La première tentative du plan fomenté par Me Wade consistait à démontrer la popularité de son fils Karim Wade en le faisant élire à la mairie de Dakar lors des dernières élections locales du 22 mars 2009. Le chef de l’Etat avait vendu ce projet à son homologue français, Nicolas Sarkozy bien avant la tenue de ces élections locales. C’était lors d’une audience convenue entre les deux présidents. Au cours de cette audience dont la Gazette a obtenu, par la suite, la teneur des discussions, Wade a présenté à son homologue français son projet de faire élire son fils. Arrêtons-nous un peu à cette rencontre qui s’est tenue à la veille des locales de Mars 2009. Sur demande du président de la République du Sénégal, Nicolas Sarkozy a accepté de le rencontrer avant que les services protocolaires ne précisent la formule. Les deux parties s’étaient accordées sur une audience de « un plus un ». En langage diplomatique, cela signifie que chaque président sera accompagné par une autre personne. Wade devait aller à l’audience en compagnie de son ministre des Affaires étrangères d’alors, Cheikh Tidjane Gadio. D’ailleurs, M. Gadio se trouvait en France et attendait le chef de l’Etat pour l’accompagner à l’audience où Nicolas Sarkozy devait les recevoir en présence du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant.
LES MINUTES DE L’AUDIENCE WADE-SARKOZY
Seulement, au dernier moment, Me Wade annule la formule du « un plus un » préalablement retenue et demande un tête-à-tête avec son homologue français. Durant cette audience, Me Wade évoque devant Nicolas Sarkozy son souhait de se retirer du pouvoir : « Je suis venu discuter avec la France de nos relations, mais aussi du Sénégal. J’ai décidé de me retirer, je ne me représenterai pas à la prochaine élection. » En même temps, Wade explique à Nicolas Sarkozy que son souci avant de partir, est « de mettre en place un processus de succession qui conserverait la stabilité du Sénégal et permettrait à mon successeur de continuer le travail que j’ai entamé. » Il ajoute : « J’aurais souhaité continuer pour parachever mes chantiers, mais compte tenu de mon âge, ce sera difficile ». Sarkozy lui demande dans l’instant : « Est-ce que vous avez pensé à quelqu’un ? » Me Wade répond à la question en procédant par élimination. Il dit : « Au départ, j’envisageais de trouver quelqu’un parmi mes plus proches collaborateurs, mais avec ce qui s’est passé avec Idrissa Seck, j’ai perdu toute confiance. Au-delà de ce qui m’oppose au plan politique à lui, c’est l’argent qu’il a transféré à son compte qui me contrarie. Même le peuple ne comprend pas mon indulgence envers lui. Je n’ai pas été heureux non plus avec Macky Sall. »
Ainsi, tente-t-il de justifier sa séparation avec Idrissa Seck, l’homme qui déclarait au lendemain de l’alternance être « le jardinier de ses rêves » et Macky Sall, dont Wade disait qu’il est le meilleur Premier ministre pour avoir sorti ses chantiers de terre. En réalité, Me Wade a discrédité ses anciens collaborateurs qui sont tous des candidats sérieux à sa succession pour mieux valoriser son candidat à lui. En effet, après avoir dénigré Idrissa Seck et Macky Sall, il présente Karim Wade comme le meilleur profil : « C’est mon fils qui est aujourd’hui le mieux placé », raconte-t-il à Nicolas Sarkozy. Et pour convaincre son interlocuteur, il ajoute : « Il (Ndlr : Karim Wade) est aimé des Sénégalais ! Ils me forcent même la main pour qu’il me remplace. Il est le plus brillant. » (sic) Rappelons que lors de l’émission Tribune passée dans la presse sénégalaise, Wade disait de son fils : « je ne vois pas dans mon entourage quelqu’un qui maîtrise mieux l’argent que Karim ». Toutefois, devant Nicolas Sarkozy, le chef de l’Etat se présente comme un chef respectueux des valeurs et des principes républicains. Il le rassure en ces termes : « Je mettrais mon fils au Palais en respectant toutes les règles démocratiques. »
N’empêche, le président français a soulevé d’autres questionnements en lui faisant remarquer que Karim Wade n’était pas engagé sur le terrain politique. En outre, il voulait savoir comment Me Wade s’y prendrait pour le mettre au pouvoir. C’est en ce moment de la discussion que Me Wade a sorti la Génération du concret pour la présenter comme une organisation qui a, selon lui, ses mailles sur le tout le territoire national, et serait capable de remporter les élections devant tous les partis politiques. Il dit : « Il (Ndlr : Karim) a un mouvement qui déborde dans tout le Sénégal. Je ne suis pas sûr que le Pds fera le poids devant son mouvement. Pour vous le confirmer, il va gagner la mairie de Dakar. » Nous étions à la veille des élections locales du 22 mars 2009 et Me Wade persuadait Sarkozy que son fils allait gagner la mairie de Dakar. A cette époque, une partie de la presse était au courant de ce plan. L’hebdomadaire, Weekend Magazine soutenait que la première étape de la dévolution monarchique du pouvoir était la mairie de Dakar par où Karim Wade devait passer pour donner l’illusion d’une popularité incontestée au sein de la population sénégalaise.
Toujours est-il qu’à cette époque, Sarkozy qui ignorait tout de la réalité politique au pays de la Teranga n’aura pas trop objecté, il se sera contenté d’écouter et d’enregistrer le plan de Me Wade. D’ailleurs, il le fait savoir en ces termes : « Je n’ai pas d’objection tant que vous respectez les règles démocratiques. Seulement, il me semble qu’il y a beaucoup de réserves par rapport à votre approche, mais vous me rassurez. »
LE DEMENTI DES SENEGALAIS
La suite est connue. Au soir du 22 mars 2009, le peuple sénégalais servit un cinglant démenti à Abdoulaye Wade en votant contre la liste de la coalition Sopi qui portait la candidature de Karim Wade à la mairie de Dakar. Non seulement, Karim Wade est battu à Dakar par Khalifa Sall porté par la coalition de l’opposition Benno Siggil Senegaal, mais le pouvoir perd toutes les grandes villes qui passent sous le contrôle de l’opposition. Les Sénégalais, en votant contre les Wade et leur régime, ont fait échouer un plan ficelé sur leurs dos et présenté à l’Elysée pour leur imposer une dévolution du pouvoir d’un autre âge. Ils ne savaient, peut-être pas, qu’ils obligeaient ainsi Abdoulaye Wade à revoir sa stratégie de mise en scelle de son fils largement accablé par sa gestion à l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci) où il a été noté un gaspillage sans précédent des ressources publiques.
Mais, ce rejet exprimé à travers le vote des Sénégalais ne fera pas reculer le chef de l’Etat. Au contraire, Abdoulaye Wade ne tiendra aucun compte de ce message lancé par les citoyens le 22 mars 2009. Du moins, chez les Français, il va se défausser sur son parti pour expliquer la déroute de Karim Wade. D’après des sources diplomatiques, Me Wade s’est rendu après le 22 mars 2009 à l’Elysée pour rassurer Sarkozy. Il lui dira : « C’est ma propre majorité qui a saboté les élections. » Son argument est que les militants du Parti démocratique sénégalais, non contents des investitures sur les listes électorales, ont voté contre sa coalition pour sanctionner les leaders locaux. Ce qu’il n’a pas dit aux Français, c’est que la seule présence de Karim Wade sur les listes les a rendues peu attractives et a décidé les plus sceptiques d’aller voter contre, comme l’ont soutenu des militants du Pds à Dakar, au lendemain des scrutins.
Nous vous disions plus haut que La Gazette est en mesure de vous révéler l’agenda secret du chef de l’Etat pour faire élire son fils. En effet, quand Me Wade est allé rassurer les Français après la débâcle du 22 mars 2009, il a, en même temps, présenté son nouveau plan de succession. D’abord, il leur fait part de sa décision de reconfigurer le Pds en le recomposant avec la Génération du concret. C’est dans le cadre de cette stratégie qu’il a lancé le Parti démocratique sénégalais libéral (Pdsl). En réalité, ce « machin » devrait, au terme de la vente des cartes, se terminer par un congrès consacrant Karim Wade chef du parti au pouvoir. Mais, là également la mayonnaise n’a pas pris. Si Abdoulaye Wade a décidé contre toute attente de suspendre le Pdsl, c’est parce qu’il s’est rendu compte que les éléments de la Gc n’ont aucune emprise sur la vente des cartes.
Aujourd’hui, Abdoulaye Wade se tourne vers d’autres orientations. Nos sources renseignent que dans sa nouvelle démarche, Me Wade envisage deux hypothèses. S’agissant de la première option, il s’agira de nommer Karim Wade à la tête du Sénat pour qu’il assure la suppléance du président de la République en cas d’empêchement. Mais, cette option n’agrée pas, selon nos interlocuteurs, Karim Wade.
La seconde hypothèse qui semble le plus enthousiasmer le fils consiste à procéder à une nouvelle distribution des rôles au sein de l’Etat. Ainsi, Karim Wade va passer à la vice- présidence à la suite d’importantes réformes. Dans cette optique, le chef de l’Etat va transférer les ministères de souveraineté sous la responsabilité de son fils qui devra avoir le contrôle directe sur le ministère de la Défense, celui de l’Intérieur et des Affaires étrangères. A y voir de près, on se rend compte que Me Wade travaille déjà sur cette hypothèse. Dans la configuration actuelle du gouvernement, on voit nettement que la Défense est confiée à Abdoulaye Baldé qui est membre de la Gc. Au ministère de l’Intérieur, ce ne sera pas Bécaye Diop qui va s’opposer à Karim Wade. L’homme est connu pour son soutien sans condition à la famille Wade. Et à Karim Wade, le père a confié, en plus des affaires étrangères, la substance du ministère des Finances, de l’aménagement du territoire, des transports aériens…
CANDIDATURE DE ME WADE EN 2012 : UN BLUFF
Finalement, à la question de savoir si Me Wade se présentera aux élections de 2012, on est tenté de répondre par la négative. Il est difficile de croire aujourd’hui à cette candidature de Me Wade quand on est informé de tous ses agissements qui ne visent qu’à positionner le fils. Rappelons, simplement, que lors de l’émission Tribune, Me Wade disait que s’il veut mettre son fils à la tête de l’Etat, il savait par où il allait passer. Il disait : « Ni Omar Bongo, ni Georges Bush, ni Ngassimbé Yadéma ne sont plus intelligents que moi. Pourtant, ils ont mis leur fils à la tête de leur pays ». En faisant cette déclaration, Abdoulaye Wade pensait-il à la nomination de son fils à la vice-présidence ? Ce poste, il l’avait créé, disait-il, pour le confier aux femmes. Un an plus tard, rien de cela n’a été fait. Il revient, pourtant, lors de son adresse à la Nation du 3 avril dernier pour promettre aux femmes la parité absolue dans toutes les fonctions électives. N’est ce pas une manière de faire oublier son ancienne promesse pour pouvoir donner à son fils la vice-présidence sans provoquer de la résistance chez les femmes ?
En tous cas, du côté des anciens collaborateurs de Me Wade, on ne croit pas à sa candidature. Abdoulaye Bathily fait partie des hommes politiques sénégalais qui ont le plus pratiqué Me Wade. Pour lui, le chef de l’Etat fait de la diversion avec sa candidature. « Wade était coincé après la débâcle de son fils lors des élections locales. Il ne pouvait plus vendre son fils même pour un franc et le parti était démoralisé. La seule possibilité pour lui de recoller les morceaux, c’était de déclarer sa candidature pensant que cela pouvait créer l’unité autour de lui. Mais, il se rend compte que même cette possibilité ne sera pas aisée. »
Cette remise en cause de la candidature de Me Wade en 2012 est partagée par Ahmed Khalifa Niasse, compagnon d’Abdoulaye Wade pendant sa traversée du désert. Il fut ministre chargé de la nouvelle capitale et longtemps conseiller du chef de l’Etat. L’avis d’Ahmed Khalifa Niasse est sans équivoque : « Nous avons la conviction que Me Wade ne se présentera pas en 2012 ». Il soutient que « c’est juste pour pouvoir gérer encore le Parti démocratique sénégalais et le pays, mais surtout pour éviter l’éclatement de son parti » que le chef de l’Etat a annoncé précipitamment sa candidature. D’ailleurs, M. Niasse croit savoir que « l’après-Wade a commencé », même s’il ne précise pas comment.
Il est difficile de ne pas croire à une telle hypothèse au regard de tous les actes posés par le chef de l’Etat au profit de son fils. Dans le gouvernement comme dans les agences ou les directions nationales, des membres de la Génération du concret sont en train d’être nommés. Cette stratégie qui consiste à contrôler la substance du pouvoir d’Etat bien avant les élections est identifiée par certains membres de la société civile comme un point essentiel dans le processus de dévolution du pouvoir par des moyens peu orthodoxes. Mouhamadou Mbodj, coordonnateur du Forum civil a fait cette remarque et en appelle à la vigilance des opposants africains. Le militant de la transparence et de la bonne gouvernance fait remarquer que dans les cas connus en Afrique de succession au pouvoir de père en fils, le procédé est le même. Au Gabon comme au Togo, les fils ont été d’abord placés à des niveaux de responsabilités qui leur permettent de contrôler l’essentiel du pouvoir avant même le jour du scrutin. En ce sens, M. Mbodj estime que le jour des élections n’est que le parachèvement d’une réalité longtemps établie. « Il n’y a pas de date butoir pour résoudre les questions de dévolution monarchique du pouvoir », conclut-il pour attirer l’attention des politiques sur l’accaparement des ressources publiques pour satisfaire des ambitions privées.
Cheikh Fadel BARRO lagazette.sn
LES MINUTES DE L’AUDIENCE WADE-SARKOZY
Seulement, au dernier moment, Me Wade annule la formule du « un plus un » préalablement retenue et demande un tête-à-tête avec son homologue français. Durant cette audience, Me Wade évoque devant Nicolas Sarkozy son souhait de se retirer du pouvoir : « Je suis venu discuter avec la France de nos relations, mais aussi du Sénégal. J’ai décidé de me retirer, je ne me représenterai pas à la prochaine élection. » En même temps, Wade explique à Nicolas Sarkozy que son souci avant de partir, est « de mettre en place un processus de succession qui conserverait la stabilité du Sénégal et permettrait à mon successeur de continuer le travail que j’ai entamé. » Il ajoute : « J’aurais souhaité continuer pour parachever mes chantiers, mais compte tenu de mon âge, ce sera difficile ». Sarkozy lui demande dans l’instant : « Est-ce que vous avez pensé à quelqu’un ? » Me Wade répond à la question en procédant par élimination. Il dit : « Au départ, j’envisageais de trouver quelqu’un parmi mes plus proches collaborateurs, mais avec ce qui s’est passé avec Idrissa Seck, j’ai perdu toute confiance. Au-delà de ce qui m’oppose au plan politique à lui, c’est l’argent qu’il a transféré à son compte qui me contrarie. Même le peuple ne comprend pas mon indulgence envers lui. Je n’ai pas été heureux non plus avec Macky Sall. »
Ainsi, tente-t-il de justifier sa séparation avec Idrissa Seck, l’homme qui déclarait au lendemain de l’alternance être « le jardinier de ses rêves » et Macky Sall, dont Wade disait qu’il est le meilleur Premier ministre pour avoir sorti ses chantiers de terre. En réalité, Me Wade a discrédité ses anciens collaborateurs qui sont tous des candidats sérieux à sa succession pour mieux valoriser son candidat à lui. En effet, après avoir dénigré Idrissa Seck et Macky Sall, il présente Karim Wade comme le meilleur profil : « C’est mon fils qui est aujourd’hui le mieux placé », raconte-t-il à Nicolas Sarkozy. Et pour convaincre son interlocuteur, il ajoute : « Il (Ndlr : Karim Wade) est aimé des Sénégalais ! Ils me forcent même la main pour qu’il me remplace. Il est le plus brillant. » (sic) Rappelons que lors de l’émission Tribune passée dans la presse sénégalaise, Wade disait de son fils : « je ne vois pas dans mon entourage quelqu’un qui maîtrise mieux l’argent que Karim ». Toutefois, devant Nicolas Sarkozy, le chef de l’Etat se présente comme un chef respectueux des valeurs et des principes républicains. Il le rassure en ces termes : « Je mettrais mon fils au Palais en respectant toutes les règles démocratiques. »
N’empêche, le président français a soulevé d’autres questionnements en lui faisant remarquer que Karim Wade n’était pas engagé sur le terrain politique. En outre, il voulait savoir comment Me Wade s’y prendrait pour le mettre au pouvoir. C’est en ce moment de la discussion que Me Wade a sorti la Génération du concret pour la présenter comme une organisation qui a, selon lui, ses mailles sur le tout le territoire national, et serait capable de remporter les élections devant tous les partis politiques. Il dit : « Il (Ndlr : Karim) a un mouvement qui déborde dans tout le Sénégal. Je ne suis pas sûr que le Pds fera le poids devant son mouvement. Pour vous le confirmer, il va gagner la mairie de Dakar. » Nous étions à la veille des élections locales du 22 mars 2009 et Me Wade persuadait Sarkozy que son fils allait gagner la mairie de Dakar. A cette époque, une partie de la presse était au courant de ce plan. L’hebdomadaire, Weekend Magazine soutenait que la première étape de la dévolution monarchique du pouvoir était la mairie de Dakar par où Karim Wade devait passer pour donner l’illusion d’une popularité incontestée au sein de la population sénégalaise.
Toujours est-il qu’à cette époque, Sarkozy qui ignorait tout de la réalité politique au pays de la Teranga n’aura pas trop objecté, il se sera contenté d’écouter et d’enregistrer le plan de Me Wade. D’ailleurs, il le fait savoir en ces termes : « Je n’ai pas d’objection tant que vous respectez les règles démocratiques. Seulement, il me semble qu’il y a beaucoup de réserves par rapport à votre approche, mais vous me rassurez. »
LE DEMENTI DES SENEGALAIS
La suite est connue. Au soir du 22 mars 2009, le peuple sénégalais servit un cinglant démenti à Abdoulaye Wade en votant contre la liste de la coalition Sopi qui portait la candidature de Karim Wade à la mairie de Dakar. Non seulement, Karim Wade est battu à Dakar par Khalifa Sall porté par la coalition de l’opposition Benno Siggil Senegaal, mais le pouvoir perd toutes les grandes villes qui passent sous le contrôle de l’opposition. Les Sénégalais, en votant contre les Wade et leur régime, ont fait échouer un plan ficelé sur leurs dos et présenté à l’Elysée pour leur imposer une dévolution du pouvoir d’un autre âge. Ils ne savaient, peut-être pas, qu’ils obligeaient ainsi Abdoulaye Wade à revoir sa stratégie de mise en scelle de son fils largement accablé par sa gestion à l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci) où il a été noté un gaspillage sans précédent des ressources publiques.
Mais, ce rejet exprimé à travers le vote des Sénégalais ne fera pas reculer le chef de l’Etat. Au contraire, Abdoulaye Wade ne tiendra aucun compte de ce message lancé par les citoyens le 22 mars 2009. Du moins, chez les Français, il va se défausser sur son parti pour expliquer la déroute de Karim Wade. D’après des sources diplomatiques, Me Wade s’est rendu après le 22 mars 2009 à l’Elysée pour rassurer Sarkozy. Il lui dira : « C’est ma propre majorité qui a saboté les élections. » Son argument est que les militants du Parti démocratique sénégalais, non contents des investitures sur les listes électorales, ont voté contre sa coalition pour sanctionner les leaders locaux. Ce qu’il n’a pas dit aux Français, c’est que la seule présence de Karim Wade sur les listes les a rendues peu attractives et a décidé les plus sceptiques d’aller voter contre, comme l’ont soutenu des militants du Pds à Dakar, au lendemain des scrutins.
Nous vous disions plus haut que La Gazette est en mesure de vous révéler l’agenda secret du chef de l’Etat pour faire élire son fils. En effet, quand Me Wade est allé rassurer les Français après la débâcle du 22 mars 2009, il a, en même temps, présenté son nouveau plan de succession. D’abord, il leur fait part de sa décision de reconfigurer le Pds en le recomposant avec la Génération du concret. C’est dans le cadre de cette stratégie qu’il a lancé le Parti démocratique sénégalais libéral (Pdsl). En réalité, ce « machin » devrait, au terme de la vente des cartes, se terminer par un congrès consacrant Karim Wade chef du parti au pouvoir. Mais, là également la mayonnaise n’a pas pris. Si Abdoulaye Wade a décidé contre toute attente de suspendre le Pdsl, c’est parce qu’il s’est rendu compte que les éléments de la Gc n’ont aucune emprise sur la vente des cartes.
Aujourd’hui, Abdoulaye Wade se tourne vers d’autres orientations. Nos sources renseignent que dans sa nouvelle démarche, Me Wade envisage deux hypothèses. S’agissant de la première option, il s’agira de nommer Karim Wade à la tête du Sénat pour qu’il assure la suppléance du président de la République en cas d’empêchement. Mais, cette option n’agrée pas, selon nos interlocuteurs, Karim Wade.
La seconde hypothèse qui semble le plus enthousiasmer le fils consiste à procéder à une nouvelle distribution des rôles au sein de l’Etat. Ainsi, Karim Wade va passer à la vice- présidence à la suite d’importantes réformes. Dans cette optique, le chef de l’Etat va transférer les ministères de souveraineté sous la responsabilité de son fils qui devra avoir le contrôle directe sur le ministère de la Défense, celui de l’Intérieur et des Affaires étrangères. A y voir de près, on se rend compte que Me Wade travaille déjà sur cette hypothèse. Dans la configuration actuelle du gouvernement, on voit nettement que la Défense est confiée à Abdoulaye Baldé qui est membre de la Gc. Au ministère de l’Intérieur, ce ne sera pas Bécaye Diop qui va s’opposer à Karim Wade. L’homme est connu pour son soutien sans condition à la famille Wade. Et à Karim Wade, le père a confié, en plus des affaires étrangères, la substance du ministère des Finances, de l’aménagement du territoire, des transports aériens…
CANDIDATURE DE ME WADE EN 2012 : UN BLUFF
Finalement, à la question de savoir si Me Wade se présentera aux élections de 2012, on est tenté de répondre par la négative. Il est difficile de croire aujourd’hui à cette candidature de Me Wade quand on est informé de tous ses agissements qui ne visent qu’à positionner le fils. Rappelons, simplement, que lors de l’émission Tribune, Me Wade disait que s’il veut mettre son fils à la tête de l’Etat, il savait par où il allait passer. Il disait : « Ni Omar Bongo, ni Georges Bush, ni Ngassimbé Yadéma ne sont plus intelligents que moi. Pourtant, ils ont mis leur fils à la tête de leur pays ». En faisant cette déclaration, Abdoulaye Wade pensait-il à la nomination de son fils à la vice-présidence ? Ce poste, il l’avait créé, disait-il, pour le confier aux femmes. Un an plus tard, rien de cela n’a été fait. Il revient, pourtant, lors de son adresse à la Nation du 3 avril dernier pour promettre aux femmes la parité absolue dans toutes les fonctions électives. N’est ce pas une manière de faire oublier son ancienne promesse pour pouvoir donner à son fils la vice-présidence sans provoquer de la résistance chez les femmes ?
En tous cas, du côté des anciens collaborateurs de Me Wade, on ne croit pas à sa candidature. Abdoulaye Bathily fait partie des hommes politiques sénégalais qui ont le plus pratiqué Me Wade. Pour lui, le chef de l’Etat fait de la diversion avec sa candidature. « Wade était coincé après la débâcle de son fils lors des élections locales. Il ne pouvait plus vendre son fils même pour un franc et le parti était démoralisé. La seule possibilité pour lui de recoller les morceaux, c’était de déclarer sa candidature pensant que cela pouvait créer l’unité autour de lui. Mais, il se rend compte que même cette possibilité ne sera pas aisée. »
Cette remise en cause de la candidature de Me Wade en 2012 est partagée par Ahmed Khalifa Niasse, compagnon d’Abdoulaye Wade pendant sa traversée du désert. Il fut ministre chargé de la nouvelle capitale et longtemps conseiller du chef de l’Etat. L’avis d’Ahmed Khalifa Niasse est sans équivoque : « Nous avons la conviction que Me Wade ne se présentera pas en 2012 ». Il soutient que « c’est juste pour pouvoir gérer encore le Parti démocratique sénégalais et le pays, mais surtout pour éviter l’éclatement de son parti » que le chef de l’Etat a annoncé précipitamment sa candidature. D’ailleurs, M. Niasse croit savoir que « l’après-Wade a commencé », même s’il ne précise pas comment.
Il est difficile de ne pas croire à une telle hypothèse au regard de tous les actes posés par le chef de l’Etat au profit de son fils. Dans le gouvernement comme dans les agences ou les directions nationales, des membres de la Génération du concret sont en train d’être nommés. Cette stratégie qui consiste à contrôler la substance du pouvoir d’Etat bien avant les élections est identifiée par certains membres de la société civile comme un point essentiel dans le processus de dévolution du pouvoir par des moyens peu orthodoxes. Mouhamadou Mbodj, coordonnateur du Forum civil a fait cette remarque et en appelle à la vigilance des opposants africains. Le militant de la transparence et de la bonne gouvernance fait remarquer que dans les cas connus en Afrique de succession au pouvoir de père en fils, le procédé est le même. Au Gabon comme au Togo, les fils ont été d’abord placés à des niveaux de responsabilités qui leur permettent de contrôler l’essentiel du pouvoir avant même le jour du scrutin. En ce sens, M. Mbodj estime que le jour des élections n’est que le parachèvement d’une réalité longtemps établie. « Il n’y a pas de date butoir pour résoudre les questions de dévolution monarchique du pouvoir », conclut-il pour attirer l’attention des politiques sur l’accaparement des ressources publiques pour satisfaire des ambitions privées.
Cheikh Fadel BARRO lagazette.sn