Bien que les revendications des créanciers fusent de partout, conséquence d’une tension budgétaire, l’Etat a tenté laborieusement de dire le contraire. «Nous n’avons aucun problème pour payer les obligations», avait dit Amadou Ba, le ministre de l’Economie et des Finances devant les députés, expliquant qu’à la date du 22 du mois, l’Etat avait 384 milliards à la banque centrale. Pourtant, la tension budgétaire semble plus que réelle. Autrement, pourquoi faire attendre longtemps des prestataires. Le consultant bancaire Mohamed Dia, parlait d’ailleurs dans l’une de ses chroniques et, à juste titre, d’ «hypertension budgétaire». Les dénégations du ministre de l’Economie n’ont pu rien changé de la réalité. Les faits sont têtus.
«Manque de liquidité»
Ces tensions, il fallait bien s’y attendre. Dans sa note qui présente le panorama économique du Sénégal, la Banque mondiale l’avait quasiment dit sans trop insister, ni donner quelque détail que ce soit. «Si le cadre macroéconomique du Sénégal reste solide, certaines fissures apparaissent, avec notamment la hausse des niveaux d’endettement et le manque de liquidités», lit-on dans la note consacrée au Sénégal par BM et actualisé le 26 novembre dernier.
C’est en effet, le manque de liquidité qui fait que les fournisseurs, prestataires de l’Etat attendent depuis très longtemps de rentrer dans leurs fonds. En vain. Jusqu’à récemment, l’Etat devait 83 milliards aux enseignants. Ainsi, depuis janvier, la conférence des établissements privés d’enseignement supérieur du Sénégal (CEPES) réclamait une dette de plus de 16 milliards de francs CFA dans la cadre de l’accueil des étudiants des universités publiques : dette cumulée de 2016-2017 et 2017-2018. Suite au renvoi des étudiants, l’Etat s’est démerdé pour décaisser une avance de 3 milliards de francs et a promis de libérer 3 autres milliards. Précisions que cette dette n’a rien à avoir avec ce que l’Etat devra débourser à ces écoles privées au titre de l’année académique 2018-2019 pour les nouveaux bacheliers.
Rappelons que les universités publiques n’étant plus en capacité d’accueillir tous les nouveaux bacheliers, ces dernières années, l’Etat a signé un accord avec des écoles privées afin qu’elles absorbent ces milliers de nouveaux bacheliers. D’ailleurs, ceux qui sont dans les universités publiques doivent faire face à quelques soucis comme la restauration.
L’Etat affame les étudiants de Thiès
A Thiès, les étudiants ont battu le pavé il y a quelques jours parce qu’ils ne peuvent plus s’alimenter. La raison ? Le repreneur des restaurants universitaires a arrêté ses prestations parce que l’Etat lui doit 1 milliard, 50 millions de francs CFA. Conséquence : des étudiants tels des talibés, sont obligés de faire la manche dans la ville de Thiès pour récolter argent, vivres, condiments. Une fois tout ceci collecté, ils se sont improvisés cuisiniers et font à manger quitte à empiéter sur des heures de cours ou autres acidités académiques.
Tout compte fait, c’était la meilleure solution provisoire. Et fort heureusement, il y a des âmes charitables, sensibles et compatissantes à leur sort. En pareilles circonstances qui ne prendrait pas sa calebasse pour faire autant. Ventre affamé n’a point d’oreille, dit-on. Mieux, la locution latine bien connue est assez illustrative «Primum vivere deinde philosophari» (il faut vivre d’abord, puis philosopher (réfléchir)». Ceci ne concerne que les étudiants du public à Thiès.
Quelques jours après, les étudiants du public, ceux orientés par l’Etat dans les privées basées toujours dans la cité du rail, ont marché pour protester contre leur expulsion des amphis. L’unique raison, c’est que l’Etat n’a pas réglé la note de la formation conformément au contrat. Les prestataires d’autres secteurs d’activités ne sont pas épargnés.
En effet, les travailleurs du béton sont aussi dans cette longue attente. Les entreprises du BTP en ce qui les concerne, réclament à l’Etat du Sénégal une enveloppe de 75 milliards de franc CFA. Les entreprises concernées sont le CSE, le SDE… Joints au téléphone pour savoir si à ce jour elles ont étés payés, aucune de ces entreprises n’a accepté de lâcher un mot. Un syndicaliste a cependant accepté de livrer quelques infos. « L’Etat doit beaucoup d’argent aux entreprises nationales. Lorsqu’on a fait notre conférence de presse, il a commencé à donner quelques petites avances à certaines entreprises», indiqué M. Diop du Syndicat National des Travailleurs de la Construction. Selon lui, l’Etat aurait décaissé 4 milliards, 5 milliards par ci par là. Mais «le gros du montant » reste à devoir sur les 70 milliards qui étaient dus à ces entreprises du BPT. Pour lui, les entreprises n’avaient d’autre choix que de prendre ces miettes. « Ça nous permet de faire face à quelques charge », admet M. Diop.
Un expert-comptable contacté avoue que beaucoup d’agences de l’Etat telle que l’Agetip, en ce moment, ne parviennent pas à payer les entreprises avec lesquelles elles ont contracté, faute d’argent. Par conséquent les employés eux-mêmes sont dans le pétrin. Idem pour les entreprises de voiries, chargées de mettre au propre nos villes en nous débarrassant de nos ordures de toutes sortes. Selon notre source, cela fait 6 mois que des employés de ces entreprises de voiries attendent un règlement qui se chiffre à coût de milliards. Mais seulement ce jeudi, les concessionnaires auraient perçu 1 milliard, 6 millions comme avance. Ce qui ne couvre pas toute la dette. Promesse leur a été faite que le reste de la dette sera réglée avant le 15 janvier. Manifestement, la liste des prestataires est kilométrique. Un des créanciers du Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) est apparemment excédé par cette longue attente de près d’un an. De ce qui précède, il est difficile de dire que l’Etat du Sénégal n’est pas en ce moment « fauché ».
Mais malgré ce tableau, Amadou Bâ essayait de nous dire de vive voix «tout va bien madame la marquise». L’Etat ferait mieux de suivre le conseil de l’économiste Meïssa Babou qui intervenait sur les ondes de Sud Fm. «Il faut accepter le fait que le Sénégal est effectivement dans une très grande tension budgétaire». D’ailleurs au vu de la situation, l’économiste redoute même le pire qu’une simple tension budgétaire. «Je crains même qu’on aille vers une rupture de trésorerie pour dire carrément que nous ne pouvons pas payer ».
Dans ce même ordre d’idées, c’est l’expression du consultant bancaire Mohamed Dia qui rend peut-être compte de la réalité quand il parle d’ «hypertension budgétaire» dans l’une de ses chroniques. Cette tension budgétaire est la résultante d’une accumulation de plusieurs créances. Actuellement, la dette intérieure du Sénégal oscillerait entre 800 et 1000 milliards de francs CFA. Et Meïssa Babou ne comprends pas que l’Etat ait tenté de nier l’évidence «Si je prends l’exemple des écoles privées, pour seulement 16 milliards que vous ne pouvez pas payer et vous le différez dans l’autre année. Vous dépassez une année budgétaire. Si nous entrons en 2019, ce sera la troisième année qu’on ne peut pas payer. Si ça ne s’appelle pas tension budgétaire, moi, je ne comprends plus ce que le ministre veut dire ou je ne comprends pas la finance».
De ce qui précède, on est dans une situation où l’Etat du Sénégal est fauché à quelques mois de la présidentielle. Espérons que l’argent ne nous fasse pas défaut pour bien organiser ce rendez-vous démocratique.
senenews
«Manque de liquidité»
Ces tensions, il fallait bien s’y attendre. Dans sa note qui présente le panorama économique du Sénégal, la Banque mondiale l’avait quasiment dit sans trop insister, ni donner quelque détail que ce soit. «Si le cadre macroéconomique du Sénégal reste solide, certaines fissures apparaissent, avec notamment la hausse des niveaux d’endettement et le manque de liquidités», lit-on dans la note consacrée au Sénégal par BM et actualisé le 26 novembre dernier.
C’est en effet, le manque de liquidité qui fait que les fournisseurs, prestataires de l’Etat attendent depuis très longtemps de rentrer dans leurs fonds. En vain. Jusqu’à récemment, l’Etat devait 83 milliards aux enseignants. Ainsi, depuis janvier, la conférence des établissements privés d’enseignement supérieur du Sénégal (CEPES) réclamait une dette de plus de 16 milliards de francs CFA dans la cadre de l’accueil des étudiants des universités publiques : dette cumulée de 2016-2017 et 2017-2018. Suite au renvoi des étudiants, l’Etat s’est démerdé pour décaisser une avance de 3 milliards de francs et a promis de libérer 3 autres milliards. Précisions que cette dette n’a rien à avoir avec ce que l’Etat devra débourser à ces écoles privées au titre de l’année académique 2018-2019 pour les nouveaux bacheliers.
Rappelons que les universités publiques n’étant plus en capacité d’accueillir tous les nouveaux bacheliers, ces dernières années, l’Etat a signé un accord avec des écoles privées afin qu’elles absorbent ces milliers de nouveaux bacheliers. D’ailleurs, ceux qui sont dans les universités publiques doivent faire face à quelques soucis comme la restauration.
L’Etat affame les étudiants de Thiès
A Thiès, les étudiants ont battu le pavé il y a quelques jours parce qu’ils ne peuvent plus s’alimenter. La raison ? Le repreneur des restaurants universitaires a arrêté ses prestations parce que l’Etat lui doit 1 milliard, 50 millions de francs CFA. Conséquence : des étudiants tels des talibés, sont obligés de faire la manche dans la ville de Thiès pour récolter argent, vivres, condiments. Une fois tout ceci collecté, ils se sont improvisés cuisiniers et font à manger quitte à empiéter sur des heures de cours ou autres acidités académiques.
Tout compte fait, c’était la meilleure solution provisoire. Et fort heureusement, il y a des âmes charitables, sensibles et compatissantes à leur sort. En pareilles circonstances qui ne prendrait pas sa calebasse pour faire autant. Ventre affamé n’a point d’oreille, dit-on. Mieux, la locution latine bien connue est assez illustrative «Primum vivere deinde philosophari» (il faut vivre d’abord, puis philosopher (réfléchir)». Ceci ne concerne que les étudiants du public à Thiès.
Quelques jours après, les étudiants du public, ceux orientés par l’Etat dans les privées basées toujours dans la cité du rail, ont marché pour protester contre leur expulsion des amphis. L’unique raison, c’est que l’Etat n’a pas réglé la note de la formation conformément au contrat. Les prestataires d’autres secteurs d’activités ne sont pas épargnés.
En effet, les travailleurs du béton sont aussi dans cette longue attente. Les entreprises du BTP en ce qui les concerne, réclament à l’Etat du Sénégal une enveloppe de 75 milliards de franc CFA. Les entreprises concernées sont le CSE, le SDE… Joints au téléphone pour savoir si à ce jour elles ont étés payés, aucune de ces entreprises n’a accepté de lâcher un mot. Un syndicaliste a cependant accepté de livrer quelques infos. « L’Etat doit beaucoup d’argent aux entreprises nationales. Lorsqu’on a fait notre conférence de presse, il a commencé à donner quelques petites avances à certaines entreprises», indiqué M. Diop du Syndicat National des Travailleurs de la Construction. Selon lui, l’Etat aurait décaissé 4 milliards, 5 milliards par ci par là. Mais «le gros du montant » reste à devoir sur les 70 milliards qui étaient dus à ces entreprises du BPT. Pour lui, les entreprises n’avaient d’autre choix que de prendre ces miettes. « Ça nous permet de faire face à quelques charge », admet M. Diop.
Un expert-comptable contacté avoue que beaucoup d’agences de l’Etat telle que l’Agetip, en ce moment, ne parviennent pas à payer les entreprises avec lesquelles elles ont contracté, faute d’argent. Par conséquent les employés eux-mêmes sont dans le pétrin. Idem pour les entreprises de voiries, chargées de mettre au propre nos villes en nous débarrassant de nos ordures de toutes sortes. Selon notre source, cela fait 6 mois que des employés de ces entreprises de voiries attendent un règlement qui se chiffre à coût de milliards. Mais seulement ce jeudi, les concessionnaires auraient perçu 1 milliard, 6 millions comme avance. Ce qui ne couvre pas toute la dette. Promesse leur a été faite que le reste de la dette sera réglée avant le 15 janvier. Manifestement, la liste des prestataires est kilométrique. Un des créanciers du Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) est apparemment excédé par cette longue attente de près d’un an. De ce qui précède, il est difficile de dire que l’Etat du Sénégal n’est pas en ce moment « fauché ».
Mais malgré ce tableau, Amadou Bâ essayait de nous dire de vive voix «tout va bien madame la marquise». L’Etat ferait mieux de suivre le conseil de l’économiste Meïssa Babou qui intervenait sur les ondes de Sud Fm. «Il faut accepter le fait que le Sénégal est effectivement dans une très grande tension budgétaire». D’ailleurs au vu de la situation, l’économiste redoute même le pire qu’une simple tension budgétaire. «Je crains même qu’on aille vers une rupture de trésorerie pour dire carrément que nous ne pouvons pas payer ».
Dans ce même ordre d’idées, c’est l’expression du consultant bancaire Mohamed Dia qui rend peut-être compte de la réalité quand il parle d’ «hypertension budgétaire» dans l’une de ses chroniques. Cette tension budgétaire est la résultante d’une accumulation de plusieurs créances. Actuellement, la dette intérieure du Sénégal oscillerait entre 800 et 1000 milliards de francs CFA. Et Meïssa Babou ne comprends pas que l’Etat ait tenté de nier l’évidence «Si je prends l’exemple des écoles privées, pour seulement 16 milliards que vous ne pouvez pas payer et vous le différez dans l’autre année. Vous dépassez une année budgétaire. Si nous entrons en 2019, ce sera la troisième année qu’on ne peut pas payer. Si ça ne s’appelle pas tension budgétaire, moi, je ne comprends plus ce que le ministre veut dire ou je ne comprends pas la finance».
De ce qui précède, on est dans une situation où l’Etat du Sénégal est fauché à quelques mois de la présidentielle. Espérons que l’argent ne nous fasse pas défaut pour bien organiser ce rendez-vous démocratique.
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