Mais la qualité d’homme ou de femme d’Etat la plus élevée, et que l’on attendrait de ce portrait-robot, est la sagesse et le courage politiques, doublés d’un sens ombrageux de la démocratie et pointilleux de la justice sociale et de la passion pour l’Afrique que l’on retrouve chez Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia et Kéba MBaye. La valeur ajoutée suprême au-dessus de toutes ces qualités, serait, sans l’ombre d’un doute, la générosité et la sagesse enveloppées dans la témérité mesurée de Nelson Mandela.
Or, les “tablettes de la postérité” ne retiendront sûrement pas Abdoulaye Wade comme l’un des bienfaiteurs incontestés de la nation.
Il me paraît évident que de telles qualités ne peuvent se retrouver que chez un démiurge. Or le Sénégal est revenu, si tant est qu’il en ait jamais été ainsi, de ses illusions sur de prétendues trajectoires méssianiques. L’Afrique toute entière a mûri de ce point de vue. La classe politique nationale, toutes tendances confondues, ayant une claire conscience de ce que les alliances politiques sont devenues le passage obligé de la prise du pouvoir, elle butte à présent sur les modalités d’un partage équilibré du pouvoir, le recentrage de l’Etat voire sa réinvention, la guarantie intangible de la liberté d’expression sous toutes ses formes et, last but not least, l’accès équilibré et juste aux ressources, aux opportunités et aux services, selon les intérêts nationaux présents et futurs les plus élevés.
Maturité
On peinerait à trouver les attributs essentiels de cette refondation (révolution) majeure dans les programmes et la pratique des partis politiques ou les déclarations d’intention de la société civile arc-en-ciel ou même à travers l’élan certes généreux qui a instruit les “assises nationales”, une sorte de porridge idéologique et politique qui ne s’est pas donné les moyens de l’action politique et de mettre radicalement un terme à la dépendance quasi coloniale qui ne laisse au Sénégal aucune marge significative de manoeuvre quant au choix des paradigmes et des outils de son indépendance, de sa libération et de sa prospérité. Or, la nation a été ensevelie, au cours du demi-siècle écoulé dans l’absence de patriotisme d’une grqnde partie des élites, qu’elles soient maraboutiques ou occidentalisées, à travers une complaisance aussi anachronique qu’incompréhensible vis-à-vis de la tutelle française sur les destinées du Sénégal.
La réaction de l’opinion, par suite de la fausse déclaration à la nation de M. Abdoulaye Wade qui a rusé jusqu’au dernier moment pour tenir en haleine l’attention générale et en bénéficier alors qu’il savait qu’il ne se livrerait qu’à un vulgaire exercice de réarmement politique de ses troupes défaites, montre que la vitesse de maturation de la conscience nationale a atteint un point appréciable.
Mais que faire, à présent ? Il faut évidemment tenir compte de ce qu’Abdoulaye Wade ne détient plus entre ses mains périssables le destin du Sénégal. L’initiative politique lui a irrémédiablement échappé à partir du moment où lui-même reconnaît, à travers le projet saugrenu de “ticket” présidentiel (la 19e modification entretenue de la loi fondamentale), qu’il peinerait, avec ses alliés de la Cap 21, à se faire réélire par le quart de l’electorat. Autant dire qu’il a déjà jeté l’éponge, quel que soit le panache feint avec lequel on tente à présent de limiter les dégats collatéraux significatifs induits par ce faux pas majeur d’Abdoulaye Wade. La mise en scène projetée du 23 Juillet prochain ne servira à rien parce qu’elle ne sera jamais perçue que comme une réaction tardive face à un phénomène antérieur d’une plus grande vigueur et d’un symbolisme qui n’echappent à personne. Le peuple a bruyamment sonné la charge pour que nul n’en ignore.
En realité, l’affrontement des logiques qui ont instruit la date ineffaçable du 23 Juin et le projet revanchard du 23 Juillet vont, par la faute d’Abdoulaye Wade, entrainer la jeunesse sénégalaise dans une dangereuse épreuve de force préjudiciable aux intérêts de toutes les parties concernées. Il serait, en effet, irrecevable, que le PDS puisse tenir sa manifestation et que cette même opportunité soit déniée au Mouvement “y’en a marre” ou au M23. Ce serait une provocation inutile qui n’aurait comme conséquence que la sédimentation des sentiments de frustration d’une jeunesse qui n’en peut plus de subir les quolibets outranciers d’un chef de l’Etat qui semble avoir oublié qu’il gère une République et non un étalage de fripperie dans un marché aux puces. Face à cette énième dérive, les différents pôles du Mouvement du 23 Juin affûtent leurs armes, posent leurs ambitions et sont décidés à ne laisser aucune autre partie occuper à leur détriment la borne symbolique du 23 Juin .
Un futur immédiat assombri
Des souffrances qui agitent la nation et vont irrémédiablement s’intensifier, la plus vive sera sans doute occasionnée par l’étendue des crimes économiques directement proportionnelle à l’aggravation de la pauvreté, de la dette extérieure et de la spirale inflationiste doublée d’une chute en roue libre du taux de croissance très médiocre, pour dire le moins. Il faudra plus d’une décennie, peut-être, pour rectifier le tir au cas où une nouvelle équipe s’emparerait du pouvoir, en se voyant obligée de subir une période d’ajustement structurel auto-entretenu ou appliqué au forceps par les institutions de Bretton Woods qui ne s’embarasseraient d’aucun scrupule à remettre au goût du jour une potion médicamenteuse qui a échoué partout où elle a été appliquée.
Face à cette incertitude majeure, la seule question à l’ordre du jour, laissée en friche par les “assises nationales”, est celle de savoir s’il serait possible à une coalition victorieuse et dans quelles conditions, selon quelle strategie et quelles options, d’entreprendre le développement sans les institutions de Bretton Woods et avec quels moyens financiers, technologiques et humains. De ces défis, le plus redoubtable sans doute reste le déficit en ressources humaines en quantité et en qualité suffisantes pour inverser les effets durables de la mal gouvernance et du néo-colonialisme.
Compte tenu de son rang alarmant de 26ème pays le plus pauvre du monde, le Sénégal ne disposera alors que d’une marge de manoeuvre d’autant plus réduite que la médiocrité de ses performances sectorielles comme la faiblesse opérationnelle de son capital en resources naturelles (halieutiques, minérales et petrolifères), en services (électricité, tourisme) et en matière de création d’emplois véritables n’auront pas encore bénéficié d’une période significative de maturation.
Malgré ces handicaps, il reste que la pauvreté n’est pas une fatalité. Elle est le résultat d’options et de pratiques qui doivent être constamment passées au crible de la critique par le bas et être portées par une vision exclusivement instruite par les intérêts nationaux définis avec une précision optimale tant du point de vue de la pertinence des instruments et des mécanismes utilisés que des cadres légaux pensés et appliqués sans faiblesse par une administration politique, légale et judiciaire à la hauteur de ses nouvelles missions historiques.
Un tel projet ne peut être porté que par une coalition d’hommes et de femmes dont les leaders ne peuvent pas passer le plus clair de leur temps dans des réunions de salon ou des campagnes réactives en décalage prononcé par rapport au mouvement historique et social réél.
Le peuple s’est clairement fait entendre. Il n’y aura plus de place pour le louvoiement, la ruse, la démagogie, le carriérisme, l’idéologisme de pacotille et le délitement éthique et culturel de nos valeurs de civilisation les plus sacrées. Il faudrait, en outre, que la classe politique s’explique dès à présent et clairement sur la contradiction majeure que représente l’attrait indiscutable qu’elle a pour le présidentialisme hyper centralisé (ce qui est visible dans les discussions en cours et les actes posés) et la proclamation urbi et orbi d’un parlementarisme aux contours encore mal précisés par rapport aux traditions socio-culturelles et politiques dominantes. Cette équation reste encore très mal posée et mérite un dépassement rapide.
Une fois dépassée cette contradiction transcendante, il faudra, à 7 mois des élections présidentielle et législative, poser les jalons concrets d’un scrutin sincère et transparent, dans le respect de la Constitution en cours et à travers un maillage très sérré des villes et des villages surtout pour que l’expression du suffrage électoral soit vigoureusement sauvegardée. Il reste entendu que l’ambiguté ne saurait être entretenue plus longtemps au sujet de l’inscription obligatoire, de plus d’un million de jeunes qui voudraient voter pour la première fois. L’agenda de gestion du processus électoral et de mise en oeuvre des recommandations du comité qui en a la charge, malgré son caractère chargé, est à portée de mains, à condition de ne plus perdre de temps, un temps des plus précieux.
Jacques Habib Sy
Or, les “tablettes de la postérité” ne retiendront sûrement pas Abdoulaye Wade comme l’un des bienfaiteurs incontestés de la nation.
Il me paraît évident que de telles qualités ne peuvent se retrouver que chez un démiurge. Or le Sénégal est revenu, si tant est qu’il en ait jamais été ainsi, de ses illusions sur de prétendues trajectoires méssianiques. L’Afrique toute entière a mûri de ce point de vue. La classe politique nationale, toutes tendances confondues, ayant une claire conscience de ce que les alliances politiques sont devenues le passage obligé de la prise du pouvoir, elle butte à présent sur les modalités d’un partage équilibré du pouvoir, le recentrage de l’Etat voire sa réinvention, la guarantie intangible de la liberté d’expression sous toutes ses formes et, last but not least, l’accès équilibré et juste aux ressources, aux opportunités et aux services, selon les intérêts nationaux présents et futurs les plus élevés.
Maturité
On peinerait à trouver les attributs essentiels de cette refondation (révolution) majeure dans les programmes et la pratique des partis politiques ou les déclarations d’intention de la société civile arc-en-ciel ou même à travers l’élan certes généreux qui a instruit les “assises nationales”, une sorte de porridge idéologique et politique qui ne s’est pas donné les moyens de l’action politique et de mettre radicalement un terme à la dépendance quasi coloniale qui ne laisse au Sénégal aucune marge significative de manoeuvre quant au choix des paradigmes et des outils de son indépendance, de sa libération et de sa prospérité. Or, la nation a été ensevelie, au cours du demi-siècle écoulé dans l’absence de patriotisme d’une grqnde partie des élites, qu’elles soient maraboutiques ou occidentalisées, à travers une complaisance aussi anachronique qu’incompréhensible vis-à-vis de la tutelle française sur les destinées du Sénégal.
La réaction de l’opinion, par suite de la fausse déclaration à la nation de M. Abdoulaye Wade qui a rusé jusqu’au dernier moment pour tenir en haleine l’attention générale et en bénéficier alors qu’il savait qu’il ne se livrerait qu’à un vulgaire exercice de réarmement politique de ses troupes défaites, montre que la vitesse de maturation de la conscience nationale a atteint un point appréciable.
Mais que faire, à présent ? Il faut évidemment tenir compte de ce qu’Abdoulaye Wade ne détient plus entre ses mains périssables le destin du Sénégal. L’initiative politique lui a irrémédiablement échappé à partir du moment où lui-même reconnaît, à travers le projet saugrenu de “ticket” présidentiel (la 19e modification entretenue de la loi fondamentale), qu’il peinerait, avec ses alliés de la Cap 21, à se faire réélire par le quart de l’electorat. Autant dire qu’il a déjà jeté l’éponge, quel que soit le panache feint avec lequel on tente à présent de limiter les dégats collatéraux significatifs induits par ce faux pas majeur d’Abdoulaye Wade. La mise en scène projetée du 23 Juillet prochain ne servira à rien parce qu’elle ne sera jamais perçue que comme une réaction tardive face à un phénomène antérieur d’une plus grande vigueur et d’un symbolisme qui n’echappent à personne. Le peuple a bruyamment sonné la charge pour que nul n’en ignore.
En realité, l’affrontement des logiques qui ont instruit la date ineffaçable du 23 Juin et le projet revanchard du 23 Juillet vont, par la faute d’Abdoulaye Wade, entrainer la jeunesse sénégalaise dans une dangereuse épreuve de force préjudiciable aux intérêts de toutes les parties concernées. Il serait, en effet, irrecevable, que le PDS puisse tenir sa manifestation et que cette même opportunité soit déniée au Mouvement “y’en a marre” ou au M23. Ce serait une provocation inutile qui n’aurait comme conséquence que la sédimentation des sentiments de frustration d’une jeunesse qui n’en peut plus de subir les quolibets outranciers d’un chef de l’Etat qui semble avoir oublié qu’il gère une République et non un étalage de fripperie dans un marché aux puces. Face à cette énième dérive, les différents pôles du Mouvement du 23 Juin affûtent leurs armes, posent leurs ambitions et sont décidés à ne laisser aucune autre partie occuper à leur détriment la borne symbolique du 23 Juin .
Un futur immédiat assombri
Des souffrances qui agitent la nation et vont irrémédiablement s’intensifier, la plus vive sera sans doute occasionnée par l’étendue des crimes économiques directement proportionnelle à l’aggravation de la pauvreté, de la dette extérieure et de la spirale inflationiste doublée d’une chute en roue libre du taux de croissance très médiocre, pour dire le moins. Il faudra plus d’une décennie, peut-être, pour rectifier le tir au cas où une nouvelle équipe s’emparerait du pouvoir, en se voyant obligée de subir une période d’ajustement structurel auto-entretenu ou appliqué au forceps par les institutions de Bretton Woods qui ne s’embarasseraient d’aucun scrupule à remettre au goût du jour une potion médicamenteuse qui a échoué partout où elle a été appliquée.
Face à cette incertitude majeure, la seule question à l’ordre du jour, laissée en friche par les “assises nationales”, est celle de savoir s’il serait possible à une coalition victorieuse et dans quelles conditions, selon quelle strategie et quelles options, d’entreprendre le développement sans les institutions de Bretton Woods et avec quels moyens financiers, technologiques et humains. De ces défis, le plus redoubtable sans doute reste le déficit en ressources humaines en quantité et en qualité suffisantes pour inverser les effets durables de la mal gouvernance et du néo-colonialisme.
Compte tenu de son rang alarmant de 26ème pays le plus pauvre du monde, le Sénégal ne disposera alors que d’une marge de manoeuvre d’autant plus réduite que la médiocrité de ses performances sectorielles comme la faiblesse opérationnelle de son capital en resources naturelles (halieutiques, minérales et petrolifères), en services (électricité, tourisme) et en matière de création d’emplois véritables n’auront pas encore bénéficié d’une période significative de maturation.
Malgré ces handicaps, il reste que la pauvreté n’est pas une fatalité. Elle est le résultat d’options et de pratiques qui doivent être constamment passées au crible de la critique par le bas et être portées par une vision exclusivement instruite par les intérêts nationaux définis avec une précision optimale tant du point de vue de la pertinence des instruments et des mécanismes utilisés que des cadres légaux pensés et appliqués sans faiblesse par une administration politique, légale et judiciaire à la hauteur de ses nouvelles missions historiques.
Un tel projet ne peut être porté que par une coalition d’hommes et de femmes dont les leaders ne peuvent pas passer le plus clair de leur temps dans des réunions de salon ou des campagnes réactives en décalage prononcé par rapport au mouvement historique et social réél.
Le peuple s’est clairement fait entendre. Il n’y aura plus de place pour le louvoiement, la ruse, la démagogie, le carriérisme, l’idéologisme de pacotille et le délitement éthique et culturel de nos valeurs de civilisation les plus sacrées. Il faudrait, en outre, que la classe politique s’explique dès à présent et clairement sur la contradiction majeure que représente l’attrait indiscutable qu’elle a pour le présidentialisme hyper centralisé (ce qui est visible dans les discussions en cours et les actes posés) et la proclamation urbi et orbi d’un parlementarisme aux contours encore mal précisés par rapport aux traditions socio-culturelles et politiques dominantes. Cette équation reste encore très mal posée et mérite un dépassement rapide.
Une fois dépassée cette contradiction transcendante, il faudra, à 7 mois des élections présidentielle et législative, poser les jalons concrets d’un scrutin sincère et transparent, dans le respect de la Constitution en cours et à travers un maillage très sérré des villes et des villages surtout pour que l’expression du suffrage électoral soit vigoureusement sauvegardée. Il reste entendu que l’ambiguté ne saurait être entretenue plus longtemps au sujet de l’inscription obligatoire, de plus d’un million de jeunes qui voudraient voter pour la première fois. L’agenda de gestion du processus électoral et de mise en oeuvre des recommandations du comité qui en a la charge, malgré son caractère chargé, est à portée de mains, à condition de ne plus perdre de temps, un temps des plus précieux.
Jacques Habib Sy