Plus de trois mois après votre départ à la tête du gouvernement, on vous a senti fatigué, comment allez-vous ?
Je vais très bien, je suis en bonne santé et j’ai un bon moral. J’ai récupéré puisque cela fait trois mois que j’ai quitté la Primature. Je m’occupe différemment. J’ai des activités politiques puisque je me considère comme responsable politique. J’ai aussi des activités intellectuelles. Je suis dans le développement depuis plus de vingt ans.
C’est là où j’ai construit un réseau de connaissances et je suis très souvent sollicitée sur des questions de développement. J’en profite pour faire beaucoup de plaidoyers pour l’Afrique mais surtout pour le Sénégal. Par exemple, hier (ndlr : entretien réalisé mardi 21 octobre 2014), j’étais invitée à une conférence par le journal Le Monde qui va fêter ses 70 ans en décembre où l’on me posait des questions sur l’avenir des investissements en Afrique.
C’est un avis de politique mais surtout d’économiste. Avec l’expérience que j’ai eue (ministre puis chef du gouvernement), j’ai pu renforcer mes connaissances théoriques.
La pratique de l’Etat, au plus haut niveau, m’a permis de revoir les théories à la lumière du réalisme économique. J’ai également un cabinet conseil parce qu’il faut que je gagne ma vie. Je voyage beaucoup par sollicitation mais je garde les yeux et la tête solidement ancrés au Sénégal.
A Paris, vous poursuivez un périple dans cinq pays (Etats- Unis, Angleterre, Suisse, France et Maroc). Quel est le fil conducteur de ces différents déplacements ?
Je suis souvent sollicitée. Aux Etats-Unis, par exemple, c’était une réunion avec les femmes chefs d’Etat dont certaines sont encore en exercice ou anciennes Premiers ministres pour voir comment organiser un réseau de soutien des femmes leaders sur le plan mondial. C’est important. Nous faisons face à des défis assez particuliers.
Et nous avons égale- ment réfléchi sur les défis de l’environnement et les politiques à mener. Nous avons fait des suggestions au Secrétaire général des Nations unies. Ensuite, je suis allée à Londres, où j’étais invitée par le célèbre Think Tank londonien, l’Institut international d’études stratégiques qui réfléchit sur les questions internationales et dont les avis sont très écoutés.
Ils voulaient mon point de vue. J’ai animé une conférence sur les processus de paix en Afrique de l’Ouest. Puis, je me suis rendue au Forum du Crans Montana où j’ai eu le plaisir de recevoir un prix.
En France, je suis invitée par le journal Le Monde pour me prononcer sur les questions économiques africaines. Et après, je vais au dialogue atlantique qui se tient au Maroc.
Quel sens donnez-vous au prix du Forum Crans Montana en Suisse ?
Je crois que c’est une reconnaissance de mes efforts. C’est un prix qui reconnaît les œuvres d’une vie ou qui encourage des efforts. Pour mon cas, je crois qu’il m’encourage à persévérer. Ils ont suivi le travail effectué en tant que ministre de la Justice puis Premier ministre.
Quand on travaille, on n’a pas toujours le sentiment que d’autres yeux étrangers nous observent. Une reconnaissance de ses propres efforts est gratifiante. C’est également un encouragement à persévérer en se disant qu’il y a encore des choses à offrir.
Sur cet agenda assez chargé, quelle est la part de contact que vous avez avec le président Macky Sall ?
Je ne l’ai pas souvent vu, je l’ai revu une fois. Il est président de la République, donc avec la gestion des préoccupations de 12,5 millions de Sénégalais, il est trop pris.
Et moi, je m’occupe de mes activités. Je suis dans son parti en tant que responsable. Mais dans la vie, il est bon que chacun s’active à son niveau et délivre ce qu’il a à délivrer. C’est ce que je fais. Je n’ai jamais considéré la politique comme un métier à temps plein. Il faut que les gens aient un métier et l’exercent en apportant une contribution intellectuelle.
Etes-vous en train de dire que vous tournez le dos à la politique ?
Pas du tout. Je suis en train de dire que je ne fais pas que de la politique. Je ne vis pas de la politique. Et je pense que cela devait être le cas de personne sauf... et même les députés qui représentent le peuple ont, peut être, un travail.
L’activité politicienne en tant que telle ne fait pas vivre. Les gens doivent travailler et vivre. Je m’occupe de politique, bien sûr. Je discute avec ma base à Grand Yoff et bien au-delà. Parallèlement, je travaille avec mon activité de conseil.
Aujourd’hui quelle est votre position au sein de l’Apr ?
Je me vois comme une responsable politique qui a une voix à exprimer donc, comme une militante et responsable à part entière dans le sens constructif afin d’accompagner le président de la République pour qu’il puisse atteindre les objectifs définis lorsqu’il arrivait au pouvoir avec le concours de nous tous.
Nous sommes à mi mandat des cinq ans de présidence de Macky Sall. Quel est votre jugement sur sa présidence ?
Etre à mi-mandat, c’est toujours le moment le plus critique, le plus difficile. Les électorats sont maintenant extrêmement exigeants autant en Europe qu’en Afrique. Ils veulent des résultats tout de suite.
Or, il faut du temps pour planifier des politiques et les mettre en œuvre. C’est à mi mandat que les impatiences s’expriment. Je pense qu’il faut davantage rassurer cet électorat. Il faut qu’il commence à voir des choses sortir de terre pour qu’il vous donne justement le temps nécessaire, c’est-à-dire un deuxième mandat pour consolider tout le travail entrepris. Le gouvernement y travaille. C’était le sens du slogan « accélérer la cadence ».
Il faut que les gens voient que ce n’est pas que de la rhétorique. Il faut mettre en lumière le fait qu’il y a des programmes qui vont voir le jour et être mis en œuvre. Il y a également les contraintes d’un pays en voie de développement qui dépend des ressources extérieures.
Pour financer le Pse, nous n’avons pas les ressources internes. Nous sommes obligés d’adapter le temps et les délais à ceux des bailleurs de fonds. Ce sont des contraintes quelle que soit la volonté qu’on a. Le gouvernement a tout notre encouragement.
Quels sont les points sur les- quels vous pensez que l’accent doit être mis par rapport à ce qui a déjà été fait ?
Il faudrait un cadre de suivi rigoureux quasiment journalier parce que le temps est compté. L’horloge n’attend pas. Il faut renforcer ce cadre et il faut une exigence de délivrance des résultats. Et que les gens soient jugés sur les résultats.
Il faut montrer aux Sénégalais ce qui a déjà été monté comme programmes, développer les financements, expliquer comment cela va se faire. Et que les choses vont voir le jour.
Si j’avais une recommandation, ce serait d’avoir un suivi qui soit extrêmement rigoureux et vigoureux. Evidemment, il faut des ressources humaines de qualité à tous ces niveaux de décision où il faut des résultats.
Est-ce que le Sénégal en manque ?
Non, nous n’en manquons pas. A Paris, je suis en train de rencontrer des cadres qui ont des expertises pointues qui sont dans des multinationales et qui souhaiteraient rentrer au Sénégal. On doit les intégrer.
Est-ce qu’il manque de ressources humaines de qualité au Sénégal ?
Il faut renforcer les capacités dans les ministères et agences. Il en manque. Cela est clair. Je pense qu’il faut moins politiser les postes et les rendre plus technocratiques pour la période qui reste parce qu’il faut montrer des résultats rapidement.
Il y a un chiffre, non vérifié pour le moment, qui donne à 75% le taux de diplômés sénégalais à l’étranger ne rentrant pas au Sénégal à la fin de leurs études. Quel commentaire en faites-vous ?
C’est parce qu’ils n’ont pas foi en l’Afrique. Et ce n’est pas seulement les Sénégalais. Ce sont les Africains d’une manière générale. J’ai fait mes études ici (en France, ndlr), il y a 25 ans, nous avions cette même peur.
Il faut rassurer aussi cette expertise de rentrer et avoir foi en l’avenir de notre pays et de l’Afrique. Il n’y a pas d’autres solutions. Il faut ouvrir les mécanismes de recrutement et les rendre plus transparents pour avoir la meilleure expertise.
Vous êtes réputée avoir un avis tranché sur le compagnonnage entre l’Apr et «Benoo Bokk Yaakaar». Avez- vous évolué dans ce sens ?
Ce n’est pas un avis tranché, je dis ce que je pense. Les gens gouvernent ensemble et fatalement à un moment les ambitions s’expriment. C’est cela la démocratie.
Ce n’est pas un jugement négatif mais un constat. A un moment, chacun mettra ses ambitions sur la table pour aller à la compétition. Maintenant, tout est dans la tactique, la stratégie. J’estime que notre candidat doit avoir une coalition qui l’accompagne pour sa réélection.
«Bennoo Bokk Yaakaar» peut-elle jouer ce rôle ?
Ou bien une autre alliance. Il y a une coalition pour gouverner et une autre pour se faire réélire. Ce sont deux choses différentes. A deux ans et demi, il est temps de penser à celle capable d’une réélection. Si les membres de « Benoo Bokk Yaakaar » veulent aller à la compétition, je trouve que c’est normal. C’est la démocratie.
Pour le mandat de la présidence Macky Sall, êtes-vous plutôt pour un quinquennat ou un septennat ?
Je pense que pour une démocratie avancée comme celle du Sénégal, il faut un quinquennat. Une présidence à deux mandats de cinq ans. Je pense qu’il faut inscrire le Sénégal dans cette modernité démocratique.
Pour changer la constitution, quelle est votre préférence entre le référendum et l’Assemblée nationale ?
Si l’on veut être en respect absolu de la constitution, c’est par référendum. Maintenant, on peut faire preuve de pragmatisme. Les lois sont faites pour être adaptées au contexte, un référendum coûte cher sauf si l’on choisit d’avoir un paquet de réformes dans lequel se situerait le référendum.
Par exemple, une réforme sur l’âge des candidats, le statut du président de l’Assemblée nationale... Sinon il faut passer par l’Assemblée nationale. Ce qui a déjà été fait, il y a eu un précédent.
Aminata Touré avant mars 2012 et Aminata Touré en octobre 2014. Qu’est-ce qui a changé en vous durant cette période ?
J’ai complètement changé de vie. Je vivais à New York dans le pays le plus développé du monde où toutes les opportunités existent. Je suis rentrée chez moi au Sénégal, un pays en voie de développement avec des challenges. Ce sont mes racines. Nous vivons dans un monde globalisé mais en même temps nous sommes très « local ». C’est la synthèse de deux expériences qui me définissent.
On apprend donc de ce qu’il y a de bien dans les pays développés mais tout ne l’est pas. On fait de sorte que cette expérience serve localement. Mais ce que j’ai retenu, c’est vraiment la culture du travail comme étant un moteur pour faire avancer un pays.
C’est ce que mon expérience d’ancienne immigrée m’a appris. Par l’effort et le travail, on peut s’en sortir.
Cette culture du travail, en manque-t-on au Sénégal ?
Je pense qu’on a un petit déficit à ce niveau. J’ai entendu le président en parler récemment. Il faut prendre des mesures, il faut beaucoup d’éducation, de sensibilisation mais il faut des mesures plus restrictives. Dans les services publics, il faut mettre en place un mécanisme de pointage.
Que les gens viennent à l’heure et partent à l’heure. Il faut également une régulation des jours de fête. Il semble que le Sénégal soit parmi les pays qui ont le plus grand nombre de jours de fête, donc il faut en diminuer. Il y a des fêtes pris chez les anciens colons et qu’eux mêmes ont fini par abandonner. Et nous continuons à en faire des jours congés.
Tirant leçon de votre expérience personnelle, que diriez-vous à une femme ou un homme de la diaspora qui désire rentrer définitivement au Sénégal ?
Je l’encouragerais mais il faut avoir un projet retour. Les immigrés le savent bien. Un projet retour doit bien se construire. Il y a beaucoup de secteurs porteurs : l’agriculture, l’industrie de transformation, le commerce...
Il faut préparer le retour sur plusieurs années et surtout ne pas déconnecter les enfants avec le pays d’origine. Beaucoup de parents ne rentrent pas à cause des enfants qui ne parlent pas la langue ou ne peuvent pas s’insérer dans le système scolaire. Ce qui a été un peu mon cas.
Le Soleil
Je vais très bien, je suis en bonne santé et j’ai un bon moral. J’ai récupéré puisque cela fait trois mois que j’ai quitté la Primature. Je m’occupe différemment. J’ai des activités politiques puisque je me considère comme responsable politique. J’ai aussi des activités intellectuelles. Je suis dans le développement depuis plus de vingt ans.
C’est là où j’ai construit un réseau de connaissances et je suis très souvent sollicitée sur des questions de développement. J’en profite pour faire beaucoup de plaidoyers pour l’Afrique mais surtout pour le Sénégal. Par exemple, hier (ndlr : entretien réalisé mardi 21 octobre 2014), j’étais invitée à une conférence par le journal Le Monde qui va fêter ses 70 ans en décembre où l’on me posait des questions sur l’avenir des investissements en Afrique.
C’est un avis de politique mais surtout d’économiste. Avec l’expérience que j’ai eue (ministre puis chef du gouvernement), j’ai pu renforcer mes connaissances théoriques.
La pratique de l’Etat, au plus haut niveau, m’a permis de revoir les théories à la lumière du réalisme économique. J’ai également un cabinet conseil parce qu’il faut que je gagne ma vie. Je voyage beaucoup par sollicitation mais je garde les yeux et la tête solidement ancrés au Sénégal.
A Paris, vous poursuivez un périple dans cinq pays (Etats- Unis, Angleterre, Suisse, France et Maroc). Quel est le fil conducteur de ces différents déplacements ?
Je suis souvent sollicitée. Aux Etats-Unis, par exemple, c’était une réunion avec les femmes chefs d’Etat dont certaines sont encore en exercice ou anciennes Premiers ministres pour voir comment organiser un réseau de soutien des femmes leaders sur le plan mondial. C’est important. Nous faisons face à des défis assez particuliers.
Et nous avons égale- ment réfléchi sur les défis de l’environnement et les politiques à mener. Nous avons fait des suggestions au Secrétaire général des Nations unies. Ensuite, je suis allée à Londres, où j’étais invitée par le célèbre Think Tank londonien, l’Institut international d’études stratégiques qui réfléchit sur les questions internationales et dont les avis sont très écoutés.
Ils voulaient mon point de vue. J’ai animé une conférence sur les processus de paix en Afrique de l’Ouest. Puis, je me suis rendue au Forum du Crans Montana où j’ai eu le plaisir de recevoir un prix.
En France, je suis invitée par le journal Le Monde pour me prononcer sur les questions économiques africaines. Et après, je vais au dialogue atlantique qui se tient au Maroc.
Quel sens donnez-vous au prix du Forum Crans Montana en Suisse ?
Je crois que c’est une reconnaissance de mes efforts. C’est un prix qui reconnaît les œuvres d’une vie ou qui encourage des efforts. Pour mon cas, je crois qu’il m’encourage à persévérer. Ils ont suivi le travail effectué en tant que ministre de la Justice puis Premier ministre.
Quand on travaille, on n’a pas toujours le sentiment que d’autres yeux étrangers nous observent. Une reconnaissance de ses propres efforts est gratifiante. C’est également un encouragement à persévérer en se disant qu’il y a encore des choses à offrir.
Sur cet agenda assez chargé, quelle est la part de contact que vous avez avec le président Macky Sall ?
Je ne l’ai pas souvent vu, je l’ai revu une fois. Il est président de la République, donc avec la gestion des préoccupations de 12,5 millions de Sénégalais, il est trop pris.
Et moi, je m’occupe de mes activités. Je suis dans son parti en tant que responsable. Mais dans la vie, il est bon que chacun s’active à son niveau et délivre ce qu’il a à délivrer. C’est ce que je fais. Je n’ai jamais considéré la politique comme un métier à temps plein. Il faut que les gens aient un métier et l’exercent en apportant une contribution intellectuelle.
Etes-vous en train de dire que vous tournez le dos à la politique ?
Pas du tout. Je suis en train de dire que je ne fais pas que de la politique. Je ne vis pas de la politique. Et je pense que cela devait être le cas de personne sauf... et même les députés qui représentent le peuple ont, peut être, un travail.
L’activité politicienne en tant que telle ne fait pas vivre. Les gens doivent travailler et vivre. Je m’occupe de politique, bien sûr. Je discute avec ma base à Grand Yoff et bien au-delà. Parallèlement, je travaille avec mon activité de conseil.
Aujourd’hui quelle est votre position au sein de l’Apr ?
Je me vois comme une responsable politique qui a une voix à exprimer donc, comme une militante et responsable à part entière dans le sens constructif afin d’accompagner le président de la République pour qu’il puisse atteindre les objectifs définis lorsqu’il arrivait au pouvoir avec le concours de nous tous.
Nous sommes à mi mandat des cinq ans de présidence de Macky Sall. Quel est votre jugement sur sa présidence ?
Etre à mi-mandat, c’est toujours le moment le plus critique, le plus difficile. Les électorats sont maintenant extrêmement exigeants autant en Europe qu’en Afrique. Ils veulent des résultats tout de suite.
Or, il faut du temps pour planifier des politiques et les mettre en œuvre. C’est à mi mandat que les impatiences s’expriment. Je pense qu’il faut davantage rassurer cet électorat. Il faut qu’il commence à voir des choses sortir de terre pour qu’il vous donne justement le temps nécessaire, c’est-à-dire un deuxième mandat pour consolider tout le travail entrepris. Le gouvernement y travaille. C’était le sens du slogan « accélérer la cadence ».
Il faut que les gens voient que ce n’est pas que de la rhétorique. Il faut mettre en lumière le fait qu’il y a des programmes qui vont voir le jour et être mis en œuvre. Il y a également les contraintes d’un pays en voie de développement qui dépend des ressources extérieures.
Pour financer le Pse, nous n’avons pas les ressources internes. Nous sommes obligés d’adapter le temps et les délais à ceux des bailleurs de fonds. Ce sont des contraintes quelle que soit la volonté qu’on a. Le gouvernement a tout notre encouragement.
Quels sont les points sur les- quels vous pensez que l’accent doit être mis par rapport à ce qui a déjà été fait ?
Il faudrait un cadre de suivi rigoureux quasiment journalier parce que le temps est compté. L’horloge n’attend pas. Il faut renforcer ce cadre et il faut une exigence de délivrance des résultats. Et que les gens soient jugés sur les résultats.
Il faut montrer aux Sénégalais ce qui a déjà été monté comme programmes, développer les financements, expliquer comment cela va se faire. Et que les choses vont voir le jour.
Si j’avais une recommandation, ce serait d’avoir un suivi qui soit extrêmement rigoureux et vigoureux. Evidemment, il faut des ressources humaines de qualité à tous ces niveaux de décision où il faut des résultats.
Est-ce que le Sénégal en manque ?
Non, nous n’en manquons pas. A Paris, je suis en train de rencontrer des cadres qui ont des expertises pointues qui sont dans des multinationales et qui souhaiteraient rentrer au Sénégal. On doit les intégrer.
Est-ce qu’il manque de ressources humaines de qualité au Sénégal ?
Il faut renforcer les capacités dans les ministères et agences. Il en manque. Cela est clair. Je pense qu’il faut moins politiser les postes et les rendre plus technocratiques pour la période qui reste parce qu’il faut montrer des résultats rapidement.
Il y a un chiffre, non vérifié pour le moment, qui donne à 75% le taux de diplômés sénégalais à l’étranger ne rentrant pas au Sénégal à la fin de leurs études. Quel commentaire en faites-vous ?
C’est parce qu’ils n’ont pas foi en l’Afrique. Et ce n’est pas seulement les Sénégalais. Ce sont les Africains d’une manière générale. J’ai fait mes études ici (en France, ndlr), il y a 25 ans, nous avions cette même peur.
Il faut rassurer aussi cette expertise de rentrer et avoir foi en l’avenir de notre pays et de l’Afrique. Il n’y a pas d’autres solutions. Il faut ouvrir les mécanismes de recrutement et les rendre plus transparents pour avoir la meilleure expertise.
Vous êtes réputée avoir un avis tranché sur le compagnonnage entre l’Apr et «Benoo Bokk Yaakaar». Avez- vous évolué dans ce sens ?
Ce n’est pas un avis tranché, je dis ce que je pense. Les gens gouvernent ensemble et fatalement à un moment les ambitions s’expriment. C’est cela la démocratie.
Ce n’est pas un jugement négatif mais un constat. A un moment, chacun mettra ses ambitions sur la table pour aller à la compétition. Maintenant, tout est dans la tactique, la stratégie. J’estime que notre candidat doit avoir une coalition qui l’accompagne pour sa réélection.
«Bennoo Bokk Yaakaar» peut-elle jouer ce rôle ?
Ou bien une autre alliance. Il y a une coalition pour gouverner et une autre pour se faire réélire. Ce sont deux choses différentes. A deux ans et demi, il est temps de penser à celle capable d’une réélection. Si les membres de « Benoo Bokk Yaakaar » veulent aller à la compétition, je trouve que c’est normal. C’est la démocratie.
Pour le mandat de la présidence Macky Sall, êtes-vous plutôt pour un quinquennat ou un septennat ?
Je pense que pour une démocratie avancée comme celle du Sénégal, il faut un quinquennat. Une présidence à deux mandats de cinq ans. Je pense qu’il faut inscrire le Sénégal dans cette modernité démocratique.
Pour changer la constitution, quelle est votre préférence entre le référendum et l’Assemblée nationale ?
Si l’on veut être en respect absolu de la constitution, c’est par référendum. Maintenant, on peut faire preuve de pragmatisme. Les lois sont faites pour être adaptées au contexte, un référendum coûte cher sauf si l’on choisit d’avoir un paquet de réformes dans lequel se situerait le référendum.
Par exemple, une réforme sur l’âge des candidats, le statut du président de l’Assemblée nationale... Sinon il faut passer par l’Assemblée nationale. Ce qui a déjà été fait, il y a eu un précédent.
Aminata Touré avant mars 2012 et Aminata Touré en octobre 2014. Qu’est-ce qui a changé en vous durant cette période ?
J’ai complètement changé de vie. Je vivais à New York dans le pays le plus développé du monde où toutes les opportunités existent. Je suis rentrée chez moi au Sénégal, un pays en voie de développement avec des challenges. Ce sont mes racines. Nous vivons dans un monde globalisé mais en même temps nous sommes très « local ». C’est la synthèse de deux expériences qui me définissent.
On apprend donc de ce qu’il y a de bien dans les pays développés mais tout ne l’est pas. On fait de sorte que cette expérience serve localement. Mais ce que j’ai retenu, c’est vraiment la culture du travail comme étant un moteur pour faire avancer un pays.
C’est ce que mon expérience d’ancienne immigrée m’a appris. Par l’effort et le travail, on peut s’en sortir.
Cette culture du travail, en manque-t-on au Sénégal ?
Je pense qu’on a un petit déficit à ce niveau. J’ai entendu le président en parler récemment. Il faut prendre des mesures, il faut beaucoup d’éducation, de sensibilisation mais il faut des mesures plus restrictives. Dans les services publics, il faut mettre en place un mécanisme de pointage.
Que les gens viennent à l’heure et partent à l’heure. Il faut également une régulation des jours de fête. Il semble que le Sénégal soit parmi les pays qui ont le plus grand nombre de jours de fête, donc il faut en diminuer. Il y a des fêtes pris chez les anciens colons et qu’eux mêmes ont fini par abandonner. Et nous continuons à en faire des jours congés.
Tirant leçon de votre expérience personnelle, que diriez-vous à une femme ou un homme de la diaspora qui désire rentrer définitivement au Sénégal ?
Je l’encouragerais mais il faut avoir un projet retour. Les immigrés le savent bien. Un projet retour doit bien se construire. Il y a beaucoup de secteurs porteurs : l’agriculture, l’industrie de transformation, le commerce...
Il faut préparer le retour sur plusieurs années et surtout ne pas déconnecter les enfants avec le pays d’origine. Beaucoup de parents ne rentrent pas à cause des enfants qui ne parlent pas la langue ou ne peuvent pas s’insérer dans le système scolaire. Ce qui a été un peu mon cas.
Le Soleil