«Je suis de nationalité belge et j’ai été affecté le 05/01/2003 au Sénégal par le groupe Menzies basé à Londres comme directeur de projet chargé de monter la société Ahs Aviation Handling service au niveau de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar.
J’étais à Charleroi, en Belgique, où j’étais employé dans la filiale du groupe Menzies Execair, lorsque j’ai été appelé au téléphone par le directeur de cette filiale qui m’a instruit de me présenter à Londres le 03/01/2003 au siège de Menzies Aviation par Mervyn Walker pour une interview d’embauche qui a duré deux heures au bout desquelles celui-ci a décidé que j’avais le bon profil pour la fonction que je devais occuper à Dakar.
Après cette interview, un des collaborateurs de M. Walker a appelé un certain Albert à Dakar avec qui je me suis entretenu. Cette personne m’a demandé quand je pouvais me rendre à Dakar. La date du 05 janvier a été retenue pour venir à Dakar. C’est ainsi que le dimanche 05 janvier 2003, c’est-à-dire deux jours après l’interview, je suis arrivé à Dakar par vol SN Brussels Airlines», affirme d’emblée le témoin.
Qui précise : « avant de quitter Londres, une documentation m’a été remise relative au partenariat entre Menzies Aviation et Ahs ainsi que des documents relatifs au projet à développer. A mon arrivée à Dakar, j’ai été accueilli par Eli Manel Diop qui était dg de Ahs. Eli Manel Diop m’a conduit dans un appartement situé dans les environs du marché Kermel, non loin du casino du Port. C’est le mardi, 07 janvier 2003 que j’ai rencontré le nommé Albert.
Tout le mois de janvier a été consacré à trouver des locaux, chercher du personnel qui devait m’aider à l’installation de la société, à acheter du matériel, à définir les besoins en matériel et à recevoir ce matériel.
Entre le 22 janvier et 26 janvier 2003, le matériel est arrivé à bord de deux avions Antonov 24. Le matériel provenait de l’escale de Menzies Amsterdam qui l’a acheté pour le compte de Ahs.
Le débarquement du matériel a été assuré par la régie qui assurait à l’époque l’assistance aéroportuaire puis il a été inspecté par le chef de garage de Ahs et par le personnel de Menzies Amsterdam, lesquels ont conclu que le matériel était bon pour un usage immédiat ».
Selon toujours l’ancien directeur général de Ahs : «l’exploitation du matériel a démarré dès le 01 février 2003, date à laquelle le premier avion, un vol de la compagnie Alitalia, a été assisté. Je pense que c’est le groupe Menzies qui a trouvé le matériel et l’a vendu à Ahs. Je ne sais pas si le matériel a été dédouané ou pas mais je peux affirmer, sans risque de me tromper, que s’il y a eu dédouanement il n’a pas été fait au moment du débarquement.
A la question des juges de savoir s’il connaissait Bibo Bourgi, son frère Karim, Pierre Agbogba, Pape Mamadou Pouye ou Karim Wade, Deconick renseigne : «Je ne connais pas Karim Meissa Wade, je ne lui ai jamais serré la main et je l’ai aperçu une fois en compagnie d’Albert, accompagnés chacun avec son épouse au restaurant la Pointe des Almadies. En ce qui concerne Ibrahim Aboukhalil (Bibo), connu encore sous le nom d’Abraham, je l’ai rencontré pour la première fois physiquement en 2007 à Accra, à l’occasion d’une réunion de travail tenue par les actionnaires d’Ahs Ghana.
Je précise que le 1er octobre 2006, j’ai été affecté à Accra comme DG d’Ahs Ghana. Ont pris part à cette réunion, le patron de la société Panoply basée à Accra et dont le représentant était proche du Président Kuffor et Marwan Zakhem. Avait également pris part à cette réunion, le nommé Abraham. C’est la veille de la réunion que je l’ai rencontré au siège d’Ahs Ghana qu’il était venu visiter et à la sortie il m’a dit ce qui suit : «Noel, tu ne me connais pas, tu ne m’as jamais vu».
«Marwane Zakhem a demandé à Albert pourquoi il ne se faisait pas appeler Mamadou comme tout le monde, au lieu d’Albert»
Il ajoute : «le lendemain, pendant la réunion des actionnaires dans les bureaux de la société Zakhem au Ghana, Marwane Zakhem a demandé à Albert pourquoi il ne se faisait pas appeler par Mamadou comme tout le monde au lieu d’Albert. Cette interpellation a été suivie d’un silence qui m’a frappé.
Cela m’a d’autant plus impressionné que pendant tout le temps que j’étais à Ahs et que je côtoyais Albert, je ne savais pas que celui-ci s’appelait Mamadou, mais en plus je savais de lui qu’on l’appelait HQ2. Je savais aussi qu’il y avait un HQ1 de qui je recevais aussi des messages par mails, sans avoir aucun élément d’identification les concernant. Et ce n’est qu’en 2007, à Accra, que j’ai su qu’Abraham était en réalité celui qui se faisait appeler HQ1 et ce n’est qu’en 2009 que j’ai su que cette personne s’appelait Ibrahim Aboukhalil».
«S’agissant de Pierre Agbogba, je l’ai connu dans le cadre du montage de la société ahs et nous avons collaboré ensemble. Dans cette collaboration, du personnel provenant de la régie et d’air Afrique a été embauché à Ahs sur ses recommandations, dit le Belge non sans préciser : «enfin, je n’ai jamais rencontré le nommé Karim Aboukhalil.
Je n’ai jamais entendu parler de lui et je ne l’ai jamais vu. en octobre 2007, j’ai été nommé contrôleur régional opérationnel de toutes les escales de Ahs en Afrique. En février et mars 2008, j’ai été envoyé à Cap Town pour aider à installer l’escale Menzies de Cap Town. Puis, je suis revenu à Accra jusqu’en 2008 avant d’être appelé pour aller à Amman où j’étais directeur de projet de création de Ahs Amman pendant trois mois, puis j’ai occupé le poste de dg de Ahs pendant 03 mois. Par la suite, je suis revenu à Dakar puisque j’avais déménagé d’Accra à Dakar».
«Ce sont les HQ1 et Q2 qui m’on appelé pour les rejoindre à Dakar »
Suite à une relance des juges, le témoin se veut plus précis : «ce sont les HQ1 et Q2 qui m’ont appelé pour les rejoindre à Dakar en provenance d’Accra. Nous avons travaillé sur le projet de présentation de Ahs Amman. Je précise que le travail a été fait à l’hôtel Méridien avec Yves Crespel, HQ1, HQ2 et moi-même. En juin de la même année, ils m’ont appelé à nouveau pour me demander d’aller présenter le projet d’installation d’Ahs à Amman et ce en compagnie de Yves Crespel».
Ensuite, il maintient : «Je précise que nous faisions plusieurs comptes rendus téléphoniques régulièrement à HQ1 et HQ2 pour rendre compte de l’état d’avancement. Cependant, n’étant pas tombé d’accord avec les autorités aéroportuaires d’Amman, HQ1 et HQ2 nous ont demandé de rentrer. Yves à Paris et moi à Dakar. Immédiatement après mon arrivée à Dakar, Yves Crespel m’a rappelé de Paris pour m’informer qu’il devait repartir sur Amman, où il devait être rejoint par HQ2, en m’expliquant que finalement les deux parties avaient trouvé un accord. c’est à cette occasion, et pour la première fois, que HQ2, en l’occurrence Pape Mamadou Pouye, s’est fait prendre en photo, la- quelle est apparue dans la presse jordanienne».
«HQ2, en l’occurrence Pape Mamadou Pouye, s’est fait prendre en photo, laquelle est apparue dans la presse jordanienne »
Un jour, raconte t-il, «alors que je déjeunais avec un ami et collaborateur, Marius Cohard au restaurant la «Pointe des Almadies», nous avons vu entrer Albert accompagné de Karim Wade ainsi que de leurs épouses respectives. Quand nous l’avons aperçu, nous avons fait mine de nous lever pour aller les saluer, mais Albert a hoché la tête, geste qui nous empêchés de les saluer.
Pendant mon séjour à Dakar, le nommé Albert était la personne avec laquelle j’étais le plus en contact. Je recevais des instructions d’Albert ou HQ2, devenu plus tard Mamadou Pouye, soit verbalement, soit par mails et de HQ1 ou Abraham, devenu plus tard Ibrahim Aboukhalil, par mails exclusivement. Lors d’un dîner auquel j’avais invité plusieurs personnes dont Evelyne Rioux Delatre (ndlr : sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la Ci- Crei), au restaurant la «Terrasse d’Anvers», j’ai eu une attitude hardie qui a consisté à poser la question à cette dernière de savoir qui se cachaient derrière les HQ1 et HQ2.
Non seulement, elle n’a pas daigné répondre, mais le lendemain j’ai reçu un coup de téléphone de Forsyth Black à Londres qui m’a fait un rappel à l’ordre en me disant de ne plus jamais chercher à savoir qui étaient HQ1 et HQ2, en me menaçant d’un rappel à l’ordre ou d’un blâme. ll m’a laissé entendre qu’une lettre allait être déposée à Ahs, mais qu’il n’en ferait rien pour ce qui concerne mon dossier à Londres».
Deconick de poursuivre : «il n’y avait pas une psychose ou une peur quelconque. Le fait est que tout éteait fait pour que personne ne connaisse leurs identités, même si j’ai reçu un blâme pour avoir tenté d’en savoir plus. Toutefois, certaines personnes dont la dame N’diaye Samb, comptable de Ahs et Evelyne Rioux Delatre se targuaient de pouvoir entrer en contact, à tout moment avec Karim Meissa Wade.
D’ailleurs, j’avais appris que Karim Wade passait ses vacances chez cette dernière dont il est l’ami du fils avec qui il a grandi ».
A la question des juges à savoir que lui inspirait l’attitude des deux dames, Deconick se lâche : «si ces personnes ont eu ce comportement en déclarant pouvoir, en cas de problème, appeler à tout moment Karim Wade, c’est qu’on pouvait imaginer que c’est ce dernier qui tirait les ficelles dans cette affaire. D’ailleurs, tout le monde à Ahs pensait, en raison entre autres déclarations de ces dames, que c’est Karim Wade qui était le véritable maître à bord. En tout cas, cela se murmurait dans les couloirs par le personnel». Quid du partenariat liant menzies aviation à Ahs sa ?
«Menzies aviation était lié à Ahs sa par un contrat de franchise. Le contrat de franchise consiste pour Menzies à permettre à Ahs sa d’utiliser son nom en contrepartie du paiement de royalties, il consiste aussi en un support opérationnel, en personnel, un support en contrôle.
Toutes ces prestations étaient refacturées par Menzies à Ahs SA. Initialement, la contrepartie à laquelle était exposée à Ahs sa était 7% du chiffre d’affaires, réduit en 2006 à 4,5% et peu avant mon départ, ce pourcentage a été fixé à un forfait que devait supporter chaque escale et à la fin de chaque année.
Je ne connais aucune des personnes qui ont créé Ahs SA, je n’ai jamais vu, ni le statut, ni le contrat de franchise qui le liait à Menzies Aviation.
Par contre, s’agissant de Ahs International, j’ai vu sa composition par une lettre que j’ai vue lorsque à Amman on m’a donné tous les pouvoirs relatifs à la création de Ahs Jordanie. Je dispose de toute la documentation relative à ce que je viens de déclarer et que je suis dis- posé à vous communiquer».
Interpellé sur HQ1 et HQ2, le témoin confie : «HQ1 et HQ2, pour moi sont les dirigeants réels. Par déduction de tout ce que j’ai eu pu constater, je pense que c’est Karim Wade qui est derrière HQ1 et HQ2. Les bénéficiaires économiques d’Ahs sa sont les deux HQ, Menzies aviation et Karim Wade.
Ce sont les nommés HQ1 et HQ2 qui sont à la base de la création de toutes les AHs, même si dans toutes ces sociétés, il y a d’autres actionnaires. C’est aussi eux qui en assurent la gestion par les instructions qu’ils donnent aux différents agents de ces sociétés. Ahs sa a pris des prises de participations dans Sénégal Airlines et Senca. Et je ne sais pas à concurrence de combien.
Toutefois, je pourrai vérifier auprès de personnes qui en savent un peu plus et le cas échéant, je reviendrais vers vous. Par contre, je sais que HQ1 et HQ2 sont impliqués dans la gestion d’Abs et de la société aéroports de Guinée Aquatoriale dite Adge.
Je le sais, d’autant plus que les deux HQ m’avaient offert en octobre 2009 le poste de dg d’Adge par l’intermédiaire de Menzies aviation qui voulait, sans le dire, supprimer mon poste de contrôleur régional et c’est lorsque j’ai refusé cette offre, en me basant sur des stipulations contractuelles de Menzies que j’ai été licencié en novembre 2009».
«Je suis au courant de ces transferts de sommes d’argent qui sont faits à partir d’Amman »
interpellé sur les mouvements de fonds découverts à Ahs, il révèle : «certains virements sont la contrepartie d’une prestation effectuée au profit d’Ahs SA. Pour ce qui est de Coral service, le virement correspond à une contrepartie qui a consisté à l’achat de matériel à la société Tld ou à d’autres sociétés revendues ensuite à Ahs sans que je ne puisse dire s’il y avait dans cette vente un bénéfice.
Par contre, pour Ahs Amman, cette société avait fait un prêt de cinq millions deux-cent mille dollars us destiné exclusivement à l’achat de matériel, laquelle somme a été détournée en partie pour servir à concurrence d’un million sept-cent mille dollars us à l’achat de matériel par Coral services destiné à être revendu à Ahs Jordanie, le reliquat deux millions de dollars us ayant été utilisé par Ahs Jordanie à titre de caution à la société aéroportuaire pour avoir un contrat d’assistance. Le reste ayant été utilisé dans le cadre de l’activité de la société.
Cette dernière déclaration est faite sous réserve de vérification et au besoin, je reviendrai vers la commission d’instruction. En ce qui concerne Abs, elle recevait des virements de douze mille à quinze mille euros par mois en provenance d’Ahs, alors qu’elle ne procédait à aucune prestation.
Je pense que les autres escales d’Ahs procédaient de la même sorte dans leur rapport avec Abs, comme je l’avais dit précédemment, ils étaient contrôlés par les HQ et Alioune Samba Diassé leur servait d’intermédiaire. D’ailleurs, en cas de retard dans les virements, c’est M. Diassé, lui-même, qui était chargé d’appeler».
Poussant ses déclarations plus loin, Deconick lève un autre coin du voile d’Ahs : «oui, je suis au courant de ces transferts de sommes d’argent qui sont faits à partir d’Amman à destination d’un compte bancaire appartenant à Coral services ouvert à Monaco. Tout comme le compte ouvert à Monaco, des virements étaient faits en direction, entre autres, du Luxembourg et des Îles Caïmans. Après avoir été licencié, j’ai effectivement saisi le Tribunal du travail de Dakar sur les conseils de mon avocat. La décision de la juridiction de céans m’avait donné gain de cause et Menzies aviation avait interjeté appel.
La chambre sociale de la cour d’appel de Dakar m’a également donné raison, tout en rabaissant considérablement le montant des indemnités qui m’avaient été allouées en première instance. D’ailleurs, je compte me pouvoir en cassation».
Toutefois, tient-il à préciser, «ce n’est pas par esprit vindicatif que j’apporte mon témoignage dans cette affaire mais plutôt par devoir de vérité et de justice, d’autant plus que c’est une société que j’ai contribué à créer de toutes pièces». Un argument que ne devraient pas partager les avocats de Karim Wade et de ses complices présumés…
Avec Libération
J’étais à Charleroi, en Belgique, où j’étais employé dans la filiale du groupe Menzies Execair, lorsque j’ai été appelé au téléphone par le directeur de cette filiale qui m’a instruit de me présenter à Londres le 03/01/2003 au siège de Menzies Aviation par Mervyn Walker pour une interview d’embauche qui a duré deux heures au bout desquelles celui-ci a décidé que j’avais le bon profil pour la fonction que je devais occuper à Dakar.
Après cette interview, un des collaborateurs de M. Walker a appelé un certain Albert à Dakar avec qui je me suis entretenu. Cette personne m’a demandé quand je pouvais me rendre à Dakar. La date du 05 janvier a été retenue pour venir à Dakar. C’est ainsi que le dimanche 05 janvier 2003, c’est-à-dire deux jours après l’interview, je suis arrivé à Dakar par vol SN Brussels Airlines», affirme d’emblée le témoin.
Qui précise : « avant de quitter Londres, une documentation m’a été remise relative au partenariat entre Menzies Aviation et Ahs ainsi que des documents relatifs au projet à développer. A mon arrivée à Dakar, j’ai été accueilli par Eli Manel Diop qui était dg de Ahs. Eli Manel Diop m’a conduit dans un appartement situé dans les environs du marché Kermel, non loin du casino du Port. C’est le mardi, 07 janvier 2003 que j’ai rencontré le nommé Albert.
Tout le mois de janvier a été consacré à trouver des locaux, chercher du personnel qui devait m’aider à l’installation de la société, à acheter du matériel, à définir les besoins en matériel et à recevoir ce matériel.
Entre le 22 janvier et 26 janvier 2003, le matériel est arrivé à bord de deux avions Antonov 24. Le matériel provenait de l’escale de Menzies Amsterdam qui l’a acheté pour le compte de Ahs.
Le débarquement du matériel a été assuré par la régie qui assurait à l’époque l’assistance aéroportuaire puis il a été inspecté par le chef de garage de Ahs et par le personnel de Menzies Amsterdam, lesquels ont conclu que le matériel était bon pour un usage immédiat ».
Selon toujours l’ancien directeur général de Ahs : «l’exploitation du matériel a démarré dès le 01 février 2003, date à laquelle le premier avion, un vol de la compagnie Alitalia, a été assisté. Je pense que c’est le groupe Menzies qui a trouvé le matériel et l’a vendu à Ahs. Je ne sais pas si le matériel a été dédouané ou pas mais je peux affirmer, sans risque de me tromper, que s’il y a eu dédouanement il n’a pas été fait au moment du débarquement.
A la question des juges de savoir s’il connaissait Bibo Bourgi, son frère Karim, Pierre Agbogba, Pape Mamadou Pouye ou Karim Wade, Deconick renseigne : «Je ne connais pas Karim Meissa Wade, je ne lui ai jamais serré la main et je l’ai aperçu une fois en compagnie d’Albert, accompagnés chacun avec son épouse au restaurant la Pointe des Almadies. En ce qui concerne Ibrahim Aboukhalil (Bibo), connu encore sous le nom d’Abraham, je l’ai rencontré pour la première fois physiquement en 2007 à Accra, à l’occasion d’une réunion de travail tenue par les actionnaires d’Ahs Ghana.
Je précise que le 1er octobre 2006, j’ai été affecté à Accra comme DG d’Ahs Ghana. Ont pris part à cette réunion, le patron de la société Panoply basée à Accra et dont le représentant était proche du Président Kuffor et Marwan Zakhem. Avait également pris part à cette réunion, le nommé Abraham. C’est la veille de la réunion que je l’ai rencontré au siège d’Ahs Ghana qu’il était venu visiter et à la sortie il m’a dit ce qui suit : «Noel, tu ne me connais pas, tu ne m’as jamais vu».
«Marwane Zakhem a demandé à Albert pourquoi il ne se faisait pas appeler Mamadou comme tout le monde, au lieu d’Albert»
Il ajoute : «le lendemain, pendant la réunion des actionnaires dans les bureaux de la société Zakhem au Ghana, Marwane Zakhem a demandé à Albert pourquoi il ne se faisait pas appeler par Mamadou comme tout le monde au lieu d’Albert. Cette interpellation a été suivie d’un silence qui m’a frappé.
Cela m’a d’autant plus impressionné que pendant tout le temps que j’étais à Ahs et que je côtoyais Albert, je ne savais pas que celui-ci s’appelait Mamadou, mais en plus je savais de lui qu’on l’appelait HQ2. Je savais aussi qu’il y avait un HQ1 de qui je recevais aussi des messages par mails, sans avoir aucun élément d’identification les concernant. Et ce n’est qu’en 2007, à Accra, que j’ai su qu’Abraham était en réalité celui qui se faisait appeler HQ1 et ce n’est qu’en 2009 que j’ai su que cette personne s’appelait Ibrahim Aboukhalil».
«S’agissant de Pierre Agbogba, je l’ai connu dans le cadre du montage de la société ahs et nous avons collaboré ensemble. Dans cette collaboration, du personnel provenant de la régie et d’air Afrique a été embauché à Ahs sur ses recommandations, dit le Belge non sans préciser : «enfin, je n’ai jamais rencontré le nommé Karim Aboukhalil.
Je n’ai jamais entendu parler de lui et je ne l’ai jamais vu. en octobre 2007, j’ai été nommé contrôleur régional opérationnel de toutes les escales de Ahs en Afrique. En février et mars 2008, j’ai été envoyé à Cap Town pour aider à installer l’escale Menzies de Cap Town. Puis, je suis revenu à Accra jusqu’en 2008 avant d’être appelé pour aller à Amman où j’étais directeur de projet de création de Ahs Amman pendant trois mois, puis j’ai occupé le poste de dg de Ahs pendant 03 mois. Par la suite, je suis revenu à Dakar puisque j’avais déménagé d’Accra à Dakar».
«Ce sont les HQ1 et Q2 qui m’on appelé pour les rejoindre à Dakar »
Suite à une relance des juges, le témoin se veut plus précis : «ce sont les HQ1 et Q2 qui m’ont appelé pour les rejoindre à Dakar en provenance d’Accra. Nous avons travaillé sur le projet de présentation de Ahs Amman. Je précise que le travail a été fait à l’hôtel Méridien avec Yves Crespel, HQ1, HQ2 et moi-même. En juin de la même année, ils m’ont appelé à nouveau pour me demander d’aller présenter le projet d’installation d’Ahs à Amman et ce en compagnie de Yves Crespel».
Ensuite, il maintient : «Je précise que nous faisions plusieurs comptes rendus téléphoniques régulièrement à HQ1 et HQ2 pour rendre compte de l’état d’avancement. Cependant, n’étant pas tombé d’accord avec les autorités aéroportuaires d’Amman, HQ1 et HQ2 nous ont demandé de rentrer. Yves à Paris et moi à Dakar. Immédiatement après mon arrivée à Dakar, Yves Crespel m’a rappelé de Paris pour m’informer qu’il devait repartir sur Amman, où il devait être rejoint par HQ2, en m’expliquant que finalement les deux parties avaient trouvé un accord. c’est à cette occasion, et pour la première fois, que HQ2, en l’occurrence Pape Mamadou Pouye, s’est fait prendre en photo, la- quelle est apparue dans la presse jordanienne».
«HQ2, en l’occurrence Pape Mamadou Pouye, s’est fait prendre en photo, laquelle est apparue dans la presse jordanienne »
Un jour, raconte t-il, «alors que je déjeunais avec un ami et collaborateur, Marius Cohard au restaurant la «Pointe des Almadies», nous avons vu entrer Albert accompagné de Karim Wade ainsi que de leurs épouses respectives. Quand nous l’avons aperçu, nous avons fait mine de nous lever pour aller les saluer, mais Albert a hoché la tête, geste qui nous empêchés de les saluer.
Pendant mon séjour à Dakar, le nommé Albert était la personne avec laquelle j’étais le plus en contact. Je recevais des instructions d’Albert ou HQ2, devenu plus tard Mamadou Pouye, soit verbalement, soit par mails et de HQ1 ou Abraham, devenu plus tard Ibrahim Aboukhalil, par mails exclusivement. Lors d’un dîner auquel j’avais invité plusieurs personnes dont Evelyne Rioux Delatre (ndlr : sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la Ci- Crei), au restaurant la «Terrasse d’Anvers», j’ai eu une attitude hardie qui a consisté à poser la question à cette dernière de savoir qui se cachaient derrière les HQ1 et HQ2.
Non seulement, elle n’a pas daigné répondre, mais le lendemain j’ai reçu un coup de téléphone de Forsyth Black à Londres qui m’a fait un rappel à l’ordre en me disant de ne plus jamais chercher à savoir qui étaient HQ1 et HQ2, en me menaçant d’un rappel à l’ordre ou d’un blâme. ll m’a laissé entendre qu’une lettre allait être déposée à Ahs, mais qu’il n’en ferait rien pour ce qui concerne mon dossier à Londres».
Deconick de poursuivre : «il n’y avait pas une psychose ou une peur quelconque. Le fait est que tout éteait fait pour que personne ne connaisse leurs identités, même si j’ai reçu un blâme pour avoir tenté d’en savoir plus. Toutefois, certaines personnes dont la dame N’diaye Samb, comptable de Ahs et Evelyne Rioux Delatre se targuaient de pouvoir entrer en contact, à tout moment avec Karim Meissa Wade.
D’ailleurs, j’avais appris que Karim Wade passait ses vacances chez cette dernière dont il est l’ami du fils avec qui il a grandi ».
A la question des juges à savoir que lui inspirait l’attitude des deux dames, Deconick se lâche : «si ces personnes ont eu ce comportement en déclarant pouvoir, en cas de problème, appeler à tout moment Karim Wade, c’est qu’on pouvait imaginer que c’est ce dernier qui tirait les ficelles dans cette affaire. D’ailleurs, tout le monde à Ahs pensait, en raison entre autres déclarations de ces dames, que c’est Karim Wade qui était le véritable maître à bord. En tout cas, cela se murmurait dans les couloirs par le personnel». Quid du partenariat liant menzies aviation à Ahs sa ?
«Menzies aviation était lié à Ahs sa par un contrat de franchise. Le contrat de franchise consiste pour Menzies à permettre à Ahs sa d’utiliser son nom en contrepartie du paiement de royalties, il consiste aussi en un support opérationnel, en personnel, un support en contrôle.
Toutes ces prestations étaient refacturées par Menzies à Ahs SA. Initialement, la contrepartie à laquelle était exposée à Ahs sa était 7% du chiffre d’affaires, réduit en 2006 à 4,5% et peu avant mon départ, ce pourcentage a été fixé à un forfait que devait supporter chaque escale et à la fin de chaque année.
Je ne connais aucune des personnes qui ont créé Ahs SA, je n’ai jamais vu, ni le statut, ni le contrat de franchise qui le liait à Menzies Aviation.
Par contre, s’agissant de Ahs International, j’ai vu sa composition par une lettre que j’ai vue lorsque à Amman on m’a donné tous les pouvoirs relatifs à la création de Ahs Jordanie. Je dispose de toute la documentation relative à ce que je viens de déclarer et que je suis dis- posé à vous communiquer».
Interpellé sur HQ1 et HQ2, le témoin confie : «HQ1 et HQ2, pour moi sont les dirigeants réels. Par déduction de tout ce que j’ai eu pu constater, je pense que c’est Karim Wade qui est derrière HQ1 et HQ2. Les bénéficiaires économiques d’Ahs sa sont les deux HQ, Menzies aviation et Karim Wade.
Ce sont les nommés HQ1 et HQ2 qui sont à la base de la création de toutes les AHs, même si dans toutes ces sociétés, il y a d’autres actionnaires. C’est aussi eux qui en assurent la gestion par les instructions qu’ils donnent aux différents agents de ces sociétés. Ahs sa a pris des prises de participations dans Sénégal Airlines et Senca. Et je ne sais pas à concurrence de combien.
Toutefois, je pourrai vérifier auprès de personnes qui en savent un peu plus et le cas échéant, je reviendrais vers vous. Par contre, je sais que HQ1 et HQ2 sont impliqués dans la gestion d’Abs et de la société aéroports de Guinée Aquatoriale dite Adge.
Je le sais, d’autant plus que les deux HQ m’avaient offert en octobre 2009 le poste de dg d’Adge par l’intermédiaire de Menzies aviation qui voulait, sans le dire, supprimer mon poste de contrôleur régional et c’est lorsque j’ai refusé cette offre, en me basant sur des stipulations contractuelles de Menzies que j’ai été licencié en novembre 2009».
«Je suis au courant de ces transferts de sommes d’argent qui sont faits à partir d’Amman »
interpellé sur les mouvements de fonds découverts à Ahs, il révèle : «certains virements sont la contrepartie d’une prestation effectuée au profit d’Ahs SA. Pour ce qui est de Coral service, le virement correspond à une contrepartie qui a consisté à l’achat de matériel à la société Tld ou à d’autres sociétés revendues ensuite à Ahs sans que je ne puisse dire s’il y avait dans cette vente un bénéfice.
Par contre, pour Ahs Amman, cette société avait fait un prêt de cinq millions deux-cent mille dollars us destiné exclusivement à l’achat de matériel, laquelle somme a été détournée en partie pour servir à concurrence d’un million sept-cent mille dollars us à l’achat de matériel par Coral services destiné à être revendu à Ahs Jordanie, le reliquat deux millions de dollars us ayant été utilisé par Ahs Jordanie à titre de caution à la société aéroportuaire pour avoir un contrat d’assistance. Le reste ayant été utilisé dans le cadre de l’activité de la société.
Cette dernière déclaration est faite sous réserve de vérification et au besoin, je reviendrai vers la commission d’instruction. En ce qui concerne Abs, elle recevait des virements de douze mille à quinze mille euros par mois en provenance d’Ahs, alors qu’elle ne procédait à aucune prestation.
Je pense que les autres escales d’Ahs procédaient de la même sorte dans leur rapport avec Abs, comme je l’avais dit précédemment, ils étaient contrôlés par les HQ et Alioune Samba Diassé leur servait d’intermédiaire. D’ailleurs, en cas de retard dans les virements, c’est M. Diassé, lui-même, qui était chargé d’appeler».
Poussant ses déclarations plus loin, Deconick lève un autre coin du voile d’Ahs : «oui, je suis au courant de ces transferts de sommes d’argent qui sont faits à partir d’Amman à destination d’un compte bancaire appartenant à Coral services ouvert à Monaco. Tout comme le compte ouvert à Monaco, des virements étaient faits en direction, entre autres, du Luxembourg et des Îles Caïmans. Après avoir été licencié, j’ai effectivement saisi le Tribunal du travail de Dakar sur les conseils de mon avocat. La décision de la juridiction de céans m’avait donné gain de cause et Menzies aviation avait interjeté appel.
La chambre sociale de la cour d’appel de Dakar m’a également donné raison, tout en rabaissant considérablement le montant des indemnités qui m’avaient été allouées en première instance. D’ailleurs, je compte me pouvoir en cassation».
Toutefois, tient-il à préciser, «ce n’est pas par esprit vindicatif que j’apporte mon témoignage dans cette affaire mais plutôt par devoir de vérité et de justice, d’autant plus que c’est une société que j’ai contribué à créer de toutes pièces». Un argument que ne devraient pas partager les avocats de Karim Wade et de ses complices présumés…
Avec Libération