À combien évaluez-vous les remises d’argent de Foccart venant d’Afrique?
Incalculable! À ma connaissance, il n’y avait pas de comptabilité. Plusieurs dizaines de millions de francs par an. Davantage pendant les périodes électorales.
Jacques Chirac, accusé par Jean- Claude Méry dans sa fameuse cassette d’avoir vu une remise de 5 millions de francs, a toujours démenti tout cela…
Je sais ce que je dis. Je sais ce que j’ai fait.
Que faites-vous donc à partir de 1997, à la mort de Foccart, avec Dominique de Villepin?
Je l’ai présenté aux chefs d’État africains. Au début, ils se sont étonnés de devoir traiter avec Villepin, qui avait déjà son discours officiel sur la "moralisation"… Je leur ai dit que c’était une décision du "Grand", autrement dit de Chirac. Je dois dire que Villepin s’y est bien pris avec eux. Que le courant est bien passé. Il a su y faire… Il m’appelait "camarade" et s’est mis à m’offrir du whisky pur malt de 1963.
Et les remises de valises ont continué?
Elles n’ont jamais cessé. À l’approche de la campagne présidentielle de 2002, Villepin m’a carrément demandé "la marche à suivre". Il s’est même inquiété. C’est sa nature d’être méfiant. Je devais me présenter à l’Élysée sous le nom de "M. Chambertin", une de ses trouvailles. Pas question de laisser de traces de mon nom. Par mon intermédiaire, et dans son bureau, cinq chefs d’État africains - Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire), Denis Sassou Nguesso(Congo-Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo (Gabon) - ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002.
Alors que ces fonds en liquide ne figurent sur aucun compte officiel, que les fonds secrets avaient été supprimés par Lionel Jospin, que l’affaire Elf avait mis en lumière les fortunes occultes des chefs d’État africains…
C’est l’exacte vérité. Un exemple qui ne s’invente pas, celui des djembés (des tambours africains). Un soir, j’étais à Ouagadougou avec le président Blaise Compaoré. Je devais ramener pour Chirac et Villepin 3 millions de dollars. Compaoré a eu l’idée, "connaissant Villepin comme un homme de l’art", a-t-il dit, de cacher l’argent dans quatre djembés. Une fois à Paris, je les ai chargés dans ma voiture jusqu’à l’Élysée. C’est la seule fois où j’ai pu me garer dans la cour d’honneur! C’était un dimanche soir et je suis venu avec un émissaire burkinabais, Salif Diallo, alors ministre de l’Agriculture. Je revois Villepin, sa secrétaire, Nadine Izard, qui était dans toutes les confidences, prendre chacun un djembé, devant les gendarmes de faction… Les tams-tams étaient bourrés de dollars. Une fois dans son bureau, Villepin a dit : "Blaise déconne, c’est encore des petites coupures!"
Comment écoulait-il ces fonds? Pierre Péan a demandé à Éric Woerth, trésorier de la campagne de 2002, qui n’a jamais eu vent de ces espèces…
Je ne sais pas ce que Chirac et Villepin en faisaient. C’est leur problème.
Vous dites que Laurent Gbagbo aussi a financé la campagne de Jacques Chirac en 2002…
Oui. Il m’avait demandé combien donnait Omar Bongo, et j’avais dit 3 millions de dollars. Laurent Gbagbo m’a dit : "On donnera pareil alors." Il est venu à Paris avec l’argent. Nous nous sommes retrouvés dans sa suite du Plaza Athénée. Nous ne savions pas où mettre les billets. J’ai eu l’idée de les emballer dans une affiche publicitaire d’Austin Cooper. Et je suis allé remettre le tout à Villepin, à l’Élysée, en compagnie d’Eugène Allou, alors directeur du protocole de Laurent Gbagbo. Devant nous, Villepin a soigneusement déplié l’affiche avant de prendre les billets. Quand on sait comment le même Villepin a ensuite traité Gbagbo, cela peut donner à réfléchir…
Jacques Chirac était-il au courant de toutes les remises d’espèces?
Bien sûr, tant que Villepin était en poste à l’Élysée. Lors des grandes remises de fonds, j’étais attendu comme le Père Noël. En général, un déjeuner était organisé avec Jacques Chirac pour le donateur africain, et ensuite, la remise de fonds avait lieu dans le bureau du secrétaire général. Une fois, j’étais en retard. Bongo, qui m’appelait "fiston" et que j’appelais "papa", m’avait demandé de passer à 14h 45. Nadine, la secrétaire de Villepin, est venue me chercher en bas et m’a fait passer par les sous-sols de l’Élysée. J’avais un gros sac de sport contenant l’argent et qui me faisait mal au dos tellement il était lourd. Bongo et Chirac étaient confortablement assis dans le bureau du secrétaire général de l’Élysée. Je les ai salués, et je suis allé placer le sac derrière le canapé. Tout le monde savait ce qu’il contenait. Ce jour-là, j’ai pensé au Général, et j’ai eu honte.
PiccMi.Com - La Rédaction
Incalculable! À ma connaissance, il n’y avait pas de comptabilité. Plusieurs dizaines de millions de francs par an. Davantage pendant les périodes électorales.
Jacques Chirac, accusé par Jean- Claude Méry dans sa fameuse cassette d’avoir vu une remise de 5 millions de francs, a toujours démenti tout cela…
Je sais ce que je dis. Je sais ce que j’ai fait.
Que faites-vous donc à partir de 1997, à la mort de Foccart, avec Dominique de Villepin?
Je l’ai présenté aux chefs d’État africains. Au début, ils se sont étonnés de devoir traiter avec Villepin, qui avait déjà son discours officiel sur la "moralisation"… Je leur ai dit que c’était une décision du "Grand", autrement dit de Chirac. Je dois dire que Villepin s’y est bien pris avec eux. Que le courant est bien passé. Il a su y faire… Il m’appelait "camarade" et s’est mis à m’offrir du whisky pur malt de 1963.
Et les remises de valises ont continué?
Elles n’ont jamais cessé. À l’approche de la campagne présidentielle de 2002, Villepin m’a carrément demandé "la marche à suivre". Il s’est même inquiété. C’est sa nature d’être méfiant. Je devais me présenter à l’Élysée sous le nom de "M. Chambertin", une de ses trouvailles. Pas question de laisser de traces de mon nom. Par mon intermédiaire, et dans son bureau, cinq chefs d’État africains - Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire), Denis Sassou Nguesso(Congo-Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo (Gabon) - ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002.
Alors que ces fonds en liquide ne figurent sur aucun compte officiel, que les fonds secrets avaient été supprimés par Lionel Jospin, que l’affaire Elf avait mis en lumière les fortunes occultes des chefs d’État africains…
C’est l’exacte vérité. Un exemple qui ne s’invente pas, celui des djembés (des tambours africains). Un soir, j’étais à Ouagadougou avec le président Blaise Compaoré. Je devais ramener pour Chirac et Villepin 3 millions de dollars. Compaoré a eu l’idée, "connaissant Villepin comme un homme de l’art", a-t-il dit, de cacher l’argent dans quatre djembés. Une fois à Paris, je les ai chargés dans ma voiture jusqu’à l’Élysée. C’est la seule fois où j’ai pu me garer dans la cour d’honneur! C’était un dimanche soir et je suis venu avec un émissaire burkinabais, Salif Diallo, alors ministre de l’Agriculture. Je revois Villepin, sa secrétaire, Nadine Izard, qui était dans toutes les confidences, prendre chacun un djembé, devant les gendarmes de faction… Les tams-tams étaient bourrés de dollars. Une fois dans son bureau, Villepin a dit : "Blaise déconne, c’est encore des petites coupures!"
Comment écoulait-il ces fonds? Pierre Péan a demandé à Éric Woerth, trésorier de la campagne de 2002, qui n’a jamais eu vent de ces espèces…
Je ne sais pas ce que Chirac et Villepin en faisaient. C’est leur problème.
Vous dites que Laurent Gbagbo aussi a financé la campagne de Jacques Chirac en 2002…
Oui. Il m’avait demandé combien donnait Omar Bongo, et j’avais dit 3 millions de dollars. Laurent Gbagbo m’a dit : "On donnera pareil alors." Il est venu à Paris avec l’argent. Nous nous sommes retrouvés dans sa suite du Plaza Athénée. Nous ne savions pas où mettre les billets. J’ai eu l’idée de les emballer dans une affiche publicitaire d’Austin Cooper. Et je suis allé remettre le tout à Villepin, à l’Élysée, en compagnie d’Eugène Allou, alors directeur du protocole de Laurent Gbagbo. Devant nous, Villepin a soigneusement déplié l’affiche avant de prendre les billets. Quand on sait comment le même Villepin a ensuite traité Gbagbo, cela peut donner à réfléchir…
Jacques Chirac était-il au courant de toutes les remises d’espèces?
Bien sûr, tant que Villepin était en poste à l’Élysée. Lors des grandes remises de fonds, j’étais attendu comme le Père Noël. En général, un déjeuner était organisé avec Jacques Chirac pour le donateur africain, et ensuite, la remise de fonds avait lieu dans le bureau du secrétaire général. Une fois, j’étais en retard. Bongo, qui m’appelait "fiston" et que j’appelais "papa", m’avait demandé de passer à 14h 45. Nadine, la secrétaire de Villepin, est venue me chercher en bas et m’a fait passer par les sous-sols de l’Élysée. J’avais un gros sac de sport contenant l’argent et qui me faisait mal au dos tellement il était lourd. Bongo et Chirac étaient confortablement assis dans le bureau du secrétaire général de l’Élysée. Je les ai salués, et je suis allé placer le sac derrière le canapé. Tout le monde savait ce qu’il contenait. Ce jour-là, j’ai pensé au Général, et j’ai eu honte.
PiccMi.Com - La Rédaction