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Samedi 19 Novembre 2011

L’AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS, LEWIS LUKENS SUR LE PROCESSUS ELECTORAL: C’est le peuple sénégalais qui tranche


Trois mois après son installation à la tête de la Diplomatie américaine au Sénégal, l’ambassadeur Lewis Lukens dont nous avons annoncé en exclusivité l’arrivée au Sénégal, dès le premier numéro d’EnQuête, se prononce sur la situation politico-sociale du pays. Pour lui, c’est la Jeunesse sénégalaise qui porte le dynamisme de la nation. Lewis Lukens parle de la démocratie sénégalaise, de ses acteurs, de la candidature du Président Wade, du rôle de la société civile ; mais avec toute la langue diplomatique requise. Entretien



L’AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS, LEWIS LUKENS SUR LE PROCESSUS ELECTORAL: C’est le peuple sénégalais qui tranche
EnQuête : Vous êtes là depuis plus de trois mois, notre journal a été d’ailleurs le premier journal à annoncer votre arrivée au Sénégal,mais l’on a l’impression que vous jouez sur le registre de la totale discrétion. Quelles sont les raisons de cette réserve ?

Lewis Lukens : Il faut d’abord dire que vous parlez de mon prédécesseur dans sa dernière année et moi je suis dans mes trois premiers mois. Je suis ici depuis trois mois seulement. Mais je suis très occupé. J’ai rencontré des membres du gouvernement, de l’opposition, de la société civile, la presse. Donc Je suis très occupé. De plus, je suis l’ambassadeur du président Obama en Guinée Bissau. J’y suis allé deux fois. Je ne suis pas du tout hésitant, je travaille.

b[EnQuête : On a l’impression que c’est la peur d’être accusé d’ingérence dans la politique intérieure du Sénégal qui explique cette posture bien silencieuse…]b

Ok ! Je ne suis pas ici pour m’ingérer dans la politique intérieure du Sénégal. Je suis là pour représenter le gouvernement et le peuple américains au Sénégal et en Guinée Bissau. C’est pour poursuivre et soutenir les processus entamés avec nos partenaires. Mais ce n’est pas pour m’ingérer dans la politique intérieure.

ENQuête : Votre prédécesseur, l’ambassadeur Marcia Bernicat a eu des problèmes avec le Président Wade, on a l’impression qu’il y a une épée de Damoclès sur vous aussi…

Non, je n’ai pas ce sentiment. Pas du tout.

On tourne cette page. Dites-nous, nous sommes en fin 2011, quel est exactement le montant de l’aide détaillée américaine au Sénégal ? Peut-on avoir des chiffres ?

Oui, oui. L’Usaid met à peu près100 millions de dollars par an dans le secteur de la Santé, de la Bonne gouvernance et de l’Education. Nous avons aussi le compact MCC qui est estimé à 540 millions de dollars pour cinq ans. Nous avons le plus grand programme corps de la paix en Afrique. Il y a 250 volontaires qui sont ici au Sénégal travaillant dans les petites villes et les villages avec les partenaires. Tout cela relève de l’aide des Etats-Unis d’Amérique.

Ce n’est sans doute pas tout…Pouvez-vous nous énumérer les secteurs dans lesquels l’aide des Etats-Unis est efficace et les secteurs dans lesquels elle ne l’est pas ?

Il y a toujours des efforts à faire. Mais je pense qu’elle est efficace dans les secteurs de la santé, la bonne gouvernance, l’agriculture. Tout cela se déroule efficacement. La question de la transparence a occupé les débats dernièrement surtout par rapport au programme du Mca.

Est-ce que cette question est toujours actuelle. Surveillezvous la destination des fonds que vous mettez à la disposition du Sénégal ?

Oui, ça l’est toujours. Cela continuera à l’être. C’est une question importante pour le gouvernement et le peuple américains. Nous sommes là aussi pour faire respecter cette volonté…

Concernant l’aide américaine, certains sénateurs américains ont dernièrement dénoncé le fait que l’Amérique puisse débloquer des fonds pour des pays comme le Sénégal. On a cité l’exemple du Monument de la renaissance. Quelle est exactement l’image du gouvernement du Sénégal aux Etats-Unis ?

Je ne voudrais pas parler à la place des Sénateurs. Mais je peux dire, comme vous le savez, qu’il y a vingt catégories qui ont droit de regard sur ce dossier et qui décident du choix des pays pouvant recevoir le Mcc. Chaque année, on fait la revue dans les vingt catégories. On vient de publier les résultats pour cette année. Le Sénégal est intégré dans les treize catégories, y incluses les catégories dont la transparence et la bonne gouvernance.

On va maintenant parler de politique et de démocratie. Quelle appréciation faites-vous du niveau démocratique au Sénégal, lorsquevous le comparez à d’autres pays ?

C’est difficile de faire une comparaison entre les différents pays. Mais le Sénégal a une longue et forte tradition de la démocratie. C’est bien connu dans les régions et même dans le monde pour ses traditions politiques et démocratiques. C’est très intéressant d’être ici aujourd’hui dans votre si beau pays.

Quelle est exactement la position officielle des Etats-Unis d’Amérique sur un débat qui aujourd’hui intéresse beaucoup l’opinion publique et la classe politique sénégalaises. Il s’agit précisément de la candidature du Président Wade ?

La candidature de Wade, c’est d’abord une question pour le peuple sénégalais. C’est un débat sénégalais. Vous avez les processus pour décider de la viabilité de la candidature du Président. Nous savons que ce processus est entamé. Et donc, nous attendons les résultats.

Mais il semble que les Etats-Unis soient justement impliqués dans ce processus à travers un lobbying qu’ils exercent de façon discrète et souterraine ? Pouvez-vous confirmer ?

Non, nous ne sommes pas impliqués dans un quelconque lobbying. Nous sommes juste impliqués de façon technique avec le Comité de veille. Nous ne sommes pas impliqués dans le sens de choisir quelqu’un.

Vous êtes quand même impliqués dans le processus électoral ? Comment appréciez-vous le travail qui est en train d’être fait au niveau du Comité de veille ?

Le comité de veille a fait un très… très bon travail. C’est vraiment un travail qui s’est fait avec tous les acteurs politiques. C’est un très bon processus que nous avons soutenu.

Vous l’avez soutenu mais aujourd’hui malgré tout, ce consensus est remis en cause par la majorité présidentielle. Quel commentaire faites-vous du rejet de la liste unique par le Comité de veille dirigé par Mazide Ndiaye ?

Je sais que le comité de veille a fait 108 recommandations qui doivent être validées au niveau de l’Assemblée nationale. Je souhaite que l’Assemblée nationale fasse passer toutes les recommandations. Car elles ont été faites suivant un consensus avec tous les acteurs. Cela est notre souhait.

On n’a pas trop entendu les Etats- Unis dénoncer la rupture du consensus sur le bulletin unique. Pourtant l’Usaid a participé au processus du Comité de veille. Pourquoi êtes-vous si silencieux sur ce problème ?

Il y a des questions qui sont destinées au peuple sénégalais. Vous avez des processus ici. Et vous avez des processus tellement pratiques. On ne veut pas nous impliquer dans un processus qui se déroule maintenant avec le peuple sénégalais (…)

Le Président Wade se prononce souvent sur les positions du Président Sarkozy ou du Président Obama. Pourquoi vous avez si peur de donner votre opinion ?

Je peux vous dire que nous espérons que l’Assemblée nationale va accepter toutes les recommandations du Comité de veille.

On a l’impression que vous ne dites pas tout, que vous vous censurez un peu sur ces questions ?

C’est vous qui le dites, moi je n’ai pas ce sentiment-là…

Est-ce que vous pouvez un peu nous parler d’Africom. Vous renforcez votre présence militaire en Afrique. C’est un peu quand même attentatoire des libertés et de la souveraineté des pays africains dans lesquels vous êtes militairement actifs.

Nous avons une longue tradition de présence de coopération militaire entre deux pays. Nous sommes ici sur invitation du gouvernement sénégalais, sans quoi nous ne pouvons venir ici. C’est une coopération très étroite. le militaire sénégalais est très professionnel, il est connu pour cela.

Mais qu’est ce qu’Africom apporte au Sénégal concrètement ?

Nous intervenons dans la formation et l’équipement. Nous travaillons avec le militaire sénégalais pour décider de ce qu’il veut.

Trop simpliste, il semble que vous avez des bases secrètes ici en Afrique ? Africom se trouve en Allemagne.

Il n’y a pas de bases en Afrique. Je vous l’assure.

Est-ce qu’Africom a joué un rôle dans la suite du régime de Kadhafi ? Il semble que vous avez joué un rôle très actif ?

Les Usa étaient impliqués avec nos alliés de l’Otan.

Vous avez joué un rôle actif dans la traque de Kadhafi ?

Non, je ne pense pas.

Il paraît que le drone qui a tiré sur Kadhafi a été envoyé par les Usa ?

Nous étions là avec nos alliés de l’Otan pour encourager le peuple libyen à trouver la démocratie.

Comment voyez-vous le Sénégal, objectivement, sa jeunesse. Sans langue de bois diplomatique.

Je pense que c’est une population très active, très chaleureuse qui a cette tradition de Teranga. J’ai été bien accueilli ici. C’est la deuxième fois que j’y sers, après un premier service dans ma jeunesse (rires).

Quel souvenir gardez-vous un peu ?

Très peu de souvenirs. J’étais très jeune à l’époque.

Vous aviez quel âge à l’époque ?

J’avais entre quatre et cinq ans. Et Dakar a beaucoup changéaujourd’hui. A l’époque, c’était une petite ville. C’était dans les années 60. C’est devenu maintenant une très grande ville.

Vous y étiez avec votre père qui était premier conseiller ?

Effectivement.

Comment voyez-vous la jeunesse sénégalaise parce qu’on vous a entendu faire des commentaires sur la jeunesse ?

C’est l’avenir du Sénégal. Sa jeunesse est très dynamique…

Vous pensez qu’elle peut développer le pays ?

Oui, absolument. Il faut qu’elle développe le pays. C’est une jeunesse aussi qui se manifeste à travers des mouvements comme ’’Y en a marre’’.

Comment appréciez-vous ces organisations-là ?

Comme je le dis, cela encourage la discussion. La société civile et tous les groupes politiques ainsi que la jeunesse et les vieux sages, tous ont droit à la parole.

’’Y en a marre’’ avec le M23, vous ne pensez pas que cela peut être source de danger pour le Sénégal ?

C’est important. Je crois que c’est bien pour le Sénégal.

Excellence comment voyez vous l’avenir du Sénégal ? On va versdes élections en 2012 et les acteurs politiques ne se parlent pas. Ne craignez-vous pas qu’on bascule dans l’anarchie et la violence ?

Je dis que le Sénégal a une longue et forte tradition de démocratie et de changement de gouvernement paisible. Et nous souhaitons que cela soit le cas au mois de février prochain (ndlr, date de tenue de la présidentielle).

Ne pensez-vous pas que lamenace d’Aqmi, comme aile d’Al Qaida soit exagérée en Afrique ? On a l’impression que vous voyez le danger partout.

Non, je ne pense pas que cela soit exagéré. Comme vous le savez, il y a des personnes qui ont été tuées à la frontière mauritanienne. Ce n’est pas loin. C’est ici, c’est proche du Sénégal. Ce n’est pas exagéré.

Et vous déployez tous les moyens de lutte pour le combattre ?

Nous travaillons avec les militaires, les forces sénégalaises pour lutter contre le terrorisme.

Et les résultats sont bons ?

Apparemment

Vous travaillez beaucoup dans l’ombre ?

Ce n’est pas dans l’ombre. Nous travaillons ensemble. C’est ouvert. Ce n’est pas un secret et c’est important pour nous… Et naturellement, il y a beaucoup de fonds qui sont prévus pour cela… Oui, c’est important pour nous.

On peut avoir une idée des montants ?

Cela ne peut l’être encore. Mais on peut l'avoir après.


Source: nettali.net






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