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Ali Ngouille Ndiaye face à un héritage miné: "Depuis 5 ans, l’Etat paye à Kumba resources 7,5 milliards par an sans accéder au minerai"

Ali Ngouille Ndiaye, ministre de l’Energie et des Mines, dirige un secteur très stratégique. Mais il est aussi confronté à plusieurs problèmes conjoncturels et structurels. Dans la première partie de cet entretien, il parle de la situation de la Senelec, des hydrocarbures et des contrats miniers qui spolient ce pays.


Rédigé par leral.net le Lundi 13 Août 2012 à 11:40 | | 0 commentaire(s)|

Ali Ngouille Ndiaye face à un héritage miné: "Depuis 5 ans, l’Etat paye à Kumba resources 7,5 milliards par an sans accéder au minerai"
Aujourd’hui, on constate que les délestages ont repris. Qu’est-ce qui peut expliquer cette situation ?

Depuis le mois de juillet, nous enregistrons des coupures d’électricité. Du point de vue du distributeur, l’explication est différente de celle que peut percevoir facilement le client. Actuellement, nous avons suffisamment de production. La de­man­de est trop forte. Et par endroits le réseau ne peut pas supporter la demande. Donc, nous avons régulièrement des défauts sur le circuit. Quand il y a des défauts, malheureusement, il n’y a pas de continuité du service. La Senelec est obligée de procéder à des recherches, de les corriger et de reprendre la production de l’électricité. Il se trouve que le réseau de Dakar est vieux de près de quarante ans. Il faut voir que le ré­seau qui était dimensionné à l’époque ne peut être plus le même présentement. Quand on dimensionne un réseau, on calcule en fonction des projections des besoins en électricité des populations. Le réseau de Da­kar pèse 6 kilowatts sur lesquels la Senelec est en train de faire des chan­gements pour les porter à 30 kilowatts. On va multiplier la puissance du réseau par cinq.
Il y a un financement des Chi­nois pour refaire la boucle de Dakar depuis quatre ans. De­puis lors, il n’y a pas eu de suite.
Malheureusement, c’est un projet qui est en retard. En réalité, il ne réglerait pas le problème à 100%, mais il devrait beaucoup l’atténuer. Il y a un groupe de 90 kilowatts qui a aussi connu beaucoup de retard. Quand ce groupe sera fini, il y aura une bonne amélioration de la situation. Il y a cependant une bonne partie du réseau de Dakar qui doit faire l’objet de changement. Pour une partie, on a obtenu le financement de la Banque mondiale qui en partie concerne ce réseau. Nous avons envisagé même pour le budget de l’année prochaine, une partie de ces investissements. Au moment où je parle certainement dans certains endroits de Dakar, ils n’ont pas d’électricité. Alors que nous avons aujourd’hui une marge (Ndlr, l’entretien a eu lieu le 9) qui fait presque 30 mégawatts dans la production. Ils ne l’auront pas. Parce qu’il n’y aura pas de voie non ininterrompue que l’électricité doit prendre pour arriver jusqu’aux domiciles.

Pourtant il y a quelques jours, le directeur du Transport de l’énergie soutenait que la Senelec a un gap de 30 mégawatts ?

Ce jour-là, on avait une panne sur une de nos machines. Aujourd’hui, j’ai la situation quotidienne où on me dit chaque jour quelle machine marche. Je vous donne déjà la situation exploitation au 9 août : on me dit puissance disponible 421 mégawatts, avec toutes les machines qui fonctionnent et celles qui sont à l’arrêt pour une raison ou une autre, celles qui sont en location. Ce matin avec une prévision de 404 mégawatts, nous avons une marge de 17 mégawatts avec des indisponibilités dues à certaines machines indisponibles. Cet après-midi, nous prévoyons une marge de 22 mégawatts. Hier par exemple, dans la matinée, on avait un mégawatt de déficit. Dans l’après-midi, on avait une trentaine de mégawatts de déficit.

On peut dire que la situation est erratique… On ne peut prévoir les périodes de production, de panne ?

Pour la production, on peut la prévoir. On ne peut prévoir que les périodes de maintenance. Une ma­chine tourne tant d’heures, il faut l’arrêter et la maintenir. On ne peut pas prévoir une panne. Mais, on a une bonne prévision sur la production. Au moment où je parle, nous avons au niveau de Kounoune 67 mégawatts. On pense que d’ici la fin du mois d’août, on aura 50 mégawatts. Parce qu’il y a des machines qui étaient en révision. Au mois de septembre, on aura 60 mégawatts. On a une idée des prévisions. On a une idée de la date d’arrivée des extensions qui étaient programmées dans le cadre du plan Takkal.
Aujourd’hui, il y a les extensions de Kahone, nous espérons avoir normalement celles de Bel Air d’ici la fin de l’année. Nous avions égale­ment beaucoup de choses qui étaient programmées dans le cadre du plan Takkal et qui n’ont même pas démarré. De manière générale, on a une bonne idée de notre niveau de production. Il faut prévoir carrément, il peut y avoir délestage pour défaut de production ou pas. Nous avons une bonne idée sur la production.

Vous avez parlé du plan Takkal qui a soulevé et qui continue de soulever du bruit autour de son mode de fonctionnement, de son mode de financement. Ce plan peut-il continuer à fonctionner ?

Le plan ne fonctionne plus, il est fini. C’était un plan d’urgence qui doit donc avoir une fin. Peut-on considérer deux ans après qu’on soit toujours dans l’urgence ? Pour régler le problème, on avait identifié qu’il y avait des couacs dans la production, et la distribution. Il y avait des problèmes dans le transport. Dans la production, ils ont effectivement réglé momentanément le problème en allant louer 150 mégawatts. Mais, cette location coûte excessivement cher à la Senelec et à l’Etat du Sénégal.

Ça coûte combien à l’Etat du Sénégal ?

Ça coûte six milliards par mois pour 250 mégawatts. En dehors de cette location, il y avait d’autres capacités qui devaient faire l’objet de réhabilitation ou d’extension. Mieux, l’essentiel des machines qui devaient être dans le parc de production de la Senelec ne sont pas toujours disponibles. Par exemple, nous avons envisagé d’acheter une barge. Alors qu’on l’utilise dans les pays de guerre, ou dans des situations de catas­trophe. On les obtient aussi par location. Aujourd’hui, cette barge, qui était programmée devant l’urgence, n’a pas encore fait l’objet d’adjudication. C’est un ensemble de problèmes sur lesquels nous devons nous prononcer surtout en cas d’autres retards. Dans l’essentiel des programmes déclinés, ils n’ont pas obtenu de financement. Nous produisons, nous ne pouvons pas distribuer. Ce qui a été fait dans la distribution se trouve dans le budget de l’année dernière. Nous venons d’avoir le financement de la Banque mondiale, elle attendait de savoir l’issue des élections pour se prononcer. Dans le plan Takkal, il y avait aussi les projets de charbon. Au moment où je vous parle, aucun projet n’a démarré.

Comme la fameuse centrale à charbon de Bargny ?

En fait, il y en a deux. On a prévu une centrale qui a fait l’objet d’un appel d’offres. Il y a deux centrales qui n’ont pas fait l’objet d’appel. Pour la première centrale qui n’a pas fait l’objet d’appel d’offres, après l’obtention du financement de la Com-pagnie d’électricité du Sénégal (Ces), un accord a été signé par les autorités d’alors. Cet accord obligeait l’entreprise à céder des parts d’actions. Cette entreprise l’a refusé. Il y a jusqu’à présent un blocage. Nous leur avons dit que cela ne peut pas nous lier. Nous avons respecté les termes du contrat.
Parlez-vous de Nykomb ? Qu’en est-il de Tepco ?
Tepco, qui avait été choisi (entreprise coréenne), a une proposition de prix que nous avons considéré cher quand nous sommes arrivés au pouvoir. Et nous les avons saisis pour dire que nous ne pouvons pas continuer ce projet à ces conditions de prix de 10 kilowatts/heure. On continue les négociations, nous leur avons aussi dit que le projet est très important pour le Sénégal. Mais, nous ne pouvons pas le faire dans les conditions de prix actuelles.

Le cas de Nykomb est-il réglé ?

Pour Nykomb, le problème est réglé. Comme la contrainte est levée, nous pensons que d’ici le début de l’année, ils devront démarrer sur la base du planning qu’ils nous ont donné.
Ce projet est issu de Takkal alors que vous dites que ce plan est arrêté. Maintenant ça pose le problème de financement de ce projet.
Ce sont des producteurs indépendants. Ce sont eux qui cherchent les financements. Si vous prenez les projets du charbon si on ne s’entend pas avec Tepco, c’est 250 mégawats qui sortent carrément du circuit. Et pourtant ce sont des projets qu’on annonçait alors qu’il y avait des problèmes derrière. Il fallait les résoudre parce que ce n’était pas des contraintes mineures. On ne peut pas nous engager à payer pendant 15 ans, 20 ans, l’électricité à un prix qui coûte déjà trop cher. Il n’y a rien qui le justifie… Ils peuvent te dire question de spécification, respect de l’environnement, etc. Du point de vue de la Senelec et du client qui achète l’électricité produite par les mêmes types de combustibles à la même place, rien ne peut justifier cet état de fait.

A propos de ce projet, on nous disait que l’accès au charbon est plus facile que l’accès au pétrole. Que ça allait nous coû­ter moins cher parce qu’on ne va pas aller le chercher loin.

Non ! On va le chercher loin, mais ça ne va pas nous coûter moins cher. Dans tout les cas, ça ne subit pas les mêmes inflations que le pétrole. Aujourd’hui le charbon est quand même une solution qui nous permettrait d’atténuer les prix par rapport à ce que cela nous coûte quand on prend les autres formes de production.
Par ailleurs, nous avons envisagé de mettre des projets dans le renouvelable au niveau des universités, des hôpitaux, l’éclairage public, des mairies qui doivent pratiquement 37 milliards à la Senelec. Nous nous sommes mis à travailler sur une production d’énergies renouvelables, notamment, le solaire. D’abord, nous travaillons pour mettre des centrales solaires autonomes, de capacité suffisante dans toutes les universités du Sénégal en commençant par Cheikh Anta Diop. Nous voulons faire quelque chose de similaire à Gorée parce que le câble qui alimente l’île est souvent secoué par la houle, et fait l’objet d’interruption de la fourniture d’électricité. Rem­placer ce câble coûte excessivement cher. Pour tous ces projets, nous avons des bailleurs qui viennent avec le financement. Nous allons juste négocier avec eux les achats d’énergie.

Aujourd’hui, il subsiste un problème global de l’énergie, c’est-à-dire la question de la Sar et du gaz. Aujourd’hui itoc se plaint d’être en concurrence sur un marché qu’il a déjà gagné…

Tout ce que j’ai dit sur le volet électricité est une situation qu’on a héritée. Aujourd’hui, l’essentiel de l’électricité est produit à base de l’énergie thermique. En dehors de Manantali, nous dépendons du pétrole. Nous faisons beaucoup de démarches pour avoir de l’électricité produite avec le gaz naturel. La Mauritanie a découvert d’importants gisements de gaz naturel qui dépassent de loin ses besoins. Le Sénégal devient un marché naturel, parce que, ce gaz ne peut être utilisé que pour des fins d’électricité. Et tout le monde sait que l’électricité produit à partir du gaz fait partie des électricités qui coûtent moins cher. Malheureusement, nous n’en avons pas suffisamment au Sénégal. Aujourd’hui, notre potentiel ne peut sortir que, maximum 35 mégawatts que d’ailleurs nous sommes en train de partager avec la Sococim. Parce que le gazoduc qui devait l’amener dans les installations de la Senelec sont vétustes et ne permettent plus son transport. Sur la base d’une entente, Sococim exploite le gaz pour ses propres besoins et vend une partie à la Senelec. Aujourd’hui nous avons à peu près 14 mégawatts qui nous viennent de la Sococim. En mars 2013, nous aurons, avec la fin des travaux du gazoduc, l’essentiel de notre gaz disponible pour la production de la Senelec.
Par ailleurs, nous avons au Sénégal un très grand potentiel solaire. Nous sommes en train de discuter avec beaucoup de promoteurs pour que le solaire soit également une réalité. Nous avons huit heures d’ensoleillement même si les investissements sont lourds. Nous avons aussi un bon potentiel éolien sur la côte Dakar-Saint-Louis. Des études ont été faites. Nous avons même du côté de la biomasse de très fortes potentialités.

Le Président avait parlé aussi de la réforme de la Senelec. Qu’en est-il ?

La réforme de la Senelec est un vieux projet qui n’a toujours pas abouti. Nous allons certainement la mener à terme, nous avons des orientations assez claires à ce niveau. Sur le plan financier, il faut qu’on puisse faire des arbitrages sur certains investissements et le traitement des dettes croisées entre l’Etat et la Senelec. Il faut d’abord l’assainir sur le plan financier et engager cette réforme qui devrait aboutir au moins à la création de deux structures. Une société de production d’électricité et une société qui s’occupe du transport et de la distribution.

Est-ce que ce seront toujours des sociétés nationales ou privées ?

Dans la production, il y aura une partie du national, donc la Senelec. Dans la production, la Senelec est un peu habituée à la concurrence. Au moment où je vous parle, c’est pratiquement la moitié de l’électricité produite qui l’est par la Senelec. L’autre sera produite par des privés. Nous n’avons pas encore arrêté le schéma pour savoir qui fera quoi. Nous avons simplement prévu ce changement institutionnel. On a démarré les contacts avec le ministère des Finances.

Il y a quelques années, la banque mondiale plaidait pour un partenaire stratégique étranger. Vous ne subissez pas de pressions de la part des bailleurs de fonds ?

Absolument pas ! Je crois que le privé local doit avoir sa place dans la production de l’électricité au Sénégal. Si des partenaires de l’extérieur investissent dans le secteur, c’est qu’il est rentable. Il suffit également qu’ils puissent avoir des financements pour pouvoir le faire.

On a annoncé une hausse du prix de l’électricité par rapport au niveau de revenu des différents ménages. Est-ce que le schéma a été finalement arrêté ?

Non. Quand, nous sommes arrivés, le Fmi nous a dit qu’il est important de revoir les prix. Nous avons rétorqué au Fmi que ceux qui avaient pris ces engagements ne sont plus au pouvoir. Nous n’avons pas accepté cette hausse. Nous ne pouvons pas non plus continuer à soutenir ces prix. J’ai reçu au mois d’avril, une note du Crse (Conseil de régulation du secteur de l’énergie). Selon la facturation de la Senelec par rapport à son revenu autorisé, elle a la possibilité de dire à l’Etat de payer le gap, ou d’augmenter les tarifs. Nous avons accepté de payer le gap. Tous les trois mois, la Senelec nous saisit pour nous indiquer le coût de l’électricité et aussi le gap à payer. Nous avons supporté tout ça. Nous avons aussi rendez-vous avec le Fmi en juillet. Nous nous sommes entendus sur un dépérissement de la subvention. Objec­tivement, on n’a pas dit au Fmi que nous allons augmenter les tarifs. Nous sommes d’accord que nous ne pouvons pas continuer à dépenser de l’argent que nous n’avons pas. La preuve : Quand nous sommes venus, on allait avoir un déficit de 8,5% si on avait laissé les choses telles quelles. Mais, nous avons accepté pour les huit derniers mois à serrer la ceinture pour que le déficit soit autour de 6,5%.

Récemment, il y a eu une grande polémique autour de la nomination du Dg de la Senelec. N’aviez-vous pas un autre profil à proposer ?

Pape Dieng n’est pas le seul Sénégalais compétent. Ce n’est pas parce qu’il a quitté la Senelec qu’il ne peut pas y revenir. Il a pris un départ volontaire. C’est tout !

Ne se pose-t-il un problème moral dans cette nomination ?

Mais, il s’agit d’un départ volontaire. Rien ne l’empêche de revenir à la fonction publique. Par ailleurs, M. Dieng travaillait dans une société qui est contrôlée pratiquement par la Senelec (Simelec).

A ce propos, ne peut-on pas évoquer d’un conflit d’intérêts ?


Il ne contrôle pas les deux sociétés. Vous avez très tôt parlé de conflit d’intérêts. Il travaille dans son secteur, dans une société dans laquelle il ne détient que de 5%, dans laquelle la Senelec a au moins 30%. Jusqu’au moment où il y avait cette nomination, on ne pouvait pas parler de conflit d’intérêts. Le jour de sa nomination, le Conseil d’administration lui a demandé de se séparer de ses actions au niveau de la Simelec. On ne peut plus parler de conflit d’intérêts.

Aujourd’hui, quelle est la situation du gaz ?

Tous les jours, je vérifie l’état du stock. Il faut rappeler que l’importation de gaz est libéralisée au Sénégal. Quand elle a été libéralisée, aucun importateur ne voulait la faire. C’est la raison pour laquelle, les autorités de l’époque avaient demandé à la Sar de reprendre l’activité d’importation. La Sar a fait un appel d’offres international gagné par Itoc. Un contrat devrait être signé depuis juillet 2011. Mais, pour différentes raisons il n’a pu être signé qu’en décembre pour 140 000 tonnes. Nous avons à peu près 4 000 tonnes pour 10 jours. Itoc importe le gaz, mais à chaque fois il est confronté à des problèmes de paiement. La Sar reconnaît lui devoir de l’argent. La Sar dit aussi qu’elle est dans une activité où c’est l’Etat qui lui a demandé de satisfaire une demande. La Sar est obligée de demander à l’Etat aussi de payer pour qu’elle rembourse Itoc. Lors de nos premiers mois, cela a créé des tensions dans le marché. Car, Itoc amenait le bateau alors que la Sar n’était pas dans la possibilité de payer une partie de la dette. Itoc demande à la Sar : «Nous avons un contrat. Avant de le décharger, que faites-vous de la dette de 6 milliards que vous me devez ?» A ce moment, si la Sar n’est pas prête, il y a quelques zones de rupture dans le marché.
Aujourd’hui, il y a des bateaux commandés par la Sar, à l’arrivée elle dit à Total de prendre le bateau. C’est Total qui ouvre la lettre de crédit qui paye ces bateaux. J’ai demandé et autorisé à Total d’importer des bateaux. C’est ce qui a empêché que nous soyons en ce moment en rupture. Parce que les 8 000 ou 12 000 dernières tonnes ont été importées par Total. Nous nous sommes entendus sur des dispositions qui permettraient d’assurer le paiement via une banque dans laquelle sont domiciliés les fonds de soutien. Comme la Sar a un marché exclusif avec Itoc, c’est sous notre autorisation qu’un autre importateur peut introduire du gaz chez nous.


Pensez-vous que Senstock est viable ou comptez-vous revenir sur ce schéma ?

Nous comptons revenir sur ce schéma. Ça n’a rien à voir avec la viabilité de Senstock. Il y avait un privé qui avait initié un stockage, l’Etat l’a repris en demandant à tout le monde de venir de manière obligatoire en fermant les dépôts. Certains pé­troliers sont actionnaires de ces structures. Ça pose également un problème d’équité et de justice. Nous avons été saisis par ceux qui se sentent exclus. Dans cette affaire, le rôle de l’Etat doit se limiter à la régulation. Pour des questions de sécurité, l’Etat peut demander à tous les importateurs d’avoir des stocks dans des endroits bien sécurisés. L’Etat ne peut pas dire que vous «devez passer par là surtout quand ce passage est contrôlé par vos concurrents». Aujourd’hui, nous voulons faire un audit de sécurité de l’ensemble des stockages fonctionnels ou fermés avant de prendre les décisions appropriées. Il faut aussi permettre aux autres importateurs d’avoir la possibilité de stocker leurs produits dans des endroits où la sécurité est garantie.

On a, pourtant, reproché à Oilybia que son dépôt n’est pas trop sécurisé…

Je ne peux pas le dire. En tant que technicien, je juge sur pièces. Il n’y aucun rapport d’audit qui avait été commandité auparavant.
C’était une décision d’autorité de le fermer ?
Je peux l’appeler ainsi, je n’ai pas trouvé de rapport d’audit. Il n’y en a pas d’ailleurs. C’est pourquoi nous avons demandé que le dépôt de l’ex-Shell soit le dépôt d’Oilybia.

Pour le moment tant que l’audit sécurité n’est pas fait, il n’y aura pas de décision ?

Je ne peux pas aujourd’hui ouvrir ou fermer un dépôt. Je ne veux pas qu’on me fasse de reproches pour dire que nous l’avons fermé d’autorité. Aujourd’hui c’est dans deux points que tous les camions s’approvisionnent. Ce n’est pas sans poser de problème dans la distribution de carburant dans ce pays. L’essentiel est qu’il y ait suffisamment de produit dans le pays.
M. le ministre, qu’apportent les industries minières à ce pays ?

Toutes ces industries minières ne participent pratiquement pas au développement de notre pays. On fait l’extraction de nos ressources alors qu’on ne nous donne pratiquement rien. Elles ne paient ni impôts ni taxes.

Faut-il revenir sur ces conventions ?

Dans les conventions, il y a toujours des possibilités de négociation, surtout qu’elles les permettent. On ne va peut-être pas forcer. Au­jourd’hui, elles commencent à être raisonnables.
Sur l’exploitation des mines d’or, comment peut-on comprendre qu’en 2010 pour 160 milliards le Sénégal n’a pas gagné grand-chose ?
Dans ces contrats, les investissements sont très lourds. On prévoit aussi dans les contrats d’exploiter, de rembourser les crédits avant de commencer à payer un dividende. Il y a beaucoup d’exonérations avec des périodes longues. Par exemple pour les sociétés qui ont des concessions d’exploitation, les exonérations sur l’impôt sur la société déjà est de sept à quinze ans. Donc ça dépend du régime : permis d’exploitation ou concession minière d’exploitation. Sans oublier, tous les autres avantages qui sont accordés du point de vue fiscal, douanier, et autres exonérations de toutes sortes pour accompagner l’investissement. En retour, l’Etat s’attend à tirer des bénéfices de cette exploitation.

Donc l’Etat n’y gagne rien ?

Il gagne quelque chose. Les contrats disent que sur une période de 7 à 15 ans, vous ne paierez pas d’impôts. Aujourd’hui qu’est-ce que l’Etat en tire : c’est la redevance minière. Par exemple en 2011 nous avons gagné 3,090 milliards de francs Cfa sur 70 milliards de chiffre d’affaires.
Mais au bout des quinze ans d’exonérations fiscales, l’entreprise peut préférer ne pas renégocier et partir… On peut tout exploiter en quinze ans et partir.
Malheureusement ce sont des contrats qui sont déjà là. Il faut faire attention. Vous savez ces gens investissent beaucoup d’argent, ils se protègent également. Je vous donne un cas très simple que tout le monde connaît aujourd’hui : le cas Kumba Resources. Mais, Kumba n’a rien exploité. Mais, nous avons été condamnés quand on a résilié le fameux contrat pour le donner à Mittal. Nous attendons toujours le jugement qui est en cours. C’était depuis 2007. Nous ne pouvons pas accéder à notre minerai tant qu’il n’y a pas de jugement. Et pendant ce temps, nous payons à Kumba 75 millions de dollars (37 milliards 500 millions) à raison de 15 millions de dollars l’année (7 milliards 500 millions).

Sur quelle base ?

Nous avons été condamnés pour avoir annulé unilatéralement le contrat qui nous liait. Malheureusement, il a fallu que je fasse passation de services pour entrer en possession de ce document et le dénoncer. Une société comme Miferso est complètement à plat pour avoir supporter des frais d’avocats de plus de 4 mil­liards. Nous pensons avoir une issue heureuse parce que nous avons demandé qu’il y ait de la diligence dans ce traitement. Nous pensons que d’ici la fin de l’année le jugement nous sera favorable, pour qu’on puisse enfin reprendre notre titre et le donner en exploitation à des demandeurs potentiels qui sont là avec des propositions beaucoup plus intéressantes.

Que nous a apporté dans ce cas le contrat de Mittal ?

Certainement rien ! Officiellement, il n y a rien dans les caisses de l’Etat. A part peut-être, la police de signature.

Le pays a été floué ?

Ça y ressemble !

Source. Lequotidien.sn