Vous êtes une grande cantatrice de la chanson sénégalaise, connue grâce à votre duo avec votre mari Ibrahima Seck «Diali bou nioul». Depuis un certain temps, on ne vous entend plus. Que devient Fatou Mbaye Diop ?
Je suis là, toujours la même, même si j'ai traversé une période assez sombre. La perte successive de deux de mes fils m'a plongée dans un désarroi total à tel point que j'en suis tombée malade pendant plus de 3 ans. Mais grâce à Dieu, je me sens mieux.
Ils ont été emportés par une maladie ?
Le premier était mon aîné que j'ai eu d'une précédente union. Il était chanteur comme moi. Un jour, alors qu'il s'était rendu à Fass Mbao chez un de ses amis, un incendie s'est déclaré dans la maison et il a péri. Le second, Djadji, issu de mon mariage avec Diali, est décédé de paludisme à Thiès.
Comment avez-vous réussi à surmonter ces épreuves ?
Cela n'a pas été du tout facile pour moi de faire le deuil de mes enfants. Mon chagrin avait même fini par réveiller mon diabète et vous savez que c'est une maladie très coûteuse. Sans moyens, il est difficile de s'en sortir. Toutefois, avec l'aide et le soutien moral de mes proches, de mes amis, particulièrement ma sœur cadette et ma mère, j'y suis arrivée.
Comment vous débrouilliez-vous pour payer les ordonnances et suivre le régime de rigueur dans le traitement du diabète ?
Heureusement, je suis très aimée par les membres de ma famille. Ils me portent une attention particulière. Ils m'ont vraiment soutenue financièrement. Certains de mes amis n'étaient pas en reste, ainsi que le Bsda (Bureau sénégalais du droit d'auteur, Ndlr). Lorsque la maladie m'a atteinte, je lui ai adressé une correspondance pour solliciter une aide. Ils ont été très prompts à me l'accorder. Lors de la disparition de mon fils, ils m'ont même accordé un prêt et chaque mois, ils ponctionnent un certain montant sur mes droits d'auteur.
Vous percevez donc toujours vos droits d'auteur ?
Oui ! Mais c'est juste de petites sommes qui varient entre 30.000 F Cfa et 50.OOOF Cfa. Il m'arrive même de rester plusieurs mois sans les percevoir.
Où en êtes-vous avec la musique?
Je suis encore là où la musique m'a laissée. Je garde toujours le même niveau. La musique est mon métier. Tous les biens que j'ai pu avoir dans ma vie, c'est grâce à elle. Ma maladie n'a en rien diminué de mon engouement pour la musique. La flamme est encore intacte, sinon plus vive.
Vous arrive-t-il de faire des prestations ?
Non. Cela fait plus de 6 ans que nous ne nous sommes pas produits dans les cérémonies et autres. Ce n'est pourtant pas l'envie qui nous manque.
Qu'est-ce qui explique cette inactivité ?
Tout juste parce que nous n'avons pas de produits sur le marché. De plus, mon mari et moi sommes restés en froid durant toute cette période. D'ailleurs, nous avons enregistré un album grâce à l'aide d'un de ses amis mais faute de clip, la promotion de l'album n’a pu être assurée. L’album est fin prêt, mais il n'est pas encore sur le marché. Et je pense qu'il va faire un carton, et toutefois on parvient à trouver un producteur. Pour rappel, notre 1er album, «Mbéry» (1995) a fait un tabac. En ce temps, c'est Youssou Ndour qui avait assuré la production. Il a été le premier à nous donner des millions.
Vous dites que votre première production a généré des millions. Mais où est passé cet argent ?
Comme nous passions notre temps à louer des maisons, Diali et moi, nous avons décidé, une fois l'argent de l’album perçu, de construire notre propre maison. C'est ainsi qu'avec mon aval, Diali a rasé leur maison familiale qui était constituée de baraques à Thiès pour construire en dur. Je l'ai rejoint chez lui, une fois la construction achevée. J'ai quitté ce domicile le jour où Diali m'en a chassée, alors qu'il venait de convoler en secondes noces avec sa Peulh du Fouta (sic), Mariama Diallo. Le reste de l'argent a été réparti entre nos familles respectives, nos amis et autres. Mais on a pu se rendre en Suède et en France. Par la suite, nous avons été confrontés à des difficultés.
Des difficultés de quel genre ?
On n'a pas bénéficié du soutien des promoteurs. Un artiste n'existe que par la qualité et le nombre de ses ouvres. Notre première œuvre est restée pérenne et si on pouvait avoir un autre producteur, notre carrière connaîtrait un nouvel envol.
Vous avez sorti un album à succès suivi d'un deuxième, mais qu'est-ce qui a plombé son envol ?
On a produit 3 autres albums, mais Talla Diagne, notre producteur d'alors, nous a exploités. Il a produit 2 albums, mais pour le 4e, c'est un autre producteur, qui avait son siège à la place de l'Indépendance, qui l'a réalisé. Mais ces derniers albums n'ont pas eu une bonne promotion. Nous avions travaillé en coproduction. Talla Diagne ne nous a pas rendu service. Si nous avions l'occasion de revoir Youssou Ndour, on lui demanderait sans hésiter de nous aider à revenir sur la scène. Moi, je ne connais que la chanson, tout comme Diali. Si nous ne chantons pas, nous ne pourrons pas nous en sortir. Nous vivons chacun de son côté. Il est à Thiès et moi je suis là à côté de ma mère qui est paralysée. À la limite, moi je peux me débrouiller et chanter de temps à autre dans les cérémonies, mais Diali ne peut pas faire cela tout seul. Donc nous ne serions pas du tout contre une aide. Notre premier album a connu un franc succès. D'ailleurs, quand je fais des prestations aujourd'hui dans des baptêmes, les gens me demandent de reprendre ces chansons.
Parlez-nous de votre rencontre avec Diali.
Notre rencontre relève de la volonté divine. Avant de faire sa connaissance, je faisais de la musique sous la houlette d'Ouza Diallo. À cette époque, j'avais 24 ans et je venais de divorcer pour la deuxième fois. C'est par la suite que je suis allée à Banjul (capitale de la Gambie, Ndlr) où j'ai rencontré Diali pour la première fois. C'était un joueur de bongo. Je peux dire que c'était un baye Fall (disciple mouride qui perpétue la philosophie de Cheikh Ibra Fall). Il portait des dreadlocks, un boubou patchwork et était tout le temps pieds nus. On s'est vu et ce fut le coup de foudre. Mais, avant cela, un de ses amis m'avait déjà parlé de lui en me faisant savoir qu'on avait des affinités sur le plan musical et que nous formerions un beau duo. On faisait nos prestations ensemble et c'est là qu'a démarré l'aventure. Nous formions un duo de choc et nous étions connus dans tout Banjul. Nous logions chez son marabout, Serigne Diadia Niasse. Lors d'un Magal à Touba, nous avons fait le déplacement et avec nos prestations, nous avons conquis le cœur des talibés mourides. Nous étions les hôtes de Serigne Fallou Fall, fils de Sergine Abdou Sakor Fall. C'est lui. qui a célébré notre union quelques mois à peine après notre première rencontre. Diali m'avait remis 2000 FCFA en guise de dot. Nous nous sommes mariés spontanément, sans attendre l'aval de nos familles respectives. Quand on se mariait, ma famille ne connaissait pas encore Diali qui était resté pendant 7 ans en Gambie. C'est moi qui l'ai ramené au pays de Jammeh et nous avions rejoint le domicile familial de Diali à Thiès (70 km de Dakar, Ndlr).
Votre vie avec Diali n'a pas toujours été rose. Vous avez dû connaître des moments difficiles ?
Dur, dur ! Comme tout début, ce n'était pas facile. Nous avons beaucoup galéré et traversé des moments d'incertitude, mais au bout du compte, la chance nous a souri par la suite, par la grâce de Dieu.
Quel genre de galère ?
On a vraiment galéré, Diali et moi. À une époque, on était à Kaolack (189 km au sud-est de Dakar), au quartier Ndar gou ndaw, pour les besoins de notre tournée de promotion. Kaolack était le passage obligé pour se faire connaître, à l'époque. On logeait dans une des chambres d'une baraque. Cette chambre était infestée de souris, de punaises et de moustiques. Le seul ornement était un matelas dont la largeur était trois fois plus petite que celle d'un sofa. Le matelas était si fin que l'on pouvait sentir la dureté du sol. La chambre donnait sur la rue et on pouvait voir tout ce qui se passait dehors. On dormait à tour de rôle, car on ne pouvait pas tenir à deux sur le matelas. C'était chez un des oncles de Diali. Les souris passaient leur temps à couiner dans la chambre. Les moustiques, n'en parlons pas. Fermer l'œil était impossible. On se réveillait à l'aube, les yeux bouffis de sommeil, pour éviter qu'on nous trouve dans un tel état de délabrement. Heureusement, quelque temps après, notre carrière a décollé. Nous avons pu sortir de cette galère et trouver une habitation plus décente.
Vous étiez tout le temps en compagnie de votre mari, Diali. Là, on vous retrouve seule chez votre sœur, tandis que Diali est à Thiès. Qu'en est-il de votre union ?
En tout cas, nous sommes toujours dans les liens du mariage et je ne suis pas prête à défaire cette union. Moi, je n'aime que mon mari, et partout où je vais, on me demande où est Diali. Fatou Mbaye et Diali, l'un ne va pas sans l'autre. Nous étions séparés depuis bientôt 5 ans. Depuis le décès de nos enfants, on s'est vus rarement. Mais, je ne peux parler de séparation, car ce qui nous lie est toujours là.
Pourquoi ce froid entre vous alors ?
Nous n'avions pas de problèmes en particulier. Seulement, il a épousé une autre femme et celle-là a voulu l'accaparer. C'est la faute à cette Mariama Diallo si Diali et moi avons eu ce froid. Je lui ai même concocté une chanson spéciale dans notre prochain album. Maintenant, elle n'est plus là.
Il l’a répudiée ou elle est partie d'elle-même ?
Je n'en sais rien, je sais juste qu'elle n'est plus avec lui. De toute façon, ce n'est pas mon problème. J'ignore les raisons de leur séparation. Tout ce que je sais, c'est que je m'apprête à retourner auprès de mon époux à Thiès. Nous sommes dans les démarches. Mes parents et surtout ma mère adorent Diali et moi, je ne peux pas me passer de lui. Il en est de même pour lui.
Il vous avait quand même abandonnée pour une autre ?
Oui, mais il est revenu. C'est à l'époque où il m'avait quittée que j'avais composé la chanson «Wiri wiri». Pour dire qu'aussi loin qu'il puisse aller, Diali me reviendra toujours. La disparition de nos enfants constituait aussi une cause de notre séparation. Cela nous avait énormément affectés, chacun a fait son deuil de son côté. En plus de cela, nous faisons face à des difficultés financières. Mais grâce à Dieu, nos problèmes sont rentrés dans l’ordre et nous allons bientôt nous retrouver.
Qu'est-ce qui retarde vos retrouvailles ?
J'y suis. C'est comme si vous aviez apporté la bonne nouvelle. Car notre réconciliation officielle est arrivée avec votre coup de fil. C'est une heureuse coïncidence. J'attends juste que la situation de ma mère se stabilise un peu pour aller le rejoindre. Je ne connais que Diali. Retenez qu'entre Diali et moi, c'est reparti ! Aujourd'hui, il vient souvent me rendre visite ici à Malika. S'il ne peut venir, il appelle, mais le téléphone ne peut pas compenser le manque que nous ressentons.
Vous comptez avec Diali mettre sur le marché votre album déjà enregistré. Pensez-vous que votre style musical traditionnel séduira toujours les mélomanes ?
Bien sûr, car c'est le public qui nous réclame. Il se demande où nous sommes. La pure musique traditionnelle de «xalam» (guitare traditionnelle) et de «sabar» (tam-tam) est notre style, Diali et moi. Je souhaite que les gens nous appuient. J'en appelle à la magnanimité du chef de l'Etat.
Pourquoi vous ne vous produisez pas à Sorano, par exemple ?
Quand nous étions au sommet de notre talent, les gens nous réclamaient de partout, mais aujourd'hui qu'on ne fait plus de prestation, on est tombé dans l'anonymat. Les gens ne sont pas reconnaissants. Durant tout le temps que j'étais alitée, je n'ai reçu la visite ni de soutien de personne.
Ne craignez-vous pas une disparition de la musique traditionnelle, vu que le «mbalakh» d'aujourd’hui est de plus en plus rythmé ?
Du tout, car nous aussi, on excelle dans la musique moderne. Lors de notre tournée en Europe, les gens nous réclamaient la musique traditionnelle. Même les artistes de la trempe de Youssou Ndour peuvent reprendre nos chansons traditionnelles et en faire des sons modernes.
Quel est le plus grand regret de votre vie ?
Rien ! Je ne regrette rien de ma vie. Je rends grâce à Dieu.
Votre plus beau souvenir durant votre carrière ?
C'est le fait que malgré notre absence, notre album soit toujours d'actualité. Je souhaite que les gens nous soutiennent Diali et moi, pour que l’on puisse relancer notre carrière.
SOURCE : L’OBS NDEYE FATOU SECK / MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU/ AICHA FALL THIAM
Je suis là, toujours la même, même si j'ai traversé une période assez sombre. La perte successive de deux de mes fils m'a plongée dans un désarroi total à tel point que j'en suis tombée malade pendant plus de 3 ans. Mais grâce à Dieu, je me sens mieux.
Ils ont été emportés par une maladie ?
Le premier était mon aîné que j'ai eu d'une précédente union. Il était chanteur comme moi. Un jour, alors qu'il s'était rendu à Fass Mbao chez un de ses amis, un incendie s'est déclaré dans la maison et il a péri. Le second, Djadji, issu de mon mariage avec Diali, est décédé de paludisme à Thiès.
Comment avez-vous réussi à surmonter ces épreuves ?
Cela n'a pas été du tout facile pour moi de faire le deuil de mes enfants. Mon chagrin avait même fini par réveiller mon diabète et vous savez que c'est une maladie très coûteuse. Sans moyens, il est difficile de s'en sortir. Toutefois, avec l'aide et le soutien moral de mes proches, de mes amis, particulièrement ma sœur cadette et ma mère, j'y suis arrivée.
Comment vous débrouilliez-vous pour payer les ordonnances et suivre le régime de rigueur dans le traitement du diabète ?
Heureusement, je suis très aimée par les membres de ma famille. Ils me portent une attention particulière. Ils m'ont vraiment soutenue financièrement. Certains de mes amis n'étaient pas en reste, ainsi que le Bsda (Bureau sénégalais du droit d'auteur, Ndlr). Lorsque la maladie m'a atteinte, je lui ai adressé une correspondance pour solliciter une aide. Ils ont été très prompts à me l'accorder. Lors de la disparition de mon fils, ils m'ont même accordé un prêt et chaque mois, ils ponctionnent un certain montant sur mes droits d'auteur.
Vous percevez donc toujours vos droits d'auteur ?
Oui ! Mais c'est juste de petites sommes qui varient entre 30.000 F Cfa et 50.OOOF Cfa. Il m'arrive même de rester plusieurs mois sans les percevoir.
Où en êtes-vous avec la musique?
Je suis encore là où la musique m'a laissée. Je garde toujours le même niveau. La musique est mon métier. Tous les biens que j'ai pu avoir dans ma vie, c'est grâce à elle. Ma maladie n'a en rien diminué de mon engouement pour la musique. La flamme est encore intacte, sinon plus vive.
Vous arrive-t-il de faire des prestations ?
Non. Cela fait plus de 6 ans que nous ne nous sommes pas produits dans les cérémonies et autres. Ce n'est pourtant pas l'envie qui nous manque.
Qu'est-ce qui explique cette inactivité ?
Tout juste parce que nous n'avons pas de produits sur le marché. De plus, mon mari et moi sommes restés en froid durant toute cette période. D'ailleurs, nous avons enregistré un album grâce à l'aide d'un de ses amis mais faute de clip, la promotion de l'album n’a pu être assurée. L’album est fin prêt, mais il n'est pas encore sur le marché. Et je pense qu'il va faire un carton, et toutefois on parvient à trouver un producteur. Pour rappel, notre 1er album, «Mbéry» (1995) a fait un tabac. En ce temps, c'est Youssou Ndour qui avait assuré la production. Il a été le premier à nous donner des millions.
Vous dites que votre première production a généré des millions. Mais où est passé cet argent ?
Comme nous passions notre temps à louer des maisons, Diali et moi, nous avons décidé, une fois l'argent de l’album perçu, de construire notre propre maison. C'est ainsi qu'avec mon aval, Diali a rasé leur maison familiale qui était constituée de baraques à Thiès pour construire en dur. Je l'ai rejoint chez lui, une fois la construction achevée. J'ai quitté ce domicile le jour où Diali m'en a chassée, alors qu'il venait de convoler en secondes noces avec sa Peulh du Fouta (sic), Mariama Diallo. Le reste de l'argent a été réparti entre nos familles respectives, nos amis et autres. Mais on a pu se rendre en Suède et en France. Par la suite, nous avons été confrontés à des difficultés.
Des difficultés de quel genre ?
On n'a pas bénéficié du soutien des promoteurs. Un artiste n'existe que par la qualité et le nombre de ses ouvres. Notre première œuvre est restée pérenne et si on pouvait avoir un autre producteur, notre carrière connaîtrait un nouvel envol.
Vous avez sorti un album à succès suivi d'un deuxième, mais qu'est-ce qui a plombé son envol ?
On a produit 3 autres albums, mais Talla Diagne, notre producteur d'alors, nous a exploités. Il a produit 2 albums, mais pour le 4e, c'est un autre producteur, qui avait son siège à la place de l'Indépendance, qui l'a réalisé. Mais ces derniers albums n'ont pas eu une bonne promotion. Nous avions travaillé en coproduction. Talla Diagne ne nous a pas rendu service. Si nous avions l'occasion de revoir Youssou Ndour, on lui demanderait sans hésiter de nous aider à revenir sur la scène. Moi, je ne connais que la chanson, tout comme Diali. Si nous ne chantons pas, nous ne pourrons pas nous en sortir. Nous vivons chacun de son côté. Il est à Thiès et moi je suis là à côté de ma mère qui est paralysée. À la limite, moi je peux me débrouiller et chanter de temps à autre dans les cérémonies, mais Diali ne peut pas faire cela tout seul. Donc nous ne serions pas du tout contre une aide. Notre premier album a connu un franc succès. D'ailleurs, quand je fais des prestations aujourd'hui dans des baptêmes, les gens me demandent de reprendre ces chansons.
Parlez-nous de votre rencontre avec Diali.
Notre rencontre relève de la volonté divine. Avant de faire sa connaissance, je faisais de la musique sous la houlette d'Ouza Diallo. À cette époque, j'avais 24 ans et je venais de divorcer pour la deuxième fois. C'est par la suite que je suis allée à Banjul (capitale de la Gambie, Ndlr) où j'ai rencontré Diali pour la première fois. C'était un joueur de bongo. Je peux dire que c'était un baye Fall (disciple mouride qui perpétue la philosophie de Cheikh Ibra Fall). Il portait des dreadlocks, un boubou patchwork et était tout le temps pieds nus. On s'est vu et ce fut le coup de foudre. Mais, avant cela, un de ses amis m'avait déjà parlé de lui en me faisant savoir qu'on avait des affinités sur le plan musical et que nous formerions un beau duo. On faisait nos prestations ensemble et c'est là qu'a démarré l'aventure. Nous formions un duo de choc et nous étions connus dans tout Banjul. Nous logions chez son marabout, Serigne Diadia Niasse. Lors d'un Magal à Touba, nous avons fait le déplacement et avec nos prestations, nous avons conquis le cœur des talibés mourides. Nous étions les hôtes de Serigne Fallou Fall, fils de Sergine Abdou Sakor Fall. C'est lui. qui a célébré notre union quelques mois à peine après notre première rencontre. Diali m'avait remis 2000 FCFA en guise de dot. Nous nous sommes mariés spontanément, sans attendre l'aval de nos familles respectives. Quand on se mariait, ma famille ne connaissait pas encore Diali qui était resté pendant 7 ans en Gambie. C'est moi qui l'ai ramené au pays de Jammeh et nous avions rejoint le domicile familial de Diali à Thiès (70 km de Dakar, Ndlr).
Votre vie avec Diali n'a pas toujours été rose. Vous avez dû connaître des moments difficiles ?
Dur, dur ! Comme tout début, ce n'était pas facile. Nous avons beaucoup galéré et traversé des moments d'incertitude, mais au bout du compte, la chance nous a souri par la suite, par la grâce de Dieu.
Quel genre de galère ?
On a vraiment galéré, Diali et moi. À une époque, on était à Kaolack (189 km au sud-est de Dakar), au quartier Ndar gou ndaw, pour les besoins de notre tournée de promotion. Kaolack était le passage obligé pour se faire connaître, à l'époque. On logeait dans une des chambres d'une baraque. Cette chambre était infestée de souris, de punaises et de moustiques. Le seul ornement était un matelas dont la largeur était trois fois plus petite que celle d'un sofa. Le matelas était si fin que l'on pouvait sentir la dureté du sol. La chambre donnait sur la rue et on pouvait voir tout ce qui se passait dehors. On dormait à tour de rôle, car on ne pouvait pas tenir à deux sur le matelas. C'était chez un des oncles de Diali. Les souris passaient leur temps à couiner dans la chambre. Les moustiques, n'en parlons pas. Fermer l'œil était impossible. On se réveillait à l'aube, les yeux bouffis de sommeil, pour éviter qu'on nous trouve dans un tel état de délabrement. Heureusement, quelque temps après, notre carrière a décollé. Nous avons pu sortir de cette galère et trouver une habitation plus décente.
Vous étiez tout le temps en compagnie de votre mari, Diali. Là, on vous retrouve seule chez votre sœur, tandis que Diali est à Thiès. Qu'en est-il de votre union ?
En tout cas, nous sommes toujours dans les liens du mariage et je ne suis pas prête à défaire cette union. Moi, je n'aime que mon mari, et partout où je vais, on me demande où est Diali. Fatou Mbaye et Diali, l'un ne va pas sans l'autre. Nous étions séparés depuis bientôt 5 ans. Depuis le décès de nos enfants, on s'est vus rarement. Mais, je ne peux parler de séparation, car ce qui nous lie est toujours là.
Pourquoi ce froid entre vous alors ?
Nous n'avions pas de problèmes en particulier. Seulement, il a épousé une autre femme et celle-là a voulu l'accaparer. C'est la faute à cette Mariama Diallo si Diali et moi avons eu ce froid. Je lui ai même concocté une chanson spéciale dans notre prochain album. Maintenant, elle n'est plus là.
Il l’a répudiée ou elle est partie d'elle-même ?
Je n'en sais rien, je sais juste qu'elle n'est plus avec lui. De toute façon, ce n'est pas mon problème. J'ignore les raisons de leur séparation. Tout ce que je sais, c'est que je m'apprête à retourner auprès de mon époux à Thiès. Nous sommes dans les démarches. Mes parents et surtout ma mère adorent Diali et moi, je ne peux pas me passer de lui. Il en est de même pour lui.
Il vous avait quand même abandonnée pour une autre ?
Oui, mais il est revenu. C'est à l'époque où il m'avait quittée que j'avais composé la chanson «Wiri wiri». Pour dire qu'aussi loin qu'il puisse aller, Diali me reviendra toujours. La disparition de nos enfants constituait aussi une cause de notre séparation. Cela nous avait énormément affectés, chacun a fait son deuil de son côté. En plus de cela, nous faisons face à des difficultés financières. Mais grâce à Dieu, nos problèmes sont rentrés dans l’ordre et nous allons bientôt nous retrouver.
Qu'est-ce qui retarde vos retrouvailles ?
J'y suis. C'est comme si vous aviez apporté la bonne nouvelle. Car notre réconciliation officielle est arrivée avec votre coup de fil. C'est une heureuse coïncidence. J'attends juste que la situation de ma mère se stabilise un peu pour aller le rejoindre. Je ne connais que Diali. Retenez qu'entre Diali et moi, c'est reparti ! Aujourd'hui, il vient souvent me rendre visite ici à Malika. S'il ne peut venir, il appelle, mais le téléphone ne peut pas compenser le manque que nous ressentons.
Vous comptez avec Diali mettre sur le marché votre album déjà enregistré. Pensez-vous que votre style musical traditionnel séduira toujours les mélomanes ?
Bien sûr, car c'est le public qui nous réclame. Il se demande où nous sommes. La pure musique traditionnelle de «xalam» (guitare traditionnelle) et de «sabar» (tam-tam) est notre style, Diali et moi. Je souhaite que les gens nous appuient. J'en appelle à la magnanimité du chef de l'Etat.
Pourquoi vous ne vous produisez pas à Sorano, par exemple ?
Quand nous étions au sommet de notre talent, les gens nous réclamaient de partout, mais aujourd'hui qu'on ne fait plus de prestation, on est tombé dans l'anonymat. Les gens ne sont pas reconnaissants. Durant tout le temps que j'étais alitée, je n'ai reçu la visite ni de soutien de personne.
Ne craignez-vous pas une disparition de la musique traditionnelle, vu que le «mbalakh» d'aujourd’hui est de plus en plus rythmé ?
Du tout, car nous aussi, on excelle dans la musique moderne. Lors de notre tournée en Europe, les gens nous réclamaient la musique traditionnelle. Même les artistes de la trempe de Youssou Ndour peuvent reprendre nos chansons traditionnelles et en faire des sons modernes.
Quel est le plus grand regret de votre vie ?
Rien ! Je ne regrette rien de ma vie. Je rends grâce à Dieu.
Votre plus beau souvenir durant votre carrière ?
C'est le fait que malgré notre absence, notre album soit toujours d'actualité. Je souhaite que les gens nous soutiennent Diali et moi, pour que l’on puisse relancer notre carrière.
SOURCE : L’OBS NDEYE FATOU SECK / MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU/ AICHA FALL THIAM