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Mercredi 20 Août 2014

Bénin : plongée chez les marabouts arnaqueurs version 2.0


Marabout féticheur avec 30 ans d’expérience, je peux rendre n’importe quelle femme folle amoureuse de vous et même multiplier vos billets de banque.” Vous êtes peut-être déjà tombé sur ce genre d’annonces dans vos mails ou sur Facebook. Décryptage d’arnaques aussi absurdes que juteuses.

De plus en plus de féticheurs escrocs n’hésitent plus à démarcher directement sur leur page Facebook des clients pour leur promettre monts et merveilles. Parmi eux, les faux marabouts basés au Bénin sont en première ligne.



Bénin : plongée chez les marabouts arnaqueurs version 2.0
 
 

Les offres de voyance à distance, en provenance du pays d’Afrique de l’Ouest, sont devenues légions sur Internet, notamment sur Facebook où des faux marabouts proposent des “cadenas pour retenir l’être aimé”, des “bagues magiques” contre la stérilité, des talismans pour attirer les femmes, des “portes-monnaies magiques” pour devenir riche, mais aussi des formules en tous genres supposées régler à peu près tous les problèmes, même les maladies incurables. En général, ces arnaqueurs laissent un numéro de téléphone, ou une adresse Skype, et vous demandent de les contacter pour une consultation “gratuite”.

Nous avons voulu en savoir plus sur le mode de fonctionnement de ces faux marabouts 2.0, et les tarifs qu’ils pratiquent. Nous en avons donc contacté plusieurs par téléphone et enregistré nos conversations. Ils ont accepté toutes nos requêtes jusqu’aux plus délirantes.

Des promesses invraisemblables

Nous avons contacté un “grand chaman” qui se dit “héritier de pouvoirs ancestraux, avec plus de 50 ans d’expérience et détenteur de pouvoir occultes” sur son site Internet.

“Ta femme reviendra en te suppliant à genoux”
 
 

 

“Besoin d’argent ? Je peux multiplier vos billets de banque”

 
 

“Je régle tous vos problèmes de puissance sexuelle à distance”

 

 
 
“Je peux te faire grandir, jusqu’à trois mètres !”
 
 
 
“Je peux vous rendre invisible”
Le troisième marabout que nous avons contacté, “Papa Omar”, affirme qu’il possède des pouvoirs satanistes qui peuvent vous permettre de devenir invisible et de traverser les murs. 
 
 

Tous les faux marabouts contactés, nous ont envoyé un formulaire à remplir par email et demandé qu’on leur fasse un virement par avance via Western Union pour qu’ils puissent acheter des “ingrédients”.

 

Exemple type de formulaire envoyé par un faux marabout.

Contributeurs

Le mode opératoire des faux marabouts 2.0

José Mao (pseudonyme), un marabout escroc, a accepté de témoigner sur son mode opératoire sur Internet. Il n’hésite pas à appeler les victimes des “pigeons”.


Je travaille comme brouteur et je pratique différents types d’arnaques sur Internet, notamment la vente de voitures, le prêt d’argent et la voyance. Pour ne pas laisser de traces, je travaille à partir d’un cybercafé. Et afin d’attirer les clients, je poste des annonces sur les sites d’annonces gratuites tel que topannonces.fr.

La première règle à observer, c’est de mettre la personne en confiance. Cela peut prendre parfois plusieurs semaines. Je lui demande de me fournir son nom, prénom et une photo parce que c’est comme ça que les vrais marabouts procèdent. D’ailleurs parfois, je vais voir un authentique praticien pour lui demander des informations, un indice sur la personne que je veux arnaquer [malgré l’existence des arnaques, la consultation des marabouts et autres féticheurs est une pratique très répandue au Bénin et beaucoup de gens croient en son efficacité, NDLR]. Je le paye entre 2 et 3 euros la consultation, mais moi je leur en demande entre 200 et 2 500 euros.

Une fois que le client a payé une avance – par transfert Western Union – je lui envoie un courrier DHL avec des ingrédients qui, en réalité ne servent absolument à rien. En fait, normalement, le travail d’un marabout ne peut pas se faire à distance, la personne doit être présente pour espérer que ça marche.

Quelques jours ou semaines après, ce premier courrier, la personne prend généralement de nouveau contact avec moi pour me dire que la magie n’a pas opéré. Je lui conseille alors une autre thérapie et je lui demande de payer davantage. Et à chaque fois qu’elle m’appelle pour dire que ça ne marche pas, je lui demande de payer. Encore et encore jusqu’à ce qu’il découvre la magouille et arrête de m’appeler.

Pour éviter de me faire prendre, je ne reçois jamais l’argent en mon nom propre mais j’envoie un collègue le retirer d’une agence Wester Union avec une fausse carte d’identité et, au passage, il touche une commission qui varie de 10 à 15 % de la somme.


Des clients européens, parfois atteints de maladies incurables

José Mao affirme que ses clients sont essentiellement européens, notamment des Français, des Belges et des Portugais. Les profils sont très variés : des entrepreneurs qui veulent réussir en affaires, des femmes à la recherche du prince charmant, des malades incurables qui se tournent vers le maraboutisme en désespoir de cause.


Je suis par exemple en contact avec une dame en Belgique, âgée de 37 ans, à qui j’ai fait une facture de 3 000 euros pour l’aider à trouver un mari et à lancer son entreprise. Elle m’envoie un virement de 200 euros chaque mois depuis mars 2013. Je lui ai dit que son “initiation” devait durer deux ans et elle continuera à me payer au moins jusqu’à mars 2015. Avec ce travail, je gagne très bien ma vie. Je gagne au minimum 200 euros par mois et ce n’est pas une somme négligeable au Bénin. Parfois je reçois aussi des cadeaux. Une autre dame belge que j’ai comme cliente, m’a par exemple offert une voiture récemment après que je l’ai emmenée chez un marabout d’ici.

“Ils se justifient en disant qu’il s’agit d’une manière de récupérer l’argent volé par les Blancs”

Bertrand K. est l’un de nos Observateurs à Cotonou. Il connaît bien le milieu des brouteurs et des faux féticheurs sur Internet, pour avoir travaillé pendant deux ans dans un cybercafé.


Les faux marabouts, et les brouteurs en général, gagnent des fortunes en profitant du malheur des gens. Et ils n’ont aucun remords à le faire. Récemment, la télévision a interviewé un brouteur qui venait d’être arrêté par la police. À la question de savoir s’il regrettait, il a répondu qu’il ne faisait rien de mal parce qu’il escroquait uniquement des Blancs. Il se justifiait en disant qu’il s’agissait d’une manière de récupérer l’argent volé par les Blancs, qui ont réduit les Noirs en esclavage et pris toutes leurs richesses naturelles.

“Un réseau bien structuré


Si vous vous rendez dans un cybercafé de Cotonou, sachez que sept personnes sur 10 sont des brouteurs. Cette “profession” est en fait très répandue et très bien organisée. Chaque groupe de brouteurs travaille sous la coupe d’un chef qui leur paie des centaines d’heures d’abonnement Internet pour monter des arnaques. Les brouteurs sont en fait recrutés quand ils sont déscolarisés, des adolescents de 16 ans et 17 ans. Dans un travail, il y a des spécialités, selon le type d’arnaque. Par exemple, pour monter une arnaque de ventes de voitures, il faut un groupe de brouteurs chargés exclusivement d’extraire les adresses emails des sites de vente de voitures. Il y a aussi les développeurs, de jeunes informaticiens qui sont payés environ, 500 000 FCFA (1 000 euros) pour monter de faux sites de banques, de marabouts et autres. Un autre groupe est encore chargé de retirer l’argent à la banque avec la complicité de certains employés.

Selon notre Observateurs, la cyber-escroquerie séduit beaucoup les jeunes au Bénin, car elle représente une rente d’argent facile dans un pays très touché par le chômage. Pour alerter ces citoyens contre ce genre d’arnaques, l’ambassade de France à Cotonou et le ministère français de l’Intérieur ont publié plusieurs messages de mises en garde sur Internet. En cas d’escroquerie, les victimes peuvent porter plainte en France. Au Bénin, ces plaintes peuvent également être transmises au Procureur de la République béninoise. Pour autant, il est rare que les enquêtes aboutissent et que les personnes soient dédommagées.

 
France24

( Les News )






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