Vendre n’importe où et n’importe comment, est devenu le sport national des jeunes sans emploi salarié. Les trottoirs de la capitale deviennent des marchés pour vendeurs à la sauvette, marchands ambulants, vendeurs de véhicules et tabliers. Une anarchie qui dérive, dit-on, des conséquences du taux de chômage élevé du pays.
Ainsi, les trottoirs sont transformés depuis quelques années en de mini-marchés. Ils servent désormais de parking pour vendre des véhicules venant, de vieux mobiliers. A défaut, ils deviennent des centres d’affaires pour des vendeurs à la sauvette, des marchands ambulants et des tabliers. Ces personnes, évoluant dans le commerce et qui, semblent motivées par une réalisation de chiffres d’affaires hors taxe, ont envahi ces espaces sans pour autant avoir peur de sanctions.
Leral a constaté que pour ces personnes, tous les moyens sont acceptables pour gagner son pain quotidien. Dans ce monde sans loi ni foi, tous les articles sont proposés. Même, les produits qui se vendaient dans les grandes surfaces se retrouvent désormais, en vente dans la rue. De liberté 6 en passant par Sacré-Cœur, la voie de dégagement nord (Vdn) jusqu’au centre-ville, le constat reste le même. Impossible pour les piétons de se frayer un chemin. Le passant dirait même que, c’est difficile de se mouvoir sans pour autant piétiner un bien d’autrui.
Certains des passants ont souvent l’impression qu’il n’y a pas suffisamment de marchés dans la ville pour le commerce. Alors que de nombreux marchés comme Tilène, Hlm, Sandaga, Grand Yoff entre autres, existent bien dans la capitale. En plus, il a été révélé aussi, l’implantation hasardeuse de supermarchés qui poussent comme des champignons dans tous les quartiers de Dakar. Malgré l’existence de ces espaces, la capitale semble trop petite pour accueillir de nombreux jeunes chômeurs qui s’activent dans le commerce.
Certaines personnes interpellées, évoquent le taux de chômage qui touche 60% de la population de moins de 20 ans. Le taux de chômage global, révèle-t-on, est estimé à 49% au niveau national. Ce même taux grimpe jusqu’à 61% pour les jeunes. L’Agence nationale de la statistique et de la démographie a révélé dans son dernier rapport que la moitié de la population en emploi, soit 69,6% détient un emploi indépendant ou travail pour compte propre. Ledit phénomène est plus observé en milieu urbain avec un taux de 61,1 %. Et ce taux est de 81,2% en milieu rural. Tandis que le taux de chômage des personnes âgées de 15 ans ou plus est évalué à 22,7%.
Liberté 6, symbole d’anarchie sur la voie publique
Les deux voies de Liberté 6 est presque le symbole de cette anarchie sur la voie publique. Raison évoquée, reste que cet itinéraire est l’un des plus grands carrefours de la ville. Sur place, les ambulants et les tabliers ne laissent aucun espace libre. Ils se sont installés dans tous les coins et recoins y compris les trottoirs.
Aux heures de pointes, marcher sur les trottoirs demeure, un véritable parcours du combattant. Oumar Diouf, interpellé sur cette question, supporte mal la présence des marchands sur les trottoirs. « Je déplore cette situation que je trouve anormale. Chaque soir, je passe par là pour rentrer chez moi. Mais, cela me prend beaucoup de temps. Les commerçants occupent tous les trottoirs », se plaint l’informaticien. Parfois, constate-t-il, les piétons qui se croisent sont obligés se cognent les uns contre les autres. Motif, l’espace qui est laissé aux passants est infime.
D’après lui, c’est les occupants de la chaussée qui créent de manière fréquente les embouteillages. « Les commercants occupent la voie publique toute la journée. Je me demande dans quel pays sommes-nous. Depuis des années, les populations vivent cette situation. Les marchands ambulants ne se préoccupent pas des autres », regrette une jeune fille, croisée sur ces deux voies de Liberté 6.
Selon elle, les difficultés que vivent ces jeunes ne justifient pas l’occupation anarchique de la voie publique. « Les commerçants doivent nous respecter. Quel que soit leurs situations, ils n’ont pas le droit d’occuper tout le trottoir. Ils disent qu’ils sont des soutiens de familles. Mais, nous le sommes tous. Donc, je ne peux pas avaler ce refrain », conteste-t-elle.
Du côté des vendeurs à la sauvette ou encore des marchands ambulants, les arguments ne manquent pas. Ils expliquent cet état de fait par les difficultés économiques du pays, le manque de travail et l’absence d’une véritable politique d’insertion des jeunes. Le jeune marchand, Amadou Diallo, reste d’avis qu’ils n’ont pas autre choix que de vendre dans la rue et sur les trottoirs. « On n’a pas le choix. Vous savez, nous sommes tous des jeunes ambitieux. Nous sommes sur les trottoirs dans le seul but de gagner nos vies. Pourtant, on pouvait aller faire d’autre choses qui ne seront pas dignes de nous », se justifie-t-il.
Originaire de la région de Tambacounda, le jeune homme estime que les populations doivent les encourager au lieu de les critiquer. « Les gens n’encouragent personnes au Sénégal. Ce que nous faisons ne doit pas être considéré comme un crime. Nous n’avons pas le choix. Puisqu’il nous manque les moyens nécessaires pour se faire une place dans les marchés », reconnaît-il.
L’Agence nationale de la statistique et de la démographie, découvre-t-on, prévient que chaque année, près de 100 000 nouveaux demandeurs d’emplois, dont la tranche d’âge se situe entre 15 et 34 ans arrivent sur le marché du travail. Mais, les jeunes à la recherche de l’emploi, peinant à en trouver prennent des raccourcis pour survivre. Ils deviennent du coup, des marchands ambulants, des vendeurs à la sauvette, courant entre les véhicules au risque d’y perdre la vie.
Et, l’Etat dans sa mission ou politique de jeunesse, est interpellé pour atténuer le calvaire d’une certaine frange d’âges. Sinon…
O WADE Leral