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Lundi 15 Février 2010

Enquête sur la vraie Awa Ndiaye: Ministre d’Etat, ministre d’éclats


Awa Ndiaye, 53 ans, ministre d’Etat auprès du président de la République, a réussi à conserver sa place dans le gouvernement malgré les élections locales aux résultats catastrophiques, la gestion nébuleuse des fonds du ministère de la Femme qu’elle dirigeait. Désarçonnée par le cumul des déboires, elle retrouve l’équilibre avec l’appui du leader de la Génération du Concret. Weekend fait la lumière sur la trajectoire de la dame de Ndioloffène décrite comme une femme intéressée.



Enquête sur la vraie Awa Ndiaye: Ministre d’Etat, ministre d’éclats
C’est une…Sénégalaise modérée dotée par la nature : pas d’embonpoint débordant, pas de squelette évident. Une beauté discrète. Une bouche énergique généreusement coquine et des yeux espiègles souvent malicieusement « ornés » de lunettes d’amoureuse des lettres. Awa Ndiaye c’est d’abord un look, ensuite une verve prolixe, un quotient intellectuel enviable dans son milieu qui, dans le cercle fermé des dames en puissance de la République, fait jaser. Elle regarde tous ses détracteurs d’un œil hautain et les toise d’un regard froid, nullement inquiétée par les tremblements de…tête provoqués par le rapport de l’Armp (Agence de régulation des marchés publics) sur ses dépenses extraordinaires, par le bruits qui couvent à la présidence de la République. Le ministre d’Etat auprès du Président de la République a sa carapace faite en alliage de métal trempé dans la toute puissance de la Génération du Concret de son petit…frère Karim Wade. La dame a le profil du ministre people et glamour qui fascine par ses mimiques ostensibles, innées ou affectées. Elle se perd en roulement d’yeux, moues hautaines, et empruntes ses aires d’impératrice romaine. Elle détonne de l’écran dans son teint clair, son greffage inquisiteur et sa réplique réflexe. Elle n’est jamais prise de court et ne se prive pas de déballer le fond de sa pensée. Awa Ndiaye fascine ici, arrache un geste de répulsion là et fait fantasmer ailleurs. Malgré la cinquantaine révolue, elle a su embaumer son corps et présente toujours de réels atours physiques. Elle jauge tous ces gens-là et se gausse des lambins qui traînent sur l’échelle qu’elle a gravie à une vitesse supersonique. Aujourd’hui elle est ministre d’Etat auprès du président de la République. Et quoi encore ?
SPÉCIALISTE DE LITTÉRATURE FRANÇAISE
La petite fille qui naquit à Dakar en juin 1956 est élève dans le rouleau compresseur d’une éducation principielle de la famille et d’un lycée d’excellence. Entre l’éducation stricte infligée par un papa postier « rigoureux et sévère », Awa Ndiaye cumule les résultats scolaires et affole ses copines. Dans le quartier huppé du Point E, elles était un groupe de filles aux parents nantis, et narguaient leurs camarades aux origines plus modestes. Khady Diop, camarade de promotion de sa sœur explique : « Ces filles de quartiers huppés de Dakar on les appelait les chichiteuses, mais Awa, malgré sa situation s’en est toujours démarquée, elle était sans façon et affable. Elle était très brillante au lycée John Kennedy et s’affichait régulièrement dans le tableau d’honneur et récoltait des prix et des mérites. » Elle a grandi au Point E où son père Bamar Ndiaye habitait dans un logement administratif. C’est dans ce cadre introverti que la petite fille se taille une enfance à l’éducation surveillée et pointilleuse. Sa maman Nancy Crespin d’origine guinéenne y participait. Dans une famille où elle côtoie de nombreux frères et sœurs germains et demi-frères, Awa s’entend plus avec sa grande sœur Fatoumata qui vit aux Etats-Unis d’Amérique et est mariée à un allemand après le divorce d’un premier ménage avec un sénégalais. Au Point E, Awa ndiaye passe une enfance tranquille, sans préoccupation autre que ses études. Elle réussit son Baccalauréat Série A2 en 1974 au lycée Maurice Delafosse. Studieuse, elle poursuit ses études à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et s’inscrit au département de Lettres. Quelques années plus tard, elle officie comme professeur de lettres au lycée Blaise Diagne puis au lycée Maurice Delafosse, ensuite assistante à l’Ucad. Un de ses anciens collègues au lycée Maurice Delafosse se rappelle la dame aux cheveux toujours bien coiffés, à la dégaine de top model, gentille et braillarde à souhait.
A la retraite de leur père, ils ont quitté le Point E pour aller à la maison familiale de la Médina en face du domicile de feu Abdou Aziz Sy Dabakh Malick. Peinte comme une dame sans façon par ses anciens collègues au Lycée Delafosse et dans son fief de Ndar, crayonnée par ses voisins au quartier Yoff-Virage et à la Présidence comme une personne hautaine, Awa Ndiaye épouse tous les contrastes et applique distributivement la conduite à tenir devant tel ou tel milieu social. Elle est ambitieuse et sait ce qu’elle veut. Décriée par la masse, lors du récent rapport de l’Armp, celle qui est peinte comme une femme de caractère, sait se fixer des objectifs et tend inexorablement vers eux. Faisant fi du « qu’en dira-t-on ? »
Vers les années 1980, elle s’éprend de Cheikh Tidiane Sylla et l’union est scellée. Dans le cercle intime de son ménage, elle est maman d’un garçon, son aîné né en 1983 et de jumeaux (un garçon et une fille) nés vers 1990. Son époux, ancien directeur de l’Iam (Institut africain de Management) et alors gros ponte du régime socialiste s’active pour asseoir sa position. Militante active au sein du Ps aux cotés de son mari qui a été maire de Saint-Louis, Awa Ndiaye, naguère « première dame » et bonne samaritaine de Ndioloffène, travaille sous l’ombre de son époux, s’attire les sympathies des populations et se fond littéralement dans le commun des Saint-Louisiens à force de petits services rendus, billets de banques savamment glissés. Elle revêtait alors son manteau vert assorti de l’appartenance politique de son désormais ex époux et ancien ministre du Tourisme Tidiane Sylla. Les militants du Parti socialiste à Dakar ne la connaissent même pas, et pourtant sur le terrain elle gagnait de l’espace. S’étant découverte des liens de parenté du coté de son papa et le travail ainsi facilité, l’ancienne « première dame » de Saint Louis anime alors beaucoup d’activités de soutien au Parti Socialiste. Elle sait s’y prendre avec tact persuasion. Elle n’exclut rien, « le social comme le mystique ». Un proche du pouvoir la soupçonne de trop fréquenter les marabouts pour s’attirer les faveurs et leur protection mystique.
Si les calomniateurs la traitent de tous les noms et lui collent tous les vices et défauts, elle ne manque pas de bénéficiaires de ses largesses pour prendre la défense et révéler la meilleur de la nouvelle…égérie de Wade. Son secrétaire administratif adjoint : « J’étais devenu aveugle parce que j’avais une cataracte, elle a pris en charge mes frais d’opération. Ce n’était pas la première fois qu’elle avait ce geste de générosité envers des gens. » Un professeur qui l’a connue au lycée Maurice Delafosse abonde dans le même sens : « Je me rappelle qu’un jour elle avait offerte beaucoup d’argent à celui qui tirait les copies avec une machine et lui avait conseillé de s’achetait du lait parce que le travail qu’il faisait était rude. »
Ancienne militante active du Ps
Elle est la femme de terrain qui couvre son époux trop embourbé dans ses habits de ministre et lui assure sa base. Sa position de femme d’un ministre socialiste lui ouvre les faveurs du président Abdou Diouf qui la prend sous sa coupe et lui offre la possibilité de poursuivre ses études et son ascension sociale. Awa s’inscrit à l’Université Paris IV Sorbonne et décroche un diplôme d’études approfondies en Littérature et Civilisation française (17ème et 18ème siècles), d’un doctorat de 3eme Cycle en Littérature française (16ème et 17ème siècles). Assistante à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle est membre de la Commission nationale de réforme de l’enseignement du français au Sénégal. Assistante en littérature au département de Lettres modernes de l’Université de Dakar. Elle a, au-delà de ses compétences intrinsèques, ses méthodes bien à elle pour s’incruster dans le carré des « hauts d’en haut » bousculant tout sur son passage. Les portes du ministère des Affaires étrangères coulissent tranquilles devant l’apparition de la dame de Saint-Louis qui intègre ce département alors sous l’égide de Moustapha Niasse. Elle imprime sa marque et séduit son monde. Elle devient très proche de Cheikh Tidiane Gadio à la tête de celui-ci à la tête du ministère en 2000 consacrant l’alternance politique au sénégal. Elle grimpe l’ascenseur et s’exile aux Etats-Unis d’Amérique comme…consul du Sénégal à Washington. Par l’intermédiaire de Gadio.
AMINATA TALL REVIENT, AWA NDIAYE SUR LA SELLETTE
Repérée par le Président Wade au moment d’une de ses tournées aux Etats-Unis, elle fut appelée à venir collaborer plus étroitement avec les services du nouvel homme fort du Sénégal. Les portes du Palais de la République s’ouvrent une nouvelle fois pour Awa Ndiaye sous d’autres couleurs. Sa prime appartenance est jetée comme un vêtement usagé. Son ménage n’est pas épargné, qui battait déjà de l’aile. Un proche de sa famille assure : « Elle a divorcé d’avec Tidiane Sylla un an ou deux après l’Alternance. La séparation a été douloureuse. » Les circonstances dans lesquelles le divorce est intervenu son l’objet d’un mutisme assourdissant. Mal vue dans ses nouvelles fonctions au service du protocole à la Présidence, celle qui a pourtant un consistant CV irrite par sa seule présence dans les couloirs du Palais. Une estampille négative la suit comme une chaîne de casserole et déclenche un tollé à chacun de ses passages. Une haute autorité du Palais apprécie : « Elle se sentait à l’étroit dans le palais parce qu’elle était sous la coupe du chef de protocole Bruno Diatta et de son adjoint Massamba Sarr. C’est comme si elle était en situation de compétence liée. Beaucoup de personnes la jugeaient trop opportuniste et hautaine. » Pape Samba Mboup, directeur du cabinet du président de la république la prend sous sa coupe, la protége et l’aide à mieux s’intégrer. Awa est une spécialiste avérée en littérature et ses compétences la rapprochent directement de Wade. Les intermédiaires s’éclipsent et la dame s’installe confortablement. Wade va en faire sa conseillère chargée des affaires culturelles. Elle va titiller les sommets.
Avant qu’une autre ombre vient saper la quiétude de la dame de Ndioloffène, en la personne de la toute puissante Aminata Tall, coqueluche et chouchoute du Palais. Comme dans un ménage polygame, Awa se sent épiée dans un palais où elle ne peut désormais compter que sur Karim Wade. Soutien de taille. Et elle deviendra ministre au département stratégique de la Famille, de la Femme et de la Solidarité nationale. Elle s’implante et prend ses ailes dans le gouvernement et le Parti démocratique sénégalais au pouvoir. Elle gagne en envergure et ira jusqu’à convoiter le contrôle du mouvement national des femmes libérales, défiant sans gens l’héroïne dotée d’une légitimité historique, Aminata Tall. Avec comme entre autres stratégies, aduler le fils pour avoir le père. Mais le revers pendant les élections locales du 22 mars 2009, la perte de vitesse de la Génération du concret désignée comme cause principale de la débâcle du camp présidentiel, le retour aux affaires de Aminata Tall comme secrétaire générale de la Présidence de la République aménagent le lit « des misères politiques » de Awa Ndiaye. Puis, la récente publication des rapports de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp) vient enfoncer le clou. Awa Ndiaye est alors accusée de dispendieuse sans raison des finances publiques se payant le luxe de s’acheter des cuillères, couteaux et même nattes à prix d’or. Une personnalité du Palais de la République observe avec gloussement de plaisir : « Depuis que ce rapport a été publié, elle n’est plus apparue au Palais. » de quoi satisfaire des détracteurs. Toujours cette voix autorisée du palais : « Elle a été carrément desservie par le retour de Aminata Tall parce que les deux ne sont pas en bons termes. »
PROTÉGÉE DES WADE
Cependant, la diplômée de l’Université de Paris IV qui taquine la muse ne perd jamais ses moyens et se refuse toujours d’abattre ses dernières cartes, misant jusqu’à son dernier atout. Pour la soustraire de ce climat délétère, Wade lui aurait proposé un poste d’ambassadeur qu’elle aurait décliné fort poliment préférant à la place un portefeuille ministériel.
En juin 2007, quand Awa Ndiaye est nommée ministre de la Femme et de l’entreprenariat féminin, elle avait fini de transhumer et avec elle des militants du Ps, de l’Afp et de la Ld.
Toute aise, elle déroule. Avec la bénédiction de Karim Wade. Au nom d’un militantisme de type nouveau au parti libéral déjà miné par les querelles intestines. Prenant du galon, elle gagne aussi du terrain politique, se permet des dépenses extrabudgétaires, comme d’autres ministres. Et quand elle quittera le gouvernement, elle saura jouer « en cas désespéré » sur son joker de luxe, Karim Wade (pour rétablir son équilibre déjà précaire) qui aura insisté auprès de son père pour la faire revenir aux affaires après la débâcle des dernières locales du 22 mars 2009. Quelques jours plus tard, elle est invitée à se joindre à la réunion du Conseil des ministres et elle observe ahurie : « Mais monsieur le président, j’ai été limogée. » « Ah oui ? » s’étonne Wade. Il fit d’elle un ministre d’Etat auprès du président de la République le 7 mai 2009. Qui dit mieux ?
Awa Ndiaye est certes présentée comme protégée de Karim Wade mais elle dispose aussi d’autres arguments rares au Pds : elle fait partie des femmes les plus diplômées du Pds. Le militantisme féminin du parti de Wade ayant le niveau intellectuel qui flirte le sol, la diplômée de Paris IV, et membre du conseil de la francophonie est à coup sur une valeur sure qui présente tous les gages d’une instruction pointilleuse. Un membre de l’entourage du président fait remarquer : « Il est difficile de trouver une dame de son calibre dans le Pds. » ce qui lui vaut certainement l’estime à la fois du fils et du père. Une immunité ? Allez savoir.

Par Arona Basse, abasse@weekend.sn
Source : Weekend Magazine/galsentv



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