
Monsieur le Président, vous avez été élu Président en avril 2012. Quels étaient vos objectifs prioritaires ?
Lorsque j’ai bénéficié de la confiance des Sénégalais, mes priorités pouvaient se résumer en 5 points. Le premier point était la lutte contre les injustices sociales. Ce point à lui seul aurait pu suffire comme programme, tant ses implications sont importantes. Cela implique un certain nombre de considérations qui doivent entraîner une croissance inclusive, et également la mise à disposition du minimum pour toutes les couches sociales, tant en matière de Santé que d’Education. Ce point touche également à l’Etat de droit, l’égalité des citoyens devant la loi, la lutte contre l’impunité, mais aussi la promotion de l’environnement des Affaires, devant faciliter les investissements privés internationaux. Le second point était de bâtir les bases du développement. Un pays ne peut se développer sans avoir d’infrastructures. Dans ce cadre, j’ai mis en place un plan d’infrastructures touchant en priorité les voies de communication. Cela a déjà été entamé, et il s’agit maintenant de définir des dorsales principales. La dorsale Autoroutière Est-Ouest va rejoindre l’axe Mbour-Kaolack. L’autre axe reliera Thiès à Touba. Le plus urgent concerne les infrastructures ferroviaires. Il nous faut, au cours de ce mandat, réaliser le chemin de fer Dakar-Bamako. Ce chemin de fer se fera par le biais des projets intégrateurs du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique : Ndlr). Nous avons aujourd’hui urgence à bâtir ce chemin de fer qui va valoriser les ressources minières du Sénégal. Ce point inclut également plus d’équité territoriale sur les infrastructures de base, l’électrification rurale, les pistes de désenclavement ou l’accès à l’eau potable. C’est à ce niveau que je compte mettre en place une vraie politique agricole dont la finalité est d’atteindre l’autosuffisance et la sécurité alimentaire sur un certain nombre de produits comme le riz. Nous avons enfin un volet essentiel sur la diplomatie : une diplomatie de paix, de coopération et de développement. Le Sénégal qui tendait vers l’isolement a retrouvé sa position de place forte de la diplomatie mondiale. Nous sommes un petit pays par la taille, mais un grand Etat grâce à la valeur de nos hommes, à la grandeur de nos institutions.
Qu’est-ce que cela symbolise pour vous ?
Le couronnement d’une démarche positive, orientée vers la satisfaction des attentes de notre peuple en matière de démocratie, de bonne gouvernance, avec une Gestion orientée vers les résultats, l’efficience, l’optimisation et la rationalisation des ressources suivant les mêmes standards que les plus grandes Nations du monde. Mon élection a été saluée, mes actions encouragées. C’est un motif d’encouragement pour le tout nouveau chef d’Etat que je suis, dans un pays qui a une très vieille tradition de démocratie délibérative, un espace public très fort qui exerce un moyen de contrôle réel sur l’Exécutif, une séparation réelle des pouvoirs. Les réformes déjà mises en oeuvre en un an d’exercice ont été bien appréciées.
Vous avez parlé de Démocratie et de Bonne gouvernance. C’est un sujet sur lequel vous êtes attendu. En un an, quel est le premier bilan que vous pouvez tirer concernant ce qu’on appelle la traque de biens mal acquis ?
Parlons avant tout de la Bonne gouvernance. Étant entendu que le délit n’est pas constitué, on ne doit pas parler de biens mal acquis, et la présomption d’innocence doit rester un principe sacré. De façon générale, on ne peut se développer sans une gouvernance vertueuse. L’Afrique a trop souffert de la déperdition des ressources rares qui devraient faire sa richesse et celle de ses peuples. Nous devons manifester très clairement notre volonté de poser des garde-fous pour aider les gestionnaires à assumer leurs charges. Ils doivent savoir qu’en toute circonstance et en tout temps, ils utilisent les biens publics, et de ce point de vue, doivent rendre compte de leur usage. Des choix hasardeux ont souvent prévalu dans l’utilisation des ressources publiques. J’ai indiqué que l’Etat de droit et la Gestion par résultats impliquaient également une lutte farouche contre les gaspillages et contre l’impunité, mais aussi la mise en oeuvre de la promotion de la protection des biens publics, pour l’imputabilité et la reddition des comptes. Il y a un double contrôle qui se fait en interne, par les rapports de gestion et le contrôle hiérarchique, mais aussi un contrôle externe par les corps de contrôle, l’Assemblée nationale à travers le vote du budget, les questions orales et les commissions d’enquête. N’oublions pas enfin la presse, qui exerce un travail de contrôle, cimente le débat public, fait remonter les préoccupations des populations et procède à des investigations pour relever les manquements. C’est pour cette raison que j’ai érigé un département ministériel spécialement chargé de la Promotion de la Bonne gouvernance. C’est pour qu’en aval il y ait des sanctions que j’ai réactivé la Cour de répression de l’enrichissement illicite. À ce jour, les dossiers sont entre les mains des juges. Laissons la Justice faire son travail.
Et qu’est-ce qui a été fait pour la réduction du train de vie de l’Etat ?
Beaucoup a été fait en un an. Les options choisies ne peuvent être quantifiées en termes de volume. Il s’agit de promouvoir l’Etat de droit, de lutter contre l’impunité, d’asseoir une politique vertueuse, de pousser les gestionnaires publics et les ordonnateurs à faire leur déclaration de biens. Je pense que les Sénégalais ont vu que l’impunité est combattue dans ce pays. Ce n’était pas le cas jusqu’à notre arrivée au pouvoir. Nous avons aussi engagé des réformes majeures visant à améliorer très significativement l’indépendance de la Magistrature. Concrètement, nous avons engagé un certain nombre de travaux, en particulier sur l’Energie. Les options stratégiques que nous avons prises doivent nous permettre, à terme, de régler structurellement les déficits auxquels nous faisons face depuis plusieurs décennies, et sur lesquels nous avons toujours eu recours à des solutions d’urgence.
La question de l’énergie semble insoluble depuis l’indépendance du Sénégal. Comment éviter la crainte du retour des délestages et des coupures d’électricité ?
On ne peut pas dire que la question est insoluble. Notre pays a trop souvent pris des options conjoncturelles. Elles ont permis de résoudre les difficultés du moment, mais ont vite été dépassées du fait de l’ampleur de la demande. La demande croit rapidement, autour de 10% par an. L’année dernière, nous avons eu un pic à 18%. Avec une telle progression annuelle, et lorsque le rythme de l’investissement ne suit pas, les réponses ne peuvent être que conjoncturelles, alors qu’il s’agit d’un problème structurel. L’une des solutions, c’est de s’orienter vers les productions à grande capacité, avec un Mix énergétique qui ne nous aliène pas par rapport à une seule source d’énergie. Avec une source d’énergie unique, nous restons vulnérables et très dépendants. Cette diversité énergétique doit se baser à la fois sur le gaz, le charbon, l’hydro-électricité et le solaire, avec une prépondérance pour les énergies les moins chères d’ici trois ou quatre ans. Ce que nous avons mis en place doit nous permettre dès fin 2014 de réduire le déficit. Sur l’année 2012,l’Etat a investi 120 milliards de FCfa, et même plus quand on prend en compte les remises de dettes de l’Etat vis-à-vis de la Senelec (Société nationale d’électricité du Sénégal : Ndlr). Pour 2013, malgré les difficultés, nous avons inscrit 80 milliards de FCfa au budget pour l’Energie. Nous avons donné comme obligation à la Senelec de faire un plan interne d’ajustement pour compléter les efforts de l’Etat. Il faut produire moins cher. La Senelec produit aujourd’hui à 115 FCfa le Kwa/h, voire 180 FCfa avec les groupes loués qui consomment du gasoil. Dès lors que l’on arrivera à produire notre électricité avec du gaz de Mauritanie ou du gaz liquéfié et du charbon, nous allons rapidement baisser les prix pour arriver à un prix de 75 FCfa maximum le Kwa/h. Il faut aller vers ce type de solutions, vers des solutions majeures régionales, et non pas vers des solutions de groupes électrogènes loués dans l’urgence et qui coûtent extrêmement cher.
Vous connaissez bien le monde rural. Après avoir été élu, vous étiez attendu sur l’aide apportée aux paysans. Les ménages sénégalais souffrent également de la cherté de la vie. Quels sont les efforts réalisés en faveur des populations rurales et des ménages depuis votre élection ?
Je suis très heureux de répondre à cette question puisque je suis passionné par le monde rural. Il est vrai que ce milieu est très touché par la pauvreté. Depuis notre indépendance, le transfert des ressources publiques vers le monde rural a été insignifiant par rapport au budget de l’Etat. Pour résultat, tout le monde a convergé vers la ville, ce qui a entraîné un double déséquilibre. La ville devenue surpeuplée n’a pas pu gérer et planifier les infrastructures sociales pour accueillir tout ce monde. Ce qui a occasionné l’habitat anarchique, l’amplification du chômage, et donc l’insalubrité et l’insécurité. Le monde rural s’est dégarni, et les cultures manquent de bras valides. Il faut inverser cette tendance. Il faut soutenir l’agriculture et l’aider à se réorganiser et à se moderniser. En 2012, dès mon arrivée, nous avons injecté 64 milliards de FCfa, alors que le déficit budgétaire était de 7,2%. Nous avons ramené ce déficit à 5,9% soit – 6 % dès la fin de l’année. Il a fallu comprimer très sérieusement toutes les dépenses de fonctionnement pour privilégier les dépenses sociales, 30 milliards de FCfa ont été consacrés à l’appui alimentaire d’urgence, et 34 milliards ont été investis en soutien aux agriculteurs. Cette année, nous sommes allés au-delà de ce qui avait été entrepris en 2012. Nous devons, dans les prochaines années, favoriser les semences certifiées. Nous avons mis en place un programme agricole d’équipements, extrêmement important avec le Brésil, 80 millions de dollars vont être injectés, cette année, pour équiper les agriculteurs en matériel, ce qui va accroître la productivité.
Donc le monde rural est l’une de vos priorités…
Les Conseils des ministres délocalisés, précédés la veille par des Conseils interministériels de développement, sont le lieu de concertation et d’élaboration sous forme consensuelle des besoins prioritaires de chaque région. Ces besoins sont définis avec les élus locaux, les notables et la société civile locale. Ils feront l’objet d’un suivi et d’une mise en œuvre effective sur les trois prochaines années à travers le Ptip, (le Programme triennal d’investissement public). Ce programme sera pris en charge par notre stratégie nationale de développement économique et social que nous allons proposer au mois d’octobre 2013. Nous évaluons ce programme entre 5 000 et 6 000 milliards de FCfa, et cette somme ne tient pas compte des investissements prévus dans le cadre du partenariat public-privé. Nous savons où nous allons, et le monde rural sera une priorité puisque c’est par ce canal que nous allons créer les milliers d’emplois promis. L’Agriculture va être modernisée et mécanisée, ouvrant ainsi de nouveaux débouchés et créant des métiers nouveaux dans le machinisme agricole, et toutes les prestations qui vont accompagner le monde rural. Voilà les différents domaines grâce auxquels nous voulons accroître le développement économique de notre pays.
Nous avons vu que d’importants efforts ont été faits cette année pour fixer le prix au producteur d’arachide ?
Tout à fait. Depuis l’indépendance, c’est la première fois que le prix au producteur a été fixé à 190 FCfa, sans subvention de l’Etat. Ce prix a même été dépassé par le marché, puisque le kilogramme d’arachide s’est vendu jusqu’à 250 FCfa. Nous en sommes arrivés à la situation paradoxale où certains ont estimé que l’Etat devait bloquer l’exportation de graines d’arachide, ce qui est inopérant puisque la vocation d’une Agriculture est de satisfaire les besoins domestiques, mais aussi d’exporter. Le jour où l’on reviendra à une production d’un million de tonnes, ce seront 250 milliards de FCfa qui seront injectés directement dans le développement de l’Agriculture, et cela par une seule variété culturale. Voilà comment il faut appréhender la richesse d’un pays. Le Sénégal, même s’il n’a pas de pétrole ou d’or, a une richesse agricole qui va booster sa croissance. Imaginez que nous produisions en même temps un million de tonnes de riz, ce sont autant de devises qui ne vont plus sortir du pays pour aller à l’étranger, mais qui au contraire assureront la consommation sénégalaise. Faites le même calcul pour le maïs et pour le mil… Le profil économique de notre pays sera, je vous l’assure, dans quelques années, totalement différent de ce qu’il a été jusqu’à présent. Voilà pourquoi nous devons continuer ce soutien et mieux organiser le secteur pour que les efforts consentis aillent vers ceux qui produisent et travaillent la terre.
Quelle est votre politique concernant les travailleurs ?
Les travailleurs ont été durement frappés par la cherté de la vie. C’est la raison pour laquelle, dès mon arrivée, nous avons finalisé la réforme du Code général des impôts. À cette occasion, j’ai instruit le gouvernement de baisser l’Impôt sur le revenu, ce qui s’est traduit par un transfert de près de 29 milliards de FCfa vers les travailleurs pour augmenter leur pouvoir d’achat. C’est une mesure extrêmement importante, car cela relance la consommation et donc l’économie.
Il a été dit que le Président ne faisait rien pour faire baisser le prix des denrées alimentaires ? Quelle est votre réaction ?
Concernant les denrées, je voudrais dire que 17 jours après mon arrivée au pouvoir, j’ai engagé, après une large concertation avec l’Union des commerçants du Sénégal, une baisse des prix des denrées de première nécessité sur trois produits : le riz, le sucre et l’huile. Je m’y étais engagé. Cette baisse a été effective. Elle concerne des produits de grande consommation pour les ménages vulnérables. Par exemple, dans le sucre, la subvention de 9 milliards de FCfa a permis de baisser le prix au kilo de 100 FCfa. Sur le riz 100% brisé, celui consommé par les couches les moins nanties, le prix au kilo est passé de 345 FCfa à environ 260 FCfa. Le litre d’huile a baissé de 100 FCfa. C’est quand même considérable. En plus de cette baisse, le revenu des travailleurs a augmenté grâce à la réduction de l’Impôt sur le revenu. Ces hausses de salaire ont été comprises entre 15 000 francs et 90 000 francs, voire plus pour les gros salaires. Les syndicats l’ont dit. L’impact a été important.
À écouter vos opposants, le Sénégal n’a pas bougé. Comment interprétez-vous le fait que vos actions ne sont pas assez connues, notamment des populations ?
Votre question pose un problème sérieux, celui de la communication. L’opposition est dans son rôle, celui de neutraliser tout ce que l’Etat fait, tout ce que le pouvoir fait, de l’amoindrir, voire de le railler, même si c’est avec une forte dose de subjectivité. Cela ne me dérange pas outre mesure. Ce que je sais, au demeurant, c’est que je leur ai fait un cadeau énorme, celui de réduire de 2 ans mon mandat. Sur ce point, je ne les ai pas entendus me critiquer. C’est un signal fort que j’ai voulu donner pour montrer que ce qui m’importait véritablement n’était pas le pouvoir pour le pouvoir. J’ai voulu faire œuvre pédagogique. Tout ce que nous avons déjà fait en un an pour réduire les inégalités n’a peut-être pas été convenablement porté à la connaissance des populations parce que l’environnement médiatique de notre pays est tel que l’on passe son temps dans des débats de bas étage qui empêchent la tenue de vrais débats sur le développement économique et social de notre cher pays. Je pense que notre démocratie gagnerait à élever le niveau du débat et à travailler à l’essentiel. Les élections sont maintenant terminées depuis un an. Les Sénégalais ont fait leur choix. Un Président a été élu. Il faut maintenant laisser le gouvernement travailler, au moins jusqu’à mi-mandat. Il ne faut pas, dès le début du mandat, s’inscrire dans des polémiques stériles qui en réalité n’intéressent que ceux qui les portent. Les populations ont montré que tout ce verbiage n’avait aucun impact sur elles. Que l’on n’installe pas le pays dans un climat qui voudrait faire croire que rien ne fonctionne dans le pays. Ce n’est pas exact. Aujourd’hui, le Sénégal est respecté dans le concert des Nations, plus qu’il ne l’était auparavant. Aujourd’hui, les populations rurales sont satisfaites des efforts que nous continuons de faire pour l’Agriculture. Pas une voix n’a menacé le gouvernement pendant toute une campagne agricole, parce que personne ne s’est retrouvé avec des bons impayés : c’est quand même révolutionnaire. J’encadre l’ensemble de l’action du gouvernement. Il doit travailler convenablement. Il faut qu’il communique davantage.
Certains observateurs notent que l’opposition a de l’expérience dans le combat militant, mais aussi des moyens. Vous avez été élu par 65% de la population. La majorité que vous portez est électorale. Le problème ne relève-t-il pas d’un manque de franche collaboration de vos alliés ? On parle aussi de la richesse de vos adversaires ?
S’agissant de l’opposition, la seule chose que je voudrais dire, c’est que l’argent ne fait pas le pouvoir. Si ce n’était que l’argent, ils n’auraient pas perdu le pouvoir, donc cela ne doit pas nous inquiéter outre mesure. Ceux qui tenteront, par des moyens détournés, de déstabiliser le pouvoir s’exposeront à la loi. Je serai intransigeant sur ce point. Il est de mon devoir de stabiliser ce pays. Toutes les garanties doivent en revanche être données pour l’exercice du droit démocratique.
Concernant mes alliés, je m’empêcherai d’apprécier leur rôle. Je remarque que parmi eux, certains sont à mes cotés, d’autres ont choisi d’adopter une liberté de ton. Chacun assume. Je n’ai pas de problème avec cela.
L’opposition a plus ou moins mené campagne pour vous présenter comme opposé aux pays arabes, tels Dubaï ou l’Arabie Saoudite. Que répondez-vous à ceux qui veulent donner l’impression que vous êtes contre ces pays ?
Le Sénégal est un pays musulman en majorité, autour de 95%. Comment pourrais-je être contre les Arabes qui sont musulmans ? Nous avons une relation historique avec le monde arabe que je souhaite renforcer. Un peu plus d’un mois après ma prise de fonction, je me suis rendu en Arabie Saoudite à l’invitation du Roi Abdallah d’Arabie Saoudite. J’y suis retourné un mois après pour le sommet de l’Oci. J’ai été invité par l’Emir du Koweït, qui va venir au Sénégal avant la fin de l’année. Je viens juste de répondre à l’invitation des Emirats Arabes Unis et du Qatar. Je ne peux pas être contre le monde arabe, cela n’a aucun sens.
Et Dubaï Port ?
Je n’ai aucun problème avec Dubaï Port World, puisque c’est le sujet sur lequel on m’attaque. L’Etat discute sans aucune animosité avec Dubaï sur les modalités de mise en place de la concession. Ce sont les affaires, et cela n’a rien à voir avec la diplomatie ou la politique. Il en va de même pour l’aéroport Aibd. Nous avons des difficultés avec l’opérateur, mais c’est juste une question commerciale.
Vous incarnez un nouveau type de leadership en Afrique. Dans 10 ans, soit au bout de 2 mandats, vous serez encore jeune. Quelle image du Sénégal voudriez-vous laisser aux générations futures ?
Je voudrais, par la grâce de Dieu, avoir la confiance de mes compatriotes pour me confier un second mandat. Si c’est le cas, 10 ans après ma prise de fonction, je souhaiterais laisser un pays avec des infrastructures solides pour le développement, tant au plan ferroviaire, qu’au plan aérien, routier. Je voudrais laisser à mon successeur un pays émergent, un pays dans lequel l’Etat de droit est une réalité, un pays où les inégalités sociales auront été sinon neutralisées, du moins atténuées. Cela est tout à fait possible. Je pense que le Sénégal de 2022 aura fière allure. C’est en tout cas l’image que je voudrais laisser. Bien entendu, je serai encore jeune après 61 ans, mais il y a une vie après la présidence de la République. Sur les questions de paix, de l’enfance, ou du développement de l’agriculture, beaucoup doit être fait en Afrique. Il y a tellement de choses que la question de la retraite ne se pose pas pour moi.
Quel message voudriez-vous transmettre aux jeunes qui feront le Sénégal de demain ?
Mon message est un message d’espoir, et il faut toujours avoir foi en l’avenir. Il faut être confiant, être croyant, et croire en sa «légende personnelle». C’est une phrase que j’emprunte à Pablo Coelho. Il faut que les jeunes croient en eux-mêmes et croient en leur pays, qu’ils soient footballeurs, lutteurs, étudiants ou intellectuels, quel que soit leur talent ou leur métier. Ils doivent travailler durement, car c’est par le travail que l’on se réalise et que l’on gagne sa dignité.
Lorsque j’ai bénéficié de la confiance des Sénégalais, mes priorités pouvaient se résumer en 5 points. Le premier point était la lutte contre les injustices sociales. Ce point à lui seul aurait pu suffire comme programme, tant ses implications sont importantes. Cela implique un certain nombre de considérations qui doivent entraîner une croissance inclusive, et également la mise à disposition du minimum pour toutes les couches sociales, tant en matière de Santé que d’Education. Ce point touche également à l’Etat de droit, l’égalité des citoyens devant la loi, la lutte contre l’impunité, mais aussi la promotion de l’environnement des Affaires, devant faciliter les investissements privés internationaux. Le second point était de bâtir les bases du développement. Un pays ne peut se développer sans avoir d’infrastructures. Dans ce cadre, j’ai mis en place un plan d’infrastructures touchant en priorité les voies de communication. Cela a déjà été entamé, et il s’agit maintenant de définir des dorsales principales. La dorsale Autoroutière Est-Ouest va rejoindre l’axe Mbour-Kaolack. L’autre axe reliera Thiès à Touba. Le plus urgent concerne les infrastructures ferroviaires. Il nous faut, au cours de ce mandat, réaliser le chemin de fer Dakar-Bamako. Ce chemin de fer se fera par le biais des projets intégrateurs du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique : Ndlr). Nous avons aujourd’hui urgence à bâtir ce chemin de fer qui va valoriser les ressources minières du Sénégal. Ce point inclut également plus d’équité territoriale sur les infrastructures de base, l’électrification rurale, les pistes de désenclavement ou l’accès à l’eau potable. C’est à ce niveau que je compte mettre en place une vraie politique agricole dont la finalité est d’atteindre l’autosuffisance et la sécurité alimentaire sur un certain nombre de produits comme le riz. Nous avons enfin un volet essentiel sur la diplomatie : une diplomatie de paix, de coopération et de développement. Le Sénégal qui tendait vers l’isolement a retrouvé sa position de place forte de la diplomatie mondiale. Nous sommes un petit pays par la taille, mais un grand Etat grâce à la valeur de nos hommes, à la grandeur de nos institutions.
Qu’est-ce que cela symbolise pour vous ?
Le couronnement d’une démarche positive, orientée vers la satisfaction des attentes de notre peuple en matière de démocratie, de bonne gouvernance, avec une Gestion orientée vers les résultats, l’efficience, l’optimisation et la rationalisation des ressources suivant les mêmes standards que les plus grandes Nations du monde. Mon élection a été saluée, mes actions encouragées. C’est un motif d’encouragement pour le tout nouveau chef d’Etat que je suis, dans un pays qui a une très vieille tradition de démocratie délibérative, un espace public très fort qui exerce un moyen de contrôle réel sur l’Exécutif, une séparation réelle des pouvoirs. Les réformes déjà mises en oeuvre en un an d’exercice ont été bien appréciées.
Vous avez parlé de Démocratie et de Bonne gouvernance. C’est un sujet sur lequel vous êtes attendu. En un an, quel est le premier bilan que vous pouvez tirer concernant ce qu’on appelle la traque de biens mal acquis ?
Parlons avant tout de la Bonne gouvernance. Étant entendu que le délit n’est pas constitué, on ne doit pas parler de biens mal acquis, et la présomption d’innocence doit rester un principe sacré. De façon générale, on ne peut se développer sans une gouvernance vertueuse. L’Afrique a trop souffert de la déperdition des ressources rares qui devraient faire sa richesse et celle de ses peuples. Nous devons manifester très clairement notre volonté de poser des garde-fous pour aider les gestionnaires à assumer leurs charges. Ils doivent savoir qu’en toute circonstance et en tout temps, ils utilisent les biens publics, et de ce point de vue, doivent rendre compte de leur usage. Des choix hasardeux ont souvent prévalu dans l’utilisation des ressources publiques. J’ai indiqué que l’Etat de droit et la Gestion par résultats impliquaient également une lutte farouche contre les gaspillages et contre l’impunité, mais aussi la mise en oeuvre de la promotion de la protection des biens publics, pour l’imputabilité et la reddition des comptes. Il y a un double contrôle qui se fait en interne, par les rapports de gestion et le contrôle hiérarchique, mais aussi un contrôle externe par les corps de contrôle, l’Assemblée nationale à travers le vote du budget, les questions orales et les commissions d’enquête. N’oublions pas enfin la presse, qui exerce un travail de contrôle, cimente le débat public, fait remonter les préoccupations des populations et procède à des investigations pour relever les manquements. C’est pour cette raison que j’ai érigé un département ministériel spécialement chargé de la Promotion de la Bonne gouvernance. C’est pour qu’en aval il y ait des sanctions que j’ai réactivé la Cour de répression de l’enrichissement illicite. À ce jour, les dossiers sont entre les mains des juges. Laissons la Justice faire son travail.
Et qu’est-ce qui a été fait pour la réduction du train de vie de l’Etat ?
Beaucoup a été fait en un an. Les options choisies ne peuvent être quantifiées en termes de volume. Il s’agit de promouvoir l’Etat de droit, de lutter contre l’impunité, d’asseoir une politique vertueuse, de pousser les gestionnaires publics et les ordonnateurs à faire leur déclaration de biens. Je pense que les Sénégalais ont vu que l’impunité est combattue dans ce pays. Ce n’était pas le cas jusqu’à notre arrivée au pouvoir. Nous avons aussi engagé des réformes majeures visant à améliorer très significativement l’indépendance de la Magistrature. Concrètement, nous avons engagé un certain nombre de travaux, en particulier sur l’Energie. Les options stratégiques que nous avons prises doivent nous permettre, à terme, de régler structurellement les déficits auxquels nous faisons face depuis plusieurs décennies, et sur lesquels nous avons toujours eu recours à des solutions d’urgence.
La question de l’énergie semble insoluble depuis l’indépendance du Sénégal. Comment éviter la crainte du retour des délestages et des coupures d’électricité ?
On ne peut pas dire que la question est insoluble. Notre pays a trop souvent pris des options conjoncturelles. Elles ont permis de résoudre les difficultés du moment, mais ont vite été dépassées du fait de l’ampleur de la demande. La demande croit rapidement, autour de 10% par an. L’année dernière, nous avons eu un pic à 18%. Avec une telle progression annuelle, et lorsque le rythme de l’investissement ne suit pas, les réponses ne peuvent être que conjoncturelles, alors qu’il s’agit d’un problème structurel. L’une des solutions, c’est de s’orienter vers les productions à grande capacité, avec un Mix énergétique qui ne nous aliène pas par rapport à une seule source d’énergie. Avec une source d’énergie unique, nous restons vulnérables et très dépendants. Cette diversité énergétique doit se baser à la fois sur le gaz, le charbon, l’hydro-électricité et le solaire, avec une prépondérance pour les énergies les moins chères d’ici trois ou quatre ans. Ce que nous avons mis en place doit nous permettre dès fin 2014 de réduire le déficit. Sur l’année 2012,l’Etat a investi 120 milliards de FCfa, et même plus quand on prend en compte les remises de dettes de l’Etat vis-à-vis de la Senelec (Société nationale d’électricité du Sénégal : Ndlr). Pour 2013, malgré les difficultés, nous avons inscrit 80 milliards de FCfa au budget pour l’Energie. Nous avons donné comme obligation à la Senelec de faire un plan interne d’ajustement pour compléter les efforts de l’Etat. Il faut produire moins cher. La Senelec produit aujourd’hui à 115 FCfa le Kwa/h, voire 180 FCfa avec les groupes loués qui consomment du gasoil. Dès lors que l’on arrivera à produire notre électricité avec du gaz de Mauritanie ou du gaz liquéfié et du charbon, nous allons rapidement baisser les prix pour arriver à un prix de 75 FCfa maximum le Kwa/h. Il faut aller vers ce type de solutions, vers des solutions majeures régionales, et non pas vers des solutions de groupes électrogènes loués dans l’urgence et qui coûtent extrêmement cher.
Vous connaissez bien le monde rural. Après avoir été élu, vous étiez attendu sur l’aide apportée aux paysans. Les ménages sénégalais souffrent également de la cherté de la vie. Quels sont les efforts réalisés en faveur des populations rurales et des ménages depuis votre élection ?
Je suis très heureux de répondre à cette question puisque je suis passionné par le monde rural. Il est vrai que ce milieu est très touché par la pauvreté. Depuis notre indépendance, le transfert des ressources publiques vers le monde rural a été insignifiant par rapport au budget de l’Etat. Pour résultat, tout le monde a convergé vers la ville, ce qui a entraîné un double déséquilibre. La ville devenue surpeuplée n’a pas pu gérer et planifier les infrastructures sociales pour accueillir tout ce monde. Ce qui a occasionné l’habitat anarchique, l’amplification du chômage, et donc l’insalubrité et l’insécurité. Le monde rural s’est dégarni, et les cultures manquent de bras valides. Il faut inverser cette tendance. Il faut soutenir l’agriculture et l’aider à se réorganiser et à se moderniser. En 2012, dès mon arrivée, nous avons injecté 64 milliards de FCfa, alors que le déficit budgétaire était de 7,2%. Nous avons ramené ce déficit à 5,9% soit – 6 % dès la fin de l’année. Il a fallu comprimer très sérieusement toutes les dépenses de fonctionnement pour privilégier les dépenses sociales, 30 milliards de FCfa ont été consacrés à l’appui alimentaire d’urgence, et 34 milliards ont été investis en soutien aux agriculteurs. Cette année, nous sommes allés au-delà de ce qui avait été entrepris en 2012. Nous devons, dans les prochaines années, favoriser les semences certifiées. Nous avons mis en place un programme agricole d’équipements, extrêmement important avec le Brésil, 80 millions de dollars vont être injectés, cette année, pour équiper les agriculteurs en matériel, ce qui va accroître la productivité.
Donc le monde rural est l’une de vos priorités…
Les Conseils des ministres délocalisés, précédés la veille par des Conseils interministériels de développement, sont le lieu de concertation et d’élaboration sous forme consensuelle des besoins prioritaires de chaque région. Ces besoins sont définis avec les élus locaux, les notables et la société civile locale. Ils feront l’objet d’un suivi et d’une mise en œuvre effective sur les trois prochaines années à travers le Ptip, (le Programme triennal d’investissement public). Ce programme sera pris en charge par notre stratégie nationale de développement économique et social que nous allons proposer au mois d’octobre 2013. Nous évaluons ce programme entre 5 000 et 6 000 milliards de FCfa, et cette somme ne tient pas compte des investissements prévus dans le cadre du partenariat public-privé. Nous savons où nous allons, et le monde rural sera une priorité puisque c’est par ce canal que nous allons créer les milliers d’emplois promis. L’Agriculture va être modernisée et mécanisée, ouvrant ainsi de nouveaux débouchés et créant des métiers nouveaux dans le machinisme agricole, et toutes les prestations qui vont accompagner le monde rural. Voilà les différents domaines grâce auxquels nous voulons accroître le développement économique de notre pays.
Nous avons vu que d’importants efforts ont été faits cette année pour fixer le prix au producteur d’arachide ?
Tout à fait. Depuis l’indépendance, c’est la première fois que le prix au producteur a été fixé à 190 FCfa, sans subvention de l’Etat. Ce prix a même été dépassé par le marché, puisque le kilogramme d’arachide s’est vendu jusqu’à 250 FCfa. Nous en sommes arrivés à la situation paradoxale où certains ont estimé que l’Etat devait bloquer l’exportation de graines d’arachide, ce qui est inopérant puisque la vocation d’une Agriculture est de satisfaire les besoins domestiques, mais aussi d’exporter. Le jour où l’on reviendra à une production d’un million de tonnes, ce seront 250 milliards de FCfa qui seront injectés directement dans le développement de l’Agriculture, et cela par une seule variété culturale. Voilà comment il faut appréhender la richesse d’un pays. Le Sénégal, même s’il n’a pas de pétrole ou d’or, a une richesse agricole qui va booster sa croissance. Imaginez que nous produisions en même temps un million de tonnes de riz, ce sont autant de devises qui ne vont plus sortir du pays pour aller à l’étranger, mais qui au contraire assureront la consommation sénégalaise. Faites le même calcul pour le maïs et pour le mil… Le profil économique de notre pays sera, je vous l’assure, dans quelques années, totalement différent de ce qu’il a été jusqu’à présent. Voilà pourquoi nous devons continuer ce soutien et mieux organiser le secteur pour que les efforts consentis aillent vers ceux qui produisent et travaillent la terre.
Quelle est votre politique concernant les travailleurs ?
Les travailleurs ont été durement frappés par la cherté de la vie. C’est la raison pour laquelle, dès mon arrivée, nous avons finalisé la réforme du Code général des impôts. À cette occasion, j’ai instruit le gouvernement de baisser l’Impôt sur le revenu, ce qui s’est traduit par un transfert de près de 29 milliards de FCfa vers les travailleurs pour augmenter leur pouvoir d’achat. C’est une mesure extrêmement importante, car cela relance la consommation et donc l’économie.
Il a été dit que le Président ne faisait rien pour faire baisser le prix des denrées alimentaires ? Quelle est votre réaction ?
Concernant les denrées, je voudrais dire que 17 jours après mon arrivée au pouvoir, j’ai engagé, après une large concertation avec l’Union des commerçants du Sénégal, une baisse des prix des denrées de première nécessité sur trois produits : le riz, le sucre et l’huile. Je m’y étais engagé. Cette baisse a été effective. Elle concerne des produits de grande consommation pour les ménages vulnérables. Par exemple, dans le sucre, la subvention de 9 milliards de FCfa a permis de baisser le prix au kilo de 100 FCfa. Sur le riz 100% brisé, celui consommé par les couches les moins nanties, le prix au kilo est passé de 345 FCfa à environ 260 FCfa. Le litre d’huile a baissé de 100 FCfa. C’est quand même considérable. En plus de cette baisse, le revenu des travailleurs a augmenté grâce à la réduction de l’Impôt sur le revenu. Ces hausses de salaire ont été comprises entre 15 000 francs et 90 000 francs, voire plus pour les gros salaires. Les syndicats l’ont dit. L’impact a été important.
À écouter vos opposants, le Sénégal n’a pas bougé. Comment interprétez-vous le fait que vos actions ne sont pas assez connues, notamment des populations ?
Votre question pose un problème sérieux, celui de la communication. L’opposition est dans son rôle, celui de neutraliser tout ce que l’Etat fait, tout ce que le pouvoir fait, de l’amoindrir, voire de le railler, même si c’est avec une forte dose de subjectivité. Cela ne me dérange pas outre mesure. Ce que je sais, au demeurant, c’est que je leur ai fait un cadeau énorme, celui de réduire de 2 ans mon mandat. Sur ce point, je ne les ai pas entendus me critiquer. C’est un signal fort que j’ai voulu donner pour montrer que ce qui m’importait véritablement n’était pas le pouvoir pour le pouvoir. J’ai voulu faire œuvre pédagogique. Tout ce que nous avons déjà fait en un an pour réduire les inégalités n’a peut-être pas été convenablement porté à la connaissance des populations parce que l’environnement médiatique de notre pays est tel que l’on passe son temps dans des débats de bas étage qui empêchent la tenue de vrais débats sur le développement économique et social de notre cher pays. Je pense que notre démocratie gagnerait à élever le niveau du débat et à travailler à l’essentiel. Les élections sont maintenant terminées depuis un an. Les Sénégalais ont fait leur choix. Un Président a été élu. Il faut maintenant laisser le gouvernement travailler, au moins jusqu’à mi-mandat. Il ne faut pas, dès le début du mandat, s’inscrire dans des polémiques stériles qui en réalité n’intéressent que ceux qui les portent. Les populations ont montré que tout ce verbiage n’avait aucun impact sur elles. Que l’on n’installe pas le pays dans un climat qui voudrait faire croire que rien ne fonctionne dans le pays. Ce n’est pas exact. Aujourd’hui, le Sénégal est respecté dans le concert des Nations, plus qu’il ne l’était auparavant. Aujourd’hui, les populations rurales sont satisfaites des efforts que nous continuons de faire pour l’Agriculture. Pas une voix n’a menacé le gouvernement pendant toute une campagne agricole, parce que personne ne s’est retrouvé avec des bons impayés : c’est quand même révolutionnaire. J’encadre l’ensemble de l’action du gouvernement. Il doit travailler convenablement. Il faut qu’il communique davantage.
Certains observateurs notent que l’opposition a de l’expérience dans le combat militant, mais aussi des moyens. Vous avez été élu par 65% de la population. La majorité que vous portez est électorale. Le problème ne relève-t-il pas d’un manque de franche collaboration de vos alliés ? On parle aussi de la richesse de vos adversaires ?
S’agissant de l’opposition, la seule chose que je voudrais dire, c’est que l’argent ne fait pas le pouvoir. Si ce n’était que l’argent, ils n’auraient pas perdu le pouvoir, donc cela ne doit pas nous inquiéter outre mesure. Ceux qui tenteront, par des moyens détournés, de déstabiliser le pouvoir s’exposeront à la loi. Je serai intransigeant sur ce point. Il est de mon devoir de stabiliser ce pays. Toutes les garanties doivent en revanche être données pour l’exercice du droit démocratique.
Concernant mes alliés, je m’empêcherai d’apprécier leur rôle. Je remarque que parmi eux, certains sont à mes cotés, d’autres ont choisi d’adopter une liberté de ton. Chacun assume. Je n’ai pas de problème avec cela.
L’opposition a plus ou moins mené campagne pour vous présenter comme opposé aux pays arabes, tels Dubaï ou l’Arabie Saoudite. Que répondez-vous à ceux qui veulent donner l’impression que vous êtes contre ces pays ?
Le Sénégal est un pays musulman en majorité, autour de 95%. Comment pourrais-je être contre les Arabes qui sont musulmans ? Nous avons une relation historique avec le monde arabe que je souhaite renforcer. Un peu plus d’un mois après ma prise de fonction, je me suis rendu en Arabie Saoudite à l’invitation du Roi Abdallah d’Arabie Saoudite. J’y suis retourné un mois après pour le sommet de l’Oci. J’ai été invité par l’Emir du Koweït, qui va venir au Sénégal avant la fin de l’année. Je viens juste de répondre à l’invitation des Emirats Arabes Unis et du Qatar. Je ne peux pas être contre le monde arabe, cela n’a aucun sens.
Et Dubaï Port ?
Je n’ai aucun problème avec Dubaï Port World, puisque c’est le sujet sur lequel on m’attaque. L’Etat discute sans aucune animosité avec Dubaï sur les modalités de mise en place de la concession. Ce sont les affaires, et cela n’a rien à voir avec la diplomatie ou la politique. Il en va de même pour l’aéroport Aibd. Nous avons des difficultés avec l’opérateur, mais c’est juste une question commerciale.
Vous incarnez un nouveau type de leadership en Afrique. Dans 10 ans, soit au bout de 2 mandats, vous serez encore jeune. Quelle image du Sénégal voudriez-vous laisser aux générations futures ?
Je voudrais, par la grâce de Dieu, avoir la confiance de mes compatriotes pour me confier un second mandat. Si c’est le cas, 10 ans après ma prise de fonction, je souhaiterais laisser un pays avec des infrastructures solides pour le développement, tant au plan ferroviaire, qu’au plan aérien, routier. Je voudrais laisser à mon successeur un pays émergent, un pays dans lequel l’Etat de droit est une réalité, un pays où les inégalités sociales auront été sinon neutralisées, du moins atténuées. Cela est tout à fait possible. Je pense que le Sénégal de 2022 aura fière allure. C’est en tout cas l’image que je voudrais laisser. Bien entendu, je serai encore jeune après 61 ans, mais il y a une vie après la présidence de la République. Sur les questions de paix, de l’enfance, ou du développement de l’agriculture, beaucoup doit être fait en Afrique. Il y a tellement de choses que la question de la retraite ne se pose pas pour moi.
Quel message voudriez-vous transmettre aux jeunes qui feront le Sénégal de demain ?
Mon message est un message d’espoir, et il faut toujours avoir foi en l’avenir. Il faut être confiant, être croyant, et croire en sa «légende personnelle». C’est une phrase que j’emprunte à Pablo Coelho. Il faut que les jeunes croient en eux-mêmes et croient en leur pays, qu’ils soient footballeurs, lutteurs, étudiants ou intellectuels, quel que soit leur talent ou leur métier. Ils doivent travailler durement, car c’est par le travail que l’on se réalise et que l’on gagne sa dignité.