Ecrire ou parler d’Issa Samb (JOE Ouakam) : Quelle gageure ! Nous nous y risquons cependant, à la lumière d’un contexte mitigé exceptionnel, marqué par deux faits majeurs ayant sollicité nos émotions. Deux icônes charismatiques furent distinguées par la nation, le peuple. L’une lors de la cérémonie d’ouverture de la Biennale de l’Art Africain contemporain (ce cru culturel millésimé (20 ans d’âge), l’autre, par le sport roi (le football) : Hommage et reconnaissance pour JOE Ouakam… de son vivant. (Prévenance rarissime dans nos us et coutumes). Obsèques et requiem national pour le lion à la crinière d’ébène : Jules F. B. Bocandé, qui ne demandait qu’à vivre et continuer à servir son pays après l’avoir ressuscité pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), avec talent et génie. Funeste mois qui n’a pas épargné le monde de la culture. Seydina Issa Laye (le Bob Daylan Africain) qui, un mois avant de tirer sa révérence, pour les besoins d’un appel de fonds (pour ses besoins sanitaires) était monté sur scène. Prémonition, JOE y avait déclamé un hommage détonant. Mbayang Niasse, la première égérie du théâtre télévisuel populaire, après une vie d’artiste, précaire et angoissante, s’est retirée dans la dignité.
L’hommage de JOE et des autres illustres récipiendaires - notamment Tall Papa Ibra, précurseur de notre valeur ajoutée culturelle, tisserand de la négritude et du lyrisme coloré de Senghor, avec ses sublimes tentures qui accompagnèrent le poète, partout dans le monde - balise-t-il le versant de la reconsidération institutionnelle des Artistes dans la plénitude de leurs productions et de leur statut ? Au demeurant, l’initiative est inédite, accentuée par la posture du citoyen ISSA SAMB (Joe Ouakam) qui migre… de l’ombre au pinacle. Lui dont le credo se résumait à : Donner sans cesse à l’Art sans rien en attendre. Car, globalement, JOE écrit mais ne publie pas, peint et sculpte mais n’expose pas (de son gré), compose de sublimes partitions mais ne joue pas. Il lui arrive tout de même, circonstanciellement, lors de vernissages d’œuvres de quelques-uns de ses pairs, d’harmoniser les cimaises - son exercice préférée. Mais chapeau à l’autre icône, l’artiste par lequel tout arriva : l’éternel fils prodigue de la musique sénégalaise, habitué des grandes scènes mondiales, engrangeant titres et distinctions : WASIS DIOP, qui, après d’âpres conciliabules, menés avec tact et doigté, réussit à convaincre l’homme et à extraire du « gisement de sa mythique cour » de la rue Jules-Ferry, (la plus vaste de Dakar), ce qui constitue le substrat de l’œuvre de l’Artiste iconoclaste, méconnu, stoïque et mutant. Pour s’offrir à l’œil et aux regards des férus et du public, la présente exposition fut précédée par « la rétrospective JOE OUAKAM » à la galerie nationale. C’était du 1O au 31 décembre 2010.
Quelle prouesse alors, d’avoir mis (JOE à «nu») ! Lui-même se perdant dans sa propre trajectoire. Il a vécu tant de vies, pénétré et accompagné tant de générations ! ISSA SAMB de Ouakam, riverain de l’aéroport international de Yoff, prit certainement son envol lors du 1er festival mondial des Arts Nègres. Tout Dakar bruissait alors de culture sous la baguette du poète-président. ISSA côtoyait et admirait les apôtres de ce nouveau monde de la liberté, de la réactivité, qui venaient des lieux et sites magiques et mystiques (Cannes, Harlem, Katmandou, Woodstock). Il avait vu et entendu Louis Armstrong, Duke Ellington, Malraux et tant d’autres… Toutes ces écumes artistiques, impactèrent significativement la perception du jeune Lébou, poreux à la fécondité extérieure. A coup sûr, ces périodes-là secrétèrent la sève et les matériaux par lesquels s’élabora sa vision sociétale. Deux années plus tard, (Mai 68) ISSA SAMB s’affranchit de ses limbes.
Mai 68. Autant un Daniel Cohn-Bendit émergea de la masse juvénile des pavés de Paris, autant il en fut de même pour ISSA. Il fut très visible en ces temps-là. Enveloppé d’un ample « treuille-vert » à La CHE-GUEWARA, le livre-rouge de MAO-TSE-TOUNG à la main, il haranguait. Il allait à l’assaut des campus et des quartiers résidentiels. Apostrophant la bourgeoisie-comprador, sommant Lindon B. Johnson de retirer les GI’s du Vietnam. Exaltant nos langues nationales.
Puis survint la période du repos des guerriers, peu à peu les fronts « intello-revendicatifs » s’éteignirent. La plupart des jeunes leaders (fils à papa) obéirent à la ligne de conduite parentale et furent exfiltrés à l’extérieur. Les « révolutionnaires des « SICAP Baobab, Amitié et Karack » se replièrent dans la littérature contestataire. Ailleurs, les hippies s’étaient coupés les cheveux et portaient costards et attaché-case. L’hégémonie de la raison fit place à l’éblouissement des sens. La culture ouvrit grandement ses généreuses portes et s’y engouffrèrent par vocation ou par pis-aller, les rescapés de cet Exodus printanier. Le livre rouge céda la place à d’autres œuvres plus syncrétiques. Franck Fanon, Bobby Seall, Boris Vian, Hemingway, Wolé Soyinka, Cheikh Anta Diop… devinrent les curateurs de la génération nouvelle.
ISSA SAMB fut parmi les premiers pensionnaires, avec un futur cinéaste de génie : Djibril Diop Mambéty qui révolutionna le 7ème art Africain. JOE pénétra toutes les sphères artistiques, découvrit d’autres sons, le free-jazz, Ravi Chankar, Krishna-Murti. Il butina à tous les pollens, batifolant dans tous les courants plastiques (cubisme, surréalisme, expressionnisme, abstrait). A la fin d’un époustouflant parcours de ses œuvres, on aurait pu voir en lui « le nègre » de Picasso, Van Gogh, Matisse, Dali, etc., tant sa maîtrise de la technique et le l’expression picturale sont saisissantes.
De ces péripéties initiatiques où l’extase et l’enivrement irriguent les sens et la perception, JOE Ouakam n’a jamais plus retrouvé les sentiers de la morne normalité. C’est à partir de ses prismes propres qu’il perçoit, communique et partage. JOE Ouakam au Pinacle ?... Il n’est revenu de son périple !
Moustapha MBACKE DIOP GOLF-SUD
L’hommage de JOE et des autres illustres récipiendaires - notamment Tall Papa Ibra, précurseur de notre valeur ajoutée culturelle, tisserand de la négritude et du lyrisme coloré de Senghor, avec ses sublimes tentures qui accompagnèrent le poète, partout dans le monde - balise-t-il le versant de la reconsidération institutionnelle des Artistes dans la plénitude de leurs productions et de leur statut ? Au demeurant, l’initiative est inédite, accentuée par la posture du citoyen ISSA SAMB (Joe Ouakam) qui migre… de l’ombre au pinacle. Lui dont le credo se résumait à : Donner sans cesse à l’Art sans rien en attendre. Car, globalement, JOE écrit mais ne publie pas, peint et sculpte mais n’expose pas (de son gré), compose de sublimes partitions mais ne joue pas. Il lui arrive tout de même, circonstanciellement, lors de vernissages d’œuvres de quelques-uns de ses pairs, d’harmoniser les cimaises - son exercice préférée. Mais chapeau à l’autre icône, l’artiste par lequel tout arriva : l’éternel fils prodigue de la musique sénégalaise, habitué des grandes scènes mondiales, engrangeant titres et distinctions : WASIS DIOP, qui, après d’âpres conciliabules, menés avec tact et doigté, réussit à convaincre l’homme et à extraire du « gisement de sa mythique cour » de la rue Jules-Ferry, (la plus vaste de Dakar), ce qui constitue le substrat de l’œuvre de l’Artiste iconoclaste, méconnu, stoïque et mutant. Pour s’offrir à l’œil et aux regards des férus et du public, la présente exposition fut précédée par « la rétrospective JOE OUAKAM » à la galerie nationale. C’était du 1O au 31 décembre 2010.
Quelle prouesse alors, d’avoir mis (JOE à «nu») ! Lui-même se perdant dans sa propre trajectoire. Il a vécu tant de vies, pénétré et accompagné tant de générations ! ISSA SAMB de Ouakam, riverain de l’aéroport international de Yoff, prit certainement son envol lors du 1er festival mondial des Arts Nègres. Tout Dakar bruissait alors de culture sous la baguette du poète-président. ISSA côtoyait et admirait les apôtres de ce nouveau monde de la liberté, de la réactivité, qui venaient des lieux et sites magiques et mystiques (Cannes, Harlem, Katmandou, Woodstock). Il avait vu et entendu Louis Armstrong, Duke Ellington, Malraux et tant d’autres… Toutes ces écumes artistiques, impactèrent significativement la perception du jeune Lébou, poreux à la fécondité extérieure. A coup sûr, ces périodes-là secrétèrent la sève et les matériaux par lesquels s’élabora sa vision sociétale. Deux années plus tard, (Mai 68) ISSA SAMB s’affranchit de ses limbes.
Mai 68. Autant un Daniel Cohn-Bendit émergea de la masse juvénile des pavés de Paris, autant il en fut de même pour ISSA. Il fut très visible en ces temps-là. Enveloppé d’un ample « treuille-vert » à La CHE-GUEWARA, le livre-rouge de MAO-TSE-TOUNG à la main, il haranguait. Il allait à l’assaut des campus et des quartiers résidentiels. Apostrophant la bourgeoisie-comprador, sommant Lindon B. Johnson de retirer les GI’s du Vietnam. Exaltant nos langues nationales.
Puis survint la période du repos des guerriers, peu à peu les fronts « intello-revendicatifs » s’éteignirent. La plupart des jeunes leaders (fils à papa) obéirent à la ligne de conduite parentale et furent exfiltrés à l’extérieur. Les « révolutionnaires des « SICAP Baobab, Amitié et Karack » se replièrent dans la littérature contestataire. Ailleurs, les hippies s’étaient coupés les cheveux et portaient costards et attaché-case. L’hégémonie de la raison fit place à l’éblouissement des sens. La culture ouvrit grandement ses généreuses portes et s’y engouffrèrent par vocation ou par pis-aller, les rescapés de cet Exodus printanier. Le livre rouge céda la place à d’autres œuvres plus syncrétiques. Franck Fanon, Bobby Seall, Boris Vian, Hemingway, Wolé Soyinka, Cheikh Anta Diop… devinrent les curateurs de la génération nouvelle.
ISSA SAMB fut parmi les premiers pensionnaires, avec un futur cinéaste de génie : Djibril Diop Mambéty qui révolutionna le 7ème art Africain. JOE pénétra toutes les sphères artistiques, découvrit d’autres sons, le free-jazz, Ravi Chankar, Krishna-Murti. Il butina à tous les pollens, batifolant dans tous les courants plastiques (cubisme, surréalisme, expressionnisme, abstrait). A la fin d’un époustouflant parcours de ses œuvres, on aurait pu voir en lui « le nègre » de Picasso, Van Gogh, Matisse, Dali, etc., tant sa maîtrise de la technique et le l’expression picturale sont saisissantes.
De ces péripéties initiatiques où l’extase et l’enivrement irriguent les sens et la perception, JOE Ouakam n’a jamais plus retrouvé les sentiers de la morne normalité. C’est à partir de ses prismes propres qu’il perçoit, communique et partage. JOE Ouakam au Pinacle ?... Il n’est revenu de son périple !
Moustapha MBACKE DIOP GOLF-SUD