retard que le gouvernement espérait combler en étendant l’ouverture des bureaux de l’Office nationale de l’identification jusqu’à ce dimanche matin.
Autres motifs d’inquiétude : le décompte manuel et électronique des voix ainsi que l’acheminement des procès-verbaux entre les 20 000 bureaux de vote et les 415 commissions électorales locales. Une tâche confiée aux milliers de soldats du Centre de commandement intégré, qui comptent des anciens rebelles nordistes dans ses rangs.
En dépit des dernières enquêtes d’opinion donnant Laurent Gbagbo en tête du premier tour, les observateurs peinent à émettre le moindre pronostic. La Commission électorale indépendante (CEI) doit annoncer les résultats provisoires trois jours après le vote. Mais les premières estimations devraient être faites ce dimanche soir. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue à l’issue du premier tour, les électeurs seront de nouveau appelés aux urnes à la fin novembre pour un second round.
Papa Mamadou Diéry Diallo pressafrik.com