Celles-ci sont parfois surréalistes. C’est à croire que les deux hommes trouvent un malin plaisir à jouer avec les citoyens et à travailler à rendre banales les institutions républicaines. Nous sommes à quelques semaines de l’élection présidentielle de 2007. A la surprise générale, le chef de l’Etat et son ancien Premier ministre organisent des rencontres au Palais de la République à l’heure du midi. C’est sous la médiation d’un chef religieux que tout cela est intervenu. La presse fait de ces rencontres ses choux gras pendant des semaines. Le Président et son ancien Premier ministre se réunissent pour déterminer ensemble les conditions d’un retour du Premier ministre déchu au Pds. Dans cette perspective et dans un souci de sauver l’image du revenant, un renvoi de la date de l’élection présidentielle prévue pour le 25 février est envisagé. En réalité, le renvoi préconisé avait été décidé par les deux hommes qui cherchaient ainsi des moyens légaux acceptables pour le faire entériner. C’est ainsi qu’au cours de leur deuxième rencontre, il a été définitivement retenu que la Constitution devait être modifiée dans son article 14, dans lequel, devait être précisé ce qui suit : « En cas de désistement ou d’empêchement définitif d’un candidat, l’élection présidentielle est renvoyée. Une nouvelle date est fixée. »
Le projet de modification a été présenté et adopté en Conseil des ministres. Les deux hommes se rencontrent pour une troisième et dernière audience au cours de laquelle les derniers réglages sur le désistement du candidat Idrissa Seck sont arrêtés. Avant que la réunion ne se termine, le président convoque son Directeur de cabinet, Souleymane Ndéné Ndiaye, son Directeur de campagne, Macky Sall, le président de l’Assemblée nationale, Pape Diop et le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom. Les quatre personnes se retrouvent dans la salle d’attente du bureau du Président attendant l’issue de la réunion. Les quatre responsables s’énervent passablement face à la longue attente de la fin de la réunion. Ils engagent une discussion entre eux et s’offusquent du fait que le Président Abdoulaye Wade fasse attendre le président de l’Assemblée nationale alors qu’il discute avec un simple citoyen. C’est le Premier ministre Macky Sall qui prend la parole et qui dit aux trois autres : « Je ne sais pas ce qu’il est en train de concocter avec Idy mais je trouve inacceptable qu’il nous parque dans cette salle pour la fin d’une réunion qui ne nous apportera rien en terme politique. » Les trois autres responsables abondent dans le même sens et adoptent une position commune par rapport à l’éventuel retour de Idy et sur les conditions qui devraient permettre un tel retour. La réunion prend fin, l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck sort par une porte dérobée. Le président Abdoulaye Wade rejoint ses hôtes à bout de patience.
Dès qu’il s’installe dans son fauteuil, il annonce la couleur : « je viens de terminer ma rencontre avec Idrissa Seck, il va renoncer à sa candidature et l’élection sera reportée. Nous allons faire adopter très rapidement le projet de modification de la Constitution qui permettra le report de l’élection avec le désistement de Idrissa Seck. Il va rejoindre le Parti démocratique. Je vous demande de dire ce que vous en pensez. » C’est Macky Sall qui ouvre le bal : « Monsieur le Président, je pense que l’ambition de regrouper toute la famille libérale est noble et louable. Mais, je pense que cette manière de la faire peut heurter l’opinion et cela peut nous porter préjudice. Je pense que Idy ne nous apportera rien, on peut gagner sans lui. Et on peut bien gagner sans lui. Dans ces conditions, je pense qu’il n’est pas bon de continuer avec ce schéma. »
C’est Pape Diop qui prend la parole pour faire observer qu’il est d’accord avec le point de vue de Macky Sall et qu’il n’est pas indiqué de faire reporter l’élection pour simplement organiser le retour de Idrissa Seck dans le parti. Souleymane Ndéné Ndiaye est du même avis. Le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom relève : « nous avons, avec beaucoup de difficultés, réussi à reporter les élections législatives. Si jamais, nous décidons de faire de même avec l’élection présidentielle, nous risquons d’avoir des oppositions très fortes au-delà même de nos frontières. Je ne sais pas ce que penseront les bailleurs de fonds et autres partenaires. Mais j’imagine qu’ils ne seront pas d’accord. Je pense qu’il faut abandonner cette idée. » La cause est entendue. On le constate, la candidature de Idrissa Seck en 2007 n’est qu’une candidature bidon, ayant pour seul objectif de tenter de maintenir la crédibilité du revenant auprès d’une opinion totalement choquée par son revirement spectaculaire.
Abdoulaye Wade et Idrissa Seck semblent être les symboles marquants, durant toute cette dernière décennie, dans la faction des acteurs responsables de la mise en abîme organisée de la République et de ses institutions. A chaque fois que les intérêts politiques des deux hommes le commandent, ils n’hésitent pas à s’organiser pour mettre cette République au service de leurs lubies personnelles. Ils n’ont que faire de l’éthique et de la morale. Ces valeurs, pensent certains politiciens comme eux, ne sont pas nécessairement des principes majeurs en politique. On peut toutefois leur rétorquer que les affaires publiques ne sauraient être conduites dans l’intérêt des citoyens que lorsque les hommes en charge de l’Etat sont imbus de ces valeurs. Le cirque de nouveau installé entre les deux hommes procède de cette conception que le chef de l’Etat et son ancien Premier ministre font du combat politique.
Le Sénégal, aujourd’hui, est victime de ces deux hommes et de leurs pratiques. Il est d’autant plus victime que l’opposition qui aurait dû servir de tampon entre les deux et se présenter en vrai challenger du pouvoir, est réduite en simple spectatrice, observant impuissante, les joutes et querelles savamment entretenues entre Idy et Wade. On a d’ailleurs l’impression que les vrais coups politiques décisifs portés contre Wade viennent toujours de son ancien Premier ministre. Rarement ou presque jamais de son opposition. Le face-à-face entre Idrissa Seck et Abdoulaye Wade n’augure pas des lendemains qui chantent pour la démocratie. Dans la mesure où une victoire éventuelle de l’un ou de l’autre ne constituera pas une garantie certaine à l’avènement d’une politique, autre que celle d’une mise en abîme confirmée de la République que dénoncent fortement les démocrates de ce pays. Cette bipolarité imposée qui traduit une vacuité inquiétante du débat politique national est dangereuse. L’opposition et tous les démocrates désireux de créer les conditions d’une ère nouvelle et d’un nouveau départ pour le Sénégal doivent en prendre conscience.
Abdou Latif COULIBALY lagazette
Le projet de modification a été présenté et adopté en Conseil des ministres. Les deux hommes se rencontrent pour une troisième et dernière audience au cours de laquelle les derniers réglages sur le désistement du candidat Idrissa Seck sont arrêtés. Avant que la réunion ne se termine, le président convoque son Directeur de cabinet, Souleymane Ndéné Ndiaye, son Directeur de campagne, Macky Sall, le président de l’Assemblée nationale, Pape Diop et le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom. Les quatre personnes se retrouvent dans la salle d’attente du bureau du Président attendant l’issue de la réunion. Les quatre responsables s’énervent passablement face à la longue attente de la fin de la réunion. Ils engagent une discussion entre eux et s’offusquent du fait que le Président Abdoulaye Wade fasse attendre le président de l’Assemblée nationale alors qu’il discute avec un simple citoyen. C’est le Premier ministre Macky Sall qui prend la parole et qui dit aux trois autres : « Je ne sais pas ce qu’il est en train de concocter avec Idy mais je trouve inacceptable qu’il nous parque dans cette salle pour la fin d’une réunion qui ne nous apportera rien en terme politique. » Les trois autres responsables abondent dans le même sens et adoptent une position commune par rapport à l’éventuel retour de Idy et sur les conditions qui devraient permettre un tel retour. La réunion prend fin, l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck sort par une porte dérobée. Le président Abdoulaye Wade rejoint ses hôtes à bout de patience.
Dès qu’il s’installe dans son fauteuil, il annonce la couleur : « je viens de terminer ma rencontre avec Idrissa Seck, il va renoncer à sa candidature et l’élection sera reportée. Nous allons faire adopter très rapidement le projet de modification de la Constitution qui permettra le report de l’élection avec le désistement de Idrissa Seck. Il va rejoindre le Parti démocratique. Je vous demande de dire ce que vous en pensez. » C’est Macky Sall qui ouvre le bal : « Monsieur le Président, je pense que l’ambition de regrouper toute la famille libérale est noble et louable. Mais, je pense que cette manière de la faire peut heurter l’opinion et cela peut nous porter préjudice. Je pense que Idy ne nous apportera rien, on peut gagner sans lui. Et on peut bien gagner sans lui. Dans ces conditions, je pense qu’il n’est pas bon de continuer avec ce schéma. »
C’est Pape Diop qui prend la parole pour faire observer qu’il est d’accord avec le point de vue de Macky Sall et qu’il n’est pas indiqué de faire reporter l’élection pour simplement organiser le retour de Idrissa Seck dans le parti. Souleymane Ndéné Ndiaye est du même avis. Le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom relève : « nous avons, avec beaucoup de difficultés, réussi à reporter les élections législatives. Si jamais, nous décidons de faire de même avec l’élection présidentielle, nous risquons d’avoir des oppositions très fortes au-delà même de nos frontières. Je ne sais pas ce que penseront les bailleurs de fonds et autres partenaires. Mais j’imagine qu’ils ne seront pas d’accord. Je pense qu’il faut abandonner cette idée. » La cause est entendue. On le constate, la candidature de Idrissa Seck en 2007 n’est qu’une candidature bidon, ayant pour seul objectif de tenter de maintenir la crédibilité du revenant auprès d’une opinion totalement choquée par son revirement spectaculaire.
Abdoulaye Wade et Idrissa Seck semblent être les symboles marquants, durant toute cette dernière décennie, dans la faction des acteurs responsables de la mise en abîme organisée de la République et de ses institutions. A chaque fois que les intérêts politiques des deux hommes le commandent, ils n’hésitent pas à s’organiser pour mettre cette République au service de leurs lubies personnelles. Ils n’ont que faire de l’éthique et de la morale. Ces valeurs, pensent certains politiciens comme eux, ne sont pas nécessairement des principes majeurs en politique. On peut toutefois leur rétorquer que les affaires publiques ne sauraient être conduites dans l’intérêt des citoyens que lorsque les hommes en charge de l’Etat sont imbus de ces valeurs. Le cirque de nouveau installé entre les deux hommes procède de cette conception que le chef de l’Etat et son ancien Premier ministre font du combat politique.
Le Sénégal, aujourd’hui, est victime de ces deux hommes et de leurs pratiques. Il est d’autant plus victime que l’opposition qui aurait dû servir de tampon entre les deux et se présenter en vrai challenger du pouvoir, est réduite en simple spectatrice, observant impuissante, les joutes et querelles savamment entretenues entre Idy et Wade. On a d’ailleurs l’impression que les vrais coups politiques décisifs portés contre Wade viennent toujours de son ancien Premier ministre. Rarement ou presque jamais de son opposition. Le face-à-face entre Idrissa Seck et Abdoulaye Wade n’augure pas des lendemains qui chantent pour la démocratie. Dans la mesure où une victoire éventuelle de l’un ou de l’autre ne constituera pas une garantie certaine à l’avènement d’une politique, autre que celle d’une mise en abîme confirmée de la République que dénoncent fortement les démocrates de ce pays. Cette bipolarité imposée qui traduit une vacuité inquiétante du débat politique national est dangereuse. L’opposition et tous les démocrates désireux de créer les conditions d’une ère nouvelle et d’un nouveau départ pour le Sénégal doivent en prendre conscience.
Abdou Latif COULIBALY lagazette