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Les offres de voyance à distance, en provenance du pays d’Afrique de l’Ouest, sont devenues légions sur Internet, notamment sur Facebook où des faux marabouts proposent des “cadenas pour retenir l’être aimé”, des “bagues magiques” contre la stérilité, des talismans pour attirer les femmes, des “portes-monnaies magiques” pour devenir riche, mais aussi des formules en tous genres supposées régler à peu près tous les problèmes, même les maladies incurables. En général, ces arnaqueurs laissent un numéro de téléphone, ou une adresse Skype, et vous demandent de les contacter pour une consultation “gratuite”.
Nous avons voulu en savoir plus sur le mode de fonctionnement de ces faux marabouts 2.0, et les tarifs qu’ils pratiquent. Nous en avons donc contacté plusieurs par téléphone et enregistré nos conversations. Ils ont accepté toutes nos requêtes jusqu’aux plus délirantes.
Nous avons contacté un “grand chaman” qui se dit “héritier de pouvoirs ancestraux, avec plus de 50 ans d’expérience et détenteur de pouvoir occultes” sur son site Internet.
“Besoin d’argent ? Je peux multiplier vos billets de banque”
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“Je régle tous vos problèmes de puissance sexuelle à distance”
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Tous les faux marabouts contactés, nous ont envoyé un formulaire à remplir par email et demandé qu’on leur fasse un virement par avance via Western Union pour qu’ils puissent acheter des “ingrédients”.
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Exemple type de formulaire envoyé par un faux marabout.
Le mode opératoire des faux marabouts 2.0
José Mao (pseudonyme), un marabout escroc, a accepté de témoigner sur son mode opératoire sur Internet. Il n’hésite pas à appeler les victimes des “pigeons”.
La première règle à observer, c’est de mettre la personne en confiance. Cela peut prendre parfois plusieurs semaines. Je lui demande de me fournir son nom, prénom et une photo parce que c’est comme ça que les vrais marabouts procèdent. D’ailleurs parfois, je vais voir un authentique praticien pour lui demander des informations, un indice sur la personne que je veux arnaquer [malgré l’existence des arnaques, la consultation des marabouts et autres féticheurs est une pratique très répandue au Bénin et beaucoup de gens croient en son efficacité, NDLR]. Je le paye entre 2 et 3 euros la consultation, mais moi je leur en demande entre 200 et 2 500 euros.
Une fois que le client a payé une avance – par transfert Western Union – je lui envoie un courrier DHL avec des ingrédients qui, en réalité ne servent absolument à rien. En fait, normalement, le travail d’un marabout ne peut pas se faire à distance, la personne doit être présente pour espérer que ça marche.
Quelques jours ou semaines après, ce premier courrier, la personne prend généralement de nouveau contact avec moi pour me dire que la magie n’a pas opéré. Je lui conseille alors une autre thérapie et je lui demande de payer davantage. Et à chaque fois qu’elle m’appelle pour dire que ça ne marche pas, je lui demande de payer. Encore et encore jusqu’à ce qu’il découvre la magouille et arrête de m’appeler.
Pour éviter de me faire prendre, je ne reçois jamais l’argent en mon nom propre mais j’envoie un collègue le retirer d’une agence Wester Union avec une fausse carte d’identité et, au passage, il touche une commission qui varie de 10 à 15 % de la somme.
Des clients européens, parfois atteints de maladies incurables
José Mao affirme que ses clients sont essentiellement européens, notamment des Français, des Belges et des Portugais. Les profils sont très variés : des entrepreneurs qui veulent réussir en affaires, des femmes à la recherche du prince charmant, des malades incurables qui se tournent vers le maraboutisme en désespoir de cause.
“Ils se justifient en disant qu’il s’agit d’une manière de récupérer l’argent volé par les Blancs”
Bertrand K. est l’un de nos Observateurs à Cotonou. Il connaît bien le milieu des brouteurs et des faux féticheurs sur Internet, pour avoir travaillé pendant deux ans dans un cybercafé.
“Un réseau bien structuré“
Selon notre Observateurs, la cyber-escroquerie séduit beaucoup les jeunes au Bénin, car elle représente une rente d’argent facile dans un pays très touché par le chômage. Pour alerter ces citoyens contre ce genre d’arnaques, l’ambassade de France à Cotonou et le ministère français de l’Intérieur ont publié plusieurs messages de mises en garde sur Internet. En cas d’escroquerie, les victimes peuvent porter plainte en France. Au Bénin, ces plaintes peuvent également être transmises au Procureur de la République béninoise. Pour autant, il est rare que les enquêtes aboutissent et que les personnes soient dédommagées.