Au pays de la Teranga (hospitalité en Ouolof), les malades du cancer se cachent pour mourir. Le seul appareil de radiothérapie disponible à l’hôpital Aristide le Dantec tombe souvent en panne. Dans un pays comme le Maroc, il en existe pas moins de 32 exploités par une vingtaine de centres d'oncologie. Cela donne déjà une idée sur une certaine négligence de la part des autorités sénégalaises dans la gestion de cette maladie qui serait la deuxième cause de mortalité. Pour en avoir le coeur net, le360 Afrique a enquêté de Dakar à Casablanca auprès de malades. Les témoignages sont poignants et révèlent une situation que tout le monde juge inacceptable.
"Quand on m'a diagnostiqué un cancer du côlon et suite à mon opération, on m'a prescrit des séances de radiothérapie", explique Ndeye Khady (voir la vidéo), jeune femme sénégalaise de 28 ans, venue se soigner à Casablanca dans une clinique privée.
A Dakar, elle n'a eu la chance de pouvoir faire qu'une première séance. Quand elle devait en faire une deuxième, la machine est tombée en panne. Elle patiente encore et encore, mais cette machine, acquise en 1989, continue de faire des siennes. Du coup, l'état de santé de Ndeye se détériore, comme celui de la plupart des nombreux autres malades de ce pays qui se vante de sa situation de deuxième économie de la zone UEMOA, derrière la Côte d'Ivoire.
Ndèye Khady Ndiaye, sa soeur jumelle, Yaye Fatou Ndiaye restée au Sénégal et sa mère Fatou Niang ont tenu à témoigner de cette situation qu'elles qualifient d'écoeurante. Au début, elles voulaient le faire à visage couvert avant de se raviser pour en faire un combat. "Nous devons témoigner pour tous les autres malades restés au Sénégal et ceux qui n'ont pas la chance de retrouver le sourire comme Ndèye Khady", assure Fatou Niang.
Et elle commence à raconter le calvaire de sa fille qui est passée d'une machine qui ne fonctionne pas au verdict des médecins qui "lui avaient purement et simplement demandé de retourner au Sénégal parce que l'état dans lequel elle était arrivée au Maroc relevait d'une cause perdue". "Son taux de plaquettes est trop bas, en deçà de 30.000, très loin du niveau normal de 120.000. Si l'on commence la chimiothérapie, elle n'a que 1% de chance de survie. Alors, autant la ramener au Sénégal", lui diront les médecins. Peu importe, "au point où nous en sommes, nous allons tenter ce seul 1% qui nous reste", leur répondra-t-elle. Ndeye Khady, comme elle se qualifie elle-même, est une miraculée. Mais des milliers de malades n'auront pas sa chance.
La situation est alarmante selon tous les cancérologues du pays. Cette défectuosité plonge dans un désarroi total les malades du cancer en cours de traitement. Des centres d'oncologie à la pointe de la technologie seraient en cours de réalisation pour la prise en charge des malades, disent régulièrement les autorités depuis une quinzaine d'années. Pour le moment, les patients sont obligés d’aller se faire traiter dans des pays comme le Maroc et la Mauritanie.
Témoins de cette situation pathétique, des voix se lèvent pour la dénoncer. C’est le cas de Mouhamadou Barro, haut conseiller des Collectivités territoriales. «Je ne comprends rien à cette histoire de machine de radiothérapie qui tombe en panne et qui nous oblige à évacuer nos malades jusqu’en Mauritanie. J’en suis témoin et c'est une honte pour tout le monde et un drame pour des familles entières», s’insurge-t-il.
Des professionnels de la santé comme le Docteur Mouhamadou Moustapha Dieng, oncologue-radiothérapeute à l’Institut du cancer de l’hôpital Aristide le Dantec s'activent çà et là. Ils ont lancé le mouvement «Octobre rose 2016», pour que les services compétents s’activent à résoudre cette équation. Cela n'empêche que la nouvelle machine de radiothérapie tarde à venir.
Cependant, cet appareil est rare, car seuls 5 pays de l’Afrique noire francophone disposent d’une machine de radiothérapie. Le Sénégal en fait partie mais celle dont il dispose est obsolète pour une demande qui tourne autour d'un millier de malades par an. En réalité, le nombre est beaucoup plus important, mais nombreux sont ceux qui meurent sans jamais avoir accès à ce type de soins. En l'absence d'assurance et de prise en charge médicale, il est impossible pour de nombreuses familles de décaisser les 700.000 Fcfa que coûte la séance de radiothérapie.
«Nous sommes sous-équipés dans ce domaine. Pire, la machine de Le Dantec ne répond pas aux normes internationales, même si elle rend d’énormes services aux populations, parce que rentrant dans l’arsenal thérapeutique du Sénégal», a soutenu Dr Dieng. Sur Internet, des lanceurs d'alerte sont en train de se mobilier.
Ce manque de matériel médical est d’autant plus inquiétant que la médecine sénégalaise était citée comme exemple dans la sous-région ouest-africaine. Maliens, Mauritaniens et d’autres nationalités venaient se faire soigner à Dakar. Autre paradoxe, la faculté de médecine de Dakar, qui forme de nombreux professionnels de la santé, jouit d’une bonne réputation à travers le monde. «Cette situation hante mon sommeil, quand on sait que ce sont nos structures de santé qui ont toujours été sollicitées par les Mauritaniens qui aspirent à une meilleure prise en charge, c'est dire la gravité de la situation», a continué Mouhamadou Barro.
Nul doute que solliciter les structures sanitaires d’un pays autre que le sien demande des moyens supplémentaires qui ne sont pas toujours à la portée des patients. C’est le cas de Dian Camara (sur la photo) qui était, jusque-là, promis à un bel avenir. Un cancer de la face l'a contraint à arrêter à la troisième année, ses études de médecine. Dans un premier temps, il avait compté sur la solidarité de ses amis qui lui avaient apporté un soutien financier pour une intervention qui ne s’était pas bien passée. Il devrait subir une deuxième radiothérapie mais malheureusement, l’unique appareil disponible au Sénégal était en panne. L'évacuation de Dian Camara en Mauritanie s’avère alors indispensable. Mais il doit, pour assurer ce déplacement, rassembler la somme de 1.360.000 francs CFA, soit l’équivalent de 2076 euros.
C'est là le calvaire que subissent tous les malades du cancer au Sénégal. Aujourd'hui, ceux qui ont une prise en charge médicale sont systématiquement évacués vers l'étranger. Mais, souvent, l'assurance médicale ne couvre pas les frais de transfert des malades, très onéreux. C'est le cas par exemple de cette patiente qui a dû débourser quelque 7.000 euros, soit 4,5 millions de Fcfa, pour être évacuée sur Casablanca.
Actuellement, sur Internet, une pétition vient d'être lancée. Peut-être qu'elle permettra enfin de sensibiliser des autorités sénégalaises qui ne pensent souvent qu'au nombre d'électeurs que peut rapporter telle ou telle décision.
"Quand on m'a diagnostiqué un cancer du côlon et suite à mon opération, on m'a prescrit des séances de radiothérapie", explique Ndeye Khady (voir la vidéo), jeune femme sénégalaise de 28 ans, venue se soigner à Casablanca dans une clinique privée.
A Dakar, elle n'a eu la chance de pouvoir faire qu'une première séance. Quand elle devait en faire une deuxième, la machine est tombée en panne. Elle patiente encore et encore, mais cette machine, acquise en 1989, continue de faire des siennes. Du coup, l'état de santé de Ndeye se détériore, comme celui de la plupart des nombreux autres malades de ce pays qui se vante de sa situation de deuxième économie de la zone UEMOA, derrière la Côte d'Ivoire.
Ndèye Khady Ndiaye, sa soeur jumelle, Yaye Fatou Ndiaye restée au Sénégal et sa mère Fatou Niang ont tenu à témoigner de cette situation qu'elles qualifient d'écoeurante. Au début, elles voulaient le faire à visage couvert avant de se raviser pour en faire un combat. "Nous devons témoigner pour tous les autres malades restés au Sénégal et ceux qui n'ont pas la chance de retrouver le sourire comme Ndèye Khady", assure Fatou Niang.
Et elle commence à raconter le calvaire de sa fille qui est passée d'une machine qui ne fonctionne pas au verdict des médecins qui "lui avaient purement et simplement demandé de retourner au Sénégal parce que l'état dans lequel elle était arrivée au Maroc relevait d'une cause perdue". "Son taux de plaquettes est trop bas, en deçà de 30.000, très loin du niveau normal de 120.000. Si l'on commence la chimiothérapie, elle n'a que 1% de chance de survie. Alors, autant la ramener au Sénégal", lui diront les médecins. Peu importe, "au point où nous en sommes, nous allons tenter ce seul 1% qui nous reste", leur répondra-t-elle. Ndeye Khady, comme elle se qualifie elle-même, est une miraculée. Mais des milliers de malades n'auront pas sa chance.
La situation est alarmante selon tous les cancérologues du pays. Cette défectuosité plonge dans un désarroi total les malades du cancer en cours de traitement. Des centres d'oncologie à la pointe de la technologie seraient en cours de réalisation pour la prise en charge des malades, disent régulièrement les autorités depuis une quinzaine d'années. Pour le moment, les patients sont obligés d’aller se faire traiter dans des pays comme le Maroc et la Mauritanie.
Témoins de cette situation pathétique, des voix se lèvent pour la dénoncer. C’est le cas de Mouhamadou Barro, haut conseiller des Collectivités territoriales. «Je ne comprends rien à cette histoire de machine de radiothérapie qui tombe en panne et qui nous oblige à évacuer nos malades jusqu’en Mauritanie. J’en suis témoin et c'est une honte pour tout le monde et un drame pour des familles entières», s’insurge-t-il.
Des professionnels de la santé comme le Docteur Mouhamadou Moustapha Dieng, oncologue-radiothérapeute à l’Institut du cancer de l’hôpital Aristide le Dantec s'activent çà et là. Ils ont lancé le mouvement «Octobre rose 2016», pour que les services compétents s’activent à résoudre cette équation. Cela n'empêche que la nouvelle machine de radiothérapie tarde à venir.
Cependant, cet appareil est rare, car seuls 5 pays de l’Afrique noire francophone disposent d’une machine de radiothérapie. Le Sénégal en fait partie mais celle dont il dispose est obsolète pour une demande qui tourne autour d'un millier de malades par an. En réalité, le nombre est beaucoup plus important, mais nombreux sont ceux qui meurent sans jamais avoir accès à ce type de soins. En l'absence d'assurance et de prise en charge médicale, il est impossible pour de nombreuses familles de décaisser les 700.000 Fcfa que coûte la séance de radiothérapie.
«Nous sommes sous-équipés dans ce domaine. Pire, la machine de Le Dantec ne répond pas aux normes internationales, même si elle rend d’énormes services aux populations, parce que rentrant dans l’arsenal thérapeutique du Sénégal», a soutenu Dr Dieng. Sur Internet, des lanceurs d'alerte sont en train de se mobilier.
Ce manque de matériel médical est d’autant plus inquiétant que la médecine sénégalaise était citée comme exemple dans la sous-région ouest-africaine. Maliens, Mauritaniens et d’autres nationalités venaient se faire soigner à Dakar. Autre paradoxe, la faculté de médecine de Dakar, qui forme de nombreux professionnels de la santé, jouit d’une bonne réputation à travers le monde. «Cette situation hante mon sommeil, quand on sait que ce sont nos structures de santé qui ont toujours été sollicitées par les Mauritaniens qui aspirent à une meilleure prise en charge, c'est dire la gravité de la situation», a continué Mouhamadou Barro.
Nul doute que solliciter les structures sanitaires d’un pays autre que le sien demande des moyens supplémentaires qui ne sont pas toujours à la portée des patients. C’est le cas de Dian Camara (sur la photo) qui était, jusque-là, promis à un bel avenir. Un cancer de la face l'a contraint à arrêter à la troisième année, ses études de médecine. Dans un premier temps, il avait compté sur la solidarité de ses amis qui lui avaient apporté un soutien financier pour une intervention qui ne s’était pas bien passée. Il devrait subir une deuxième radiothérapie mais malheureusement, l’unique appareil disponible au Sénégal était en panne. L'évacuation de Dian Camara en Mauritanie s’avère alors indispensable. Mais il doit, pour assurer ce déplacement, rassembler la somme de 1.360.000 francs CFA, soit l’équivalent de 2076 euros.
C'est là le calvaire que subissent tous les malades du cancer au Sénégal. Aujourd'hui, ceux qui ont une prise en charge médicale sont systématiquement évacués vers l'étranger. Mais, souvent, l'assurance médicale ne couvre pas les frais de transfert des malades, très onéreux. C'est le cas par exemple de cette patiente qui a dû débourser quelque 7.000 euros, soit 4,5 millions de Fcfa, pour être évacuée sur Casablanca.
Actuellement, sur Internet, une pétition vient d'être lancée. Peut-être qu'elle permettra enfin de sensibiliser des autorités sénégalaises qui ne pensent souvent qu'au nombre d'électeurs que peut rapporter telle ou telle décision.