La Bonne Gouvernance est une exigence démocratique depuis la seconde alternance. Cependant, comme tous les vrais enjeux de développement au Sénégal, j’en déplore la conception légère et creuse qu’elle évoque aujourd’hui. En effet, elle est devenue un apparat dont on se targue et un programme politique qu’il faut déclamer et rendre visible même par la personnification à travers un ministre de la bonne gouvernance (soit dit en passant, ce ministère a vite cessé d’exister au gré des remaniements). Pour ma part, et toujours dans une approche objective, contributive et technique, nous allons démontrer que la bonne gouvernance est d’abord le résultat d’une vision politique adaptée à la demande sociale, ensuite d'une planification étatique cohérente et enfin d'une gestion axée sur les résultats (GAR) dont le seul citoyen sera le juge. In fine, l'idée majeure de mon postulat est qu’on gouverne par les instruments!
Récemment, The Economist a publié une étude commanditée par Le FMI portant sur les pays africains ayant réalisé leurs performances économiques à travers une bonne gouvernance. Les critères de sélection étaient à la fois un PIB par habitant à plus de 3% et un PIB global de plus de 5% entre 1995 et 2010. Les gagnants furent le Burkina Faso avec une croissance à 6%, l'Éthiopie à 7%, le Mozambique à 8%, le Rwanda à 10%, la Tanzanie à 6% et enfin l'Uganda à 7%.
Ainsi, le Sénégal tant glorifié pour sa démocratie et sa position stratégique s’est retrouvé loin de ces prouesses économiques. La vérité, concernant le Sénégal, est que les alternances démocratiques de 2000 et 2012 proviennent en réalité de nos valeurs sociétales, de notre degré de cohésion inter-ethnique et religieuse et de notre culture pacifiste.
Ma thèse à ce niveau est que la vitrine démocratique sénégalaise repose essentiellement sur les valeurs socio-culturelles du peuple sénégalais et pas vraiment sur un système de gouvernance participatif, transparent et efficient. La preuve en est que les failles de notre système politique sont visibles à travers la pauvreté galopante, une économie extravertie et balbutiante et des lacunes insupportables en matière de gouvernance qui finiront par polluer le climat politique et social qui nous vaut partout dans le monde les éloges d'une démocratie mature. Ainsi, la bonne gouvernance va au-delà des vœux pieux pour s’appuyer sur des instruments qui garantissent la séparation des pouvoirs, l'effectivité du vote des citoyens (élection directe des maires et députés depuis les circonscriptions), l'équité et la transparence dans le service au citoyen (territorialité) et enfin une gestion efficiente garante de résultats souhaités par les populations.
Dans cette optique, le Sénégal devrait commencer par mettre en place une fiscalité territorialisée qui responsabilise les collectivités territoriales autour de l’objectif stratégique de sortir notre économie de l'informelle et de l'extraversion par des structures territorialisées d’accompagnement visant la construction du tissu économique spécifique à chaque territoire. Ces structures devront ainsi axer leur action sur la valeur marchande des ressources territoriales, sur l’accompagnement de l’entreprenariat et la création de richesse par une fiscalité locale. Cette croissance des recettes fiscales et la création de richesse se traduiront par une augmentation de nos capacités en dépenses publiques et d'épargne des ménages et surtout par une meilleure maîtrise de l'inflation.
Ainsi, les Stratégies de Développement Territorial (SDT) sont incontournables, car il faut comprendre que l’économie de la Casamance ne peut pas être développée suivant la même stratégie que celle du Baol ou du Fouta. Chaque territoire a ses formes et ses forces et j’ai l’intime certitude que le fait de sortir le tissu économique de nos territoires de l’informel sonnera le point de départ d’une période de forte croissance économique. Les communautés territoriales deviennent ainsi une force stratégique quand elles portent les projets de territoires d'où l'urgence de réorganiser le Sénégal en territoires.
Donc, bien avant les défis en planification de l’action et en intelligence économique, nous devons remettre en cause cette conception vide d’une bonne gouvernance traduite en des termes subjectifs de sobriété et de vertu. En réalité la bonne gouvernance s’apprécie à travers les instruments de l’action publique qui témoignent de l’existence des éléments suivants :
*Des choix d’orientation politiques pertinents qui démontrent l’existence d’une vision cohérente, équitable et plébiscitée par les populations.
*Des priorités claires qui démontrent d'une planification stratégique rigoureuse
*Un dispositif de gestion et des instruments d’action publique qui consacrent une gestion axée sur les résultats.
Et tout cela dans un système politique qui garantit la séparation des pouvoirs.
En effet nous savons tous que gouverner c’est prévoir et cette prospective n’est possible que par une planification étatique complète et rigoureuse (planification territoriale de l’espace national, planification globale de l’appareil d’état et planification stratégique des programmes d’action). Mais, gouverner c’est aussi agir dans le cadre des programmes et projets d’actions publiques capables de résultat souhaités sur le niveau de vie des populations (GAR - Gestion Axée sur les Résultats). Ainsi, il faut gouverner par les instruments et c’est donc par les instruments qu’il faut déterminer la gouvernance d’un régime politique et non par les valeurs déclarées du leadership politique, même si je concède que les traits de caractère déclarés de la personnalité en charge ne sont pas sans importance.
Voilà pourquoi en parallèle de la sociologie politique qui a comme objet la compréhension de la philosophie sociale de la logique d’État, on a développé une sociologie de l’action publique qui part de l’analyse des instruments d’action publique pour expliquer les fondements d’une logique politique d’un régime donné par l’action et non par le discours politique. Ainsi, comprenons une bonne fois pour toutes que la bonne Gouvernance est le premier gage d’une santé financière et économique, mais c’est aussi l'attractif le plus déterminant quant aux IDE (investissements directs étrangers). Les données confirment que les 6 pays cités plus haut ont tous reçu plus d'aide que les autres pays africains.
Donc, en matière de gouvernance, je préfère des normes concrètes, objectives et mesurables pour des fins évidentes d’évaluation de l’action de l’État telle que :
-Le degré de responsabilisation des communautés territoriales devant les enjeux de développement territorial et la fin des inégalités entre les territoires qui se traduisent par des frustrations (conflit casamançais), par des mouvements d’exode rural et l’aggravation de la macrocéphalie du Sénégal.
-L'effectivité de la participation citoyenne et le respect du suffrage des citoyens afin de mettre fin aux députés du parti et aux maires surprises (ou fantômes) élus par les partis et non les populations
-La territorialisation de l’action publique, car Dakar n’est pas le Sénégal et les territoires ont des formes, des forces, des dynamiques et des enjeux qui varient d’un territoire à l’autre.
-Et enfin, la nécessité d’une gestion des deniers publics axée sur les résultats dans l’administration sénégalaise, car l’heure est au résultat.
In fine, retenons que l’on gouverne par les instruments, car comme le disait l’évêque et écrivain Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) : « Le Gouvernement est un ouvrage de raison et d’intelligence. »
Je précise n’avoir rien contre la sobriété et la vertu, mais elles traduisent des traits de caractère d’un leadership politique et non les artefacts de la gouvernance de l’État qui se doit d’agir avec cohérence pour obtenir des résultats souhaités. En plus, je trouve que la sobriété et la vertu sont des qualités de leadership politique qu’une réforme, portant sur la régulation, le fonctionnement et le financement de nos partis politiques, devrait imposer comme des règles de compétition et de démocraties internes. Car ne nous y trompons pas, ce sont les pratiques internes de népotisme, de dictature et de clanisme au sein de nos formations politiques qui finissent, inéluctablement, par gangrener la gouvernance du régime au pouvoir et saper les qualités du leadership politique. Aujourd’hui, plus que jamais, je réaffirme que « Tant que les Partis politiques seront des espaces où règnent le désordre, l'ignorance et l'incompétence, le Sénégal baignera toujours dans une crise des valeurs sociales, accentuée par un système financier et économique improductif et des conflits politico-religieux qui finiront par mettre en péril notre cohésion sociale ».
Moussa Bala Fofana (Canada-Montréal) – ctfofana.matcl@gmail.com
* Ancien Conseiller Technique du Gouvernement du Sénégal 2012-2013
* Actuellement Conseiller Financier en Banque & Représentant en Fonds d’investissement et de Placement.
- Ingénieur en Planification des Projets et Programmes - l’Institut National Polytechnique Lorraine (INPL)
- Spécialiste en Sociologie du Développement, des Organisations et de l’Action Publique.
- Expert en Développement Territorial, Développement Économique Local et Transfrontalier.
Récemment, The Economist a publié une étude commanditée par Le FMI portant sur les pays africains ayant réalisé leurs performances économiques à travers une bonne gouvernance. Les critères de sélection étaient à la fois un PIB par habitant à plus de 3% et un PIB global de plus de 5% entre 1995 et 2010. Les gagnants furent le Burkina Faso avec une croissance à 6%, l'Éthiopie à 7%, le Mozambique à 8%, le Rwanda à 10%, la Tanzanie à 6% et enfin l'Uganda à 7%.
Ainsi, le Sénégal tant glorifié pour sa démocratie et sa position stratégique s’est retrouvé loin de ces prouesses économiques. La vérité, concernant le Sénégal, est que les alternances démocratiques de 2000 et 2012 proviennent en réalité de nos valeurs sociétales, de notre degré de cohésion inter-ethnique et religieuse et de notre culture pacifiste.
Ma thèse à ce niveau est que la vitrine démocratique sénégalaise repose essentiellement sur les valeurs socio-culturelles du peuple sénégalais et pas vraiment sur un système de gouvernance participatif, transparent et efficient. La preuve en est que les failles de notre système politique sont visibles à travers la pauvreté galopante, une économie extravertie et balbutiante et des lacunes insupportables en matière de gouvernance qui finiront par polluer le climat politique et social qui nous vaut partout dans le monde les éloges d'une démocratie mature. Ainsi, la bonne gouvernance va au-delà des vœux pieux pour s’appuyer sur des instruments qui garantissent la séparation des pouvoirs, l'effectivité du vote des citoyens (élection directe des maires et députés depuis les circonscriptions), l'équité et la transparence dans le service au citoyen (territorialité) et enfin une gestion efficiente garante de résultats souhaités par les populations.
Dans cette optique, le Sénégal devrait commencer par mettre en place une fiscalité territorialisée qui responsabilise les collectivités territoriales autour de l’objectif stratégique de sortir notre économie de l'informelle et de l'extraversion par des structures territorialisées d’accompagnement visant la construction du tissu économique spécifique à chaque territoire. Ces structures devront ainsi axer leur action sur la valeur marchande des ressources territoriales, sur l’accompagnement de l’entreprenariat et la création de richesse par une fiscalité locale. Cette croissance des recettes fiscales et la création de richesse se traduiront par une augmentation de nos capacités en dépenses publiques et d'épargne des ménages et surtout par une meilleure maîtrise de l'inflation.
Ainsi, les Stratégies de Développement Territorial (SDT) sont incontournables, car il faut comprendre que l’économie de la Casamance ne peut pas être développée suivant la même stratégie que celle du Baol ou du Fouta. Chaque territoire a ses formes et ses forces et j’ai l’intime certitude que le fait de sortir le tissu économique de nos territoires de l’informel sonnera le point de départ d’une période de forte croissance économique. Les communautés territoriales deviennent ainsi une force stratégique quand elles portent les projets de territoires d'où l'urgence de réorganiser le Sénégal en territoires.
Donc, bien avant les défis en planification de l’action et en intelligence économique, nous devons remettre en cause cette conception vide d’une bonne gouvernance traduite en des termes subjectifs de sobriété et de vertu. En réalité la bonne gouvernance s’apprécie à travers les instruments de l’action publique qui témoignent de l’existence des éléments suivants :
*Des choix d’orientation politiques pertinents qui démontrent l’existence d’une vision cohérente, équitable et plébiscitée par les populations.
*Des priorités claires qui démontrent d'une planification stratégique rigoureuse
*Un dispositif de gestion et des instruments d’action publique qui consacrent une gestion axée sur les résultats.
Et tout cela dans un système politique qui garantit la séparation des pouvoirs.
En effet nous savons tous que gouverner c’est prévoir et cette prospective n’est possible que par une planification étatique complète et rigoureuse (planification territoriale de l’espace national, planification globale de l’appareil d’état et planification stratégique des programmes d’action). Mais, gouverner c’est aussi agir dans le cadre des programmes et projets d’actions publiques capables de résultat souhaités sur le niveau de vie des populations (GAR - Gestion Axée sur les Résultats). Ainsi, il faut gouverner par les instruments et c’est donc par les instruments qu’il faut déterminer la gouvernance d’un régime politique et non par les valeurs déclarées du leadership politique, même si je concède que les traits de caractère déclarés de la personnalité en charge ne sont pas sans importance.
Voilà pourquoi en parallèle de la sociologie politique qui a comme objet la compréhension de la philosophie sociale de la logique d’État, on a développé une sociologie de l’action publique qui part de l’analyse des instruments d’action publique pour expliquer les fondements d’une logique politique d’un régime donné par l’action et non par le discours politique. Ainsi, comprenons une bonne fois pour toutes que la bonne Gouvernance est le premier gage d’une santé financière et économique, mais c’est aussi l'attractif le plus déterminant quant aux IDE (investissements directs étrangers). Les données confirment que les 6 pays cités plus haut ont tous reçu plus d'aide que les autres pays africains.
Donc, en matière de gouvernance, je préfère des normes concrètes, objectives et mesurables pour des fins évidentes d’évaluation de l’action de l’État telle que :
-Le degré de responsabilisation des communautés territoriales devant les enjeux de développement territorial et la fin des inégalités entre les territoires qui se traduisent par des frustrations (conflit casamançais), par des mouvements d’exode rural et l’aggravation de la macrocéphalie du Sénégal.
-L'effectivité de la participation citoyenne et le respect du suffrage des citoyens afin de mettre fin aux députés du parti et aux maires surprises (ou fantômes) élus par les partis et non les populations
-La territorialisation de l’action publique, car Dakar n’est pas le Sénégal et les territoires ont des formes, des forces, des dynamiques et des enjeux qui varient d’un territoire à l’autre.
-Et enfin, la nécessité d’une gestion des deniers publics axée sur les résultats dans l’administration sénégalaise, car l’heure est au résultat.
In fine, retenons que l’on gouverne par les instruments, car comme le disait l’évêque et écrivain Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) : « Le Gouvernement est un ouvrage de raison et d’intelligence. »
Je précise n’avoir rien contre la sobriété et la vertu, mais elles traduisent des traits de caractère d’un leadership politique et non les artefacts de la gouvernance de l’État qui se doit d’agir avec cohérence pour obtenir des résultats souhaités. En plus, je trouve que la sobriété et la vertu sont des qualités de leadership politique qu’une réforme, portant sur la régulation, le fonctionnement et le financement de nos partis politiques, devrait imposer comme des règles de compétition et de démocraties internes. Car ne nous y trompons pas, ce sont les pratiques internes de népotisme, de dictature et de clanisme au sein de nos formations politiques qui finissent, inéluctablement, par gangrener la gouvernance du régime au pouvoir et saper les qualités du leadership politique. Aujourd’hui, plus que jamais, je réaffirme que « Tant que les Partis politiques seront des espaces où règnent le désordre, l'ignorance et l'incompétence, le Sénégal baignera toujours dans une crise des valeurs sociales, accentuée par un système financier et économique improductif et des conflits politico-religieux qui finiront par mettre en péril notre cohésion sociale ».
Moussa Bala Fofana (Canada-Montréal) – ctfofana.matcl@gmail.com
* Ancien Conseiller Technique du Gouvernement du Sénégal 2012-2013
* Actuellement Conseiller Financier en Banque & Représentant en Fonds d’investissement et de Placement.
- Ingénieur en Planification des Projets et Programmes - l’Institut National Polytechnique Lorraine (INPL)
- Spécialiste en Sociologie du Développement, des Organisations et de l’Action Publique.
- Expert en Développement Territorial, Développement Économique Local et Transfrontalier.