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Vendredi 4 Septembre 2009

PASSAGE DE ABDOULAYE BALDE ET PAPE MALICK NDIAYE DEVANT LA CLNCC : Le secret des auditions


Faute de preuves et de moyens de vérification, l’affaire du « Corbeau » a fait beaucoup de bruits sans jamais connaître un véritable épilogue. Ce qui néanmoins ne dédouane pas Abdoulaye Baldé qui se targue d’être devenu riche, alors qu’on ne lui connaissait aucune fortune avant l’ANOCI. La Gazette livre les secrets des différentes auditions devant la Commission nationale de lutte contre la non-Transparence, la Corruption et la Concussion (CNLCC).



PASSAGE DE ABDOULAYE BALDE ET PAPE MALICK NDIAYE DEVANT LA CLNCC : Le secret des auditions
L’auteur des « Contes et Mécomptes de l’Anoci » ne s’était pas trompé quand il déclarait : « mon enquête n’est pas exhaustive ». Abdou Latif Coulibaly dont l’ouvrage n’a pas véritablement pris en compte l’histoire du « Corbeau », Pape Malick Ndiaye, et Abdoulaye Baldé, avait vu juste.

L’affaire qui avait longuement défrayé la chronique durant l’année 2006 avait été évoquée dans la presse, mais jusqu’ici, les procès verbaux d’audition des protagonistes devant la Commission de lutte contre la non-Transparence, la Corruption et la Concussion (CNLCC) étaient restés secrets. La Gazette révèle les contenus.

Pape Malick Ndiaye, qui se réclamait d’une organisation dénommée Collectif de Réflexion et d’Action contre la Corruption (CRAC) avait en effet accusé le directeur exécutif de l’ANOCI d’avoir touché d’une part, de prétendus pots-de-vin d’un montant de 1,8 millions d’Euros versés par l’Entreprise CDE et ayant permis d’alimenter ses comptes bancaires à l’étranger. D’autre part, des faits de corruption dans la plupart des services de l’Etat (Police, Douane, Ministère des Affaires Etrangères, Port, Aéroport) avaient été reprochés à M. Baldé par le même Pape Malick Ndiaye. Alors, par lettre datée du 29 Mai 2006, Baldé saisit la CNLCC, pour demander que la lumière soit faite sur les allégations portées contre lui.

Sa requête est jugée recevable par les membres de la Commission, qui estiment que la CNLCC est compétente pour statuer, dés lors qu’elle est saisie d’une réclamation relative à des faits de corruption et cela, peu importe que celle-ci émane du mis en cause ou du dénonciateur. Cette réclamation, accompagnée de pièces jointes, a été enregistrée sous le N° 50 du 30 mai 2006. Ainsi, ont été entendus sur l’instruction : Abdoulaye Baldé, Directeur Exécutif de l’Anoci, Papa Malick Ndiaye, membre du CRAC (à deux reprises), Cheikh Tidiane Ndiaye, Commissaire Divisionnaire, Responsable de la Sécurité à l’Anoci, Daniel Monteiro, Directeur des Travaux au CDE, Fourzoli Souheil, Directeur Financier du CDE, Rasséne Chémali, Directeur Général du CDE et Abdoulaye Racine Kane, Délégué au Management Public et Coordonnateur du Programme National de Bonne Gouvernance (PNBG), qui a, lui aussi, reçu la lettre de dénonciation.

Pour mener à bien sa mission, la CNLCC a entrepris une enquête relativement à l’existence du CRAC dont les noms des prétendus membres avaient été relevés. Elle avait également saisi la Cellule Nationale de traitement des Informations Financières (CENTIF) et certaines banques étrangères citées dans l’affaire, en plus d’avoir traqué les CD et autres documents informatiques devant servir de preuve aux faits de corruption dans différents services de l’Etat incriminés.

LA PERCHE TENDUE A BALDE

Dés le Mardi 30 mai 2006, le Président de la CNLCC a adressé à Abdoulaye Baldé une lettre, l’invitant à se présenter le Mercredi 31 mai 2006 pour être entendu par la Commission. Le Directeur exécutif de l’ANOCI absent de Dakar, a demandé à son Assistante d’appeler le Secrétariat de la Commission pour présenter ses excuses de ne pouvoir déférer à la convocation et annoncer qu’il prendra contact avec la Commission dès son retour au Pays. Revenu de mission, le Mercredi 7 Juin au soir, Baldé contacte la Commission le lendemain, Jeudi 8 Juin 2006. Le Président lui signifie qu’il pourrait comparaître le Vendredi 9 Juin 2006 à 17 heures devant la « Section Réclamation » de la CNLCC.

Comme prévu, le Sécretaire général du gouvernement effectue sa déposition le vendredi 9 juin à l’heure convenue. Il vient en compagnie de Abdoulaye Racine Kane, Délégué au Management Public, Coordonnateur du PNBG et Président de la Commission des marchés de l’ANOCI, Kébou Ndiaye, Responsable des Infrastructures routières de l’ANOCI et de son Conseil, Maître Boubacar Cissé, Avocat à la Cour. Il a ainsi été entendu, en la seule présence de son Avocat, par la « Section Réclamation », composée en la circonstance de Abdoul Aziz Bâ, Président de la CNLCC, Abdoulaye Sakho, Blaise Diadhiou, Ndéye Bâ Diallo, membres de la CNLCC, avec l’assistance de Maître Ibrahima Ndoye, Secrétaire Permanent. Abdoulaye Baldé s’est placé dans la situation d’un citoyen qui a fait l’objet d’une dénonciation calomnieuse portant sur des faits de corruption supposée. Il indique par ailleurs que le Délégué au Management Public a reçu une missive accusant un haut fonctionnaire de l’ANOCI, d’avoir reçu et déposé des pots -de -vin dans des comptes bancaires à l’étranger.

Puis il ajoute qu’il s’est senti visé, raison pour laquelle, il a saisi la CNLCC, après le parquet de Dakar, pour faire la lumière sur cette affaire. Il fait aussi remarquer qu’il n’est pas impliqué dans la passation des marchés dans le cadre des Travaux d’Aménagement de la Corniche et que les documents qui soutendent cette accusation de corruption sont faux. Audition terminée pour le n°2 de la Génération du Concret ! Celle-ci comme l’on pouvait s’y attendre n’a été qu’une « perche » tendue au Maire de Ziguinchor pour réfuter les accusations portées contre sa personne.

PAPE MALICK NDIAYE ACCUSE, MONTEIRO RECUSE

Pape Malick Ndiaye peut maintenant entrer dans la danse. Il déferre à sa convocation le lundi 12 juin 2006 à 11 heures précises. Il déclare qu’avec un groupe d’amis étudiants (ils sont 9 au total) à Strasbourg, ils ont constitué en mi-2005, une association dénommée Collectif de Réflexion et d’Action contre la Corruption (CRAC). Il poursuit en expliquant que durant l’été, avec deux de ses camarades, ils ont débarqué à Dakar pour y passer quelques jours de vacances. Profitant de leur séjour, ils ont pu filmer avec des caméras sophistiquées, des hauts fonctionnaires et des services de l’Etat (Police – Douanes - Affaires Etrangères - entre autres) qui s’adonnaient à des pratiques de corruption. Il ajoute qu’ils détenaient également par devers eux des documents compromettants (correspondances, fax, ordres de virement) mettant en cause, sans le nommer, un haut fonctionnaire de L’ANOCI qui aurait reçu des pots-de-vin versés par une grande Société de construction afin de gagner le marché de la construction des infrastructures pour l’OCI.

Pape Malick Ndiaye renseigne également que c’est Daniel Monteiro du CDE qui leur a remis ces documents. Ce dernier, reçu par la CNLCC, le mardi 13 juin 2006 à 11h 30 indique qu’il ne connaît pas Papa Malick Ndiaye, qu’il n’a jamais mis les pieds à Strasbourg et qu’il ne dispose pas de carte de crédit bancaire. Il ajoute que son dernier voyage en Europe remonte à Septembre 2005 lors du Pèlerinage Catholique à Rome. M. Monteiro précise en outre qu’il ne connaît aucun membre du CRAC et que la seule fois qu’il a vu Pape Malick Ndiaye, c’était lors de leur garde à vue au Commissariat central. Il confie, pour terminer, être un homme de terrain (Ingénieur en Génie Civil) par conséquent, il ne participe pas à quelque niveau que ce soit, aux appels d’offres.

LA VIDEO DE PREUVES DISPARAIT

Durant sa seconde audition (le 15 juin 2006) Pape Malick Ndiaye déclare que ses amis du CRAC qui sont à Strasbourg ne lui ont pas envoyé les CD promis lors de son premier interrogatoire devant la Commission. Cependant, il révèle avoir remis un CD contenant des vidéos de faits de corruption à un certain Ousmane Félix Guèye qui serait un collaborateur du nommé Cheikh Tidiane Ndiaye de l’ANOCI. Au cours de sa confrontation avec Abdoulaye Racine Kane, le même jour à 12h 45mn, Pape Malick Ndiaye avance que le 17 Mai 2006, le Commissaire Ndiaye lui a envoyé le nommé Ousmane Félix Guèye à qui il a remis un CD. Au préalable il indique avoir été reçu une fois par Abdoulaye Racine Kane, en présence du Commissaire Ndiaye même s’il ne leur a pas remis de preuves ce jour là.

M. Kane pour dégager toute responsabilité fait savoir à la Commission que tout ce qui s’est passé après l’entretien qu’ils ont eu ne le concerne pas puisque dès le lendemain de l’entrevue il a voyagé hors du pays. Au passage, le « Corbeau » fait noter qu’il s’est adressé à M. Kane qui est chargé de la Bonne Gouvernance et non à la Police, dont certains éléments sont mis en cause dans le CD.

BALDE DECLARE SUR L’HONNEUR POUR « CONVAINCRE » LA CNLCC

Au bout du compte, après avoir entendu toutes les personnes concernées par l’instruction, la CNLCC en a déduit l’inexistence juridique du CRAC. Puisque Pape Malick Ndiaye n’a pu produire ni les statuts ni le récépissé de reconnaissance de leur association. Pour autant, l’existence de comptes à l’étranger a été confirmée. Car, le « Corbeau » a produit des listings informatiques sur lesquels figurent des numéros de comptes bancaires, des montants, des noms de banques en Suisse, à Monaco et aux Pays Bas.

Abdoulaye Baldé apparaît bel et bien sur ces listings. Mais, le Secrétaire général de la Présidence, interrogé sur l’existence de ces comptes, déclare qu’il n’en possède aucun dans les livres des banques précitées. Il affirme n’avoir qu’un seul compte à Paris dans une filiale de la CBAO. Pour conforter ses propos, Baldé adresse, également, à la CNLCC une déclaration sur l’honneur. Ensuite, la Commission, pour des compléments d’information, saisit la CENTIF par lettre N° 258 du 13 Juin 2006. Elle souhaite être édifiée sur l’existence ou non des comptes bancaires, l’identité de leurs titulaires et sur d’éventuels transferts de fonds à partir du Sénégal pour alimenter ces comptes.

Par lettres N°s 265, 266, 267, 268 du 16 Juin 2006, la CNLCC a également saisi les banques visées de Monaco, Genève et Amsterdam en vue d’être éclairée sur la réalité de ces comptes. En conclusion, la CNLCC décrète, « si les faits reprochés s’avèrent exacts, nous nous trouvons en présence de cas de corruption. Il nous est apparu après une semaine d’instruction, que les preuves font défaut. A ce jour, nous ne disposons que de quelques éléments de preuve. En conséquence, la CNLCC a jugé utile, sur l’existence des comptes bancaires de faire appel à la CENTIF et d’écrire à toutes les Banques étrangères visées dans le document présenté ». Et l’affaire en restera là !

Si faute de moyens de vérification des informations fournies par Pape Malick Ndiaye, Abdoulaye Baldé n’a pas été épinglé par la Commission nationale de lutte contre la non-Transparence, la Concussion et la Corruption, il demeure tout de même qu’il y a eu bel et bien un terrible gaspillage d’argent dans la gestion des comptes de l’ANOCI. Un tel gaspillage a sans aucun doute pu donner lieu à un enrichissement personnel. Et c’est la raison pour laquelle la mise en place d’une procédure d’enquête administrative ou judiciaire doit être diligentée contre les responsables de l’ANOCI.

Ainsi, on saura si Abdoulaye Baldé est coupable ou non dans cette affaire. L’apparition de son nom dans les listings informatiques, rapportés par Pape Malick Ndiaye, sur lesquels figurent des numéros de comptes bancaires, des montants, des noms de banques en Suisse, à Monaco et aux Pays Bas ne doit pas être un banal fait, qu’on doit juste constater. On est tenté de se demander aujourd’hui, comment un homme, simple fonctionnaire, à qui l’on ne connaissait une quelconque fortune, peut, parce qu’il est associé à l’organisation d’un sommet, devenir aussi riche en seulement quatre ans ? Si la Cnlcc l’a aidé à dégager tout soupçon par rapport aux pots de vins de Pape Malick Ndiaye, l’opinion pour sa part n’arrêtera jamais de s’interroger sur la provenance de la richesse du Maire de Ziguinchor.

Abdoulaye Baldé a lui-même affirmé dans son fief, lors de la campagne électorale pour les locales, être devenu riche et disposer de moyens importants que des « amis arabes » lui ont offerts. Mais il ne dira jamais sur quelle base. Voilà qui entretient davantage le mystère sur la fortune de Abdoulaye Baldé. L’aurait il eu s’il n’avait jamais été à l’ANOCI ? A-t-il servi d’intermédiaire aux entreprises arabes qui se sont associés aux sociétés sénégalaises pour éxécuter ensemble des marchés dans le cadre de l’ANOCI ?

Dans l’enquête de Abdou Latif Coulibaly, « Contes et mécomptes de l’Anoci », il est écrit noir sur blanc que les Arabes accordaient d’importantes commissions à de hauts fonctionnaires, par ailleurs intermédiaires dans la passation des marchés. S’agissant toujours du cas Abdoulaye Baldé, le plus curieux reste le fait que jusqu’ici, il n’a pas identifié publiquement ses amis arabes. Pourrait-il le faire ? Peut être la justice, un jour, l’y obligera. Dans le cas échéant il serait amené à apporter, jusque dans les détails, des explications sur les véritables raisons ayant conduit les Arabes à l’enrichir.

Nombre de compatriotes doutent depuis quatre ans que l’argent des arabes ait servi exclusivement aux infrastructures de l’ANOCI. Peut être qu’il a aussi été une source de richesse pour des particuliers. Soupçon renforcé par l’absence d’orthodoxie dans la gestion de l’agence révélée à la face du monde par le dernier ouvrage de Latif Coulibaly.

Alioune Badara COULIBALY la gazette
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