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Lundi 7 Septembre 2009

Gré à gré, surfacturations, détournements,… : Les gros maux de la Senelec


Pour redresser la situation financière de la Senelec, il faudrait trouver des solutions qui vont au-delà de la fourniture régulière du combustible. La situation financière de l’entreprise elle-même semble tellement inquiétante, que des cadres dénoncent de graves fautes de gestion, qui portent notamment sur des marchés de gré à gré, et des créances fictives, ainsi que des fautes de gestion, qui en obscurcissent l’avenir.

Par Dialigué FAYE le quotidien



Gré à gré, surfacturations, détournements,… : Les gros maux de la Senelec
La flambée des prix du pétrole, la fraude sur la consommation ou les arriérés de paiements, sont souvent avancés pour expliquer la crise que traverse la Société nationale d’électricité (Senelec). Pour les arriérés de paiement par exemple, la Senelec réclame a certaines municipalités 13 milliards de francs Cfa, et indique que les vols sur la consommation représentent un manque à gagner de plus de 6 milliards de francs. Mais aux yeux de certains cadres de l’entreprise, la réalité est tout autre. Pour eux, ces difficultés ne sont que la partie visible de l’iceberg, et cachent les vrais problèmes, ainsi que les responsabilités de la direction et de la tutelle. Ils considèrent d’ailleurs que l’habitude qu’ont les dirigeants à «masquer la réalité fait que la situation de l’entreprise ne pourra jamais être assainie tant que ceux qui ont des choses à cacher sont chargés de sa gestion et de son administration à des niveaux divers».
Parlant des fautes de gestion qui plombent la situation financière de la société, l’un de ces cadres de la société explique qu’en 2008, alors que «le programme de réduction des coûts prévoyait des économies de 2,6 milliards sur les charges de combustible, en optimisant le programme d’approvisionnement, l’entreprise a payé pour sept importations, un surcoût de plus de 6 milliards de francs Cfa, par rapport aux coûts obtenus si le combustible était acheté sur la base des prix de la structure officielle fixée par arrêté  ministériel».
L’employé explique la raison de cette contreperformance : «Toutes ces importations ont été faites avec un seul fournisseur, dans le cadre de marchés de gré à gré.» A cette irrégularité, le cadre de l’électricité ajoute des «montages financiers assimilables à de la cavalerie financière», qui sont érigés en règle. Ainsi, indique-t-il, «nos charges financières ont atteint 12 milliards en 2006, soit 8% de nos recettes. En 2008, elles ont été de 8 milliards».

Senelec comme Ics ?
Pour sortir la Senelec de l’ornière, l’agent invite ses collègues à oser «regarder en face leurs tares car le syndrome des Industries chimiques du Sénégal (Ics) les guette. Selon son analyse, «les problèmes vécus par les Ics avaient pour origine un programme d’investissement mal planifié, suivi d’écritures comptables douteuses pour masquer la réalité». Et il considère que tous ces ingrédients se retrouvent aujourd’hui à la Senelec. Pour étayer sa thèse, le cadre de l’électricité avance qu’après «un programme d’investissement artificiellement gonflé et mal financé, l’on assiste à la comptabilisation de créances fictives, pour arriver à un résultat préfabriqué». Il accuse : «L’exercice 2008, qui devait être clôturé avec une perte de plus de 21 milliards de francs Cfa, a enregistré, sur instruction du ministre de l’Energie, des créances sur l’Etat de 15 milliards, pour ramener la perte à 6 milliards.»
Il assure que «les commissaires aux comptes ont émis une réserve sur l’opération, mais elle a été maintenue pour tromper les Sénégalais et les bailleurs de fonds qui appuient l’entreprise». Cette personne assimile les changements intervenus dernièrement à cette flibusterie financière, car elle affirme que cette «forfaiture a nécessité de profonds changements au niveau du management intervenant dans l’arrêté des comptes. En l’espace de trois mois, le directeur financier et comptable, ainsi que le chef du département comptabilité ont été mutés. Les représentants du ministère des Finances au Conseil d’administration ont préféré la fuite, en boycottant l’Assemblée générale d’arrêté des comptes, à la confrontation. Le Président du conseil d’administration a, quant à lui, préféré jeter l’éponge après coup».
Il est vrai que la presse a fait état, il n’y a pas longtemps, de changements intervenus au mois de mai dernier, à la Direction des finances et de la comptabilité de la Senelec. M. Mar Samb a été envoyé à l’Audit et remplacé par Mme Fatou Ndiaye Fall. Le département comptabilité a vu M. Ousseynou Mbaye remplacer Mamadou Ndiaye. Ces deux dernières nominations aux finances et à la comptabilité, ont mis en selle des personnes plus connues pour être fortement redevables au ministre de l’Energie et à l’actuel directeur, que pour leurs compétences techniques.
Suffisant pour que les travailleurs de la Senelec considèrent que les «contes et mécomptes», comme ceux dénoncés dans le cadre de l’Anoci par Abdou Latif Coulibaly, existent également chez eux. A titre d’exemple, ceux qui acceptent de s’exprimer indiquent qu’un «investissement de 520 milliards est annoncé sur tous les toits, alors que les Tableaux financiers des ressources et emplois (Tafire) publiés par l’entreprise, avec toutes leurs limites, montrent que seuls 225 milliards ont été décaissés pour les investissements de 2000 à 2008».

Budget rEvisE, vente en augmentation
De même, les Sénégalais subissent tous les désagréments dus à une fourniture erratique de l’électricité, alors que, par leurs maigres moyens, ils ont tout fait pour redresser la barre de la Senelec. Ainsi, pendant plusieurs années, l’Etat a injecté dans la boîte l’équivalent de 179 milliards de francs Cfa, sous forme de capitaux propres pour compenser les pertes cumulées. Cet argent, auquel s’ajoutent plusieurs milliards reçus des bailleurs de fonds traditionnels comme la Banque mondiale et l’Agence française de développement (Afd), a permis d’éviter à l’entreprise de déposer son bilan. Mais l’effort des Sénégalais ne s’est pas arrêté là, parce que, par ailleurs, les factures de courant ont fortement augmenté depuis des années. Les experts parlent d’une moyenne de 60% de hausse entre 2000 et 2008. Pourtant, les cadres disent que le gouvernement a versé à la Senelec 152 milliards pour compenser les pertes de revenus et limiter les augmentations. Il n’empêche que certaines catégories sociales ont enregistré près de 100% de hausse de leurs factures.
Les cadres de la société indiquent que ces 152 milliards «représentent 10% des recettes tirées des clients. De ce fait, le revenu par Kwh a augmenté de plus de 70% en huit années (supporté en partie par le client et en partie par le gouvernement).»
Parmi les paradoxes de la Senelec, il faut relever celui, noté par un Conseil d’administration en début de cette année, à l’époque où ce dernier était encore présidé par M. Abdourahmane Sow. Dans le budget initial, les ventes devaient rapporter 217,41 milliards de francs Cfa. Or, après que l’Etat a imposé une baisse des tarifs de 12% à la Senelec, ces ventes ont été estimées à 243,41 milliards de francs Cfa, dans le budget révisé. Soit une augmentation de 13,66% en valeur relative. Et la direction de la société n’a pu expliquer comment elle a réussi cette prouesse, de diminuer ses prix en augmentant ses profits.
  dialigue@lequotidien.sn
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