A la suite des nouvelles mesures d’assouplissement prises hier par les autorités, l’analyste politique* Dr. Cheick Atab Badji s’est entretenu avec nos confrères du quotidien "Le Quotidien" sur les nouvelles orientations gouvernementales pour stopper le virus. Au cours de ce riche entretien, Leral.net s’est penché sur la pertinence ou non du couvre-feu dans le contexte de soulèvements, Dakar et Touba qui demeurent les zones les plus touchées par la COVID-19…
Dakar et Touba demeurent les zones les plus touchées par la pandémie. Pour barrer la route à la propagation, l’idéal ne serait-il pas un confinement total de ces deux villes ?
Un confinement total pour ces deux villes et un confinement total dans ces deux villes me paraissent deux choses différentes. Dans tous les cas, je ne suis pas un adepte du confinement total. Il est illusoire d’en faire un recours pour barrer la route à la propagation du virus. Dans l’état actuel de la lutte contre la pandémie que l’on dit être à sa phase communautaire, confiner ces deux villes serait une grave erreur politique. La plus grosse difficulté de la lutte à cette phase actuelle précisément, c’est la stigmatisation.
Or, cette stigmatisation géographique est extrêmement désastreuse. Elle cible à la fois la zone et les communautés de la zone et peut être à l’origine d’une fracture sociale sans précèdent et aux conséquences incalculables. Encore une fois, le vrai problème, ce n’est pas l’ampleur, mais c’est plus la gravité qui, en santé publique, se mesure en termes de mortalité et de morbidité, entre autres.
Docteur, quelle est la pertinence d’un couvre-feu nocturne aujourd’hui dans le contexte actuel (de crise sanitaire) marqué avec le début de soulèvements des populations ?
En termes d’action politique, il est toujours important d’analyser l’action publique sous trois niveaux : la pertinence, l’opportunité et l’efficacité. Autrement dit, la bonne décision à la bonne heure pour le bon résultat. Nous préférons aborder la question sous ces angles.
Du point de vue pertinence dans l’absolu, le couvre-feu peut avoir une certaine plus-value dans la lutte contre une épidémie car, en matière de contamination, l’élimination d’une quelconque occasion de contact prolongé ou de source n’est jamais de trop. Or, un seul contact peut avoir des conséquences plus ravageuses que plusieurs autres.
L’apport du couvre-feu dans la rupture des chaînes de contaminations n’est certes pas nul. En effet, on semble oublier la qualité des contacts et des rencontres qui se font entre vingt heures et zéro heure, d’une part, et au-delà, à travers les différents spectacles nocturnes où parler de distanciation sociale, une des mesures barrières phares, relève tout simplement de l’illusion.
Mais cela dit, la pertinence est contextodépendante. Or le contexte actuel s’inscrit dans une philosophie politique qui revendique de « vivre en présence du virus ». sous ce registre, le couvre-feu garde peu de pertinence. Ce d’autant moins qu’au-delà de 23 heures, l’essentiel des contacts à risque que constituent les spectacles, est proscrit par l’état urgence toujours en vigueur. Ce qui lui ôte déjà, au couvre-feu, le peu de pertinence qu’il avait, d’autant plus qu’il va continuer à mobiliser beaucoup d’énergie à travers les ressources humaines et matérielles mobilisées dans les différentes opérations nocturnes.
Du point de vue opportunité, il s’agit non pas de parler de l’opportunité du couvre-feu mais plutôt de l’opportunité de son maintien, si son instauration était déjà presque une attente sociale pour ne pas dire une demande, force est de préciser que son maintien à ce jour ne semble pas avoir la même aubaine.
Pis, les dernières manifestations donnent l’impression de passer d’un couvre-feu à un « couve-feu ». Ce feu qui couve doit être pris très au sérieux et peut s’expliquer par l’usure, aussi par le contexte climatique actuel marqué par la chaleur, notre type d’habitat pas toujours propice au confinement nocturne intradomiciliaire, parfois difficile, du fait de la densité humaine domiciliaire et aussi par la réalité épidémiologique qui est loin d’être celle qui était prévue.
A ce propos, il est important de préciser que l’ampleur d’une pathologie ne se mesure pas forcément par le nombre absolu de cas, mais surtout par la prévalence, entre autres, c’est-à-dire le nombre rapporté à la population donnée.
En définitive, de mon point de vue, l’enjeu politique majeur, ce n’est pas de faire sortir immédiatement la maladie COVID du pays mais de sortir immédiatement le pays de l’épidémie COVID. Pour ce faire, le focus doit être mis sur la responsabilisation individuelle et les enjeux collectifs. Lesquels sont surtout économico-sanitaires et non pas forcément médicaux.
Dakar et Touba demeurent les zones les plus touchées par la pandémie. Pour barrer la route à la propagation, l’idéal ne serait-il pas un confinement total de ces deux villes ?
Un confinement total pour ces deux villes et un confinement total dans ces deux villes me paraissent deux choses différentes. Dans tous les cas, je ne suis pas un adepte du confinement total. Il est illusoire d’en faire un recours pour barrer la route à la propagation du virus. Dans l’état actuel de la lutte contre la pandémie que l’on dit être à sa phase communautaire, confiner ces deux villes serait une grave erreur politique. La plus grosse difficulté de la lutte à cette phase actuelle précisément, c’est la stigmatisation.
Or, cette stigmatisation géographique est extrêmement désastreuse. Elle cible à la fois la zone et les communautés de la zone et peut être à l’origine d’une fracture sociale sans précèdent et aux conséquences incalculables. Encore une fois, le vrai problème, ce n’est pas l’ampleur, mais c’est plus la gravité qui, en santé publique, se mesure en termes de mortalité et de morbidité, entre autres.
Docteur, quelle est la pertinence d’un couvre-feu nocturne aujourd’hui dans le contexte actuel (de crise sanitaire) marqué avec le début de soulèvements des populations ?
En termes d’action politique, il est toujours important d’analyser l’action publique sous trois niveaux : la pertinence, l’opportunité et l’efficacité. Autrement dit, la bonne décision à la bonne heure pour le bon résultat. Nous préférons aborder la question sous ces angles.
Du point de vue pertinence dans l’absolu, le couvre-feu peut avoir une certaine plus-value dans la lutte contre une épidémie car, en matière de contamination, l’élimination d’une quelconque occasion de contact prolongé ou de source n’est jamais de trop. Or, un seul contact peut avoir des conséquences plus ravageuses que plusieurs autres.
L’apport du couvre-feu dans la rupture des chaînes de contaminations n’est certes pas nul. En effet, on semble oublier la qualité des contacts et des rencontres qui se font entre vingt heures et zéro heure, d’une part, et au-delà, à travers les différents spectacles nocturnes où parler de distanciation sociale, une des mesures barrières phares, relève tout simplement de l’illusion.
Mais cela dit, la pertinence est contextodépendante. Or le contexte actuel s’inscrit dans une philosophie politique qui revendique de « vivre en présence du virus ». sous ce registre, le couvre-feu garde peu de pertinence. Ce d’autant moins qu’au-delà de 23 heures, l’essentiel des contacts à risque que constituent les spectacles, est proscrit par l’état urgence toujours en vigueur. Ce qui lui ôte déjà, au couvre-feu, le peu de pertinence qu’il avait, d’autant plus qu’il va continuer à mobiliser beaucoup d’énergie à travers les ressources humaines et matérielles mobilisées dans les différentes opérations nocturnes.
Du point de vue opportunité, il s’agit non pas de parler de l’opportunité du couvre-feu mais plutôt de l’opportunité de son maintien, si son instauration était déjà presque une attente sociale pour ne pas dire une demande, force est de préciser que son maintien à ce jour ne semble pas avoir la même aubaine.
Pis, les dernières manifestations donnent l’impression de passer d’un couvre-feu à un « couve-feu ». Ce feu qui couve doit être pris très au sérieux et peut s’expliquer par l’usure, aussi par le contexte climatique actuel marqué par la chaleur, notre type d’habitat pas toujours propice au confinement nocturne intradomiciliaire, parfois difficile, du fait de la densité humaine domiciliaire et aussi par la réalité épidémiologique qui est loin d’être celle qui était prévue.
A ce propos, il est important de préciser que l’ampleur d’une pathologie ne se mesure pas forcément par le nombre absolu de cas, mais surtout par la prévalence, entre autres, c’est-à-dire le nombre rapporté à la population donnée.
En définitive, de mon point de vue, l’enjeu politique majeur, ce n’est pas de faire sortir immédiatement la maladie COVID du pays mais de sortir immédiatement le pays de l’épidémie COVID. Pour ce faire, le focus doit être mis sur la responsabilisation individuelle et les enjeux collectifs. Lesquels sont surtout économico-sanitaires et non pas forcément médicaux.