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Drame et colère des populations à Bassoul : Une mère et son bébé meurent faute de sage-femme

Une tragédie secoue l’île de Bassoul, dans la commune de Toubacouta, département de Foundiougne. Une mère d’une trentaine d’années et son nourrisson, ont perdu la vie les 8 et 9 avril derniers, dans des circonstances qui remettent en cause l’état du système de santé local. Les habitants, effondrés, dénoncent une négligence prolongée des autorités sanitaires. Quotidien "Le Témoin"


Rédigé par leral.net le Mardi 15 Avril 2025 à 19:49 | | 0 commentaire(s)|

Le drame débute dans la soirée du 8 avril 2025, lorsqu’une femme enceinte, en travail, se rend au poste de santé de Bassoul. À son arrivée, aucun personnel qualifié n’est disponible pour assurer l’accouchement. La seule aide présente est celle d’un agent communautaire de santé, peu formé pour gérer une situation d’urgence obstétricale.

Le nourrisson naît dans des conditions précaires, sans assistance spécialisée. Il décède quelques heures plus tard. La mère, affaiblie, est renvoyée chez elle, sans traitement adapté. Le lendemain matin, elle rend son dernier souffle. Le double décès provoque une onde de choc dans le village

Selon plusieurs témoignages recueillis, la principale cause de cette tragédie est l’absence d’une sage-femme dans l’île depuis quelques semaines. « L’ancienne sage-femme a été mutée. Depuis, elle n’a pas été remplacée », explique Marième Diop, présidente du groupement de femmes de Bassoul.

Un déficit chronique en personnel de santé touche toute la zone insulaire. À Bassoul, seul un infirmier chef de poste est affecté à l’année, avec des ruptures fréquentes de médicaments dues au poste vacant, d’équipements et sans véhicule sanitaire opérationnel.

L’émotion et la colère sont vives. Le village a observé une journée de deuil le 10 avril dernier, suivie d’un rassemblement citoyen pour alerter les autorités.

« Nous avons assez pleuré. Ce qui s’est passé est inacceptable. Nos femmes ne doivent plus mourir en donnant la vie », s’indigne Ibrahima Fall, notable de l’île. De nombreux habitants expriment un sentiment d’abandon.

« Nous sommes des citoyens comme les autres, nous méritons un système de santé digne », déclare une mère de famille, les yeux embués de larmes.

L’île de Bassoul, malgré ses efforts communautaires, fait face à un isolement logistique et médical. Une ambulance achetée par la communauté, est en panne depuis janvier. En cas d’urgence, un pêcheur du village utilise sa pirogue pour transférer les patients à Sokone, parfois de nuit, au péril des malades.

La communauté a réuni plus de 80 millions FCfa pour construire une école, un dépôt de pharmacie et réhabiliter le poste de santé, mais l’absence de personnel qualifié rend ces infrastructures largement sous-utilisées.

Le maire de Toubacouta, Ibrahima Ndong, joint par nos soins, reconnaît les faits et les défis auxquels il est confronté. Dans l’urgence, les habitants réclament : le retour immédiat d’une sage-femme qualifiée, la mise à disposition d’une ambulance fonctionnelle, la nomination d’un médecin chef de district plus proche et un audit sanitaire de la région

La mortalité maternelle reste un défi au Sénégal : en 2023, elle s’élevait à 153 décès pour 100 000 naissances vivantes, selon les chiffres du ministère de la Santé. Le gouvernement ambitionne de réduire ce taux à 94, d’ici 2028. Ce drame de Bassoul vient rappeler que les zones rurales sont les plus vulnérables, et qu’aucun plan national ne sera crédible sans équité territoriale dans l’accès aux soins.

Une tragédie qui en rappelle d’autres

Bassoul n’est pas un cas isolé. D’autres localités du delta du Saloum et du Fouta, signalent des drames similaires: femmes accouchant seules, décès par absence de transfusion, ruptures de vaccins. En janvier dernier, à Bettenty, une autre île du Saloum, une adolescente de 17 ans est morte, après 12 heures de travail, sans transport vers le centre hospitalier régional de Fatick.

Le double décès de Bassoul n’est pas une fatalité. Il est le fruit d’une chaîne de négligences et d’inactions. La communauté, meurtrie mais debout, refuse que cette tragédie se répète. Les regards sont désormais tournés vers les autorités. Car il ne s’agit pas seulement de réparer une ambulance ou d’envoyer une sage-femme. Il s’agit de redonner espoir à tout un territoire.






Source "Le Témoin"