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ENTRETIEN AVEC AMADOU TIDIANE BA, MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE « Le Sénégal n’avait jamais eu auparavant des priorités pour la recherche scientifique »

Amadou Tidiane Bâ est d’avis que nous sommes plus des consommateurs de résultats de recherche que des producteurs. Le ministre estime, en effet, que c’est parce que le Sénégal n’a jamais dégagé une politique durable en matière de recherche scientifique.


Rédigé par leral.net le Samedi 9 Avril 2011 à 00:12 | | 2 commentaire(s)|

ENTRETIEN AVEC AMADOU TIDIANE BA, MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE « Le Sénégal n’avait jamais eu auparavant des priorités pour la recherche scientifique »
De manière générale, les pays africains ne donnent pas à la recherche la place qu’elle doit avoir. Dans les pays asiatiques par exemple, la recherche scientifique est toujours associée à la recherche technologique du fait des applications de la science. Au Pakistan, après le Premier ministre, le ministre le plus important est celui de la Recherche scientifique et technologique. Il donne des instructions au ministre des Finances parce que les autorités ont misé sur l’utilisation des nouvelles technologies pour leur développement. Généralement, dans nos pays, c’est une jonction qui n’est pas faite. Au Sénégal, on avait même séparé la recherche appliquée de la recherche fondamentale. Dans des instituts comme l’Isra (Ndlr : Institut sénégalais de recherches agricoles), il y avait des chercheurs qui ne communiquaient pas leurs travaux. Pourtant, la recherche appliquée se nourrit des résultats de la recherche fondamentale. Donc, l’une ne peut aller sans l’autre. Les recherches appliquées qui se font à l’Isra ou à l’Ita (Institut de technologie alimentaire), viennent d’ailleurs. Il y a, ensuite, la recherche fondamentale qui se fait à l’université.

Quelles sont les priorités de recherche pour l’Etat du Sénégal ?

De tout temps, l’Etat n’a jamais dégagé vraiment de priorités ou de politique de recherche. Cependant, dans les années 1990, le président Abdou Diouf avait instruit de mettre l’accent sur le maïs pour sortir de la tyrannie du riz.

Avait-il réussi ce programme ?

Malheureusement, il n’a pas mis les moyens pour y arriver et on n’a pas pu obtenir les résultats escomptés. C’est différent de la Goana (Ndlr : Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance, lancée en 2008 par le Président Wade). Ce n’est pas parce que je suis dans le gouvernement que je le dis. Il faut se rendre compte que c’est quand même avec la Goana que le gouvernement a clairement identifié les domaines prioritaires de recherche. Mieux, c’est avec ce programme que des objectifs précis ont été fixés avec un budget pour la recherche et pour la production.

A combien s’élève le budget alloué à la recherche dans le cadre de la Goana ?

C’est en tout cas plusieurs milliards. L’Isra était financé par des organisations comme l’Usaid et cela limitait un peu l’accès des chercheurs aux fonds de recherche.

Donc, la priorité de l’Etat, c’est l’agriculture, à travers la Goana ?

Oui, c’est un peu l’agriculture. Le ministère de la recherche scientifique a d’ailleurs proposé au président de la République la mise en place d’un Conseil national de la recherche scientifique et ethnique (Cnrst) qu’il a accepté. Cette structure doit se réunir pour définir les priorités de recherche et identifier les domaines prioritaires. Ce conseil sera composé de l’Etat, des chercheurs et des utilisateurs potentiels des résultats de recherche. En plus, il y a le Fonds d’impulsion de la recherche scientifique et technique (First) qui a mis 500 millions en compétition pour encourager et soutenir la recherche dans tous les domaines.

Ces 500 millions suffisent-ils pour encourager la recherche ?

(Catégorique) Non. Ça ne suffit pas.

Alors que faut-il faire ?

Attention ! Pour calculer le budget de la recherche, il faut additionner le budget de l’Isra avec 3 milliards et demi, et ceux qui sont un peu dans d’autres ministères comme celui de l’agriculture.

Peut-on savoir alors, la part du budget de la recherche dans votre département ?

Ce n’est pas beaucoup (rires). Pour l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique, on est à 84 milliards au total. Mais la part de la recherche n’est que de 2 à 3 milliards.

Ce sont donc les 3 milliards de votre département, plus le budget de l’Isra, celui de l’Ita, etc.

Oui. En additionnant toutes ces sommes, vous avez le chiffre global des fonds alloués à la recherche au Sénégal.

Est-ce une bonne formule d’éparpiller ces budgets ? N’est-ce pas plus raisonnable de confier tout cela au ministère de la Recherche scientifique ?

(Il hésite un peu) Je ne le souhaite pas. Je pense que la mise en place du Cnrst va nous permettre d’identifier les domaines qui seront financés parce que là, effectivement, la coordination n’est pas bonne. Il faut dire que, parfois, on se retrouve dans des situations un peu compliquées. L’Usaid a un projet de financement de 14 milliards pour l’appui à la recherche agricole. Cette organisation veut que le ministère de la Recherche scientifique coordonne ce projet. Mais, en fait, les renforcements de capacités vont se dérouler dans les écoles de formation des ingénieurs agronomes, donc du domaine du ministère de l’agriculture.

Voulez-vous dire que cette double tutelle de la recherche constitue un obstacle au financement ?

Non ! Je ne pense pas. Il y a ce qu’on appelle les Groupes thématiques programmés (Gtp). Ces groupes répondent, par exemple, à la question de l’amélioration de la qualité des semences. C’est donc nécessaire qu’il y ait une coordination entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, mais aussi les paysans eux-mêmes. Il y a aussi, sous la directive du chef de l’Etat, la restauration des sols salés. A ce niveau également, il y a un autre groupe. Au total, un budget de 250 millions de FCFA a été alloué à ces groupements thématiques.

Après l’agriculture, les énergies renouvelables ne devraient-elles pas être la deuxième priorité de recherche avec l’actualité brûlante des coupures d’électricité ?

Tout à fait. Seulement dans ce domaine, il y a des réalités qu’il faut constater. On dit souvent qu’il y a du soleil qu’il faut exploiter. Mais, le problème se situe plus sur la disponibilité des technologies permettant d’utiliser le soleil. Le gouvernement a adopté une loi pour baisser le coût des panneaux solaires. Ce n’est peut-être pas suffisant. Et il s’agit justement de diminuer la pression sur la Senelec en favorisant l’énergie solaire. En ce qui concerne les biocarburants, il faudra aussi des options claires. On a parlé du Jatropha, mais on attend encore des orientations précises car, entre le Jatropha et le biocarburant, il y a une certaine distance. J’ai récemment visité le village de Potou (Ndlr : dans la région de Louga) où des Italiens ont installé une machine qui produit du biocarburant directement consommable.

A propos du Jatropha, est-ce à dire qu’on a mis la charrue avant les bœufs ? On annonce des projets sans avoir défini au préalable une stratégie de sa mise en œuvre ?

C’est exactement cela. Ce n’est pas que le Jatropha, il y a aussi le tabanani et le soump. Maintenant, c’est à la recherche scientifique de dire si le soump est plus rentable que le tabaninai ou non.

Les résultats de recherche des instituts comme l’Isra ne sont pas assez utilisés. Comment expliquez-vous une telle situation ?

Généralement, nos pays n’associent pas les résultats de recherche à l’application. Ce qui fait que nous sommes plus des consommateurs de résultats. Mais, le problème se situe au niveau de la formation des chercheurs. Il se trouve que nous sommes moulés dans le système français. Quelqu’un fait ses croisements et arrive à un résultat, mais on ne lui a jamais appris, pendant sa formation, comment transposer ses résultats au service du développement. C’est dire que le contact entre le chercheur et le secteur de production est important. Aux Etats-Unis, on en arrive au point que c’est le secteur de production qui commande la recherche, c’est-à-dire que le chercheur part des préoccupations du secteur. C’est cela la faiblesse du système français que nous appliquons aussi. C’est le cas des résultats de l’Isra qui ne sont pas suffisamment exploités.

L’Etat a-t-il suffisamment les moyens de développer la recherche scientifique ?

Ce n’est pas parce que l’Etat n’a pas les moyens. C’est que, quand vous voulez mettre des moyens, il faut que vous soyez sûr que cela peut vous rapporter quelque chose en retour.

Est-ce donc un manque de volonté politique ?

Non, ce n’est pas une question de volonté mais de compréhension. Quand les pays asiatiques ont décidé de mettre l’accent sur la recherche scientifique et technologique, ils ont mis le ministre en charge de cette question, dans l’ordre protocolaire, aussitôt après le Premier ministre. Mieux, il est plus puissant que le ministre des Finances. En fait, c’est par rapport à ce que cela rapporte. C’est sur la base de petites technologies. Il faut dire que l’Etat ne peut pas tout financer aussi. Les privés que nous avons ne prennent pas de risques. Mais, il y a beaucoup de possibilités. Nous avons un laboratoire de biotechnologie et je vous assure qu’il est possible de produire toutes les semences de pommes de terre dont le Sénégal a besoin. Le Sénégal importe plus de 2 milliards en semences de pommes de terre qu’on peut, pourtant, produire localement à partir des techniques les plus modernes. Lorsque j’étais chef de département de Biologie, des hommes d’affaires étaient venus me voir. Nous avions fait une démonstration pour les convaincre qu’on peut produire à moindre coût. Ensuite, ils sont partis et on ne les a plus revus. Le Kenya gagne des milliards à partir des fleurs coupées. On n’a pas besoin d’être agrégé pour le faire ici. Il suffit d’installations simples pour y arriver. Le Maroc aussi produit la rose. Là, c’est un peu l’idée des Gtp qui obligent le chercheur à travailler en collaboration avec un producteur et qui travaille en fonction des besoins de ce même producteur. Nous espérons qu’avec la mise en place du Cnrst, les privés vont s’intéresser au financement de la recherche. En France par exemple, il y a un fonds qui garantit les risques encourus par les entreprises au cas où les résultats de recherche ne sont pas atteints. C’est une façon de rassurer et d’encourager les privés, mais surtout de les dédommager en cas d’échec.

Agences, académies etc., est-ce que cela facilite une bonne coordination de la politique de recherche ?

A mon avis, ce qui importe, c’est de faire en sorte que ces structures soient plus fonctionnelles. D’aucuns soutiennent qu’il faudrait rattacher l’Isra au ministère de la Recherche scientifique. En ce qui me concerne, le schéma actuel ne me gêne pas. Il faut simplement une bonne coordination de la recherche, une définition des priorités et des moyens financiers. Je pense que si nous savons où on veut aller, nous ne manquerons pas de bailleurs pour nous accompagner. La Banque africaine de développement et la Banque mondiale sont prêtes à nous financer à condition que ce soit des projets bancables. Je reconnais qu’il faut augmenter la part de l’Etat. L’Union africaine recommande à chaque Etat de consacrer 0,1% de son PIB à la recherche. Notre pays est à 0,5% (rires). Il faut noter, cependant, que même avec ce chiffre, le Sénégal est parmi les bons élèves, derrière l’Afrique du Sud et les pays maghrébins.

Ahmed DIAME et Hamath KANE lagazette.sn

(Plus d'informations demain sur leral .net)


1.Posté par farba le 09/04/2011 01:31 | Alerter
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nul ce ministre transfuge de aj; il n'a pas meme pas son entrée en 6ème: nous qui avons suivi ses cours savons de quoi nous parlons: il apprenait betement ses cours par couer et récitait sans réflechir comme des versets conraniques; il ne fallait jamais linterrompre pur des questions tu es cuit eleve
tout c'est wade qui a fait ses ignards et nigauds ministres

2.Posté par Alla Séne GUEYE du Mali le 09/04/2011 23:17 | Alerter
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Le sujet est très important, voilà des sujets que l'on débattre au Sénégal...

La moyenne actuellemnt des pays émergents Monsieur le Ministre, c'est un de 1% du PIB. Celà donnerait pour le Sénégal 20 milliards de FCFA; soit le double du niveau actuel annoncé par le Ministre.....

A mon avis, le Sénégal (acteurs publics et privés) devrait mettre 5% de son PIB dans la recherche et technologie avec une vision claire et des priorités.....

Si c'est bien avec éthique, patriotisme et sans y associer des scandales financiers, un ICOR (Incremental Capital Output Ratio) de 2 pourrait être obtenu; ce qui permettrait à la recherche et à la science d'ajouter 2,5 % par an à la croissance économique..

A bientôt

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