Attijari Bank-Sénégal et la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale ne font désormais plus qu’une seule entité. L’on n’ergotera point sur les raisons subjectives et objectives qui ont amené la plus vieille et la plus puissante des banques du Sénégal à se laisser absorber par un concurrent, certes de très grande envergure, mais avec qui elle pouvait valablement rester en compétition, à tout le moins sur le marché national et sous-régional. Mais une chose est sûre, si l’appellation Cbao va demeurer accolée au logo d’Attiraji, c’est, en toute évidence, parce que le repreneur marocain de la banque mesure combien son expertise, son histoire, son label et son poids financier sont autant de sésames qui leur ouvriront bien d’autres portes dans leur expansion en Afrique subsaharienne.
Avec la finalisation de l’opération dite « Jokko » d’intégration de la Cbao à Attijariwafa Bank, ce groupe qui est leader sur le marché bancaire et financier du royaume chérifien va désormais pouvoir jouer les premiers rôles sur celui du Sénégal. En plus de la Cbao dont il a acquis 79,15% du capital depuis le 13 mai 2008, il avait déjà racheté 66,67% de la Banque sénégalo-tunisienne le 24 janvier 2007, après avoir ouvert, coup sur coup, trois agences à Dakar en 2006. La Cbao affichait fin 2007, un total bilan de 457,8 milliards de Fcfa, un produit net bancaire de 31,3 milliards et un résultat net de 11,2 milliards. Ses fonds propres étaient à 45,9 milliards.
Attijari Bank-Sénégal, issu de l’absorption de la Banque sénégalo-tunisienne, se prévalait en fin décembre 2007 d’un total bilan de 131 milliards de Fcfa, d’un produit net bancaire de 8,1 milliards, d’un résultat net de 0,8 milliard et de 10,3 milliards de Fcfa de fonds propres. Ces chiffres cumulés sont édifiants sur l’ampleur de la place acquise par Attijari dans le paysage bancaire sénégalais.
L’ensemble constitue la première banque du pays avec 29% de parts de marché. Et ce n’est pas fini, car le groupe a pratiquement absorbé Crédit du Sénégal, la filiale du Crédit agricole français que cette dernière banque avait récemment « héritée » du Crédit lyonnais.
Expansion au sud du Sahara
La crainte est de voir, au rythme où vont les choses, le bulldozer évincer peu à peu les autres banques de la place et dicter sa loi sur un marché bancaire des plus étroits. Les responsables d’Attijari s’en défendent bien évidemment, arguant que leur souci est plutôt d’être utiles à l’économie sénégalaise, par le renforcement de sa bancarisation et une « utilisation dopée de l’épargne nationale ».
Le groupe se sert également du tremplin sénégalais pour prolonger son expansion au sud du Sahara.
Attijariwafa Bank a l’ambition de devenir une banque qui compte en Afrique subsaharienne. Le groupe a déjà pris, en janvier 2008, des parts consistantes dans la Financière du Burkina Faso, rebaptisée Cauris Bank International. Elle est en très bonne position pour la reprise de la Banque internationale pour l’Afrique au Niger, qu’elle négocie depuis 2007. Elle a absorbé, le 25 juillet dernier, 51% du capital de la Banque internationale du Mali, en prenant le meilleur sur quatre autres prétendants dont la Société générale, la Bmce à travers Boa, Ecobank et la United Bank for Africa du Nigeria.
Les françaises en rade
Il faut dire que la concurrence est très âpre entre les grands groupes africains qui se battent toutes pour la conquête des marchés régionaux où les banques d’essence française ne tiennent plus le haut du pavé. En Afrique de l’Ouest francophone, il n’en reste plus que deux, après la reddition du Crédit Agricole devant les Marocains : la Société générale et Bnp Paribas représentées par des filiales connues sous différentes appellations.
En fait, les banques françaises, qui étaient historiquement et structurellement bien en place dans la Zone franc, ont plutôt tendance à faire du surplace, à l’image des grandes maisons de commerce et des industries dont, depuis la période coloniale, elles servent de bras financier et de relais pour le rapatriement des bénéfices vers l’Hexagone.
La tendance de ces dernières est même au désinvestissement. L’on évoque très souvent l’instabilité politique et sociale, l’incertitude juridique, la corruption, les difficultés des recouvrements dans la région pour justifier le reflux français. Mais, il y a que les opérateurs économiques français ne bénéficient plus en Afrique francophone des conditions qui leur permettaient de réaliser des profits considérables, fortement protégés de la concurrence extérieure par leurs positions oligopolistiques et des relations politiques privilégiées. Et surtout que le centre d’intérêt économique français s’est déplacé vers l’Europe occidentale, centrale et orientale et sur le pourtour méditerranéen.
Avance sur les concurrents
L’acquisition par Attijariwafa Bank de la participation de Crédit Agricole S.A. dans Crédit du Sénégal (95% du capital) et dans le reste de son réseau de banques de détail en Afrique : Crédit du Congo (81% du capital), Société ivoirienne de Banque (51% du capital), Société camerounaise de Banque (65% du capital), Union gabonaise de Banque (59% du capital) ne s’explique pas autrement.
Comme le soulignait Georges Pauget, directeur général de Crédit Agricole S.A., en mai dernier au moment de la signature de l’accord y afférent, cette opération s’inscrit dans le cadre de la stratégie du groupe qui privilégie les activités de banque de proximité en Europe, ainsi que dans le Bassin méditerranéen.
En reprenant les cinq filiales africaines du Crédit Agricole, Attijariwafa Bank prend une longueur d’avance sur ses concurrents dans la course à la bancarisation du continent africain.
Dans un entretien avec « Les Afriques », Mohamed El Kettani, le Pdg du groupe, reconnaissait que cette transaction a permis au groupe « Attijariwafa 2012 » de se réaliser dans sa dimension régionale avec quatre années d’avance.
« Nous considérons cette opération comme une belle manière de consolider la coopération Sud-Sud car, quoi de plus important que d’apprendre à nous connaître et nous développer ensemble ? Et j’ai l’intime conviction que nous sommes sur le bon chemin », confiait-il au journal.
Tendance à la concentration
Quoi qu’il en soit, la tendance qui se dessine dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine est bien pour la fusion et la concentration bancaires au sein de grands groupes du genre Attijari. Avec la libéralisation tous azimuts qui a prévalu ces dernières années, le nombre de banques dans l’Uemoa avait considérablement augmenté, passant de 66 à la fin de 2002 à 97 à la fin de 2007. Or, selon des chiffres de Bnp Paribas, le total des crédits bancaires accordés représente à peine 16% du Pib de l’Union, contre 80% en Afrique du Sud ou à Maurice.
En quelque sorte, la prolifération des banques n’a que très faiblement contribué au financement du développement de la région au cours de ces dernières années. Elle est même apparue, aux yeux des autorités monétaires de l’Union, comme pouvant fragiliser le système bancaire sous-régional. C’est, notamment, pour minorer le risque d’une nouvelle crise du système que le capital minimum d’une banque autorisée à opérer dans la sous-région, un milliard de Fcfa jusque-là, va être porté à 5 milliards en 2009 puis à 10 milliards en 2010.
Cette disposition prudentielle met les petites banques locales, sous-capitalisées pour une bonne part dans les conditions d’être absorbées par de plus grandes. C’est un blanc-seing qui ouvre la sous-région à toute banque pouvant contribuer à l’élargissement de l’accès aux services bancaires et au renforcement du financement de l’activité économique au sein de l’Union. C’est ce qui importe le plus.
Par Amadou FALL Le Soleil
Avec la finalisation de l’opération dite « Jokko » d’intégration de la Cbao à Attijariwafa Bank, ce groupe qui est leader sur le marché bancaire et financier du royaume chérifien va désormais pouvoir jouer les premiers rôles sur celui du Sénégal. En plus de la Cbao dont il a acquis 79,15% du capital depuis le 13 mai 2008, il avait déjà racheté 66,67% de la Banque sénégalo-tunisienne le 24 janvier 2007, après avoir ouvert, coup sur coup, trois agences à Dakar en 2006. La Cbao affichait fin 2007, un total bilan de 457,8 milliards de Fcfa, un produit net bancaire de 31,3 milliards et un résultat net de 11,2 milliards. Ses fonds propres étaient à 45,9 milliards.
Attijari Bank-Sénégal, issu de l’absorption de la Banque sénégalo-tunisienne, se prévalait en fin décembre 2007 d’un total bilan de 131 milliards de Fcfa, d’un produit net bancaire de 8,1 milliards, d’un résultat net de 0,8 milliard et de 10,3 milliards de Fcfa de fonds propres. Ces chiffres cumulés sont édifiants sur l’ampleur de la place acquise par Attijari dans le paysage bancaire sénégalais.
L’ensemble constitue la première banque du pays avec 29% de parts de marché. Et ce n’est pas fini, car le groupe a pratiquement absorbé Crédit du Sénégal, la filiale du Crédit agricole français que cette dernière banque avait récemment « héritée » du Crédit lyonnais.
Expansion au sud du Sahara
La crainte est de voir, au rythme où vont les choses, le bulldozer évincer peu à peu les autres banques de la place et dicter sa loi sur un marché bancaire des plus étroits. Les responsables d’Attijari s’en défendent bien évidemment, arguant que leur souci est plutôt d’être utiles à l’économie sénégalaise, par le renforcement de sa bancarisation et une « utilisation dopée de l’épargne nationale ».
Le groupe se sert également du tremplin sénégalais pour prolonger son expansion au sud du Sahara.
Attijariwafa Bank a l’ambition de devenir une banque qui compte en Afrique subsaharienne. Le groupe a déjà pris, en janvier 2008, des parts consistantes dans la Financière du Burkina Faso, rebaptisée Cauris Bank International. Elle est en très bonne position pour la reprise de la Banque internationale pour l’Afrique au Niger, qu’elle négocie depuis 2007. Elle a absorbé, le 25 juillet dernier, 51% du capital de la Banque internationale du Mali, en prenant le meilleur sur quatre autres prétendants dont la Société générale, la Bmce à travers Boa, Ecobank et la United Bank for Africa du Nigeria.
Les françaises en rade
Il faut dire que la concurrence est très âpre entre les grands groupes africains qui se battent toutes pour la conquête des marchés régionaux où les banques d’essence française ne tiennent plus le haut du pavé. En Afrique de l’Ouest francophone, il n’en reste plus que deux, après la reddition du Crédit Agricole devant les Marocains : la Société générale et Bnp Paribas représentées par des filiales connues sous différentes appellations.
En fait, les banques françaises, qui étaient historiquement et structurellement bien en place dans la Zone franc, ont plutôt tendance à faire du surplace, à l’image des grandes maisons de commerce et des industries dont, depuis la période coloniale, elles servent de bras financier et de relais pour le rapatriement des bénéfices vers l’Hexagone.
La tendance de ces dernières est même au désinvestissement. L’on évoque très souvent l’instabilité politique et sociale, l’incertitude juridique, la corruption, les difficultés des recouvrements dans la région pour justifier le reflux français. Mais, il y a que les opérateurs économiques français ne bénéficient plus en Afrique francophone des conditions qui leur permettaient de réaliser des profits considérables, fortement protégés de la concurrence extérieure par leurs positions oligopolistiques et des relations politiques privilégiées. Et surtout que le centre d’intérêt économique français s’est déplacé vers l’Europe occidentale, centrale et orientale et sur le pourtour méditerranéen.
Avance sur les concurrents
L’acquisition par Attijariwafa Bank de la participation de Crédit Agricole S.A. dans Crédit du Sénégal (95% du capital) et dans le reste de son réseau de banques de détail en Afrique : Crédit du Congo (81% du capital), Société ivoirienne de Banque (51% du capital), Société camerounaise de Banque (65% du capital), Union gabonaise de Banque (59% du capital) ne s’explique pas autrement.
Comme le soulignait Georges Pauget, directeur général de Crédit Agricole S.A., en mai dernier au moment de la signature de l’accord y afférent, cette opération s’inscrit dans le cadre de la stratégie du groupe qui privilégie les activités de banque de proximité en Europe, ainsi que dans le Bassin méditerranéen.
En reprenant les cinq filiales africaines du Crédit Agricole, Attijariwafa Bank prend une longueur d’avance sur ses concurrents dans la course à la bancarisation du continent africain.
Dans un entretien avec « Les Afriques », Mohamed El Kettani, le Pdg du groupe, reconnaissait que cette transaction a permis au groupe « Attijariwafa 2012 » de se réaliser dans sa dimension régionale avec quatre années d’avance.
« Nous considérons cette opération comme une belle manière de consolider la coopération Sud-Sud car, quoi de plus important que d’apprendre à nous connaître et nous développer ensemble ? Et j’ai l’intime conviction que nous sommes sur le bon chemin », confiait-il au journal.
Tendance à la concentration
Quoi qu’il en soit, la tendance qui se dessine dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine est bien pour la fusion et la concentration bancaires au sein de grands groupes du genre Attijari. Avec la libéralisation tous azimuts qui a prévalu ces dernières années, le nombre de banques dans l’Uemoa avait considérablement augmenté, passant de 66 à la fin de 2002 à 97 à la fin de 2007. Or, selon des chiffres de Bnp Paribas, le total des crédits bancaires accordés représente à peine 16% du Pib de l’Union, contre 80% en Afrique du Sud ou à Maurice.
En quelque sorte, la prolifération des banques n’a que très faiblement contribué au financement du développement de la région au cours de ces dernières années. Elle est même apparue, aux yeux des autorités monétaires de l’Union, comme pouvant fragiliser le système bancaire sous-régional. C’est, notamment, pour minorer le risque d’une nouvelle crise du système que le capital minimum d’une banque autorisée à opérer dans la sous-région, un milliard de Fcfa jusque-là, va être porté à 5 milliards en 2009 puis à 10 milliards en 2010.
Cette disposition prudentielle met les petites banques locales, sous-capitalisées pour une bonne part dans les conditions d’être absorbées par de plus grandes. C’est un blanc-seing qui ouvre la sous-région à toute banque pouvant contribuer à l’élargissement de l’accès aux services bancaires et au renforcement du financement de l’activité économique au sein de l’Union. C’est ce qui importe le plus.
Par Amadou FALL Le Soleil