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Pééminence du Sénat sur l'assemblée nationale : Pourquoi le recours de l'opposition ne pourra pas prospérer

Ismaïla Madior Fall, tout en reconnaissant que la prééminence devrait être donnée à la chambre issue du suffrage universel, souligne que cette situation ’est contingente et variable selon le système politique du moment’. Le constitutionaliste, que nous avons accroché en marge d’un atelier de restitution d’une étude sur les modifications constitutionnelles, est d’avis qu’en la matière, tout est fonction des rapports de confiance qui existent entre le chef de l’Exécutif et l’une ou l’autre des deux têtes du Législatif.


Rédigé par leral.net le Vendredi 25 Juillet 2008 à 12:39 | | 0 commentaire(s)|

Pééminence du Sénat sur l'assemblée nationale : Pourquoi le recours de l'opposition ne pourra pas prospérer
Wal Fadjri : En tant que constitutionaliste, pouvez-vous nous dire votre sentiment sur la prééminence du Sénat sur l’Assemblée nationale qui a été consacrée avant-hier par le règlement intérieur voté par le Congrès ?

Ismaël Madior Fall : Il y a au moins deux dimensions dans l’affaire. Il y a d’abord la dimension juridique. La dimension juridique, c’est quoi ? C’est quand un pays décide d’instituer une instance qu’on appelle le Congrès, instance qui réunit l’Assemblée nationale et le Sénat pour adopter une révision constitutionnelle. Le problème de la direction du Congrès doit être réglé par la Constitution. En France, par exemple l’article 89 de la Constitution nous dit que le bureau de l’Assemblée nationale est le bureau du Congrès. Au Sénégal, il y a eu un oubli. Le problème qui est important, comme on l’a vu ces derniers jours, n’a pas été réglé par la Constitution.

Wal Fadjri : Dès lors que le problème n’est pas réglé par la Constitution, que faut-il faire ?

Ismaël Madior Fall : Soit imaginer une solution politique - la concertation - et négocier sur la base d’un compromis ou d’un gentleman agreement pour voir qui va diriger les travaux du Congrès ou alors privilégier la concertation juridique qui consiste à se rattraper et régler le problème par un règlement intérieur. C’est ce qui a été proposé en l’occurrence.

Wal Fadjri : Et quelle est l’autre dimension du problème ?

Ismaël Madior Fall : La deuxième dimension du problème, c’est la dimension politique qui tient compte des circonstances, du contexte. Qu’est-ce que le contexte dit ? Que la présidence du Congrès soit attribuée au Sénat ou à l’Assemblée nationale ? On sait que, généralement, dans beaucoup de pays, la prééminence est accordée à l’Assemblée nationale. Pourquoi ? Parce qu’il y a ce qu’on appelle le bicaméralisme inégalitaire. Le bicaméralisme inégalitaire, c’est que les Parlements contemporains ont deux chambres, mais la primauté est accordée à la chambre issue du vote ; les députés sont issus du suffrage universel. Ce sont eux qui peuvent mettre le gouvernement devant la responsabilité du Parlement et les juridictions concernées. Et donc, la plupart des pays ont décidé de confier la présidence du Congrès à l’Assemblée nationale. Mais d’autres pays ont choisi de donner la primauté au Sénat. Par exemple en République démocratique du Congo (Rdc), c’est une présidence tournante. Donc tout est, en réalité, fonction du contexte politique, des rapports de confiance qu’il y a entre le président de la République qui demeure l’institution centrale de notre système politique - ça ne sert à rien de ne pas le reconnaître - et le président du Sénat ou de l’Assemblée nationale. Je veux dire, c’est vraiment une question à laquelle la réponse est contingente et variable selon le système politique et selon les circonstances du moment.

Wal Fadjri : L’opposition parlementaire a-t-elle une possibilité de recours ?

Ismaël Madior Fall : Il est difficile pour l’opposition parlementaire d’avoir une possibilité de recours si c’est le règlement intérieur du Congrès qui le décide. Si cette loi était imposée par un décret, elle aurait la possibilité de saisir la justice. Mais il n’est pas du rôle de l’Exécutif de s’immiscer dans le règlement intérieur du Congrès. Cependant, si c’est le règlement intérieur du Congrès qui règle la question et qui décide, il est difficile qu’il y ait un recours.

Propos recueillis par Charles Gaïky DIENE

Niang Pape Alé